Rome: Le pape Jean Paul II publie sa 13 encyclique

APIC -dossier

«Fides et ratio» sur les rapports entre la foi et la raison

Jean Paul II vise haut pour contempler la vérité

Rome, 15 octobre 1998 (APIC) «La foi et la raison sont comme les deux ailes qui permettent à l’esprit humain de s’élever vers la contemplation de la vérité.» D’emblée, la nouvelle encyclique de Jean Paul II «Fides et Ratio» vise haut. Face au scepticisme général, il importe aujourd’hui de réconcilier philosophie et théologie pour marcher à la recherche de la «fin ultime» de l’homme, pour partir à la quête de la vérité. Le texte de 165 pages a été présenté jeudi à Rome.

«Il ne peut donc y avoir de compétitivité entre la raison et la foi, l’une s’intègre à l’autre, et chacune a son propre champ d’action», souligne le pape. Une manière de réactualiser la pensée du père de la philosophie du Moyen-Age, saint Thomas d’Aquin. Jean-Paul lI veut lancer un vaste mouvement de solidarité avec les intellectuels et les scientifiques pour créer un front de refus du nihilisme et du pragmatisme ambiant, relève Mgr Josef Zycinski, nouvel archevêque de Lublin, philosophe des sciences et ami du pape

La nouvelle encyclique de Jean Paul II vise haut. Elle ne contient ni interdits, ni règles éthiques, ni réflexion doctrinale ou pastorale, ni percée œcuménique, mais s’attache à la recherche de la «fin ultime de l’homme». Jean Paul II, pape philosophe, a voulu donner une suite à son encyclique précédente «Veritatis Splendor» afin de «concentrer l’attention sur le thème même de la vérité et sur son fondement par rapport à la foi.» «La philosophie qui a la grande responsabilité de former la pensée et la culture par l’appel permanent à la recherche du vrai, doit retrouver vigoureusement sa vocation originelle», insiste le pape.

Jean Paul II s’adresse en priorité aux évêques, «témoins de la vérité divine et catholique», selon l’expression de Vatican II, aux théologiens et aux philosophes. Mais le chrétien de base peut aussi être intéressé, car «la parole de Dieu s’adresse à tout homme en tout temps et sur toute la terre; et l’homme est naturellement philosophe».

L’encyclique «Fides et Ratio» cherche à redonner confiance dans les capacités cognitives de l’homme; dans un climat culturel marqué souvent par le relativisme et le scepticisme, elle veut aussi encourager la raison humaine à s’adonner à la quête de la vérité ultime et de l’être, explique le dominicain Jean Michel Poffet dans le numéro à paraître de «Nova et Vetera».

L’homme en quête de sens

Pour le pape, l’homme de toutes les époques et de toutes les civilisations n’échappe pas aux questions de fond: «Qui suis-je ? D’où viens-je et où vais-je ? Pourquoi la présence du mal ? Qu’y aura-t-il après cette vie?» La quête de sens est toujours pressante dans le cœur de l’homme, car de la réponse à ces questions dépend l’orientation à donner à l’existence. La philosophie qui contribue à poser la question du sens de la vie apparaît donc comme l’une des tâches les plus nobles de l’humanité.

L’Eglise ne peut qu’apprécier les efforts de la raison pour atteindre des objectifs qui rendent l’existence personnelle toujours plus digne, souligne le pape. «Elle voit en effet dans la philosophie le moyen de connaître les vérités fondamentales concernant l’existence de l’homme. En même temps elle considère la philosophie comme une aide indispensable pour approfondir l’intelligence de la foi et pour communiquer la vérité de l’Evangile à ceux qui ne la connaissent pas encore.»

La recherche de la vérité est souvent occultée

Jean Paul II est incité à pousser cette recherche par le fait que «de nos jours surtout, la recherche de la vérité ultime apparaît souvent occultée.» «La philosophie moderne, oubliant d’orienter son enquête vers l’être, a concentré sa recherche sur la connaissance humaine. Au lieu de s’appuyer sur la capacité de l’homme de connaître la vérité, elle a préféré souligner ses limites et ses conditionnements.»

