D'anciens témoignages ont refait surface dans l'affaire Orlandi | Domaine public
Vatican

Affaire Orlandi: des témoignages pointent vers la bande de la Magliana

Emanuela Orlandi, fille d’un employé du Vatican disparue mystérieusement en 1983, aurait été kidnappée par un certain Marco Sarnataro – aujourd’hui décédé – pour le compte d’Enrico De Pedis, chef d’une organisation criminelle romaine appelée la «Bande de la Magliana». C’est ce que tend à démontrer, 39 ans après les faits, plusieurs éléments d’une enquête effectuée en 2008 qui ont été publiés par La Repubblica les 6 et 7 août 2022. 

La principale nouveauté découverte par le quotidien italien est une confession effectuée en septembre 2008 par le père de Marco Sarnataro, Salvatore Sarnataro, auprès des enquêteurs. Cet ancien bras droit du ›capo’ Enrico De Pedis – surnommé ›Renatino’ – déclare, dans un procès verbal que reproduit l’édition romaine du journal, que son fils lui aurait confessé l’enlèvement alors qu’ils étaient tous les deux incarcérés dans la prison romaine de Regina Coeli pour trafic et possession d’armes.

Il lui aurait en effet avoué «à l’heure de la promenade» qu’il avait participé à l’enlèvement en ces termes: «il m’a dit que pendant plusieurs jours, lui et ›Ciletto’ (un certain Angelo Cassani, selon La Repubblica, ndlr) et ›Giggetto’ (le surnom d’un certain Gianfranco Cerboni, ndlr) ont suivi Orlandi dans les rues de Rome sur ordre de Renato De Pedis, qu’ils appelaient le ›Président’». Angelo Cassani et Gianfranco Cerboni ont été présentés au juge à l’issue de l’enquête, mais finalement acquittés.

Une berline BMW

Après l’avoir suivie pendant «quelques jours», Marco Sarnataro aurait «reçu l’ordre» du patron de la bande de la Magliana de «la faire monter dans une berline BMW sur la Piazza Risorgimento à un arrêt de bus». D’autres témoignages plus anciens mais pas tous concordants ont évoqué la présence d’une berline à cet endroit, situé au pied des murailles du Vatican, le jour de l’événement. Emanuela Orlandi, aurait déclaré le fils à son père, serait montée «sans problème». 

Les malfrats l’auraient ensuite emmenée au «petit lac de l’EUR», soit dans un parc situé dans de ce quartier du sud de la capitale, où un certain «Sergio» [probablement Sergio Virtù, ndlr], le «chauffeur et l’homme de confiance de De Pedis», les attendait pour récupérer la fille et la voiture. En récompense, Marco Sarnataro aurait reçu de la part du criminel une «moto Suzuki 1100». Le témoignage s’arrête là.

Un témoignage concordant d’amis de la victime

La piste menant à Marco Sarnataro, décédé en 2007 à l’âge de 46 ans, est liée à son identification quelques jours avant la confession de Salvatore Sarnataro par deux anciens amis d’Emanuela Orlandi. Un procès verbal là encore inédit a été publié par La Repubblica le 7 août 2022. Ces derniers se seraient fait présenter 18 portraits de criminels romains par la police, dont celui de Marco Sarnataro, qu’ils ont alors formellement reconnu. 

Les deux camarades d’Emanuela Orlandi se sont alors souvenus que cet homme avait approché la jeune fille quelques jours avant son enlèvement alors qu’elle était en voiture avec eux dans Rome. Se penchant sur la fenêtre ouverte de leur véhicule où se trouvait la jeune fille, Marco Sarnataro lui aurait touché le bras en disant: «La voilà!».

Quel rôle pour le Vatican?

L’affaire de la disparition d’Emanuela Orlandi a passionné bien au-delà des frontières italiennes, et le Vatican a été souvent pointé du doigt ces dernières années, principalement en raison du travail du père d’Emmanuel Orlandi. Ce dernier était employé de la préfecture de la Maison pontificale, le premier cercle évoluant autour du pape – à l’époque Jean-Paul II. Sa fille, disparue à l’âge de 15 ans, habitait avec lui et le reste de sa famille à l’intérieur du petit État.

