Homélie du 7 novembre 2021 (Mc 12, 38-44)
Chanoine Roland Jaquenoud – Basilique de l’Abbaye de Saint-Maurice, VS
Aujourd’hui, l’évangile nous propose deux figures en contraste l’une avec l’autre : celle des scribes d’une part, celle de la pauvre veuve de l’autre.
Les scribes : ils apparaissent plusieurs fois dans les Evangiles. Souvent, ils sont en lien avec les Pharisiens. Les scribes de l’Evangile, ce sont des docteurs de la loi. En notre langage, on pourrait dire des spécialistes de la Bible, mais aussi des spécialistes en morale. Ils savent ce qui est permis et ce qui n’est pas permis. Ce sont des gens qui ont étudiés, qui sont capable d’enseigner les autres. Ils ont une autorité intellectuelle et morale reconnue.
La veuve : il ne semble pas que nous ayons besoin d’explications pour comprendre qui est la veuve de l’Evangile d’aujourd’hui. Pourtant Jésus, l’air de rien, révèle quelques éléments de son histoire. Elle est pauvre. Le don de deux toutes petites pièces de monnaie, qui serait une bagatelle pour quelqu’un d’autre, représente pour elle un vrai sacrifice. On peut imaginer là-derrière toute une histoire compliquée, faite de pauvreté, de déclassement, d’abandon par la société.
La foi vivante c’est le don de soi
Devant nos yeux donc, deux types, deux portaits bien contrastés. En regardant bien – en lisant bien l’évangile de ce jour – ce qui les distingue, ce n’est pas tant le savoir des uns et la pauvreté de l’autre. Ce qui les distingue, de manière radicale, c’est la manière de vivre leur foi.
Pour les scribes : ils « tiennent à se promener en vêtements d’apparat, ils aiment les salutations sur les places publiques,
les sièges d’honneur dans les synagogues,
et les places d’honneur dans les dîners.
Ils dévorent les biens des veuves
et, pour l’apparence, ils font de longues prières »
En contraste, la veuve « donne de son indigence » dit Jésus. Et pour que nous comprenions bien de quoi il s’agit, il rajoute : « Elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle a pour vivre ».
Les uns utilisent l’enseignement de la religion pour leur profit, tandis que la veuve, elle, met très concrètement la foi en pratique. Or la foi pratique, la foi vivante, c’est le don de soi-même.
Le cléricalisme mis en cause
Oh que voilà un évangile tout à coup bien actuel ! A l’heure où toute l’Eglise, du Pape jusqu’aux plus humbles fidèles, met en cause le cléricalisme – le cléricalisme, pas le sacerdoce ! Le sacerdoce, l’Eglise, corps du Christ en a besoin, parce qu’elle a besoin des sacrements pour être – A l’heure où toute l’Eglise dénonce le cléricalisme comme l’un des ses maux majeurs, que l’enseignement de Jésus sur les scribes est bienvenu ! La religion, en particulier les connaissances sur la religion, peuvent devenir un instrument de pouvoir, d’exaltation de soi-même, une source d’abus, parfois même d’enrichissement matériel. En bref, la pratique de la religion peut conduire exactement au contraire de son but, qui est le don de soi-même.
En ce sens, le cléricalisme menace bien sûr prêtres et évêques, supérieurs et supérieures de communautés, non seulement lorsqu’ils sont coupables d’abus caractérisés, mais aussi chaque fois qu’ils utilisent l’enseignement de la foi à leur profit, qu’il s’agisse d’un profit matériel, social, psychologique ou même spirituel. Mais plus largement, le cléricalisme menace chacun d’entre nous, quelle que soit notre place dans l’Eglise, chaque fois que nous utilisons la foi pour revendiquer une position dans tel ou tel groupe, une autorité morale, ou je ne sais quoi d’autre. Chaque fois que notre pratique religieuse nous mène sur le chemin de l’égoïsme, de l’ego-centrisme, au lieu de nous mener sur le chemin du don de nous-mêmes, de l’ouverture à l’Autre et à l’autre.
Partager sa propre indigence
Du coup, la pauvre veuve de l’Evangile ne nous est pas présentée par Jésus comme une personne à plaindre, mais comme un modèle à suivre. Les scribes sont des possédants : il possèdent un trésor, celui de la foi et de l’enseignement divin, mais de ce trésor ils ne donnent rien ; s’ils le font fructifier, ce n’est que dans leur intérêt propre. La veuve, elle, ne possède qu’une chose : son indigence. C’est de cela dont elle fait le don – en le faisant, nous dit Jésus, elle donne tout.
