Homélie du 27 décembre 2020 ( Lc 2, 22-40)

Mgr Charles Morerod – Basilique Notre-Dame, Lausanne

J’ai été frappé par ce que disait Madame Mo Costabella dans l’introduction de cette messe à la radio : la liturgie d’aujourd’hui parle beaucoup des personnes âgées : Abram (qui devient Abraham), puis Syméon et Anne. Il y a là quelque chose de significatif à plusieurs égards. Non seulement, comme nous le savons bien, il y a en ce moment une part de solitude, de souffrance, qui touche particulièrement les personnes âgées, atteintes dans leur lien avec leurs proches. D’une manière plus générale, ces personnes âgées mettent en évidence une méditation et une attente qui peut grandir en nous. On l’a dit pendant tout l’Avent, mais c’est encore vrai après Noël. Les lectures de ce jour montrent bien l’attente du Seigneur, et cette attente peut même croître en ce moment. Ici même à Lausanne, le soir du 24 décembre, l’abbé Aimé (nom programmatique) me disait qu’il est impressionnant de voir le nombre de personnes qui arrivent maintenant avec un nouveau questionnement spirituel : où allons-nous, avons-nous une espérance ?

La foi met en relation avec Dieu qui appelle


L’histoire d’Abraham, que nous avons entendue dans la première lecture, éclaire notre question. Abraham que nous appelons notre père dans la foi se trouve au point de départ dans une situation problématique. Dieu lui promet un pays pour une descendance improbable. Il demande donc comment cela va se faire : « Mon Seigneur Dieu, que pourrais-tu donc me donner ? Je m’en vais sans enfant » (Genèse 15,2). Dieu lui répond de ne pas s’inquiéter, car il lui donnera une descendance, à savoir nous-mêmes, ses descendants dans la foi. Il y a donc un lien entre la foi d’Abraham et sa descendance : c’est parce qu’il croit qu’il reçoit une descendance et un pays, et c’est dans la foi que nous sommes sa descendance.
La lettre aux Hébreux insiste sur la foi d’Abraham, modèle de la nôtre : « Abraham (…) partit sans savoir où il allait » (Hébreux 11,8), en obéissant à l’appel de Dieu. La foi nous met en relation avec Dieu qui nous appelle. C’est pour cela qu’Abraham se met en mouvement, après avoir posé des questions, comme le fera aussi la Vierge Marie à l’annonciation. Marie se demande comment elle pourra avoir un fils alors qu’elle ne connaît pas d’homme, et elle croit que ce qui est impossible pour les hommes ne l’est pas pour Dieu.

Syméon met en lien passé et nouveauté radicale


Toute notre vie chrétienne est un dialogue avec Dieu, dans le but de nous permettre de répondre à son amour. Dieu prend l’initiative, il nous demande ce qui dépasse nos forces, et nous sommes invités à accepter dans la foi. Les personnes qui entrent dans cette démarche (et cette marche) sont la famille de Dieu. L’évangile nous montre Syméon et Anne, qui sont au temple avec une attente qui a déjà des raisons d’espérance. Leur foi n’est pas au même stade que celle d’Abraham, parce qu’ils voient comment Dieu a déjà répondu aux promesses faites à Abraham. Ils voient Abraham, mais aussi Isaac, Jacob, puis Moïse ou David, la libération d’Égypte puis de Babylone… Syméon attend la consolation d’Israël en raison de consolations antérieures. Il reconnaît l’enfant que l’on vient présenter au temple parce que « l’Esprit Saint était sur lui » (Luc 2,25). La foi lui permet de mettre en lien le passé avec cette nouveauté radicale qu’est la venue en notre chair du Fils de Dieu. Se trouvant ainsi face au centre de l’histoire, il peut dire dans sa foi ce que l’Église nous invite à dire chaque soir (le bréviaire étant proposé à tout le Peuple de Dieu) : « Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël » (Luc 2,29-32). Syméon voit de ses yeux où va sa vie : ce sens que tout être humain cherche plus ou moins consciemment.

