La juriste Charlotte Kreuter-Kirchof a défendu à Rome le chemin synodal allemand | Facebook
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Le chemin synodal allemand en campagne à Rome

À l’approche des visites ad limina des évêques allemands, qui doivent se tenir du 14 au 19 novembre 2022, les artisans du ‘Synodale Weg›, notamment la direction de la conférence des évêques d’Allemagne, étaient à Rome ce 4 octobre pour «préparer le terrain». «Nous avons le sentiment d’offrir un cadeau à notre Église», a expliqué l’avocate constitutionaliste Charlotte Kreuter-Kirchof lors d’une conférence de présentation du chemin synodal allemand organisée par l’ambassade allemande près le Saint-Siège.

Devant une audience composée principalement d’ecclésiastiques, de diplomates et de journalistes, la vice-coordinatrice du Conseil pour l’économie du Saint-Siège a fait la promotion du chemin synodal allemand pendant environ une heure. Le cardinal suédois Anders Arborelius, évêque de Stockholm, était aussi présent – une présence significative, la conférence des évêques des pays nordiques à laquelle il appartient ayant récemment publiquement critiqué le chemin synodal allemand.

Répondre aux craintes

La représentante du synode allemand souhaitait en effet répondre aux craintes exprimées à leur encontre, en particulier celle du Saint-Siège. «Il y a un manque de communication avec Rome», a-t-elle estimé. Le 21 juillet dernier, un communiqué – non signé par le pape François – mettait clairement en garde l’Église en Allemagne contre le risque de provoquer «une blessure pour la communion ecclésiale et une menace pour l’unité de l’Église».

Cependant, c’est la critique du cardinal Kurt Koch, préfet du dicastère pour la Promotion de l’Unité des chrétiens, qui a été dénoncée. Dans un entretien avec un journal allemand sur le chemin synodal national, le Suisse avait comparé le risque encouru par ce dernier à la dérive des chrétiens tentés par l’assimilation du nazisme dans les années 1930, provoquant la fureur du président de la Conférence des évêques d’Allemagne, Mgr Georg Bätzing, qui a réclamé des excuses. Ce dernier a pu compter sur le soutien de l’ambassadeur d’Allemagne près le Saint-Siège, Bernhard Kotsch, qui, reprenant les mots de l’évêque de Limbourg, a déclaré «irritante» l’allusion du cardinal suisse.

«Nous vous demandons de nous juger, mais en connaissance de cause», a plaidé pour sa part la juriste, membre du chemin synodal allemand, après une présentation synthétique et pédagogique du chemin synodal outre-Rhin. Lors de la conférence, une revue traduite en trois langues était distribuée: l’opuscule, édité par la prestigieuse maison d’édition théologique suisse Herder, vante la pertinence de la synodalité. Elle vise surtout à démontrer, témoignages venant du monde entier à l’appui, que la démarche allemande trouve des échos dans les remontées du chemin synodal universel sur la synodalité lancé en 2021 par le pape François.

Charlotte Kreuter-Kirchof déplore la grande méconnaissance de ce qu’elle défend avant tout comme une «démarche spirituelle». Elle souligne que le ‘Synodale Weg’ tente de répondre aux trois grandes crises que connaît l’Église en Allemagne: les abus, avec la publication d’un rapport paru en 2018, la baisse du nombre de catholiques – 360’000 Allemands se sont légalement séparés de l’Église allemande en 2021 – et du nombre de prêtres – seulement 56 ordinations en 2021, soit presque quatre fois moins que vingt ans auparavant.

Construire «l’Église de demain»

La convocation d’un «chemin synodal» a été effectuée pour permettre d’entendre les laïcs et non seulement les évêques, a ensuite souligné la mère de famille originaire de Cologne. En effet, un synode classique n’aurait concerné que les évêques. «Du moins, pour le moment», a-t-elle ajouté. Elle a insisté sur le fait que toute la démarche synodale allemande était «légalement cautionnée» et «conforme au droit canonique».

Depuis son lancement en 2019, le chemin synodal allemand rassemble 69 évêques, 69 membres du Comité central des catholiques allemands – une structure officielle très influente datant du 19e siècle – et 92 représentants des différentes institutions et réalités catholiques d’Allemagne. Leur mission, qui doit prendre fin en 2023, est de produire des documents théologiques et des appels à l’action pour répondre aux «problèmes systémiques» concernant quatre thématiques: la gouvernance, la place des femmes, la place du prêtre et la morale sexuelle.