«La pluralité légitime des positions a cédé le pas à un pluralisme indifférencié, fondé sur l’affirmation que toutes les positions se valent: c’est là un des symptômes les plus répandus de la défiance à l’égard de la vérité», déplore le pape. «Par fausse modestie, on se contente de vérités partielles et provisoires, sans chercher à poser des questions radicales sur le sens et le fondement ultime de la vie humaine personnelle et sociale. En somme on a perdu l’espérance de pouvoir recevoir de la philosophie des réponses définitives à ces questions».

La réponse de Jean Paul II et de l’Eglise catholique est alors de réaffirmer la vérité révélée de la foi pour «redonner à l’homme de notre époque une authentique confiance dans ses capacités cognitives et lancer à la philosophie le défi de retrouver et de développer sa pleine dignité.»

Philosophie et théologie prospectent sur le même chemin

La raison avec ses moyens naturels, permet à l’homme de découvrir qu’existe une fin ultime qui donne sens à la vie et à toute chose. Mais c’est seulement dans l’acte de foi, où la personne s’ouvre à l’aide de Dieu, que celle-ci peut l’atteindre dans sa réalité même. «La fin ultime de l’existence personnelle est donc l’objet d’étude aussi bien de la philosophie que de la théologie. Toutes deux, bien qu’avec des moyens et des contenus différents, prospectent ce chemin de vie qui comme nous dit la foi, débouche finalement sur la joie pleine et durable de la contemplation de Dieu…» Le pape affirme avec force une conviction qui traverse toute l’encyclique:  » il ne peut donc y avoir de compétitivité entre la raison et la foi, l’une s’intègre à l’autre, et chacune a son propre champ d’action». Les titres des chapitres II et III de l’encyclique illustrent ce rapport de complémentarité: «Croire pour comprendre», «Comprendre pour croire».

Reste alors la «folie» de la croix. Pour Jean Paul II «le rapport entre la foi et la philosophie trouve dans la prédication du Christ crucifié et ressuscité l’écueil contre lequel il peut faire naufrage, mais au-delà duquel il peut se jeter dans l’océan infini de la vérité. Ici se manifeste avec évidence la frontière entre la raison et la foi, mais on voit bien aussi l’espace dans lequel les deux peuvent se rencontrer». (apic/mp)

27 avril 2001 | 00:00
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Jean Paul II en Afrique du 25 janvier au 1er février (090190)

APIC – Dossier

Bruxelles, 9janvier(APIC) Le 25 janvier prochain, Jean Paul II entamera

sa sixième tournée apostolique en Afrique. Il visitera cinq pays : le CapVert, la Guinée-Bissau, le Mali, le Burkina Faso et le Tchad, pays où la

proportion de chrétiens est très variable : de 90% au Cap-Vert à 1% au Mali. Un seul de ces pays a déjà reçu la visite de Jean Paul II, le Burkina

Faso, en 1980, et il s’appelait à l’époque la Haute-Volta.

Avec cette visite pastorale, le pape aura ainsi visité une bonne

vingtaine de pays du continent : ses précédentes visites pastorales en

Afrique ont eu lieu du 2 au 12 mai 1980 (Zaïre, Kenya, Ghana, Haute-Volta,

Côte d’Ivoire), du 12 au 19 février 1982 (Nigeria, Bénin, Gabon, Guinée

équatoriale), du 8 au 19 août 1985 (Togo, Côte d’Ivoire, Cameroun, Centrafrique, Kenya, Zaïre, Maroc), du 10 au 19 septembre 1988 (Zimbabwe, Botswana, Lesotho, Swaziland, Mozambique) et du 28 avril au 6 mai 1989 (Zambie,

Malawi, sans compter Madagascar et la Réunion, dans l’Océan indien).

