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COP28 à Dubaï: le pape François, un écologiste au front

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Si la participation active du Saint Siège à la COP21 a contribué efficacement à l’Accord de Paris, le pape fait de la COP28 un défi personnel. En attendant de se rendre à Dubaï, aux Émirats arabes unis, grâce à l’intense mobilisation de deux dicastères et l’implication inédite du réseau «Economie de François», il est à l’avant-garde de ce 28e sommet pour l’environnement.

Mi-Novembre. Alors que l’événement est prévu du 30 novembre au 12 décembre, le pape François a confirmé sa participation. S’il ne reste que du 1er au 3 décembre à Dubaï, le pape aura été, dans l’ombre, un acteur déterminant de la réussite de la COP28. Conscient que l’implication active du Vatican lors de la COP21 en France, ait «impacté sur la conclusion de l’Accord de Paris», le souverain pontife revient à la charge. Et pour cause, depuis l’Accord de Paris en 2015, les COP successives ont eu du mal à obtenir des avancées.

En se rendant aux Émirats Arabes Unis, le pontife veut à la fois influer sur les discussions mais aussi conforter les relations diplomatiques que le Vatican entretient avec cet état du Golfe depuis 2007. Lesquelles ont été marquées par l’ouverture d’une Nonciature apostolique à Abu Dhabi en février 2022. Mais en amont, porté par la Secrétairerie d’Etat et le Dicastère pour le service du développement humain intégral ou encore le réseau «Economie François», le pontife aura été plus qu’actif dans les coulisses.

La diplomatie du Saint-Siège à l’œuvre

«Transition énergétique contraignante!». C’est devenu presque un slogan pour François dans sa campagne en faveur de la COP28. Un rendez-vous qu’il évoque «à tous les coups avec ses visiteurs», chuchote-t-on au Palais San Callisto à Rome. Au centre de la capitale italienne, c’est ce discret édifice jouissant de l’extraterritorialité qui abrite le Dicastère pour le service du développement intégral, sorte de ministère hyper-puissant de l’environnement du Vatican. En y accueillant cath.ch fin octobre, Muriel Fleury constate «l’importance incontestable de l’environnement dans les priorités du Saint-Père».

Le palais San Calisto abrite le Dicastère pour le développement intégral | © Max Savi Carmel

Pour la responsable à la communication, «c’est la suite logique de l’encyclique Laudato si’«. D’ailleurs, en recevant le 11 octobre dernier le Sultan Al Jaber, président du comité de la COP28, le pape a insisté sur le fait que l’échec de la COP28 met «drastiquement en danger toute l’humanité». Fin mai déjà, François avait réuni des représentants d’autres confessions religieuses chrétiennes et les autorités des Émirats Arabes Unis à Rome pour leur rappeler combien «le défi environnemental est un appel de Dieu à sauver notre planète». Dès lors, fort du fait que le Vatican entretient des relations diplomatiques avec 184 pays, la Secrétairerie d’État, multiplie des échanges avec de nombreuses capitales pour que les propositions de Dubaï «soient contraignantes». Et pour épauler les aspects techniques de sa diplomatie verte, le pape sait compter sur Michael Czerny.

Le «cardinal vert» du pape

A la tête du stratégique Dicastère pour le service du développement humain intégral qui regroupe quatre anciens Conseils pontificaux, le prélat tchèque coordonne la politique environnementale du Vatican. «Notre dicastère s’occupe aussi des migrants, de la pastorale de la santé», ajoute Muriel Fleury qui rappelle que ce ministère «intègre aussi les Conseils pontificaux Justice et paix  et Cor unum». Une posture qui fait du cardinal Czerny «un élément clé des priorités de François et une influente personnalité dans l’entourage papal» concède-t-on à la Curie romaine.

La cardinal Michael Czerny, ici en mai 2023, a l’oreille du pape | © Vatican Media

A 77 ans, ce travailleur acharné évolue dans les arcanes du gouvernement central de l’Eglise depuis 2010, où il était déjà consultant auprès du cardinal Turkson au Conseil pontifical Justice et Paix. Tout aussi jésuite que le pontife, il est devenu l’un de ses récurrents visiteurs et s’entretient chaque semaine avec le pape sur les sujets d’actualité notamment l’environnement et l’immigration. C’est lui qui a proposé à François d’impliquer davantage le réseau citoyen «Economie François» dans son engagement écologique, «afin d’élargir le combat à la société civile».

«Economie de François», efficace rescousse

Mi-septembre au Vatican. Au cours d’un entretien avec le nonce apostolique à Abu Dhabi, le pape a insisté pour que l’ambassadeur du Saint Siège facilite «la participation à la COP28 du réseau ‘Economie de François’«, son chef-d’œuvre. En mai 2019, l’évêque de Rome envoie une invitation aux économistes, entrepreneurs et femmes d’affaires de moins de 35 ans dans le monde. Ainsi voit le jour un nouvel instrument acquis à ses causes. Aujourd’hui, ce réseau regroupe des dizaines de milliers de jeunes, «peut-être cent mille» estime une source crédible, «dans plus de 120 pays sur les cinq continents», précise Muriel Fleury.

«Economie de François» a plusieurs avantages: il regroupe des experts sur les questions écologiques mais aussi peut mobiliser facilement des financements institutionnels. Au-delà de la propagation du message de l’encyclique Laudato si’ qui décline la vision écologique du Saint-Père, ce réseau laïc fait du lobbying autour de la COP28 et grâce aux origines diverses de ses membres, il a une force de pénétration «dans tous les milieux», se réjouit un de ses initiateurs au Kenya. A Dubaï, «Economie de François» sera d’une aide cruciale à la diplomatie pontificale. Mais pour joindre l’acte à la parole, le Vatican accélère sa neutralité carbone.

Horizon 2030

A quelques jours de la COP28, le Vatican donne le ton à travers «Conversion écologique 2030». Inspiré par Laudato si’, il s’agit d’un grand programme de réduction énergétique mené par le gouvernorat du Vatican et qui implique toutes structures et édifices ainsi que le parc automobile du petit Etat. Et pour y parvenir, François a encouragé et soutenu un partenariat, là encore inédit, avec Volkswagen mi-novembre «pour rendre tout le parc automobile du Vatican neutre en carbone» d’ici 2030.

Le Vatican a signé un partenariat avec Volkswagen qui équipera la cité-Etat avec des voitures électriques | Volkswagen

«Nous sommes l’un des premiers états à opter pour des solutions durables et innovantes», s’est réjoui Mgr Gabriele Giordano Caccia en juillet 2022 lors de l’adhésion du Vatican à la Convention-cadre de l’Organisation des Nations Unies (ONU) sur les changements climatiques. L’ambassadeur du Saint-Siège à l’ONU ne manque aucune réunion et autres activités des Nations Unies sur les questions environnementales, d’autant que le Vatican a été parmi les premiers états à ratifier les Accords de Paris.

En lançant la Conversion écologique à la veille du voyage du pape à Dubaï, le Saint Siège veut s’imposer en exemple «pour faire avancer les discussions». Une idée géniale du très pragmatique pontife pour «sortir du carcan de la théorie» murmure-t-on dans son entourage. (cath.ch/msc)

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26 novembre 2023 | 17:00
par Max Savi Carmel

Le pape François fera le déplacement à Dubaï pour participer à la COP28, le sommet international sur le climat, qui débutera le 30 novembre, ont confirmé au quotidien français La Croix plusieurs hautes sources vaticanes. Une première pour un pape.

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