Invités à être la famille de Dieu


Nous fêtons la Sainte Famille, de Jésus, Marie et Joseph. Mais cette famille n’est pas fermée sur elle-même. D’ailleurs le Fils de Dieu n’a pas besoin de se faire homme : il le fait pour nous. La descendance d’Abraham aboutit à ce que, par l’union que nous propose le Christ, nous partagions sa vie divine (don reçu au baptême). Nous sommes ainsi invités à être la famille de Dieu, le Peuple de Dieu, le Corps du Christ, l’Épouse du Christ : toutes ces manières de parler de l’Église montrent que Dieu nous unit à lui. C’est ce que nous célébrons dans la communion eucharistique.

DIMANCHE de la SAINTE FAMILLE
Lectures bibliques : Genèse 15, 1-6 ; 21, 1-3; Psaume 104 (105), 1-2, 3-4, 5-6, 8-9; Hébreux 11, 8.11-12.17-19; Luc 2, 22-40

Homélie TV du jour de Noël 25 décembre 2020 ( Jn 1, 1-18)

Abbé Jean Burin des Roziers – Chapelle de la Longeraie, Morges


Chaque année, nous célébrons dans la joie la fête de Noël ;
nous avons préparé une belle crèche
et nous entendons des chants traditionnels
qui nous rappellent ce grand événement : la naissance de Jésus.
Nous pouvons nous demander :
qu’est-ce que cette naissance
vient changer dans notre monde ?
En apparence, rien.
Le mal continue son œuvre,
la souffrance atteint tous les habitants de cette planète,
la mort nous sépare physiquement de nos proches…
Mais l’essentiel n’est-il pas invisible pour les yeux ?
La lettre aux Hébreux affirme :
« Dieu nous a parlé par son Fils,
qui porte l’univers par sa parole puissante. »

Jésus nous parle de son Père


Jésus, le Fils de Dieu, vient donc nous parler de son Père,
et il le fait avant même de pouvoir prononcer
des paroles compréhensibles.
C’est par sa présence toute humble, dans un bébé,
qu’il nous révèle l’amour et la proximité de Dieu.

Saint Jean nous dit dans son prologue :
« Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. »
La Parole de Dieu, Créateur du ciel et de la terre,
s’anéantit jusqu’à devenir un minuscule embryon.
C’est cela le mystère de l’Incarnation.
Thomas a Kempis, un mystique allemand du Moyen-Âge, déclare :
« Nulle part dans le monde il y a eu un aussi grand miracle
que dans cette petite étable de Bethléem :
ici Dieu et l’homme sont devenus un. »

« Confiné » par amour

Nous pourrions dire que le Fils de Dieu
s’est « hyper-confiné » par amour pour nous.
Lui qui est éternel et au-delà de tout, il a choisi de venir sur terre
à une époque précise et dans un lieu déterminé.
Il nous montre ainsi l’importance du temps,
de l’espace et de nos racines,
que nous vivions en Suisse, en France ou en Irlande.
Il nous rejoint précisément là où nous sommes.

Le concile Vatican II, dans la Constitution Gaudium et spes,
affirme que notre humanité « a été élevée à une dignité sans égale.
Car, par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte
uni lui-même à tout être humain. »
Il a voulu connaitre notre existence humaine dès le début,
en se confinant neuf mois dans le corps de sa maman Marie.
Ainsi, le Christ a révélé la valeur infinie de chaque personne
dès sa conception jusqu’à sa mort.
Chacun de nous est précieux pour Dieu.
Personne n’est indifférent à ses yeux.

Voilà le véritable changement survenu
lors de la naissance de Jésus : le Seigneur devient l’un de nous.
Il assume tellement notre humanité
que l’on peut passer à côté de lui sans nous apercevoir de sa présence.

Dieu présent dans notre réalité humaine

Ce petit enfant qui vient de naître, c’est Dieu lui-même.
Ainsi, depuis la naissance de Jésus, Dieu est toujours présent
dans notre réalité humaine.
Il ne nous abandonne jamais :
« voici que je suis avec vous tous les jours
jusqu’à la fin des temps », affirme Jésus
à la fin de l’Evangile selon saint Matthieu.