Au cours de son voyage, Jean Paul II rencontrera certains des problèmes

cruciaux auxquels est confrontée l’Afrique actuelle : les séquelles du colonialisme, le sous-développement, l’endettement, la désertification et la

sécheresse, une démographie galopante, l’Islam et l’inculturation.

La situation de l’Afrique devient de plus en plus préoccupante. Un haut

fonctionnaire des Nations-Unies a parlé récemment d’un «risque d’effondrement économique, politique et social du continent». L’Afrique ne va-t-elle

pas faire les frais de l’installation du Grand Marché de 1992, ainsi que de

l’aide massive que l’Occident s’apprête à apporter à l’Europe de l’Est ?

Le synode africain

Annoncé il y a un peu plus d’un an, le futur synode africain devrait

traiter des principaux problèmes de l’Eglise du continent. Jusqu’ici,

l’opinion publique est fort peu informée de la préparation de cette assemblée, dont on prévoit la première session pour 1993 au plus tôt.

Le Conseil du Secrétariat du Synode a mis au point, en décembre dernier,

un document sur la base duquel vont être consultés les conférences épiscopales, les diocèses, les paroisses, les communautés religieuses et les

communautés de base à travers toute l’Afrique. D’un autre côté, des réactions très diverses ont été enregistrées depuis l’annonce du synode. Les

unes pour se réjouir de la perspective d’une concertation continentale, les

autres pour regretter son caractère purement consultatif. Certains vont

jusqu’à suspecter la curie romaine de manquer de confiance à l’égard des

évêques africains.

On a parlé de trois sessions, qui se tiendraient à Nairobi, Abidjan et

Rome. Une décision aurait d’ores et déjà été prise quant à la composition

de l’assemblée : les évêques ne seraient pas tous invités, mais le synode

travaillerait par délégations. Si elle se confirme, cette information pourrait être lourde de conséquences. Certains observateurs font en effet remarquer que, dans le mode africain de fonctionnement, la participation de

tous les anciens est nécessaire pour fonder la validité d’une décision.

Le Cap-Vert

Les grandes nations ne sont pas les seules à bénéficier de la sollicitude pastorale de Jean Paul II. L’archipel du Cap-Vert comprend dix îles,

d’une superficie totale de 4033 km2, et compte 400’000 habitants. Praia, la

capitale, se trouve sur l’île de Santiago.

Le Cap-Vert était inhabité au moment de sa découverte par les Portugais,

aux alentours de 1460. Il se situe sensiblement à mi-chemin entre le Portugal et le Brésil et est distant de 500 km des côtes du Sénégal. Le climat,

très sec, peut être comparé à celui du Sahel. De plus, la sécheresse peut

être interrompue par des pluies trop violentes pour êtres bénéfiques. Un

dicton capverdien exprime bien les caprices de la nature : «S’il ne pleut

pas, tu meurs de faim et, s’il pleut, tu meurs noyé».

La population capverdienne résulte d’un métissage tant culturel que biologique entre colons portugais et esclaves africains : les îles du Cap-Vert

ont en effet servi d’escales et d’entrepôts entre le Portugal, l’Afrique et

le Brésil, en particulier pour la traite des Noirs. Ces derniers provenaient de la Guinée, du Sénégal et du Bénin. On a parfois comparé la population capverdienne à celle du Nordeste brésilien, encore que l’insularité

ait provoqué une interpénétration et une symbiose qui ont quelque chose

d’unique.

D’abord possessions portugaises, les îles du Cap-Vert sont devenues territoires d’outre-mer en 1951, avant d’accéder à l’indépendance en juillet

1975. Dans la lutte pour l’indépendance, Amilcar Cabral a joué un rôle de

tout premier plan, ce qui lui vaut d ’être vénéré aujourd’hui encore comme

le fondateur de la nation. Le passé commun du Cap-Vert et de la Guinée-Bissau avait suscité la création d’un même parti pour les deux pays : le PAIGC

(Parti Africain pour l’Indépencance de la Guinée et du Cap-Vert). En 1980,

un coup d’Etat en Guinée-Bissau mit fin à cette situation particulière,

ainsi qu’au projet d’union entre les deux pays.

