Jean-Baptiste Scalabrini s'est préoccupé du sort des migrants au 19e siècle déjà | © Vatican Media
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Consistoire convoqué en vue de la canonisation de deux Italiens

Moins d’une semaine après la canonisation de Charles de Foucauld et de neuf autres saints, le pape François a décidé de convoquer un consistoire ordinaire en vue de la canonisation des bienheureux Jean-Baptiste Scalabrini (1839-1905) et Artemide Zatti (1880-1951). Le premier est un évêque fondateur de congrégations en faveur des migrants qui portent aujourd’hui son nom, les «scalabriens». Le second est un laïc salésien d’origine italienne, médecin en Argentine.

Aucune date n’a pour l’heure été annoncée pour le consistoire.

Si un miracle a été reconnu pour Artemide Zatti le 9 avril dernier, le cas du bienheureux Mgr Scalabrini est particulièrement rare: le pape a en effet décidé d’approuver le vote effectué en faveur de la canonisation de Mgr Scalabrini lors d’une session ordinaire de la Congrégation pour les causes des saints, ouvrant la porte à une canonisation sans miracle.

Cette canonisation n’est pas pour autant «équipollente», une forme rare de canonisation qui permet au pontife par un simple décret et sans messe de reconnaître comme saint une personne sans que la reconnaissance d’un miracle soit nécessaire. Dans le cas de Mgr Scalabrini, le pape compte en effet célébrer sa canonisation malgré l’absence de miracle, comme il l’avait fait pour Jean XXIII en 2014.

Mgr Scalabrini, un missionnaire au service des migrants

Né près de Côme en Lombardie en 1839, Jean-Baptiste Scalabrini grandit dans une famille nombreuse, son père étant marchand de vin. Tôt, il découvre sa vocation sacerdotale et se sent appelé à devenir missionnaire. Cependant, ordonné à 23 ans, il se voit refuser cette orientation par son évêque qui lui déclare: «Vos Indes sont l’Italie».

Pendant sept ans, il enseigne alors au petit séminaire de Côme, en devenant le directeur, puis est nommé curé d’une paroisse. Pendant ces années, il étudie attentivement le catéchisme, s’efforçant de le rendre plus adapté à la mentalité contemporaine. Son zèle est remarqué: à seulement 36 ans, il est nommé évêque de Plaisance par le pape Pie IX, sur conseil de Don Bosco.

Dans son diocèse, il entame une intense activité pastorale et réformatrice, ouvrant un institut pour les sourds-muets, fondant plusieurs journaux et promulguant un nouveau catéchisme diocésain. Dans une période marquée par la ‘Question romaine’ – résultat de la perte des États pontificaux – il œuvre aussi à la réconciliation, multipliant les visites des paroisses de son diocèse.

À cette époque, il est un des premiers à s’intéresser aux migrants, dénonçant les «marchands de chair humaine» qui spéculent sur leur désespoir. Il fonde un comité de protection des migrants en 1887, qu’il nomme Société Saint-Raphaël et qui œuvre à Rome, Gênes, Florence, Turin et Milan.

En 1887, il réalise son rêve d’enfance en fondant la Congrégation des missionnaires de saint Charles Borromée, puis leur équivalent féminin, les Sœurs de saint Charles Borromée, en 1895, aujourd’hui surnommés «Scalabriens». Ces deux congrégations ont pour vocation particulière l’aide aux migrants.

Ses missionnaires vont s’installer en Italie, mais aussi en Amérique, auprès de la diaspora italienne. Pour être uni à ses missionnaires, Mgr Scalabrini décide d’ailleurs de se rendre aux États-Unis en 1901, voyage pendant lequel il enjoint les migrants italiens à se montrer patriotes dans leur nouveau pays. Il est en conséquence reçu par le président Theodore Roosevelt.