Dieu a choisi de se confiner
pour rejoindre tous ceux qui sont confinés :
les malades à domicile ou dans les hôpitaux,
les personnes âgées qui ne peuvent plus se déplacer,
les prisonniers qui ne peuvent pas sortir…
Sans compter tous ceux qui sont confinés de l’intérieur
par la peur, la paresse ou le péché…

Oui, Dieu s’est confiné pour nous dé-confiner de l’intérieur,
pour nous remplir de sa présence et élargir notre cœur.
En fait, Dieu se fait tellement proche de nous
qu’il se rend présent en chaque humain.
Jésus affirme : « Tout ce que vous avez fait
à l’un de ces petits d’entre les miens,
c’est à moi que vous l’avez fait. »
Vous cherchez Dieu ? Pas besoin de lever les yeux au loin,
il est là auprès de vous, tout près de vous, en vous,
et même dans chaque prochain que vous rencontrez.
Il est là dans cette personne en précarité,
dans ce malade, dans ce prisonnier, dans ce petit bébé,
dans cette personne âgée… et même dans votre voisin.

Voilà pourquoi le cœur de la vie chrétienne réside dans l’amour :
« Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »
Car en aimant notre prochain, nous aimons Jésus lui-même,
lui qui s’est uni à tout être humain.
Voilà pourquoi toute atteinte à la vie et à la dignité
des autres humains est un crime non seulement contre l’humanité,
mais aussi un péché qui offense Dieu lui-même…

Saint Jean affirme dans son prologue
qu’en Jésus « étaient la vie et la lumière des hommes,
et que cette lumière brille dans les ténèbres. »
Dans une de ses lettres, il nous dit :
« Celui qui aime son frère demeure dans la lumière. »
Le Fils de Dieu est venu apporter la lumière de sa présence
et de son amour dans nos cœurs,
afin que nous puissions aimer les autres comme lui
et ainsi chasser les ténèbres du mal et de la peur.

Qu’est-ce qui a changé à Noël ?
Apparemment rien, mais tout en vérité.
Dieu nous fait cadeau de sa présence continuelle
et il nous invite à tourner notre regard vers l’essentiel.
Nous voyons un bébé dans une crèche, une personne
sur notre route et une hostie pendant la messe.
N’oublions pas que c’est chaque fois Jésus, le Fils de Dieu,
qui est là présent malgré les apparences.
Aimons-le de tout notre cœur
pour notre plus grand bonheur.
Amen.

LA NATIVITÉ DU SEIGNEUR
Lectures bibliques : Isaïe 52, 7-10; Psaume 97, 1, 2-3ab, 3cd-4, 5-6; Hébreux1, 1-6; Jean 1, 1-18

Homélie du jour de Noël 25 décembre 2020 (Jn 1, 1-18)

Père Jacques Thomas, dominicain – Collégiale Saint-Laurent, Estavayer-le-Lac, FR

Devant l’enfant de la crèche, entouré par l’âne et le bœuf, les adultes s’attendrissent. Pas tout à fait autant que devant une vidéo de chat sur Youtube, mais tout de même, ils s’attendrissent. La presse titre : « c’est la magie de Noël » ! Et d’ailleurs, on se réjouit qu’en dépit des inquiétudes liées à la situation sanitaire, le gouvernement ait « sauvé Noël » ! Inversion historique et religieuse révélatrice de l’époque, car enfin, qui sauve qui, dans cette histoire ?