Malgré l’aridité et la pauvreté du pays, les Capverdiens sont réellement

parvenus à progresser sur la voie du développement. Le chemin est cependant

encore long. Partout, les conditions de vie se sont améliorées. Les besoins

alimentaires et sanitaires de base sont assurés. L’alphabétisation et la

scolarisation ont connu des progrès extraordinaires. Un programme ambitieux

de «reforestation» est appliqué : tandis que le désert progresse au Sahel,

il recule au Cap-Vert. Ces résultats sont dus à l’opiniâtreté de la

population, à l’absence de corruption et au pragmatisme politique. Le pays

dépend encore très largement de l’aide extérieure, mais les responsables

ont pu éviter toute mentalité d’assisté.

Reste le problème d’une croissance démographique importante. Il ne peut

être résolu indéfiniment par l’émigration. Celle-ci a joué par le passé un

rôle non négligeable : le nombre de Capverdiens établis à l’étranger dépasse très nettement le nombre de ceux qui habitent le pays.

L’Eglise au Cap-Vert

La religion catholique est très largement majoritaire dans l’archipel.

La population serait catholique à 90%. Toutefois, ce chiffre ne rend pas

parfaitement compte de la réalité.

Le diocèse de Santiago a été érigé en 1533. Il est resté suffragant de

Lisbonne jusqu’à l’indépendance en 1975. Au cours de cette période de quatre siècles et demi, on ne peut pas parler d’un dynamisme apostolique continu. Le premier évêque, nommé en 1533, ne mit jamais les pieds dans l’archipel et se contenta de toucher son bénéfice au Portugal. Par la suite, le

diocèse du Cap-Vert est resté 150 ans sans évêque résident. L’ancien clergé

(portugais et capverdien) ne brillait pas par sa vertu. Les enfants de prêtres, pudiquement appelés «filleuls», ont occupé et occupent encore des

places en vue.

Depuis 1941, on assiste à la renaissance d’un christianisme plus rigoureux sous la direction des Spiritains. Mgr Evora, lui-même spiritain, est

le premier évêque indigène. Il occupe le siège de Praia depuis 1976. L’archipel ne compte que 47 prêtres, dont 11 autochtones (4 diocésains et 7 religieux). La réorganisation pastorale, entamée en 1941, a entraîné

certaines tensions entre une piété populaire très enracinée dans les formes

ancestrales de la religion et un christianisme plus épuré, porté par une

théologie plus intellectuelle. Cette tension participe à la problématique

délicate de l’inculturation. Des relations diplomatiques entre le Cap-Vert

et le Saint-Siège existent depuis 1984.

La Guinée-Bissau

Située entre le Sénégal et la Guinée-Conakry, la Guinée-Bissau couvre

une superficie de 36’000 km2 et compte trois régions naturelles : les îles

Bijagos, la plaine marécageuse dont la côte est profondément échancrée et

les plateaux de l’intérieur. La population est d’un peu moins d’un million

d’habitants.

Colonisée par les Portugais dès le XVe siècle, la Guinée-Bissau a une

histoire partiellement commune avec les îles du Cap-Vert. Pourtant, des

différences notables distinguent les deux pays, particulièrement en ce qui

concerne l’eau : la Guinée-Bissau, en effet, reçoit deux mètres de

précipitations annuelles.

Fortement endettée, en queue du peloton des PMA (Pays les Moins Avancés), la Guinée-Bissau a dû se plier à la politique de libéralisation préconisée par le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque mondiale.

Les dépenses sociales se sont fortement aggravées. Par ailleurs, si la production alimentaire a augmenté, la situation économique générale reste très

précaire.

