Interview de Paloma García Ovejero, vice-directrice du Bureau de presse du Saint-Siège

«Ma nomination s’insère dans la révolution de la normalité du pape François», explique Paloma García Ovejero, nouvelle vice-directrice du Bureau de presse du Saint-Siège. L’Espagnole a officiellement pris ses fonctions il y a huit jours, le 1er août 2016.

Première femme à occuper un tel poste, aux côtés du nouveau directeur, le laïc américain Greg Burke, celle qui était encore, il y a quelques semaines, correspondante à Rome pour la radio de la Conférence épiscopale espagnole Cadena COPE, explique à I.MEDIA comment elle accueille cette nouvelle mission inattendue.

Agée de 40 ans, originaire de Madrid, où elle a grandi dans une famille catholique de sept enfants, Paloma García Ovejero était depuis 1998 rédactrice en chef de Cadena COPE. Elle est arrivée en septembre 2012 à Rome, comme correspondante de la radio pour l’Italie et le Vatican, et pour plusieurs autres journaux et chaînes télévisées.

L’arrivée d’une femme à la direction du Bureau de presse du Saint-Siège est un nouveau pas dans la «révolution de la normalité» du pape François, assure-t-elle, refusant que le fait d’être une femme soit un critère professionnel. L’objectif poursuivi, avec sa nomination et celle de Greg Burke, est «l’universalisation du Bureau de presse», dans ses relations avec les journalistes, et l’ensemble des catholiques.

Comment avez-vous réagi à l’annonce de votre nomination ?

Je ne me m’y attendais pas du tout. Avant de rencontrer le pape François qui nous a reçus à la Maison Sainte-Marthe, j’ai fait un aller-retour en Espagne pour annoncer la nouvelle de vive voix à ma famille. Mon père m’a dit, en paraphrasant saint Paul: ›Sois humble, sois aimable avec tout le monde, le reste, Dieu le fait !’ Ma mère, elle, m’a dit (en référence à un passage de la lettre aux Romains, 8:15, ndlr): ›Nous n’avons pas reçu l’esprit de servitude pour être encore dans la crainte’. Ils étaient émus, mais tranquilles. En réalité, je vois cela comme un changement de service, de mission. Le travail que je faisais avant était pour la radio de la Conférence épiscopale espagnole, maintenant, il sera pour le Bureau de presse du Saint-Siège ! Mais cela reste un service, en lien avec le journalisme.

Deux laïcs, journalistes de formation, anglophone et hispanophone: c’est beaucoup de nouveauté au Bureau de presse du Saint-Siège. Quel est l’objectif recherché par le pape François?

Le fait d’avoir l’espagnol comme langue maternelle, tout comme l’anglais pour Greg Burke, ont été des critères de choix. A nous deux, nous avons les deux langues les plus parlées au monde, et dans l’Eglise catholique. Un des principaux objectifs est l’universalisation du Bureau de presse dans ses rapports avec les journalistes, et avec les catholiques. Il suffit de voir le compte Twitter du pape, «@pontifex»: sa version anglaise compte 10 millions d’abonnés. Et sa version espagnole, 12 millions d’abonnés. Ensuite, le fait d’être journalistes nous fait peut-être mieux comprendre, non seulement le besoin, mais aussi les problèmes, les défauts, ou les choses qui doivent être améliorées dans la communication vaticane. Enfin, le fait d’être laïcs est cohérent avec la pensée du pape François. Le pape veut faire ce qu’il dit. Il a parlé de nombreuses fois de la décléricalisation de l’Eglise. Il y a aussi cette lettre au cardinal Marc Ouellet (préfet de la Congrégation pour les évêques et président de la Commission pontificale pour l’Amérique latine, ndlr), datée de mars 2016, où il parle du rôle des laïcs. Le pape y reprend aussi cette phrase des années 1970: «C’est l’heure des laïcs !», en y ajoutant: «Mais on dirait que la montre s’est arrêtée».

Le pape François a aussi beaucoup insisté sur l’importance de donner aux femmes davantage de rôles à responsabilité dans l’Eglise…

Cette nomination, je voudrais l’insérer dans la révolution de la normalité que le pape François a instaurée dans son pontificat. Elle est cohérente avec son discours, et avec le fait que les femmes constituent la moitié de la société ! Au Bureau de presse, sans doute plus de la moitié des journalistes sont des femmes. Mais on trouve aussi beaucoup de femmes parmi les employés du Vatican. Il me semble donc normal, logique et cohérent qu’aussi aux sommets, il y ait des femmes. Il y a aussi Natasha Govekar à la direction théologico-pastorale du Secrétariat pour la communication; il y aura bientôt la nouvelle directrice des Musées du Vatican, Barbara Jatta. Je ne pense pas que ma nomination soit un cas à part. Je ne voudrais pas que le fait d’être femme soit différent comme critère que celui d’être née à Madrid, ou d’être blonde, ou d’être grande ! Ce n’est pas un mérite, c’est un fait. Etre femme n’est pas pour moi un critère professionnel. Ce n’est pas quelque-chose qui permet de faire mieux son travail, mais qui permet de le faire de façon différente. On rejoint ici le discours de la normalité, de la complémentarité et de l’enrichissement mutuel.

Les femmes ont-elles des qualités propres pour mieux communiquer dans l’Eglise?

Jean Paul II parlait souvent du génie féminin. Le pape François, lui, parle souvent du regard des femmes, dans tous les domaines. Il est clair que notre approche à l’information, aux personnes, aux problèmes, à la vie en général, est différente. Ce serait dommage de se priver de 50% des ressources de l’Eglise ! Ensuite, ce sont les femmes, Marie-Madeleine et les autres, qui ont découvert la Résurrection du Christ et ont annoncé la nouvelle ! Au cœur de l’année de la miséricorde, le pape François a d’ailleurs voulu élever au rang de fête liturgique le 22 juillet, jour de la sainte Marie-Madeleine.

Avez-vous déjà quelques idées pour améliorer la communication au sein du Bureau de presse du Saint-Siège?

J’arrive sur un bateau qui est déjà prêt à partir. Avec la réforme des médias du Vatican, il y a un long travail professionnel déjà entamé. A présent c’est à moi de comprendre les grandes lignes de la réforme, dont les petites lignes qui concernent le Bureau de presse du Saint-Siège. Ensuite, nous verrons jour après jour ce que les journalistes peuvent suggérer comme changement ! (cath.ch-apic/imedia/bl/be)

La journaliste espagnole Paloma García Ovejero, vice-directrice du Bureau de presse du Saint-Siège
9 août 2016 | 18:02
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 4 min.
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