Chine: La démission de l’évêque auxiliaire de Shanghai soulève des questions parmi les catholiques

Mgr Xing Wenzhi, figure emblématique des jeunes évêques chinois

Shanghai/Paris, 21 mars 2012 (Apic) Sept diacres ont été ordonnés prêtres pour le diocèse de Shanghai dimanche 18 mars, annonce le 21 mars d’Eglises d’Asie (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris (MEP) (*). Ils ont reçu les ordres sacrés des mains de l’évêque officiel du lieu, Mgr Aloysius Jin Luxian, âgé de 95 ans. L’absence à la cérémonie de Mgr Joseph Xing Wenzhi, évêque auxiliaire de Shanghai qui a démissionné, soulève des questions.

Initialement, les ordinations de ces sept prêtres auraient dû avoir lieu le 10 décembre dernier, mais, peu avant cette date, Mgr Jin avait fait une mauvaise chute et avait dû être hospitalisé. Ce n’est donc que le 18 mars que celui qui est une grande figure de l’épiscopat chinois a été en mesure de présider cette cérémonie d’ordination.

Si ces ordinations sont un signe de «la continuité de la mission en Chine», ainsi que l’écrit le quotidien Xinde (›La Foi’) de Shijiazhuang, elles posent cependant la question de l’absence à la cérémonie de Mgr Joseph Xing Wenzhi, l’évêque auxiliaire de la grande métropole de la côte est.

Comme à l’époque du maoïsme triomphant où l’apparition ou la disparition de tel ou tel leader aux côtés du président Mao était interprétée comme le signe d’une promotion ou au contraire d’une disparition de l’avant-scène politique chinoise, tous les observateurs et les fidèles du diocèse de Shanghai ont en effet remarqué ce fait, souligne EdA. Le grand absent de la messe célébrée le 18 mars à la cathédrale Saint-Ignace de Shanghai était Mgr Xing. Cette absence confirmait la démission de l’évêque auxiliaire, laquelle, après des mois de rumeurs, avait finalement été révélée par Mgr Jin.

#L’évêque auxiliaire du diocèse de Shanghai n’est âgé que de 49 ans

Aujourd’hui âgé de 49 ans, Mgr Xing avait été ordonné évêque auxiliaire du diocèse de Shanghai le 28 juin 2005. A l’époque, sa nomination par Rome – et entérinée par Pékin – avait été analysée comme un signe positif. Il était sous-entendu que le nouvel évêque prendrait, le moment venu, la succession tant de l’évêque «officiel» de Shanghai, Mgr Jin, déjà âgé et affaibli par le diabète et une pathologie cardiaque, que de l’évêque titulaire «clandestin» de Shanghai, Mgr Fan Zhongliang, lui aussi très âgé. Originaire non de la grande métropole côtière, mais du diocèse de Zhoucun, dans le Shandong, Mgr Xing avait peu à peu pris sa place, aux côtés de Mgr Jin, remplaçant celui-ci aussi souvent qu’il était nécessaire.

Il semble cependant que le jeune évêque auxiliaire ait rencontré des problèmes depuis au moins le mois de décembre 2010, voire auparavant. Le fait que Mgr Xing ait démissionné est devenu évident en décembre dernier lorsque son absence à la messe de Noël a été remarquée par tous. Une semaine auparavant, Mgr Jin avait nommé un nouveau vicaire général en la personne du Père Thaddeus Ma Daqin, un prêtre originaire de Shanghai âgé d’une quarantaine d’années. Il avait annoncé par la même occasion qu’il avait accepté la démission de Mgr Xing.

#Rumeurs dans la blogosphère catholique chinoise

Le retrait de l’évêque auxiliaire étant devenu éminemment visible, la blogosphère catholique chinoise s’est mise à bruire de rumeurs, sans que soit apportée de réponse à la question de la raison de sa démission. Un prêtre chinois a livré son analyse de cette situation à l’agence de presse catholique asiatique UcaNews.

