Le patriarche Cyrille signe la pétition demandant l’interdiction de l'avortement en Russie | © Sergueï Tchesnokov
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Moscou: «l’avortement est un assassinat, pas un acte thérapeutique»

L’avortement est légal dans la Fédération de Russie et est remboursé par la sécurité sociale, tout comme les fécondations in vitro, au grand dam de l’Eglise orthodoxe russe. Depuis des années, cette dernière milite pour l’interdiction de l’IVG dans un pays où une majorité des grossesses sont encore interrompues, bien que l’utilisation des méthodes contraceptives modernes, surtout chez les jeunes, ait fait grandement reculer les IVG.

Le prêtre orthodoxe Fiodor Loukianov, récemment nommé chef de la Commission du Patriarcat de Moscou chargée de la protection de la maternité et de l’enfance, est en pourparlers avec le ministère de la Santé sur cette problématique qui divise fortement la société russe.

«Le nombre d’avortements a diminué trois fois au cours des 18 dernières années», s’est réjouie  en novembre dernier Tatiana Alekseïevna Golikova lors d’une réunion du conseil présidentiel sur la mise en œuvre des politiques d’Etat dans le domaine de la protection de la famille et de l’enfance en Russie.

Tatiana Alekseïevna Golikova, vice-présidente du gouvernement de la Fédération de Russie | Russian Federation wikipedia CC BY 4.0

La vice-présidente du gouvernement de la Fédération de Russie a révélé que le nombre d’avortements pratiqués dans les établissements de santé russes, qui dépassait encore les deux millions en 2000, a été abaissé à 661’000 en 2018.

Le patriarche Cyrille veut bannir l’IVG

«Numéro 2» du Patriarcat de Moscou, le métropolite Hilarion de Volokolamsk a rappelé à plusieurs reprises, lors de l’émission «L’Eglise et le monde» (Tserkov’ i mir), diffusée sur la chaîne de télévision Rossia-24, la position de l’Eglise orthodoxe russe sur l’IVG. «Elle est sans équivoque, elle est énoncée dans les ‘Principes de la conception sociale de l’Eglise orthodoxe russe’: il y est dit que l’avortement est un assassinat et qu’il ne peut être assimilé à un acte thérapeutique».

C’est le patriarche Cyrille qui a pris l’initiative de demander le retrait de l’avortement de la liste des actes médicaux pris en charge par le système médical. «Il l’a fait savoir plus d’une fois!», lance le chef du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou.

«L’avortement n’est pas un soin, mais un crime!»

«Nous estimons que les avortements ne doivent pas être pris en charge [par la sécurité sociale, ndlr]. D’abord parce que l’avortement n’est pas un soin, mais un crime, d’autre part parce beaucoup de contribuables sont contre l’avortement. Pourquoi devraient-ils payer les avortements de leur poche ?»

Du point de vue de l’Eglise, martèle-t-il, «l’avortement est un meurtre, dont sont responsables aussi bien la femme qui accepte de s’y soumettre, que l’homme qui y participe, et le médecin qui l’opère. C’est pourquoi l’Eglise a toujours été contre les avortements et intervient avec des propositions concrètes, notamment celle que l’avortement ne soit plus remboursé par la sécurité sociale, de façon que les contribuables, dont ceux qui sont contre l’avortement, ne financent pas cet assassinat légal»

Lutter contre une démographie en recul

Le métropolite Hilarion, évoquant la démographie russe en recul – la Russie comptait en 2019 un peu plus de 146 millions d’habitants contre près de149 millions en 1991, juste avant le démantèlement de l’URSS – souligne avoir souvent entendu les autorités de la Fédération de Russie dire que la démographie était l’un des principaux problèmes de la Russie d’aujourd’hui.

Les autorités ont proposé des mesures pour redresser la courbe démographique et l’Eglise russe fait de la propagande en faveur des familles nombreuses, car «l’avortement est pratiquement l’une des principales raisons pour lesquelles la population de notre pays diminue au lieu d’augmenter. J’espère que les appels de l’Eglise serviront, au moins, à faire baisser le nombre d’avortements».

«Légalisons le meurtre, pour qu’il n’y ait pas de meurtres illégaux!»

«Si l’on pouvait résoudre le problème de l’avortement, la population augmenterait considérablement. Les avortements continuent à emporter des centaines de milliers de vies par an, et c’est une tragédie pour notre pays, pour notre peuple. J’espère que les gens continueront à prendre conscience de ce que l’avortement est un crime monstrueux».

Le métropolite Hilarion qualifie de «logique boiteuse» le fait de dire que la réduction du financement des avortements entraînerait une augmentation du nombre d’avortements illégaux. «Cela revient à dire: légalisons le meurtre, pour qu’il n’y ait pas de meurtres illégaux!»

Sur la même longueur d’onde que les militants «Pour la vie»

Rappelons qu’en septembre 2016 déjà, le patriarche Cyrille de Moscou, chef de l’Eglise orthodoxe russe, signait une pétition, rédigée par des militants du mouvement social panrusse «Pour la vie» et du groupement «Les Volontaires orthodoxes», appelant à l’interdiction de l’avortement, le qualifiant de «meurtre légal des enfants avant leur naissance».

Cette prise de position, entérinée par la commission de l’Eglise orthodoxe sur la famille et la protection de la maternité et de l’enfance,  exigeait des amendements législatifs pour interdire l’avortement chirurgical et médicamenteux, ainsi que la pilule du lendemain. L’Eglise orthodoxe russe a mis en place des foyers spéciaux et des centres humanitaires, où les femmes enceintes ou encore les femmes avec des enfants peuvent s’adresser. Elles peuvent notamment y recevoir un soutien matériel. (cath.ch/mospat/interfax/ag/be)

Le patriarche Cyrille signe la pétition demandant l’interdiction de l'avortement en Russie | © Sergueï Tchesnokov
15 octobre 2020 | 13:42
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 4 min.
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