Jésus n’est-il pas entrain de nous dire que pour tout donner – c’est à dire pour vivre notre foi en vérité – il faudrait rechercher l’indigence de la veuve ? L’indigence est-elle le chemin vers le don de soi ? Le problème – le danger – viendrait-il du fait que nous sommes trop riches – trop riches à la manière des scribes : trop riches de nos certitudes, – trop riches … de nos valeurs ? La veuve n’a rien à donner : et c’est de ce rien dont elle fait le don. Et si le chemin de notre conversion passait par une vraie humilité ? Chers frères et sœurs, c’est le jour où j’aurai enfin compris que je ne suis pas mieux que les autres, que comme tout être humain je suis un indigent – indigent de la relation, indigent de l’amour, indigent de beaucoup de choses – c’est alors, et alors seulement que je pourrai commencer à donner, à partager vraiment, parce que je n’arriverai pas devant l’autre comme un supérieur, un donneur de leçons, un gestionnaire de vérité, un gros plein de soupe qui daigne donner quelques miettes de ce qu’il pense orgueilleusement posséder. J’arriverai enfin vers l’autre comme un frère, une sœur, qui n’a qu’une chose à partager : sa propre indigence. C’est ainsi, et pas autrement, que je pourrai un jour me présenter sous le regard de Jésus, comme la pauvre veuve de ce jour. Amen
32e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques : 1 Rois 17, 10-16; Psaume 145, 6c.7, 8-9a, 9bc-10; Hébreux 9, 24-28; Marc 12, 38-44
Trois femmes pour conseiller l’évêque de Sion
Bannière AED – Novembre 2021
L’église d’Hérémence célèbre ses 50 ans
Homélie du 31 octobre 2021 ( Mc 12, 28b-34)
Mgr Charles Morerod – Église Saint-Joseph, Lausanne
Un des aspects impressionnants de la Parole de Dieu, qui est vivante, est qu’on peut revenir sans cesse sur les mêmes textes et les redécouvrir à chaque fois. Cette redécouverte peut être favorisée par des circonstances. Il se trouve que ce dimanche, avant cette messe radiodiffusée, j’ai eu la joie de célébrer avec des prisonniers (samedi après-midi). Eh bien les commandements dont nous parle le Deutéronome et le commandement de l’amour repris par Jésus prennent une coloration particulière.
Notre relation avec notre prochain transformée par l’amour de Dieu ?
Nous voyons d’abord Moïse qui donne les commandements au peuple avec lequel Dieu conclut une alliance. Dieu dit au peuple « Je veux être avec vous », et dit au peuple comment il peut répondre s’il veut être avec Dieu. Le point de départ de la réponse du peuple élu réside dans son amour pour Dieu : « Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’Unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force » (Deutéronome 6,5). Dans l’Évangile d’aujourd’hui, Jésus ajoute le commandement : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Marc 12,31). Prier avec des prisonniers met en relief une question : est-ce que Dieu change quelque chose dans notre amour mutuel ? Aime-t-on son prochain de la même manière suivant que l’on aime Dieu ou non ? Notre relation avec notre prochain peut-elle être renouvelée, ou transformée, par l’amour de Dieu ?
Quand on regarde ce que Dieu fait pour nous, notre regard sur nous-mêmes et notre prochain en est renouvelé. On connaît refrain du récit de la création (en Genèse 1) : « Et Dieu vit que cela était bon ». Certes la Bible nous montre aussi que nous nous détournons, à plusieurs reprises, mais à chaque fois Dieu repropose son alliance, son amour. Au bout du compte le Fils de Dieu se fait homme, donne sa vie pour nous dans la mort et la résurrection. Regardons ainsi Dieu qui nous aime, et regardons notre prochain à la lumière de cet amour de Dieu.
