Le cardinal Michael Czerny est préfet du dicastère pour le Service du développement humain intégral depuis 2022 | © Jacqueline Straub
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Cardinal Czerny: «Les réformes sont en marche»

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Le cardinal Michael Czerny est convaincu que le Synode encouragera la participation dans l’Eglise. Il faut, selon lui, de «nouvelles voies» pour que les femmes puissent mieux s’impliquer. Le changement est en marche, assure le préfet du dicastère pour le Service du développement humain intégral.

Jacqueline Straub, kath.ch/traduction et adaptation: Raphaël Zbinden

Quel sens donnez-vous au processus synodal?
Cardinal Czerny: Le Synode est un merveilleux défi pour nous en tant qu’Eglise. Ce n’est pas un exercice facile, mais il vaut la peine d’apprendre ensemble comment nous pouvons mieux fonctionner en tant qu’Eglise pour remplir la mission que Jésus-Christ nous a confiée.

Quels sont vos espoirs?
J’espère que nous apprendrons l’art d’écouter, de dialoguer et de trouver un consensus dans la prière et la fraternité. J’espère aussi que nous avancerons ensemble face à de nombreuses questions et divergences.

Pensez-vous que cela puisse changer la structure de l’Église catholique à long terme?
Nous verrons bien les changements que le Synode apportera. Mais ces changements seront le fruit de cette approche synodale. Nous avons besoin de temps. Les résultats ne seront pas visibles immédiatement.

À la veille du synode de Rome, de nombreux pays ont réclamé l’égalité des droits pour les femmes. Qu’en pensez-vous?
Cela montre que la question des femmes est une préoccupation à travers le monde. C’est aussi un exemple du processus synodal à l’œuvre. Le Synode n’est pas appelé à répondre à ces questions. Il est appelé à apprendre comment il fonctionne lui-même. C’est une forme d’expérience.

«C’est notre tradition que les femmes ne puissent pas devenir prêtres. Mais la tradition est dynamique»

Pensez-vous que le Synode renforcera le rôle des femmes dans l’Église?
Le processus synodal l’a déjà fait. Parce que les femmes et les hommes y ont participé sur un pied d’égalité. En outre, les femmes et les hommes sont sur un pied d’égalité dans l’Église catholique.

Pourquoi les femmes n’ont-elles alors pas la possibilité d’être ordonnées?
L’égalité des sexes dans l’Église ne vient pas de l’accès au sacerdoce, mais du baptême. Le baptême fait de nous des membres égaux de l’Église, égaux dans tous les aspects de la participation.

Cependant, les femmes qui en ressentent la vocation ne peuvent pas devenir prêtres.
Je crois qu’il y a toujours une idée démodée selon laquelle un prêtre ou un évêque est supérieur aux autres. Votre question est une question sociologique à laquelle l’Eglise ne peut donner qu’une réponse limitée qui ne vous satisfera probablement pas. Nous sommes désolés. Mais j’espère que vous apprécierez toujours davantage la vie réelle, la véritable Église, dans laquelle les hommes et les femmes ont la même dignité et collaborent sur un pied d’égalité.

«Le mot ‘catholique’ implique que tout le monde est englobé. Il ne s’agit pas d’une uniformité»

Mais, alors que la vocation d’un homme pour la prêtrise est examinée par l’Église, celle d’une femme ne l’est pas. Il s’agit d’une discrimination structurelle.
Non, ce n’est pas une discrimination structurelle, c’est notre tradition que les femmes ne puissent pas devenir prêtres. Mais la tradition est dynamique. Elle est continue. Elle n’est pas statique.

Un livre sera publié prochainement dans la région hispanophone, dans lequel de très nombreuses femmes racontent leur vocation sacerdotale. Avez-vous déjà rencontré une femme ressentant un appel à devenir prêtre?
Sans doute. J’ai rencontré des femmes qui y réfléchissent ou qui participent à un tel débat.

«Il est important que les femmes se sentent chez elles dans l’Eglise»

Le Synode permettra-t-il des solutions décentralisées?
Oui, je pense que certaines différences locales seront soulignées. Nous avons déjà de grandes différences au sein de l’Eglise universelle. Par exemple, les fidèles africains célèbrent l’Eucharistie différemment de ceux d’Europe. Le mot «catholique» implique que tout le monde est englobé. Il ne s’agit pas d’une uniformité. Il s’agit d’inclure tout le monde.

Comment est-ce possible?
Nous vivons déjà la dimension «catholique», qui est la diversité dans l’unité. Certaines différences vont peut-être s’accentuer à l’avenir et d’autres vont peut-être s’atténuer. Le Synode peut faire des propositions ou prendre des décisions à ce sujet.

Vous êtes préfet du dicastère pour le Service du développement humain intégral. La moitié de votre équipe est composée de femmes. Pourquoi est-ce important pour vous?
Il convient de recruter les personnes les plus aptes à remplir les fonctions, indépendamment du sexe.

Votre dicastère s’occupe des droits humains. Comment améliorer le rôle des femmes dans l’Église?
Tout d’abord, il est important que les femmes se sentent chez elles dans l’Eglise. Il faut trouver de nouvelles et meilleures façons de les impliquer dans l’institution.

«Le programme de réforme est la croissance, la vie de l’Eglise elle-même»

Dans le Nouveau Testament, il y a l’apôtre Junia, transformée au Moyen Âge en un homme, Junas. Marie-Madeleine était appelée dans l’Église primitive «l’apôtre des apôtres» et le pape François l’a reconnue comme telle et l’a valorisée liturgiquement. En même temps, le Vatican dit qu’il n’y avait pas d’apôtres femmes. Qu’est-ce que cela signifie pour la femme d’aujourd’hui?
Quand on dit que Marie-Madeleine était «l’apôtre des apôtres», c’est tout un changement de perspective qui se reflète ainsi dans la liturgie. Le changement est donc en cours.

Le Concile Vatican II décrit l’Église comme semper reformanda. Ce principe est-il encore valable aujourd’hui?
Oui, l’Eglise est toujours en train de se réformer. Le programme de réforme n’est pas un moment où quelqu’un décide de changer une règle. Le programme de réforme est la croissance, la vie de l’Eglise elle-même, et cela se reflète dans son enseignement. La réforme n’a pas cessé, elle est en cours. Il y aura de nouveaux résultats. Mais quand on est au début d’un processus, comme le Synode sur la synodalité, on ne peut pas dire ce qui en sortira à la fin.

La croix que vous portez au cou est originale. Quelle est son histoire?
Le bois de la croix provient d’un bateau de réfugiés réduit en miettes qui s’est échoué sur une plage de Lampedusa. Cela me rappelle toujours de mettre l’accent sur les personnes qui appellent à l’aide – comme Jésus l’a fait. (cath.ch/kath/js/rz)

Michael Czerny est jésuite et cardinal depuis 2019. Il est né en République tchèque et a grandi au Canada. Il a travaillé en Amérique latine, en Afrique et à Rome pour la doctrine sociale de l’Eglise et la justice sociale. En avril 2022, le pape François l’a nommé préfet du dicastère pour le Service du développement humain intégral. JS

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Le cardinal Michael Czerny est préfet du dicastère pour le Service du développement humain intégral depuis 2022 | © Jacqueline Straub
16 octobre 2023 | 17:09
par Rédaction

Le Synode est appelé à bâtir «une Église qui a Dieu en son centre et qui, par conséquent, ne se divise pas à l’intérieur et n’est jamais dure à l’extérieur», a déclaré le pape François lors de la messe de lancement du Synode sur l’avenir de l’Église, sur la place Saint-Pierre, le 4 octobre 2023.

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