Pas un conte de Noël


À Noël, les enfants s’émerveillent et les parents s’attendrissent. Nul ne s’en plaindra, la dureté des temps réclame un peu de tendresse. Pourtant, le récit de la Nativité du Seigneur est tout sauf un gentil conte pour enfants. Des étrangers qui ne sont pas accueillis et doivent se réfugier dans un taudis, la vie naissante qui est refusée par tout un système prêt à mettre à mort tous les enfants indésirables, ce n’est pas un conte de Noël ni même une histoire d’un temps révolu : c’est notre présent, avec toute sa noirceur.
Sans doute parce que l’enfant Jésus est Dieu qui se fait homme, parce qu’il est l’éternité qui entre dans le temps, il semble que cette naissance il y a 2 000 ans soit très exactement notre contemporaine. Comme il y a 2 000 ans, il y a très peu de monde autour de la crèche ce matin. Plus que d’habitude, c’est vrai, les anges ont fait leur travail. Mais enfin il n’y a pas foule dans les églises au point qu’on doive refouler du monde ! Comme il y a 2 000 ans, les gens qui comptent, les gens importants, les élites ne se sont pas déplacées pour si peu.
Les gouvernements ont bien voulu concéder qu’on fête Noël, mais ils sont restés chez eux en méprisant ce petit roi de pacotille qu’est l’enfant Jésus de la crèche. Le nouveau clergé médiatique a bien consacré un entrefilet à ce reliquat de culture folklorique que les chrétiens s’entêtent à préserver, mais on préfère exalter d’autres idoles. Les élites économiques, elles, se moquent de cet enfant de pauvre, paradoxalement occasion d’un profit astronomique, à qui on ne trouve rien d’autre à acheter comme cadeau qu’un peu d’or, d’encens et de myrrhe, contre toute logique marketing.
Aujourd’hui comme il y a 2 000 ans, autour de l’enfant de la crèche, autour de Jésus venu en notre chair pour nous sauver, il y a seulement Marie, Joseph, le bœuf et l’âne, bientôt quelques bergers. Puisqu’on ne saurait sans quelque prétention s’identifier à Marie ou à Joseph, il nous reste le rôle de l’âne, du bœuf ou des bergers. Ma foi, il y a pire ! Ils ont le mérite d’être là et de présenter à l’enfant Jésus tout ce qu’ils sont, tout ce qu’ils ont, et ce n’est pas grand-chose mais c’est déjà énorme.

Adopter le regard de l’enfant Jésus


Oui, c’est énorme ! Et c’est pour ça qu’on ne peut pas étirer trop longtemps le cynisme dans cette prédication du matin de Noël. Car si l’attendrissement du regard des adultes sur l’enfant de la crèche a quelque chose de légèrement factice, si le mépris des élites de notre temps sur Jésus, ce qu’il est et ce qu’il représente, a quelque chose de bas et de minable, il nous faut changer de perspective. Il nous faut adopter le regard de l’enfant Jésus sur ceux qui l’entourent en cet instant de sa naissance.
Ce nouveau-né qui ouvre pour la première fois des yeux écarquillés sur le monde qui l’entoure, que voit-il ? Il voit des formes, des visages, des ombres, penchées sur la mangeoire, dont il perçoit sans doute confusément que ce sont des amis, des familiers. Mais ce qui est le plus frappant, c’est que dans sa petitesse et depuis la position où il se trouve, il nous voit immenses, il nous voit comme des géants ! Tous ici, les enfants comme les adultes, les piliers de paroisse comme les occasionnels venus pour faire plaisir aux grands-parents et sacrifier aux traditions familiales, tous, Jésus nous voit immenses, géants !

Il nous regarde comme ayant une valeur immense


Ce n’est pas là une erreur de perspective, une illusion d’optique qui se dissipera bien vite avec la croissance de l’enfant. Ce n’est pas comme ces souvenirs d’enfance où l’on se rappelle telle personne ou tel endroit comme immense et dont on s’aperçoit finalement, après quelques années, qu’ils étaient tout petits. Non, en grandissant, et jusqu’à la Croix, alors que cette fois-ci Jésus nous regardait depuis une hauteur, Jésus nous voit toujours, chacun d’entre nous, comme des personnes d’une grandeur incomparable. De la Crèche à la Croix, Jésus nous regarde comme ayant une valeur immense à ses yeux qui demeurent des yeux d’enfant émerveillé. Et son regard à lui est juste et vrai, c’est le seul à voir vraiment ce qu’il regarde, ce qui s’appelle voir.
Ce n’est pas étonnant. Jésus, Dieu fait homme, s’est fait une spécialité de renverser nos représentations. Dieu qui régnait tranquillement depuis son trône céleste en envoyant des messagers de temps à autres choisit de se faire petit enfant, de se rendre vulnérable, de prendre des risques. En Jésus, Dieu se fait proche, et la proximité implique toujours un risque. C’est la folie de l’amour. Nos représentations toute faites sur Dieu et ce qu’il devrait être ou devrait faire sont renversées. Alors le regard que Jésus porte sur nous peut lui aussi être renversant.

