Chine: Décès de Mgr Jin Luxian, évêque «officiel» du diocèse de Shanghai

Disparition d’une personnalité complexe et controversée

Shanghai, 27 avril 2013 (Apic) Le diocèse de Shanghai a fait part du décès de son évêque «officiel», Mgr Aloysius Jin Luxian, âgé de 97 ans. Sa mort marque la disparition d’une personnalité complexe et controversée dont l’empreinte aura marqué l’histoire de l’Eglise en Chine de ces soixante dernières années, indique l’agence «Eglises d’Asie».

Son décès, dû à son grand âge et à une santé affaiblie par un diabète important, est intervenu le 27 avril à l’hôpital où il était en soins intensifs depuis plusieurs semaines à Shanghai. Témoin et plus encore acteur de premier plan de cette histoire, l’évêque, qui appartenait à la Compagnie de Jésus, était pour Pékin, l’ordinaire du diocèse de Shanghai ; pour le Saint-Siège, il en était son coadjuteur. La date des obsèques n’a pas été communiquée par le diocèse de Shanghai, mais il semble que les autorités chinoises préparent activement la cérémonie des funérailles depuis quelque temps déjà. Celle-ci devrait avoir lieu en la cathédrale Saint-Ignace à Xujiahui, le quartier de Shanghai où se trouve l’archevêché.

La logique voudrait que la messe des funérailles soit célébrée par l’évêque auxiliaire de Mgr Jin, Mgr Ma Daqin, dont l’ordination épiscopale s’est tenue en cette même cathédrale le 7 juillet dernier. Mais, depuis cette date, Mgr Ma est en résidence surveillée dans des locaux du séminaire de Sheshan et empêché par la police d’exercer son ministère épiscopal. Or, selon des informations issues des milieux ecclésiaux locaux, tant les fidèles que les prêtres et les religieuses de Shanghai refuseraient que la messe soit célébrée par quelqu’un d’autre que Mgr Ma.

Du côté des autorités, les pressions se multiplient pour que la messe des funérailles soit présidée par l’un ou l’autre des évêques qui ont été placés à la tête des instances «officielles» de l’Eglise. En effet, lors de l’«Assemblée nationale des représentants catholiques», organisée à Pékin en décembre 2010, Mgr Jin Luxian avait été porté à la présidence d’honneur de l’Association patriotique des catholiques chinois et de la Conférence épiscopale «officielle», une distinction qu’il partageait avec Liu Bainian, le laïc qui a été – et est encore – l’homme fort que le régime communiste a placé à la tête des instances «officielles» de l’Eglise.

Destin d’un évêque considéré comme à la solde des communistes

Né en 1916 à Shanghai dans une famille qu’il présentait comme étant catholique depuis dix générations, le jeune Aloysius Jin perd très jeune ses parents. Sa mère meurt alors qu’il n’a que 10 ans, son père lorsqu’il en a 14. En 1938, il est admis au sein de la Compagnie de Jésus. Ordonné prêtre en 1945, il est envoyé parfaire sa formation en France en 1947, où il a Henri de Lubac comme professeur. En 1949, il est à Rome comme doctorant en théologie à la Grégorienne.

En janvier 1951, lorsque le Père Jin débarque à Shanghai, le rouleau compresseur communiste a commencé son œuvre. Sous la direction de son évêque, Mgr Ignatius Kung Pin-mei (Gong Pin-mei), jésuite lui aussi, l’Eglise de Shanghai résiste. Dans la nuit du 8 au 9 septembre 1955, une vague d’arrestations envoie tout le monde en prison: Mgr Kung est arrêté, ainsi que le Père Jin et 300 autres prêtres, religieuses et laïcs. Des centaines d’autres arrestations suivront. Durant quatre années et demie, le Père Jin est maintenu à l’isolement, soumis à des interrogatoires quasi quotidiens. En 1960, un tribunal le condamne à dix-huit ans d’incarcération pour «activités contre-révolutionnaires», tandis que Mgr Kung est reconnu coupable de «haute trahison» et condamné à la perpétuité.

En 1973, il sort de prison, mais ne recouvre pas la liberté pour autant, ses talents de polyglotte trouvant à s’employer comme traducteur pour diverses administrations en un régime de semi-liberté qui ne prendra fin qu’en 1982, à la faveur de l’ouverture créée par les réformes mises en place par Deng Xiaoping. Lors de la réouverture des grands séminaires pour former une nouvelle génération de prêtres patriotes, c’est au Père Jin qu’est confiée la direction du séminaire de Sheshan.

La démarche du P. Jin est très mal acceptée, notamment au sein de la Compagnie de Jésus où, depuis Taiwan, il est considéré comme étant à la solde des communistes. Depuis Rome, la perception n’est pas très positive non plus, notamment du fait qu’en janvier 1985, le Père Jin est ordonné sans mandat pontifical comme évêque auxiliaire – et successeur potentiel – de Mgr Zhang. Il prendra la direction du diocèse à la mort de Mgr Zhang en 1988. (apic/eda/bb)

27 avril 2013 | 13:07
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture: env. 3 min.
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