C’est dans ce contexte qu’a éclaté en 1988 l’affaire du stockage des déchets toxiques. Un contrat entre la Guinée-Bissau et deux sociétés de droit

britannique devait permettre l’enfouissement de 15 millions de tonnes de

déchets toxiques contre le paiement de 600 millions de dollars. Une affaire

tentante pour un pays pauvre et endetté, mais l’exploitation de la misère

se doublait d’un risque écologique réel, car le sol du site retenu était

poreux et acide. Sous la pression de l’opinion africaine et de l’opinion

mondiale, la transaction fut abandonnée.

C’est d’un projet radicalement différent qu’il est question avec l’Ile

de Paix de Bolama, qui constitue un pôle de développement respectueux de

l’homme. Il s’agit d’un projet de l’association des Iles de la Paix fondée

en 1962 à l’initiative du Père Pire, un dominicain belge, Prix Nobel de la

Paix en 1958. Des cinq Iles de Paix existant actuellement, trois sont situées en Afrique, dans les pays que le pape s’apprête à visiter : à Bolama,

à Tombouctou (Mali) et à Yalogo (Burkina Faso). Chaque Ile de Paix est une

région bien définie où tout est mis en oeuvre pour améliorer de façon durable les modes de vie de la population. C’est à Bolama qu’a démarré en 1986

la cinquième Ile de Paix, dans une île réelle de l’archipel de Bijagos. Elle y a stimulé divers métiers : couture, artisanat du bâtiment, menuiserie,

fabrication de bateaux de transport et de pêche. Cet effort permet aujourd’hui à l’archipel de briser son isolement et de commercer avec le

reste du pays.

La situation de l’Eglise

Bien qu’ancienne colonie portugaise, la Guinée-Bissau ne compte qu’un

faible pourcentage de catholiques : 6,5% de la population, tandis que 55%

est animiste et 35% musulman.

Malgré les recommandations du Saint-Siège, qui avait réparti les terres

à conquérir entre colonisateurs, le Portugal montra peu d’empressement à

évangéliser le pays. Les prêtres portugais se consacraient principalement

aux centres européanisés. La traite des Noirs et le fait que le christianisme était la religion de l’occupant ne favorisaient aucunement l’attrait

pour l’Evangile dans les populations autochtones.

Ce n’est qu’en 1946 que commença l’évangélisation de l’intérieur, sous

l’impulsion des prêtres italiens des Missions étrangères de Milan. Des

relations diplomatiques entre la Guinée-Bissau et le Saint-Siège se sont

établies en 1986.

L’Eglise catholique ne rassemble que 50’000 fidèles. L’unique diocèse ,

celui de Bissau, la capitale, est dirigé par un évêque italien, Mgr Arturo

Settimio Ferrazzetta. Il est secondé dans son ministère par 50 prêtres,

dont 3 seulement sont autochtones. Le développement d’un clergé local

préoccupe le pape qui, au cours de son voyage, inaugurera le nouveau

séminaire.

Le séjour du pape en Guinée-Bissau se terminera le 28 janvier par une

visite à la léproserie de Cumara, le jour même de la célébration de la

Journée mondiale des Lépreux. A cette léproserie moderne de 92 lits,

dirigée par des franciscains italiens, est annexé un centre important de

soins médicaux. Cumara accueille des malades de plusieurs pays voisins.

Le Mali

Le Mali a un passé médiéval prodigieux : du VIIe au XVIe siècle, le pays

fit partie de plusieurs empires successifs dont la richesse était due à

leur situation de carrefour culturel et commercial entre la Méditerranée et

l’intérieur du continent africain. Ce passé opulent a laissé des témoins

architecturaux remarquables, comme la célèbre mosquée de Tombouctou, datant

du XIIIe siècle.

