Une église vandalisée au Chili en 2019 | © ACN
Suisse

Les persécutions religieuses en augmentation dans le monde

Le droit à la liberté religieuse est restreint dans un tiers des Etats du monde, et dans 61 pays la population est confrontée à de graves violations de cette liberté. C’est ce que révèle le Rapport 2023 sur la liberté religieuse dans le monde, rendu public le 22 juin par l’œuvre d’entraide Aide à l’Église en Détresse (ACN), active dans le monde entier.

La section suisse de l’organisation catholique présente cette 16ème édition du Rapport sur la liberté religieuse dans le monde le jeudi 22 juin à 18h30 à la paroisse du Sacré-Cœur de Jésus à Zurich Wiedikon, indique un communiqué. A cette occasion, ACN lance cet appel: «Ne fermez pas les yeux sur la persécution religieuse!» Au cours de la période faisant l’objet du présent Rapport, les persécutions sont devenues plus aiguës, et l’impunité s’est accrue.  

Violations extrêmes de l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme

Parmi ces persécutions, le Rapport embrasse, sur plus de 50 pages, quasiment tous les continents. Il dénonce en particulier les violations extrêmes de l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies, c’est-à-dire le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. À l’échelle mondiale, le pouvoir entre les mains d’autocrates et de groupes fondamentalistes a conduit à une augmentation des violations de tous les droits de l’homme, y compris la liberté religieuse. «Ceux qui exercent le pouvoir, qu’il s’agisse d’un pouvoir étatique ou non étatique (extrémistes islamistes, nationalistes ethnoreligieux), mettent en œuvre des stratégies qui ont le même objectif ultime: éliminer l’autorité concurrente détenue par la communauté confessionnelle indésirable».

Radicalisation et extrémisme violent en Afrique subsaharienne

Le Rapport portant sur la période de mai 2020 à novembre 2022, affirme que la liberté religieuse a été violée dans des pays comptant plus de 4,9 milliards de personnes. Il dresse une liste de diverses catégories de restrictions à la liberté religieuse. La catégorie rouge, qui dénote l’existence de persécutions, comprend 28 pays, abritant 4,03 milliards de personnes, soit plus de la moitié (51,6%) de la population mondiale. Sur ces 28 pays, 13 se trouvent en Afrique où, dans de nombreuses régions, la situation s’est fortement détériorée.

Fête du Tikmat, en Ethiopie | © ACN

L’essor de la radicalisation et de l’extrémisme violent en Afrique (Mali, Niger, Burkina Faso, Cameroun, Tchad, Nigeria, Somalie, Soudan, République démocratique du Congo, Mozambique) peut être attribué à un certain nombre de facteurs sociaux. Le Rapport pointe notamment la pauvreté, la corruption, la faiblesse de la gouvernance, l’analphabétisme, le chômage des jeunes, le manque d’accès aux ressources, les mouvements séparatistes et la violence intercommunautaire qui préexistait entre éleveurs et agriculteurs à propos des droits fonciers. Ici le problème est encore exacerbé par l’impact du changement climatique.

Chine et Inde dans le collimateur

Le Rapport indique dans la catégorie rouge deux pays «parmi les pires contrevenants à la liberté religieuse»:  la Chine – surveillance de masse, persécution intense de la population musulmane ouïghoure, destruction de mosquées – et l’Inde, avec notamment ses lois anti-conversion. Dirigé par le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata Party (BJP), le gouvernement indien soutient que l’identité nationale du pays est hindoue. «Les libertés des minorités religieuses, en particulier des chrétiens et des musulmans, sont gravement compromises». Certains pays, comme le Pakistan, ont régressé en matière de droits de l’homme. De fortes persécutions ont continué contre les minorités en Afghanistan et en Iran.

La catégorie orange, qui dénote l’existence d’une discrimination, comprend 33 pays, abritant près de 853 millions de personnes. La situation s’est détériorée dans 13 de ces pays.

En Israël-Palestine par exemple, outre la cohésion sociale entre juifs orthodoxes extrémistes et juifs laïcs qui se désintègre de plus en plus, Israël a été confronté à des scénarios de guerre civile entre juifs et musulmans dans certaines de ses villes. Les relations avec les chrétiens se sont considérablement détériorées. «Les dirigeants chrétiens ont averti, de manière inédite, que les groupes extrémistes juifs étaient en train de chasser les chrétiens de Terre Sainte».  

