Le pouvoir égyptien accuse le Front des oulémas d’Al-Azhar d’incitation au «terrorisme»

Le Caire, 15.08.2015 (cath.ch-apic) Le Front des oulémas d’Al-Azhar est accusé par Mokhtar Gomaa, ministre égyptien des Waqfs (*), d’incitation au «terrorisme».

Ce groupement de religieux de tendance fondamentaliste, relève l’hebdomadaire en ligne Al-Ahram, est dénoncé par le ministre dans le cadre de la volonté de modernisation du discours religieux prôné par l’Etat.

«Composé d’éléments extrémistes des Frères musulmans»

Le Front des oulémas, un groupement de religieux créé en 1946, actuellement basé au Koweït, «est composé d’éléments extrémistes des Frères musulmans. Il porte préjudice à la religion et à la patrie». Dans un communiqué, Mokhtar Gomaa demande à ce que des mesures rapides et décisives soient prises contre ses membres.

«Ceux qui ont laissé faire ces extrémistes ont trahi la religion et la patrie. Nous sommes actuellement à une période où l’on ne peut plus tenir le bâton par le milieu», a insisté le ministre des Waqfs.

Tendances fondamentalistes

Le Front des oulémas a immédiatement répliqué à ces accusations, qu’il a qualifiées d’»infondées». «Le ministre des Waqfs ne représente qu’un employé du gouvernement et ses propos n’ont aucune valeur», affirme le Front dans un communiqué. Et d’ajouter qu’il comprend des oulémas et des cheikhs «qui défendent et préservent l’honneur d’Al-Azhar et son message droit».

Le Front des oulémas d’Al-Azhar a toujours été accusé d’avoir des tendances fondamentalistes et a souvent constitué une source d’embarras pour l’institution dont il porte le nom, relève le journal en ligne Al-Ahram Hebdo. Ce Front avait, dans les années 1990, pris position contre les intérêts bancaires, qu’il considérait comme usuriers, et avait notamment attaqué plusieurs intellectuels. Dissous dans les années 1980, il reprend son activité en 1994, avant d’être à nouveau dissous par la justice en 1999 suite à des déboires avec l’ancien cheikh d’Al-Azhar, Mohamed Hussein Tantaoui.

Appel à manifester

Le Front a notamment appelé sur son site internet à manifester le 14 août en commémoration de l’évacuation par l’armée, le 13 août 2013, des places de Rabaa el Adawiya, à Medinat Nasr, et Al-Nahda, à Guizeh. Cette opération de police avait tourné à l’affrontement sanglant avec les partisans du président déchu Mohamed Morsi, dont certains étaient armés. Selon des chiffres officiels, plus de 650 personnes avaient trouvé la mort lors de ces événements.

Cet appel a été immédiatement qualifié de «subversif» par le cheikh d’Al-Azhar, Ahmad Al-Tayeb. «Ce Front ne fait pas partie d’Al-Azhar, et ne représente ni ses oulémas ni ses cheikhs», a-t-il affirmé dans un communiqué. Le cheikh d’Al-Azhar a également appelé le peuple à «ne pas se laisser tromper par ces appels qui cachent des intérêts personnels».

Al-Azhar accusé de complaisance avec les fondamentalistes

Mais, constate Al-Ahram Hebdo, «en dépit du fait qu’il a pris ses distances avec le Front des oulémas, Al-Azhar est parfois critiqué pour n’avoir pas fait suffisamment d’efforts pour discréditer ces voix discordantes». Rappelons que le cheikh d’Al-Azhar n’a pas assisté à une récente conférence organisée par le ministère des Waqfs sur la modernisation du discours religieux.

L’année dernière, le ministre des Waqfs avait attaqué le cheikh d’Al-Azhar, Ahmad Al-Tayeb, l’accusant de «nommer des Frères musulmans au sein de son institution». Al-Tayeb avait alors répliqué, niant les accusations du ministre et affirmant qu’Al-Azhar «n’a besoin de conseils de personne pour nommer ses oulémas».

Appel à «corriger l’image de l’islam»

Début janvier, le président Abdel-Fattah Al-Sissi avait déjà appelé Al-Azhar – la principale institution du monde sunnite basée au Caire – à «corriger l’image de l’islam». En effet, des centaines de professeurs et d’assistants dépendant de la confrérie des Frères musulmans sévissent au sein de l’Université d’Al-Azhar, ce qui ne rendra pas aisées les tentatives d’en réformer l’enseignement.

Il y a près d’un an et demi, le gouvernement égyptien avait également décidé de reprendre le contrôle total des quelque 120’000 mosquées du pays, et de les rattacher au ministère des Biens religieux. Jusqu’ici, seules 40’000 mosquées dépendaient de ce ministère, les autres étaient gérées par des privés. Le ministère est chargé de contrôler les sermons et les commentaires religieux dans le but de combattre les idées des groupes islamistes militants. (apic/alahram/be)

(*) Ministère chargé des legs pieux et des biens religieux

Egypte Mosquée de facture récente au Sinaï
15 août 2015 | 17:29
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 3 min.
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