En 1904, Mgr Scalabrini se rend au Brésil pour visiter les communautés italiennes locales. Ce voyage le fatigue, mais de retour en Italie, il se rend à Rome pour demander la création d’une Commission centrale pour tous les émigrants catholiques, une entité précurseur de l’actuelle Section Migrants et réfugiés du Saint-Siège. Il meurt quelques mois plus tard. Reconnu vénérable en 1987, Mgr Scalabrini a été béatifié en 1997 par Jean Paul II.

Artemide Zatti, médecin italo-argentin

Né à Boretto (Italie) en 1880 dans une famille pauvre, Artemide Zatti travaille dès ses neuf ans comme ouvrier agricole. En 1897, sa famille est contrainte à émigrer en Argentine et il s’installe dans le port de Bahia Blanca, à 650 km au sud de Buenos Aires. Fréquentant les Salésiens qui œuvrent dans cette ville, il décide de rejoindre la Congrégation mais contracte la tuberculose alors qu’il vient au secours d’un prêtre atteint par la maladie.

Le jeune homme promet de consacrer sa vie aux malades s’il guérit, se rétablit et prend en charge une pharmacie rattachée à l’hôpital dans lequel il s’est remis. En 1911, il prononce ses vœux et se voue totalement aux malades en conjuguant étude de la médecine et vie spirituelle. Il fait bâtir un hôpital dans sa ville.

Atteint d’un cancer, il meurt en 1951. Il avait été reconnu vénérable par Jean Paul II en 1997, puis– après la reconnaissance d’un premier miracle lié à son intercession – avait été béatifié en 2002.

Le second miracle reconnu par la Congrégation pour les causes des saints est une «guérison inexpliquée» survenue en 2016 aux Philippines. Un homme a été victime d’une «attaque ischémique cérébelleuse droite, compliquée d’une volumineuse lésion hémorragique» qui lui a presque été fatale. Son frère, un Salésien se trouvant à Rome, a intercédé auprès du bienheureux Artemide Zatti pour sa guérison, ses prières coïncidant avec le rétablissement presque immédiat et complet du mourant.

Porte ouverte à la béatification d’une jeune laïque espagnole

Après avoir rencontré le cardinal Marcello Semeraro, préfet de la Congrégation pour les causes des saints, le pape François a également autorisé, le 21 mai 2022, la publication d’un décret reconnaissant un miracle attribué à Maria de la Concepción Barrecheguren y García, une jeune fille espagnole disciple de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus.

Le décret reconnaît en outre les vertus héroïques de sept autres serviteurs de Dieu, désormais considérés comme «vénérables». Maria de la Concepción Barrecheguren y García (1905-1927) est une jeune femme née à Grenade avec une santé très précaire, au point que ses parents ne puissent la scolariser. Son père, le vénérable Francisco Barrecheguren Montagut, prend en charge son éducation, la préparant au catéchisme pour qu’elle reçoive sa première communion et sa confirmation. Très jeune, elle ressent l’appel à devenir carmélite, prenant pour modèle sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Mais plusieurs nouvelles maladies graves l’en empêchent.

Restant très pieuse, elle fait plusieurs pèlerinages, notamment à Lisieux, sur les pas de la petite Thérèse, où elle demande non pas la guérison mais le fait de recevoir la tuberculose, maladie qui emporta la sainte carmélite. Peu après ses vingt ans, son état empire, et elle meurt en 1927 après une douloureuse agonie.

Le père et la fille, dont les causes sont portées par le mouvement rédemptoriste qu’avait rejoint le père après la mort successive de sa fille puis de sa femme, avaient été reconnus vénérables ensemble par le pape François en mai 2020.

Vertus héroïques d’un évêque philippin

Le pape François a aussi approuvé la reconnaissance par la Congrégation pour les causes des saints des vertus héroïques de Mgr Teofilo Bastida Comomot (1914-1988). Ce Philippin originaire de Cebu se sent très jeune appelé à œuvrer pour les pauvres et est ordonné en 1941. Curé paroissial pendant 12 ans, il rejoint les carmes déchaux qui viennent de s’installer sur son île pour devenir leur prieur.