L’enquête est close depuis 2015, même si la famille et de nombreux journalistes continuent à enquêter sur l’affaire. Pour l’heure, aucune preuve ne permet cependant d’incriminer des personnes appartenant au Saint-Siège, même si, depuis le début de l’enquête, plusieurs sources souvent anonymes ont directement mis en cause le Vatican.

De nombreuses pistes

L’affaire a notamment été mêlée à celle de la tentative d’assassinat de Jean-Paul II en 1981 par les Loups Gris, organisation terroriste à laquelle aurait appartenu Ali Ağca, l’homme responsable de la tentative. Ce dernier a affirmé en 2006 que la jeune fille était en vie, mais son témoignage est jugé peu crédible en raison de ses tendances mythomanes et délirantes.

En 2005, un nouveau signalement anonyme apporte un éclairage nouveau sur le lien entre le Vatican et la bande de la Magliana. Il permet de découvrir que la dépouille d’Enrico De Pedis – assassiné en plein Rome en 1990 dans des conditions non élucidées – repose dans un caveau de la basilique Saint-Apollinaire, dans la Ville Éternelle. Son inhumation a été autorisée par le cardinal Ugo Poletti, alors vicaire de Rome et mort en 1997, auquel le criminel aurait versé près de 450’000 euros. 

En 2006, les confessions d’une ancienne maîtresse d’Enrico De Pedis, Sabrina Minardi, vont entraîner la réouverture de l’enquête et alimenter une nouvelle fois la suspicion à l’égard du Saint-Siège. L’Italienne a en effet accusé le Vatican de cacher des preuves et a pointé du doigt la responsabilité du cardinal Giovanni Battista Re, à l’époque substitut pour les affaires générales de la Secrétairerie d’État. Le cardinal italien et le Saint-Siège ont toujours nié avec fermeté toute implication. 

Le nom de Mgr Paul Marcinkus, président de l’IOR (banque privée du Vatican) à l’époque a aussi été évoqué. Plusieurs témoignages non-vérifiés, dont celui de Sabrina Minardi, ont fait le lien entre l’enlèvement de la jeune fille et une hypothétique découverte par le père d’Emanuela Orlandi de documents compromettants concernant l’affaire de faillite de la banque Ambrosiano en 1982, le plus grand scandale financier du Vatican. Cette version a aussi été fermement démentie par le Saint-Siège.

En 2008, un homme appelé Marco Acetti, s’était dénoncé, affirmant avoir participé à l’enlèvement de la jeune fille, effectué selon lui pour faire pression sur Jean-Paul II en raison de son positionnement anticommuniste.

Anaylse ADN

Cependant, faute de preuves concluantes, toutes ces différentes pistes ont été abandonnées quand l’enquête a été classée par le juge Giuseppe Pignatone en 2015. Ce dernier, connu pour avoir mené le grand procès contre la mafia dans la capitale italienne – «Mafia Capitale» –, est depuis 2019 président du tribunal de première instance de la Cité du Vatican.

En 2018, des ossements ont été découverts lors de travaux dans la nonciature du Vatican en Italie. Après analyse ADN, les os n’étaient pas ceux d’Emanuela Orlandi. En 2019, une enquête avait été ouverte après un signalement de la présence de la dépouille de la Romaine dans le cimetière teutonique, une petite cour située au sein du Vatican. Les fouilles effectuées dans des tombes anonymes n’ont cependant abouti à aucune découverte. (cath.ch/imedia/cd/bh)

D'anciens témoignages ont refait surface dans l'affaire Orlandi | Domaine public
8 août 2022 | 14:26
par I.MEDIA
Temps de lecture: env. 5 min.
Criminalité (26), Enquête (46), Italie (242), Orlandi Emanuela (26), Vatican (537)
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