Jésus nous voit grands, immenses, parce qu’il nous voit créés à son image. Jésus nous voit grands, immenses, parce qu’il nous voit recréés par sa grâce dans le baptême et dans la vie de l’Église. Jésus nous voit grands, immenses, parce qu’il sait à quelle sainteté nous sommes appelés, à quelle béatitude éternelle nous sommes invités dans l’intimité de la Trinité.
Et Jésus voit loin, son regard voit bien au-delà de ceux qui sont déjà tout proches de lui. Ceux qui sont loin de lui, Jésus les voit grands aussi, parce qu’ils sont eux aussi aimés d’un amour infini et appelés à rejoindre un jour, peut-être seulement au jour de leur mort, peut-être très invisiblement et seulement à demi consciemment, le corps mystique du Christ qu’est l’Église. Parlons-en, tiens, de ce corps mystique du Christ. Aujourd’hui, cette expression désigne surtout l’Église. Historiquement, l’expression désignait plutôt l’eucharistie. Ce glissement de signification n’a rien d’un hasard. C’est la participation à l’eucharistie, la manducation du corps eucharistique du Christ sous les espèces du pain et du vin consacrés qui édifie l’Église, qui fait de nous le corps mystique du Christ. Et c’est de cela, ultimement, qu’il s’agit à la crèche, à Noël !

Le début d’une histoire d’amour fou avec Dieu ?


Car enfin, les mots ont un sens. Le corps de l’enfant Jésus est posé dans une mangeoire. La scène a lieu à Bethléem, qui signifie maison-du-pain. Jésus, une mangeoire, du pain… C’est donc que Noël nous invite à manger le corps eucharistique de Jésus sous les espèces du pain, pour devenir un peu plus son corps mystique. Là encore, cela exige de changer de regard sur la réalité, d’adopter la perspective de Jésus sur le monde qui nous entoure et sur nous-mêmes. En ce matin de Noël, dans la participation à l’Eucharistie, nous sommes tous grands, immenses, sous le regard de Jésus. Et c’est cela qui fait notre joie. Toute naissance est le début d’une histoire. Si en ce matin de Noël, cette naissance de l’enfant Jésus était pour nous le début d’une histoire d’amour fou avec Dieu ? Amen.

LA NATIVITÉ DU SEIGNEUR
Lectures bibliques : Isaïe 52, 7-10; Psaume 97, 1, 2-3ab, 3cd-4, 5-6: Hébreux 1, 1-6; Jean 1, 1-18

Homélie TV de la messe de minuit 25 décembre 2020 (Lc 2, 1-14)

Abbé Tom Gilroy – Eglise St-Finian, Clonard, Irlande

En cette nuit de Noël, nous sommes attirés par Bethléem… L’année a été difficile…
Ce soir, avec l’aide du bienheureux Luc, nous pouvons profiter du spectacle de la naissance du Christ.
Nous sommes ensemble à son appel pour nous émerveiller de sa naissance… pour profiter de Sa présence.
Oui, c’est l’appel de la nuit… profitez de cette nuit ! C’est une nuit d’espoir… nous pouvons le sentir dans nos cœurs… prenez juste un moment.
Nous sommes les disciples du Christ, réunis avec nos sœurs et nos frères en compagnie de notre Seigneur, à son invitation à le voir au début de sa vie.