En 1955, il est nommé évêque auxiliaire de Jaro par Pie XII, puis archevêque coadjuteur du diocèse missionnaire de Cagayan de Oro par Jean XXIII. Entre 1962 et 1965, il participe à trois sessions du concile Vatican II à Rome. Atteint d’une maladie rénale, il doit cependant renoncer à sa charge en 1970, et retourne à Cebu, où il finit sa vie en s’occupant quotidiennement des plus pauvres. Il est à ce moment-là déjà considéré comme un saint par sa communauté. Il meurt tragiquement dans un accident de voiture, son chauffeur s’étant endormi au volant.

Vénérables italiens

Le pape a reconnu les vertus héroïques d’un autre évêque, Mgr Luigi Sodo (1811-1895). Ce Napolitain se sent appelé à devenir prêtre et est ordonné à 22 ans avec une dispense du pape Grégoire XVI. Il devient recteur d’une paroisse fréquentée par l’aristocratie locale puis du sanctuaire sainte Lucie de la mer, où il prend soin de l’âme des marins. Son zèle pastoral est remarqué et il est nommé évêque de Crotone, au sud de l’Italie, mais il tombe malade et doit rentrer à Naples. On le nomme en 1953 à la tête du diocèse de Telese o Cerreto, où il reste jusqu’à sa mort. Pendant l’unification de l’Italie, il est accusé à tort d’instiguer une révolte et doit s’enfuir quelques temps. Il meurt aimé de son peuple et des prêtres de son diocèse.

François a en outre reconnu les vertus héroïques du Père Alfredo Berta (1889-1969), un prêtre franciscain originaire des Marches (Italie). Grand travailleur, cet enseignant très savant et apprécié de ses élèves a laissé une abondante œuvre hagiographique, mystique et historique.

Le pontife a reconnu les vertus héroïques du Père Giampietro da Sesto San Giovanni (1868-1913), né Clément Racalcati. Originaire de Milan, ce prêtre capucin a été missionnaire dans le Nordeste au Brésil, où il eut à faire face à l’immense pauvreté et aux violences contre l’Église dans cette région. Il est le fondateur des Sœurs missionnaires capucines de Saint François d’Assise.

Pologne, Espagne et Mexique

Le pontife a aussi reconnu les vertus héroïques de la poétesse polonaise Janina Woynarowska (1923-1929). Infirmière dans sa jeunesse, elle est très active dans sa paroisse et rejoint le groupe du Rosaire Vivant. Elle combine alors un engagement social, caritatif mais aussi poétique. En 1961, elle devient membre de l’institut du Christ rédempteur de l’homme à Cracovie, et prononce ses vœux perpétuels de chasteté, de pauvreté et d’obéissance en 1966 devant l’archevêque de sa ville, le cardinal Karol Wojtyla, futur Jean Paul II.Elle meurt dans un accident de voiture en 1979.

Vertus héroïques reconnues également pour le Père José Torres Padilla (1811-1878). Ce prêtre espagnol, originaire des Canaries, est le co-fondateur, avec sainte Marie des Anges Guerrero González, des Sœurs de la Compagnie de la Croix à Séville.

François a reconnu les vertus héroïques d’une autre fondatrice, Marianne de la Très Sainte-Trinité (1854-1933), à la naissance Mariana Allsopp González-Manrique. Cette religieuse mexicaine fut la co-fondatrice, avec le vénérable Père François d’Assise Mendez Casariego de l’Institut des Sœurs de la Très Sainte Trinité. Son charisme vise en particulier la protection des femmes victimes des réseaux de prostitution. (cath.ch/imedia/cd/rz)

Jean-Baptiste Scalabrini s'est préoccupé du sort des migrants au 19e siècle déjà | © Vatican Media
22 mai 2022 | 10:37
par I.MEDIA
Temps de lecture: env. 7 min.
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