Ayant exercé son ministère à Shanghai, aujourd’hui actif dans le nord du pays, il écrit sous pseudonyme. Selon lui, un début de réponse à ce qu’il convient d’appeler «le mystère Xing» est à chercher du côté de la Huitième Assemblée nationale des représentants catholiques. Cette assemblée, qui n’a aucune légitimité aux yeux de Rome, s’est tenue à Pékin du 7 au 9 décembre 2010. Les autorités chinoises y avaient fait «élire» des évêques illégitimes – non reconnus par le pape – au sein des instances dirigeantes de la partie «officielle» de l’Eglise en Chine.

Sur les images diffusées à la télévision chinoise de cette assemblée, on pouvait voir, assis au premier rang, Mgr Xing. Par cette présence, les autorités chinoises semblaient vouloir dire que leur initiative était un succès, étant donné la présence à Pékin de celui qui avait été choisi pour succéder à l’évêque de Shanghai, chef du diocèse numériquement le plus important du pays.

Il semble cependant que l’attitude de Mgr Xing ait déplu aux autorités gouvernementales. L’évêque auxiliaire de Shanghai s’était gardé de revêtir sa soutane d’évêque, de porter sa calotte épiscopale et n’avait pas fait montre d’un grand enthousiasme lors de l’assemblée elle-même. En d’autres termes, même si Mgr Xing était physiquement présent à Pékin pour cette Huitième Assemblée, son attitude témoignait de son désaveu de l’Association patriotique des catholiques chinois (APCC) et des méthodes employées par le gouvernement pour élire les responsables de la Conférence des évêques «officiels» de Chine.

Pour les autorités chinoises, Mgr Xing ne serait donc pas assez malléable. En octobre dernier, lorsque Liu Yuanlong, vice-président de l’APCC, s’est rendu à Shanghai pour présenter à Mgr Jin, les nouveaux responsables élus lors de la Huitième Assemblée, Mgr Xing avait pris soin d’être absent et fait en sorte qu’aucun prêtre ne l’accueille. Seuls des responsables locaux de l’APCC étaient présents. Pour les dirigeants nationaux de l’Association patriotique, l’affront était évident. Reste que le soudain départ de Mgr Xing demeure en partie inexpliqué.

#Evident désaveu des autorités civiles

Si le désaveu des autorités civiles semble évident, des questions demeurent quant à une éventuelle incompatibilité entre lui et le presbyterium shanghaien, voire avec Mgr Jin lui-même. On peut seulement noter que Mgr Jin a pris soin, en nommant le Père Ma Daqin, de choisir un Shanghaien. Ayant commencé son ministère parmi les «clandestins», le Père Ma a rejoint les rangs des «officiels» il y a une dizaine d’années environ.

Figure emblématique parmi les jeunes évêques chinois, connu pour son intégrité et sa résistance au gouvernement, sa démission a créé un choc auprès de l’ensemble du clergé en Chine, en particulier auprès de tous les jeunes prêtres formés par Mgr Xing, durant les nombreuses années où il a été supérieur du séminaire de Sheshan, note EdA.

(*) Formés au séminaire de Sheshan, les sept nouveaux prêtres (Antoine Zhang Jun, Antoine Yuan Wei, Marc Shi Guangkuo, Joseph Yu Xiangwang, Jacques Gao Chao, Nicolas Yu Chengxiang, Pierre Wu Zhigang) sont originaires, pour six d’entre eux, du Shaanxi et, pour le septième, de Mongolie intérieure.

(**) Ce «succès» était d’ailleurs contrebalancé par l’absence à Pékin d’un autre évêque «officiel» en communion avec Rome, à savoir Mgr Joseph Li Liangui, évêque de Cangzhou (Xianxian), dans le Hebei. Peu après, en guise de «punition», Mgr Li Liangui était démissionné du siège qu’il occupait à la Conférence consultative politique du Hebei, instance où les autorités aiment à nommer des personnalités de la société civile qu’elles tiennent voir associées à leurs institutions. (apic/eda/be)

21 mars 2012 | 16:24
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture: env. 5 min.
Chine (388), Shanghai (9)
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