La vue de sa naissance

Le majestueux empereur et son puissant fonctionnaire s’effacent rapidement pour être remplacés par un homme et une femme humbles, arrivés à Bethléem, attendant leur précieux enfant. Leur précieux enfant… leur merveilleux enfant… « CONSEILLER-MERVEILLEUX, DIEU-FORT, PÈRE-A-JAMAIS, PRINCE DE LA PAIX. »
Avez-vous remarqué dans les lectures sélectionnées pour cette nuit que son nom le plus courant n’est pas mentionné ? Bien sûr, ce n’est pas nécessaire, nous, les disciples, Le connaissons si bien. Nous savons qui Il est. Nous savons ce qu’Il a fait pour nous, ce qu’Il fait pour nous, ce qu’Il fera pour nous. Nous connaissons le Seigneur Jésus, Dieu qui nous sauve. Ce soir, nous profitons simplement de la vue de sa naissance.

« Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière. »
Dans l’imagination du vieux prophète, Dieu n’a pas abandonné son peuple aux ténèbres, Dieu ne nous a pas laissé porter le poids de notre existence… non…
Plus tard, saint Paul confirmera cette vérité : « La grâce de Dieu a été révélée, et elle a rendu le salut possible pour toute la race humaine. »
Quelle BONNE NOUVELLE à entendre… N’est-ce pas encore plus merveilleux de la voir présentée comme un drame ?

La glorieuse présence du Seigneur

Et ainsi, l’empereur sort et les bergers entrent en scène.
Comme il se trouve qu’ils font leurs affaires pendant la nuit (dans les ténèbres), on peut les imaginer vivant et travaillant dans l’obscurité.
Dans notre imaginaire, ils deviennent les représentants idéaux de l’humanité, car ils vont de pair avec le travail ordinaire. Il y a mieux !
Avec l’arrivée du magnifique Ange du Seigneur – un ange si proche du Seigneur qu’il brille de la GLOIRE DU SEIGNEUR.

Nos bergers sont terrifiés (remplis de la crainte du Seigneur). Oui… ils représentent effectivement l’humanité … l’humanité maintenant en présence de Dieu.
La glorieuse et lumineuse présence du Seigneur nous permet de nous voir tels que nous sommes… osons le murmurer, nous sommes pécheurs !
Notre instinct n’est pas une place de choix… « Seigneur, retire-toi de moi, parce que je suis un homme pécheur. » (Luc 5 : 8 – 10)

N’ayez pas peur !

Mais ce soir, Dieu, par la voix de son ange resplendissant, n’a rien de tout cela.
N’ayez pas peur, laissez-moi vous parler de la naissance du Christ… laissez-moi vous donner un signe… oui… un signe… un signe vivant que vous pouvez aller voir.
À Bethléem, un petit garçon couché dans une crèche, enveloppé dans des langes … il est né pour vous un sauveur, c’est le Christ Seigneur.
C’en est trop pour l’Hôte céleste et le ciel tout entier doit se mettre à chanter sous le regard des bergers (nous, l’humanité).
Dieu et l’homme, sans crainte, se sont unis dans un chant sur un terrain en dehors de Bethléem… Dieu s’est fait homme dans une crèche à Bethléem !

Ce soir, ce moment est le cadeau du Seigneur pour nous. Nous Le reconnaissons comme notre Sauveur, notre Seigneur… comme notre Frère.
Et nous ressentons une confiance grandissante en étant ses disciples, ses disciples aimants… car nous le connaissons depuis le moment de sa naissance.