Le Mali fut colonisé par les Français à partir de 1880 : il s’appelait

alors Soudan français. Après l’échec d’une tentative de fédération avec le

Sénégal, en mars 1959-août 1960, le pays proclama son indépendance le 22

septembre 1960.

Le Mali compte actuellement 9 millions d’habitants. La poussée démographique est très forte, avec pour corollaire un âge moyen particulièrement

bas. Le pays couvre 1’265’000 km2, mais la plus grande partie de la population se concentre dans le sud-ouest, le nord étant désertique.

Le fleuve Niger joue un rôle important dans l’économie du pays pour le

transport, la pêche et l’irrigation. L’irrégularité des précipitations engendre toutefois de gros problèmes, la navigation n’étant possible que de

juillet à septembre.D’une manière générale, la sécheresse constitue un obstacle sérieux tant pour l’élevage que pour l’agriculture. D’autres facteurs

internes et externes empêchent la vie économique d’être saine : au plan interne, la fraude et la corruption; au plan externe, la fluctuation des

cours mondiaux (en particulier du coton) et le poids insupportable de la

dette. Les exigences du FMI ont bien dû être acceptées, malgré leur coût

social énorme. Pour un citoyen ordinaire, la subsistance quotidienne requiert beaucoup d’ingéniosité.

La situation de l’Eglise

Les catholiques maliens ne représentent numériquement que très peu de

chose : 1% de la population (80’000 baptisés et 10’000 catéchumènes). En

raison de son étendue, le pays est subdivisé en six diocèses. Tous les évêques sont autochtones. Le clergé diocésain local compte une quarantaine de

prêtres. Ils sont cependant deux fois moins nombreux que les prêtres

missionnaires.

L’estimation du nombre de musulmans varie fortement selon les sources :

les catholiques parlent de 60%, les musulmans eux-mêmes de 90%. Ils sont de

toute façon nettement majoritaires. L’appartenance religieuse varie selon

les ethnies et les régions, mais l’influence des religions traditionnelles

africaines reste très marquée, même chez ceux qui adhèrent à l’Islam ou au

christianisme.

La convivialité entre chrétiens et musulmans ne pose en général pas de

problèmes. En particulier, les mouvements d’Action Catholique permettent

une rencontre entre croyants. Dans les sigles JAC, JOC ou CEC (communauté

étudiante), le «C» ne signifie ni catholique ni chrétien, mais «croyant» :

la religion diffère, mais c’est bien du même Dieu qu’il s’agit. P. Faillie

rapporte ce témoignage d’un musulman : «J’ai reçu une formation grâce à la

JOC, qui m’a donné une ouverture pour comprendre les autres, pour comprendre ma religion». Et le père de ce musulman d’ajouter : «Pour nous, ce qui

est important, ce n’est pas la question de la religion, mais la question de

la foi. Nous savons que les chrétiens ont pitié des pauvres, ils aiment les

paysans, ils font des forages… Ces gens-là, il faut apprendre à les connaître et à travailler avec eux».

C’est dans cet esprit de tolérance et de collaboration que le centenaire

de l’Eglise au Mali a été célébré voici un peu plus d’un an, en novembre

1988. A cette occasion, le président malien Moussa Traoré confiait : «Je

suis moi-même musulman, mais ici nous sommes maliens avant d’être catholiques, musulmans, féticheurs ou libres penseurs… Ici, l’Eglise catholique

est minoritaire. Dans d’autres pays d’Afrique, elle est majoritaire. Ce,

que nous voulons, c’est bâtir une Afrique unie, solidaire dans la diversité. L’intégrisme, vous le connaissez vous aussi avec Mgr Lefebvre. Pour mon

pays, je ne crains absolument pas une révolution à l’iranienne. Le Mali n’a

pas peur de se laisser gagner par l’intégrisme musulman, car notre culture

ancestrale est une culture de tolérance». (apic/cip/cor)

(Fin de la présentation dans APIC de mercredi : Tchad et Burkina Faso)

9 janvier 1990 | 00:00
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Que dit Salman Rusdhie ? (suite) (210389)

APIC-Dossier

Le point de vue du Père Jean-Marie Gaudeul, p.b.