Le prochain : quelqu’un pour qui le Fils de Dieu a donné sa vie
Dieu ne nie pas le mal, il ne prétend pas que nos actions soient sans conséquences, parfois graves, sinon le commandement de l’amour du prochain serait dénué de sens. Il prend le mal au sérieux et il vient y remédier en donnant sa vie pour chaque personne. Ainsi lorsque nous regardons la personne en face de nous – notre prochain – nous voyons quelqu’un pour qui le Fils de Dieu a donné sa vie. Quoi que nous pensions de cette personne, si nous pensons au prix auquel Dieu l’estime, nous revoyons notre jugement insuffisamment fondé…
Voilà le lien entre l’amour de Dieu et l’amour du prochain : comment pourrais-je ne pas aimer une personne que Dieu aime, alors que Dieu connaît cette personne et moi infiniment mieux que moi-même ? On dit de Michel Ange qu’il avait vu la statue (de la Pietà) dans le bloc de marbre. Dieu voit le trésor dans des personnes qui nous semblent de pierres : suivons son regard ! Et Dieu ne se contente pas d’aimer notre prochain : le Fils de Dieu donne sa vie. En n’aimant pas notre prochain nous suggérons au Christ que cette personne ne valait pas la peine d’une mort sur la croix.
« Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? » (Matthieu 5,46). Il n’y a pas besoin d’être chrétien pour aimer, heureusement ! Mais notre foi en un Dieu fait homme qui meurt par amour même de ses ennemis, ça change nos relations ! Et ça change tellement nos relations que nous avons envie d’étendre ce changement en partageant notre foi, comme nous le rappelle le mois de la mission qui se termine aujourd’hui.
31e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques : Deutéronome 6, 2-6; Psaume 17, 2-3, 4, 47.51ab; Hébreux 7, 23-28; Marc 12, 28b-34
Le parlement israélien veut privatiser le label kasher
Energies fossiles et institutions religieuses
L’inculture religieuse sur Facebook
Homélie du 24 octobre 2021 (Mc 10, 46b-52)
Abbé Joseph Hien – Chapelle de l’École des Missions, Bouveret/St-Gingolph, VS
« Allez ! De toutes les nations, faites des disciples : baptisez-les….. apprenez-leur à observer tout ce que je nous ai commandé ». (Mt 28,18-19).
C’est Jésus ressuscité qui l’a dit aux onze apôtres en Galilée, à la montagne où il « leur a avait ordonné de se rendre ». (Mt 28,18). Donc, Jésus a bien préparé cette rencontre, il a choisi lui-même le lieu de leur rendez-vous, un lieu tenu secret et loin de la foule. Ce très bref discours d’adieu de Jésus mettait ses disciples en mouvement : « De toute les nations faites des disciples…. Jusqu’à la fin du monde ». (Mt 28, 18.20). Ce discours de Jésus n’est-il pas l’origine de la célébration du dimanche de la mission universelle d’aujourd’hui ?
Impossible de nous taire
Frères et sœurs, la liturgie de ce dimanche nous invite à écouter la réponse de Pierre et de Jean devant les autorités de Jérusalem : « Il nous est impossible de nous taire sur ce que nous avons vu et entendu ». (Ac 4,20). La liturgie nous invite également à regarder Bartimée, le mendiant aveugle de Jéricho qui a miraculeusement été guéri et il « suivait Jésus sur la route ». Et ce matin nous prions avec l’église du Viêtnam, l’église hôte du dimanche de la mission.
« Il nous est impossible de nous taire », c’est l’affirmation de Pierre et Jean devant les autorités de Jérusalem. Or, Pierre et Jean et d’autres apôtres, ils sont au nombre de douze et sont choisis par Jésus et formés à son école missionnaire dont Jésus est maître.
Ces douze hommes sont des gens simples. Ils ont librement tout quitté, leur famille et leur profession pour répondre à l’invitation de Jésus : « Suis-moi ». Ils menaient une vie nouvelle avec Jésus. Ils ont partagé le quotidien avec leur maître. Ils sont formés par des rencontres de l’enseignement de leur maître avec des foules ou de colloque entre eux à la maison. Ces douze apôtres choisis par Jésus ont progressivement découvert l’identité de Jésus qui est le « Messie et envoyé du Père », un Messie investi de puissance infinie de Dieu. Il a la parole de la vie éternelle, il est la miséricorde de Dieu. Il parle le langage de Dieu, car il est Fils de Dieu. Désormais, l’esprit missionnaire de Jésus habite leur cœur, ils sont devenus des « pêcheurs d’hommes », c’est pourquoi ils ont affirmé avec force : « Il nous est impossible de nous taire sur ce que nous avons vu et entendu ». Le Pape François, dans son message pour le dimanche de la Mission universelle de cette année a écrit : « Quand nous expérimentons la force de l’amour de Dieu, quand nous reconnaissons sa présence de Père dans notre vie personnelle ou communautaire, il nous est impossible de ne pas annoncer ou partager ce que nous avons vu et entendu ». (Message du Pape François 2021).