UN SOUHAIT DE NOËL.
Que la paix soit avec vous !
La paix de ce lointain matin lumineux
Quand il est né !
Que la joie soit avec vous !
La joie de l’étoile – brillante dans les yeux des bergers – remplissait les sages
Et les rois, et oh ! La joie au-dessus de la terre
Au-dessus de l’étable de sa naissance, des anges chantent dans les cieux !
[Traduction d’un poème de Michael Walsh. Poèmes choisis. 1996]

LA NATIVITÉ DU SEIGNEUR
Lectures bibliques : Isaïe 9, 1-6; Psaume 95, 1-2a, 2b-3, 11-12a, 12b-13a, 13bc; Tite 2, 11-14; Luc 2, 1-14

Homélie de la messe de minuit 25 décembre 2020 (Lc 2, 1-14)

Abbé Jean Glasson – Eglise St-Pierre-aux-Liens, Bulle

Nuit de la guerre ; nuit de la faim ; nuit de l’injustice et de la haine ; nuit de la maladie ; nuit du chômage ; nuit de la dépression ; nuit de la solitude… c’est malheureusement ce qu’expérimente un trop grand nombre d’êtres humains à travers le monde. Du plus profond de leur misère, un cri s’élève : pourquoi ? C’est le cri qui jaillira du cœur du Christ sur la croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Dieu voit la misère de son peuple

Mystérieusement ce cri ouvre à un dialogue. C’est dans la douloureuse expérience de sa finitude que l’être humain supplie Dieu, afin qu’il vienne le libérer de la souffrance et de la mort, mais surtout de l’esclavage du péché qui en est la source. Tout au long du Premier Testament, Dieu révèle qu’il voit la misère de son peuple et lui promet la venue d’un Sauveur. Nous imaginerions un héros, un homme providentiel muni de super pouvoirs pour éradiquer le mal.

La réponse de Dieu est déconcertante

La réponse de Dieu est radicalement autre : « Voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. »

Un bébé pour faire face aux ténèbres qui nous oppressent ? La réponse de Dieu est déconcertante, avouons-le… Néanmoins celui ou celle qui s’ouvre humblement à cette réponse comprend toujours mieux que la fragilité de cet enfant est sa force : elle est celle de l’amour. En 1961, l’abbé Maurice Zundel, prêtre mystique de notre diocèse, prend l’exemple de la conversion de l’écrivain Paul Claudel pour montrer comment la fragilité de Dieu conquiert les cœurs : « C’est précisément parce que Dieu est pure générosité, parce qu’il est tout amour, parce qu’il n’est qu’un cœur, parce qu’il ne peut qu’aimer, qu’il est un Dieu fragile, un Dieu désarmé. Claudel l’a reconnu, à Notre-Dame de Paris le jour de Noël 1886, en entendant chanter les vêpres de la fête. Il a perçu dans une lumière irrésistible « l’innocence déchirante et l’éternelle enfance de Dieu ». Et c’est ce Dieu désarmé qui l’a vaincu. »

Un Dieu désarmé

Cela est bouleversant de vérité lorsque nous contemplons une crèche. Au centre : l’enfant Jésus fragile et dépouillé ; tout autour de lui convergent des bergers, des mages, des anges, des animaux, puis toute une foule de santons représentant les âges de la vie et les diverses activités humaines. Tous les visages sont tournés vers l’enfant qui, par sa fragilité et sa pauvreté révèle le Dieu-Amour. Ouvrant l’humanité à une filiation renouvelée, il l’ouvre ainsi à une fraternité renouvelée. C’est cette fraternité universelle que le pape François appelle de ses vœux dans sa dernière encyclique Fratelli tutti.

Une vraie fraternité

Accueillir le Christ, suivre le chemin d’humilité que nous indique l’Evangile, vivre vraiment en enfants de Dieu et voir en chaque être humain un frère et une sœur, voilà le grand cadeau que les chrétiens sont appelés à offrir au monde qui ploie sous le poids du fardeau. Alors la lumière du Sauveur touchera tous les cœurs et l’humanité, liée par une vraie fraternité, attendra joyeusement le retour glorieux de son Seigneur même si les forces du mal se déchaînent encore pour un peu de temps. En effet, là où est l’amour, « la ténèbre n’est pas ténèbre, et la nuit comme le jour est lumière » (psaume 138 (139), 12) !

LA NATIVITÉ DU SEIGNEUR
Lectures bibliques : Isaïe 9, 1-6; Psaume 95, 1-2a, 2b-3, 11-12a, 12b-13a, 13bc; Tite 2, 11-14; Luc 2, 1-14