Dix millions de personnes ont fui leur foyer depuis le début de  l'invasion russe, selon l'ONU | © AP Photo/Marc Sanye/Keystone
Suisse

Les Romands ouvrent grand leur porte aux réfugiés ukrainiens

En Suisse romande, les offres d’hébergement de réfugiés ukrainiens venant de particuliers affluent. Pour le chanoine Claude Ducarroz, de l’action citoyenne Osons l’accueil, ces personnes méritent d’être accueillies «à la maison».

«Nous sommes débordés, nous avons très peu de temps pour répondre aux médias», relève Bernard Huwiler face aux sollicitations de cath.ch. La priorité est évidemment pour lui, comme pour les autres bénévoles d’Osons l’accueil, de trouver le plus rapidement possible un logement pour les personnes fuyant la guerre en Ukraine et arrivant dans le canton de Fribourg. Et le travail ne manque pas. «J’ai encore 80 à 100 courriels d’offres d’hébergement à consulter», souligne Bernard Huwiler. Face aux images dramatiques de la situation en Ukraine, un intense élan de solidarité a surgi dans la population.

Au 8 mars 2022, 202 familles fribourgeoises se sont annoncées, offrant 510 places d’accueil. Une trentaine de ces places ont déjà trouvé preneurs.

Osons l’accueil a été créée en 2015 par des personnalités proches de l’Eglise catholique, principalement le chanoine Claude Ducarroz, ancien prévôt de la cathédrale de Fribourg, Bernard Huwiler et l’ancien conseiller d’Etat Pascal Corminboeuf. La démarche citoyenne entend offrir aux personnes requérant l’asile en Suisse un accueil «généreux, lucide et responsable» chez des personnes privées. Son action est soutenue par diverses personnalités, dont Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF).

La communauté gréco-catholique mobilisée

La communauté ukrainienne en Suisse romande est également mobilisée pour accueillir les réfugiés. Notamment du côté de l’Eglise gréco-catholique, le rite le plus répandu dans le pays d’Europe orientale. De 20 à 30 personnes sont arrivées dans les cantons de Vaud et Genève, relève le prêtre ukrainien Sviatoslav Horetskyi, responsable de la communauté pour Lausanne et Genève. Il s’agit principalement d’Ukrainiens ayant rejoint des proches déjà installés dans la région.

Le Père sviatoslav Horetsky et sa femme | DR

La communauté ukrainienne gréco-catholique de Suisse romande est très réduite, précise le prêtre, une cinquantaine de fidèles fréquentent les églises à Lausanne et Genève. Peu de possibilités et de moyens existent de son côté pour accueillir les réfugiés. L’aide apportée sur place par le clergé gréco-catholique est ainsi principalement d’ordre spirituel.

La communauté se mobilise également en offrant son assistance pour les démarches à la douane suisse et organise des collectes en faveur des réfugiés à la frontière ukraino-polonaise, en collaboration avec la paroisse catholique genevoise Sainte-Clotilde.

Caritas s’organise

Sviatoslav Horetskyi souligne que le logement des réfugiés ukrainiens qui n’ont pas d’attache en Suisse est du ressort des autorités. Ces dernières coopèrent dans ce domaine avec des structures de la société civile telles qu’Osons l’accueil, ORS Service ou encore Caritas Suisse.

En tant qu’organisation membre de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), l’œuvre d’entraide catholique assurera dans deux centres fédéraux, à Boudry (NE), ainsi qu’à Berne, l’attribution des réfugiés à des familles d’accueil appropriées. D’autres axes d’action sont en cours d’élaboration avec les partenaires, indique à cath.ch Fabrice Boulé, responsable de communication de Caritas pour la Suisse romande. La priorité de l’organisation basée à Lucerne est pour l’instant de garantir le meilleur placement possible des réfugiés dans les familles d’accueil et d’accompagner ces dernières. Des entretiens personnels avec les réfugiés et les familles d’accueil doivent garantir une répartition optimale. Caritas attend encore des précisions et des directives de la part de la Confédération et des cantons.

«D’abord le toit, ensuite l’administratif»

Les priorités sont similaires à Osons l’accueil. «Il faut d’abord que ces personnes, qui ont souvent dormi dans des lieux inadéquats ou même dehors aient enfin un vrai toit. L’administratif peut venir après». 