Le nouveau gouvernement israélien sous la direction de Benyamin Netanyahou a introduit des politiciens juifs radicaux et anti-pluralistes dans l’administration responsable de l’identité juive d’Israël. «Les perspectives d’apaisement des tensions interreligieuses sont donc faibles».

Messe pour les chrétiens d’ACN, en 2017 à Notre-Dame de Paris | © ACN

La catégorie «en observation» comprend les pays où de nouveaux facteurs de préoccupation ont été observés, et qui sont susceptibles de provoquer une rupture fondamentale de la liberté de religion. Des crimes de haine et des atrocités – manifestation de la violation de la liberté religieuse – peuvent se produire dans chacune des catégories.

Problèmes également dans les pays occidentaux

L’ACN pointe aussi les problèmes rencontrés dans les pays occidentaux membres de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Le Rapport dénonce les nombreux crimes de haine antimusulmans ainsi que l’antisémitisme, qui prennent la forme de menaces en ligne dans les médias sociaux, d’attaques contre des édifices religieux et contre les personnes.  L’Allemagne a ainsi connu une forte augmentation de l’antisémitisme avec 582 crimes de haine signalés en 2019 et 1’357 en 2021. L’Autriche a également connu une forte augmentation de ces attaques. En France, les attaques contre les juifs et leurs biens ont fortement augmenté, et en Europe du Nord, le Mouvement de résistance nordique a continué à commettre de graves actes d’antisémitisme.

Crimes de haine antichrétiens en Europe

Mais le rapport déplore aussi les crimes de haine antichrétiens, manifestés soit par des attaques contre des chefs religieux et des fidèles, soit par du vandalisme et de la profanation de lieux de culte. Cela a été observé dans plusieurs pays européens de tradition chrétienne, dont la France, l’Espagne et l’Autriche. En France, le ministère de l’Intérieur a promis une augmentation du financement de la sécurité des églises catholiques après une série d’attaques, notamment à la basilique cathédrale Saint-Denis (fenêtres et portes brisées), à Bondy, Romainville et à Vitry-sur-Seine en région parisienne (vol et profanation du tabernacle dans les trois cas), à Poitiers (statues de saints détruites), et à Paray-le-Monial (vol de reliques).

En Espagne et en Autriche, les crimes de haine comprenaient des agressions violentes contre des religieux et des fidèles, des graffitis insultants sur des églises catholiques, orthodoxes et évangéliques, la profanation de tabernacles, et des actes de vandalisme tels que la décapitation de statues catholiques et l’incendie d’une église.

Liberté d’opinion menacée

Aux États-Unis, à la suite d’un jugement qui renversait la jurisprudence sur l’avortement, des centaines d’églises ont été victimes d’attaques contre leurs biens. En Finlande, certains des cas jugés haineux par les autorités soulèvent de sérieuses questions quant à savoir si la liberté d’exprimer des opinions religieuses sur des questions morales et culturelles sensibles est menacée. Médecin et ancienne ministre finlandaise de l’Intérieur, Päivi Räsänen a été jugée pour «discours de haine» pour avoir exprimé publiquement son opinion sur le mariage et la sexualité humaine fondée sur des principes bibliques. ACN rappelle dans ce cas que l’état de la liberté religieuse est un indicateur de l’état d’autres droits humains fondamentaux, comme le droit d’exprimer librement son opinion ou de participer aux processus politiques. (cath.ch/com/rz)

Aide à l’Église en Détresse (ACN) est une organisation caritative internationale de droit pontifical fondée en 1947 par Werenfried van Straaten. Elle se tient aux côtés des chrétiens persécutés et dans le besoin dans environ 140 pays, par des aides concrètes, des activités d’information et la prière. La Conférence des Évêques Suisses la recommande aux donateurs. La révision des comptes est assurée par OPES AG, Lucerne. Les dons peuvent être déduits de la déclaration fiscale. ACN a ouvert un bureau en Suisse en 1966. Son secrétariat national a son siège à Lucerne, Cysatstrasse 6. En 2002 une antenne a été ouverte pour la Suisse romande. JB

Une église vandalisée au Chili en 2019 | © ACN
22 juin 2023 | 11:26
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 5 min.
AED/ACN (31), Chine (388), Chrétiens persécutés (249), Inde (260), Persécutions (26), profanation (48)
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