En septembre dernier, tous les textes produits par le chemin synodal ont été adoptés, sauf celui sur la morale sexuelle – qui comporte notamment une demande de réévaluation de l’enseignement de l’Église sur l’homosexualité. Ce dernier a été approuvé à 80% par les membres du chemin synodal mais rejeté par les évêques – les 2/3 requis pour qu’un texte soit validé n’ayant pas été atteints (61%). La juriste allemande a critiqué la «manière» dont les évêques de son pays avaient refusé le texte, expliquant qu’ils n’avaient pas tous exprimé les raisons de leur refus auparavant.

Ce coup d’arrêt est un exemple de ce que veut faire changer le chemin synodal allemand, a expliqué Charlotte Kreuter-Kirchof. Il s’agit de renforcer le lien entre les deux dimensions de l’Église que sont «l’épiscopalité» et la «synodalité» qui, ensemble, forment «l’Église de demain». Pour cela, il faut combattre le cléricalisme, «mentalité d’Église fermée» qui survient quand «les évêques ne sont plus avec le peuple et que le peuple n’est plus avec les évêques».

Le cardinal Woelki sous pression

Déplorant le manque de communication de certains évêques, la juriste originaire de Cologne a visé, sans le nommer, son propre archevêque, le cardinal Rainer Maria Woelki. Ce dernier, très contesté dans son diocèse, se trouvait lui aussi à Rome pour un pèlerinage diocésain. Le même jour, une centaine d’enfants de chœur du grand archidiocèse de Rhénanie – sur 2’000 participants – avaient réclamé sa démission, agitant des drapeaux arc-en-ciel et lui tournant le dos lors d’une messe à la basilique Saint-Paul-hors-les-murs.

Le cardinal Woelki est critiqué pour sa communication dans la gestion des affaires d’abus dans son diocèse, mais aussi pour des projets diocésains. Il a remis sa démission au pape à deux reprises sans que ce dernier ne tranche pour l’instant.

Au lendemain de l’incident avec les enfants de chœur, à l’issue de l’audience générale, le cardinal allemand a été vu en train d’échanger cordialement avec l’évêque de Rome. Une audience privée avec le pape et les enfants de chœur est prévue mercredi soir.

L’épiscopat allemand prépare le terrain à la Curie

La venue du cardinal Woelki et l’organisation de la conférence dans l’ambassade d’Allemagne coïncide avec celle des trois dirigeants de la conférence épiscopale allemande (DBK), le président Mgr Georg Bätzing, le vice-président Mgr Franz-Josef Bode et la secrétaire Beate Gilles. Ils sont venus «préparer le terrain» en vue des visites ad limina des évêques allemands, qui débutent le 14 novembre prochain et ont notamment été reçus dans «une atmosphère de grande cordialité» par les membres de l’équipe d’organisation du Synode, notamment son secrétaire, le cardinal Mario Grech.

Pendant les prochaines semaines, les décisions adoptées par le chemin synodal allemand devraient être au cœur des discussions. «Il y a beaucoup de résistances et d’incompréhensions sur certaines mesures», a affirmé Charlotte Kreuter-Kirchof. Elle a notamment évoqué la création d’ici 2026 d’un Conseil synodal permanent dans l’Église en Allemagne, amené à discerner et proposer des directives aux évêques.

La juriste explique être consciente que le pape François pourrait «dire non» à leurs propositions, mais affirme que les membres du chemin synodal allemand «n’ont pas l’intention de quitter l’Église» et continueront le «débat». Elle souligne aussi le fait que Rome n’est pas concerné par toutes les mesures adoptées par le ‘Synodale Weg’ et que la plupart d’entre elles concernent seulement l’Allemagne et «peuvent» d’ores et déjà être mises en place dans les diocèses.

La juriste donne en exemple la participation de laïcs dans le processus actuel de «sélection» du futur évêque de Passau. Dans ce ›diocèse suffragant’, cette décision est normalement prise par les seuls prêtres appartenant au chapitre.

Rencontre avec le cardinal Koch

Mgr Bätzing a aussi rencontré en privé le cardinal Kurt Koch qu’il avait accusé quelques jours plus tôt de discréditer le chemin synodal en le comparant au nazisme. Le cardinal Koch, qui s’était déjà fendu d’un communiqué dans lequel il refusait de retirer ses propos, a expliqué à l’évêque de Limbourg qu’il n’avait «absolument aucune intention d’accuser les membres synodaux de la terrible idéologie des années 1930» et a présenté ses excuses à «quiconque se sent offensé par la comparaison», affirme la DBK dans un communiqué. (cath.ch/imedia/cd/rz)

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6 octobre 2022 | 11:18
par I.MEDIA
Temps de lecture: env. 6 min.
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