(Pour la première partie, consulter notre édition du 20 mars)

La foi qui aveugle

Un des derniers épisodes du livre – rêve ou souvenir ? – nous montre la

communauté musulmane à l’heure actuelle en Inde : une visionnaire entraîne

tout un village dans un pèlerinage dément – à pied sec – de l’Inde à la

Mecque. Elle aussi dit avoir reçu une révélation d’un ange! Malgré tous les

efforts des quelques libres penseurs de la communauté qui se font traiter

d’infidèles et d’impies, tout le village se jette à la mer et y meurt. Loin

d’être ébranlée dans sa foi, la foule des badauds, impressionnée par ce

geste, murmure que Dieu les a tout simplement transportés miraculeusement à

la Mecque.

La foi s’enferme ainsi dans l’irrationnel et se sert même de ses échecs

pour se confirmer dans ses dogmes. Les croyants s’enferment dans leur propre aveuglement.

Quelques réflexions

On l’aura compris, les lecteurs musulmans du livre ont immédiatement

saisi que le livre s’attaquait à ce qui fait le fondement même de l’Islam :

la certitude que Dieu a parlé à Mohammed et que le Coran est la transcription de ces révélations.

Traditionellement, l’Islam s’est plu à décrire le phénomène de la

révélation en termes de Dictée céleste transmise par l’intermédiaire de

l’ange Gabriel (Gibril). Le seul être capable de distinguer ce qui venait

de Dieu et ce qui n’était que pensée humaine est Mohammed lui-même. L’Islam

rejette en effet tout discernement autre que celui du Prophète en personne.

La théologie classique a donc dû postuler que Mohammed était infaillible,

et même impeccable pour pouvoir ne commettre aucune erreur dans ce discernement et la transmission des révélations.

Le comment de ce phénomène n’est jamais décrit : la forme que prend la

consience prophétique dans son activité d’accueil de la révélation reste

largement mystérieuse. On se plait à croire que cette Dictée devait être

totalement indépendante des états d’âme du Prophète. Et pourtant, la tradition musulmane a gardé la trace d’un processus plus hésitant et plus

semblable à celui que l’on connaît dans la vie des prophètes bibliques.

En prenant l’épisode des Versets Sataniques pour titre de son roman,

Salman Rushdie met le doigt sur le nerf le plus sensible du dogme islamique. Comment une Parole divine peut-elle devenir Livre humain sans être

conditionnée par les limites du langage humain, les particularités du milieu et les pensées du prophète qui la transmet ?

Pour mieux affirmer que le Coran est Parole de Dieu, les théologiens de

l’Islam classique ont cru devoir nier ce conditionnement. Tout, dans le Coran, venait de Dieu et de Lui seul: message et forme du message, contenu et

style, lettre et esprit. Salman Rushdie, au contraire, trouve le Livre trop

humain, trop imbriqué dans les circonstances de la vie du Prophète pour que

tout y soit divin. Comment un message peut-il prendre une forme aussi humaine ? Il préfére alors n’y rien voir que de l’humain.

L’Islam, semble-t-il dire, ne peut plus se contenter de parler d’un

Livre venant du ciel sans élaborer une explication cohérente et critique de

la façon dont un coeur d’homme peut percevoir la Révélation divine.

Récemment, certains penseurs musulmans ont essayé de le faire : les uns

comme Mohammed Khalafallah ont évoqué la présence de genres littéraires

dans le Coran : leur pensée a été condamnée. (cf. J. Jomier, «Quelques positions actuelles de l’exégèse coranique en Egypte – Révélées par une polémique récente (1947-1951)» in MIDEO (Mélanges de l’Institut Dominicain des

Etudes Orientales) I (1954) pp.39-72).