Le manteau de Bartimée
Revenons à l’évangile de ce dimanche : la guérison miraculeuse du mendiant aveugle de Jéricho. Il s’appelle Bartimée, assis au bord de la route et couvert d’un manteau qui est toute sa richesse. « Appelez-le », dit Jésus à ceux avaient empêché Bartimée de s’approcher de Jésus.
« L’aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus ». Marc, évangéliste, n’a pas oublié le petit détail : « jeter le manteau » et courir vers Jésus avec joie. Peut-être, nous avons du mal à mesurer la portée de ce détail, mais l’aveugle de Jéricho, comme d’autres pauvres mendiants à l’époque, ne possédait certainement rien d’autres que ce manteau pour se couvrir. L’ancien testament accorde beaucoup d’importance au manteau du pauvre. Dans le livre de l’Exode, il existe dans la loi de Moïse une très belle prescription concernant le manteau : « Si tu prends en gage le manteau de ton prochain, tu le lui rendras avant le coucher du soleil. Car c’est sa seule couverture, c’est le manteau de son corps dans lequel il se couche ». (Exode 22, 25-26).
Bartimée a abandonné, sans hésitation, son manteau, son seul bien, pour venir à Jésus avant même d’être guéri.
« Assis au bord de la route », maintenant il est un homme nouveau, debout, il marche librement. « Il suivait Jésus sur la route ». Mais quel chemin ? Jésus en marche vers Jérusalem qui est précisément le début du chemin de la passion. Et c’est la fin d’une histoire simple de l’aveugle de Jéricho. On ne sait plus rien. Ce n’est pas important, car son rôle est terminé. Son histoire se confond désormais avec celle de tout homme, avec la nôtre, qui prend les moyens de marcher à la suite de Jésus.
L’Eglise du Vietnam
Frères et sœurs, en ce dimanche de la mission universelle, nous sommes invités à prier avec l’Eglise du Viêtnam, choisie comme l’église hôte. Le bulletin « Missio, partage et échange entre Eglises » nous donne quelques informations sur l’église du Vietnam. Le Viêtnam voit arriver les premiers missionnaires au 16e siècle et surtout au 17e siècle. Les missionnaires étaient très actifs dans les régions d’Asie. Le Vietnam a vécu des guerres interminables, de longues persécutions et la division du pays en 1954 puis la réunification en 1975. Aujourd’hui, le Viêtnam compte 27 diocèses dont 3 archidiocèses, 52 évêques pour 7 millions de fidèles sur 98 millions d’habitants.
L’église du Viêtnam compte plus de 2800 séminaristes dans onze grands séminaires, 80000 jeunes laïcs engagés dans la catéchèse et plus de 2668 prêtres répartis dans 2228 paroisses. En 1988, le Pape Jean-Paul II a canonisé 117 catholiques, au nom des centaines de milliers de martyrs vietnamiens.
Frères et sœurs, chers enfants, le Pape Jean-Paul II, durant son long pontificat, a souvent insisté sur la « ré-évangélisation de l’Eglise », et le Pape François aujourd’hui nous parle de l’urgence de la « transformation missionnaire de l’Eglise ». L’Eglise, par sa nature, est missionnaire. Tous les baptisés, par leur vocation baptismale, sont des envoyés, ils sont des missionnaires. « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux », (Lc 10,2), L’Eglise d’hier, l’Eglise d’aujourd’hui et celle de demain a toujours besoin d’ouvriers, de bons ouvriers, car la mission d’évangélisation est difficile : « Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups », (Lc 10,3). La route missionnaire n’est pas facile, mais n’ayons pas peur, car nous avons la certitude que Jésus « le bon pasteur, le puissant berger » est avec nous, il marche avec nous et nous invite tous les jours : « Allez, vous aussi, travailler à ma vigne » (Mt 20,4). Amen.
30e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques : Jérémie 31, 7-9; Psaume 125, 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6;e; Hébreux 5, 1-6; Marc 10, 46b-52