Les Ukrainiens ont en effet le droit de séjourner en Suisse durant 90 jours. Une durée qui peut être prolongée avec le permis S, qui assure un statut de protection d’un an. La Confédération pourrait l’accorder prochainement aux Ukrainiens.

«Ces personnes sont de notre famille»

Claude Ducarroz

Les services publics privilégient également l’accueil chez l’habitant, même si les possibilités risquent d’être rapidement atteintes. Elles collaborent ainsi avec Osons l’accueil pour éviter autant que possible les hébergements collectifs. «Après ce qu’ils ont vécu, ce serait très dommageable qu’ils se retrouvent dans des abris anti-atomiques», relève Claude Ducarroz. L’objectif est de leur offrir un environnement le plus apaisant et familier possible, après le traumatisme des combats et de l’exil. Osons l’accueil a même réussi à dénicher 17 familles où l’on parle ukrainien.

Pas besoin de disposer d’un espace énorme pour proposer un accueil. «L’idéal est au moins une pièce séparée avec une salle de bains, précise le chanoine, mais d’autres options sont envisageables». L’hébergement doit cependant être adapté, il convient donc de savoir s’il s’agit d’une famille avec enfants, si oui, de quels âges, s’ils ont avec eux des animaux.

Assurer le suivi

L’important est que les réfugiés soient accueillis «à la maison». Pour le prêtre fribourgeois, «ces personnes sont de notre famille, de notre Maison commune, et elles le méritent. Elles ont souffert et souffrent aussi pour nous, pour notre dignité, notre liberté».

Les fondateurs d’»Osons l’accueil» (de g. à d.) Le chanoine Claude Ducarroz, le docteur Bernard Huwiler et l’ancien conseiller d’Etat Pascal Corminboeuf | © Jacques Berset

L’action d’Osons l’accueil ne consiste pas qu’à trouver un hébergement chez des particuliers. L’association exerce aussi un suivi et reste en contact avec les familles d’accueil. Avec ses sept ans d’activité, elle peut se targuer d’une très bonne expérience. Elle dispose notamment d’une liste conséquente de familles d’accueil à travers le canton.

Les échos ont été très positifs avec les réfugiés déjà accueillis ces dernières années, principalement érythréens et afghans. Des liens se sont créés et l’intégration de ces personnes a été facilitée. L’association est donc prête à relever le défi des Ukrainiens, tout en espérant que les réfugiés pourront retrouver aussi vite que possible leur patrie et leurs maisons.

Tisser des liens

Car faire naître des amitiés et construire des ponts entre des personnes de cultures parfois très différentes est aussi l’un des objectifs phares d’Osons l’accueil. «L’expérience apporte également beaucoup aux personnes qui reçoivent», souligne Claude Ducarroz.

Mais au-delà de l’élan spontané de générosité, tout le monde est-il bien conscient de ce que cela implique? La médiatisation du conflit et l’émotion qui en découle ne mènent-elles pas à un emballement inconsidéré? Claude Ducarroz n’exclut pas que cela puisse parfois être le cas, et qu’il faille gérer d’éventuelles difficultés en conséquence. Il reste cependant positif. «Malgré ces interrogations, je pense que la vague de solidarité à laquelle on assiste est un très bon signe pour notre humanité». (cath.ch/rz)

Au 8 mars, 2022, plus de deux millions de personnes ont fui l’Ukraine, selon le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). Il s’agit de la plus grave crise migratoire depuis la Seconde guerre mondiale. La plus grande part d’entre eux, soit environ 1,2 million, ont rejoint la Pologne. Le nombre de réfugiés étant entrés en Suisse n’est pas connu actuellement. La Confédération a indiqué disposer de 5’000 places libres dans des centres fédéraux d’asile. Ces derniers jours, 847 réfugiés y ont été enregistrés. Dans toute la Suisse, plus de 11’000 particuliers se sont déjà déclarés prêts à héberger des réfugiés ukrainiens. RZ

Dix millions de personnes ont fui leur foyer depuis le début de l'invasion russe, selon l'ONU | © AP Photo/Marc Sanye/Keystone
9 mars 2022 | 17:00
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 5 min.
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