Fazlur Rahman, un professeur pakistanais, a tenté de montrer que le Coran pouvait être entièrement Parole de Dieu et entièrement parole de Mohammed, un peu à la façon des livres de la Bible. Il a dû s’exiler devant le

scandale provoqué par cette thèse novatrice. (cf. F. Rahman, Islam (Doubleday Anchor Book, New York, 1966, 331 p.), en particulier les pp.26-29)

Plus près de nous, on trouve un essai plus discret de réflexion sur ce

thème dans un livre récent : Ces Ecritures qui nous interrogent (Centurion,

Paris, 1987, 159p.), fruit d’une collaboration entre intellectuels

chrétiens et musulmans. Mais l’Islam attend encore une théologie de la

révélation qui prennne en compte toutes les données de la foi et celles des

sciences humaines pour en faire la synthèse.

Un cri de désespoir

Il ne faut pas se le cacher, le livre de Rushdie n’est pas une

contribution sérieuse au débat. Il est délibérément provoquant, et, sous le

rire, on voit pointer une hargne féroce contre la religion de son enfance

et contre toute religion.

Mais la réaction qu’il suscite nous livre aussi une partie de la clé de

son livre. Il traite du phénomène historique qui est à la base de la foi

musulmane. Il ricane, il crache dessus, il le piétine. La foule hurle et

veut le punir, l’éliminer; et pourtant sur le fond du problème, personne ne

dit mot.

Mais ou pourrait-on parler librement, posément, d’un tel problème ? Le

livre de Rushdie n’est-il pas le signe que l’auteur a perdu l’espoir de

pouvoir en discuter clamement et de trouver une réponse cohérente aux

questions que se pose un homme de notre temps devant le fait de la révélation ? Aurait-il écrit ce livre, et de cette façon, si les centres de la

pensée islamique à travers le monde avaient pris en compte ces nouveaux

questionnements de croyants musulmans, et s’ils avaient permis qu’on

discute à la lumière de la foi ?

Les chrétiens ont connu, il y a plus d’un siècle, la même crise que

l’Islam actuel. A une interprétation trop figée et trop statique de la

Bible s’est soudain opposé un courant qui redécouvrait le milieu historique

dans lequel s’était faite la Révélation. Dans un premier temps, ce courant

aussi se plaisait à la provocation, et des voix s’élevaient pour ne voir

dans la Bible qu’un livre purement humain. Il a fallu bien des années pour

que l’on dépasse le niveau du choc stérile de la provocation et de l’indignation qu’elle suscite. Petit-à-petit une nouvelle approche s’est

trouvée, permettant d’accueillir la Parole de Dieu à travers le langage humain qui l’avait transmise.

L’Islam, à son tour, entre dans cette crise. Non, ce livre ne résoudra

rien : ce n’est sans doute même pas un grand roman, ni une oeuvre

exceptionnelle. Non, ce n’est pas le ton adopté par Rushdie qui facilitera

la discussion sur l’essentiel. Ce n’est pas non plus le ton mérprisant

adopté par l’ensemble des médias occidentaux à l’égard des croyants

musulmans qui fera progresser la réflexion. Les musulmans sont indignés, et

ils ont raison . Le livre de Rushdie visait sans doute justement ce but.

Mais, disons-le tout net, l’appel au meurtre ne résoudra rien non plus.

Bien au contraire, il ne fera que susciter d’autres livres ou d’autres

articles écrits dans la même veine.

Nous n’en sommes encore qu’au prologue d’une confrontation d’idées qui

prendra beaucoup de temps et de patience, mais qui devra se faire tôt ou

tard. Une nouvelle théologie de la révélation naîtra de ce travail. L’Islam

n’y perdra rien de sa foi dans le Livre et dans le Prophète qui l’a

transmis. par contre, il y gagnera propablement une nouvelle compréhension,

un sens plus affiné du message coranique. (apic/snop/bd)

21 mars 1989 | 00:00
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