Le Père Marko Rupnik a signé les mosaïques du Chemin de joie, à Genève (ici en 2019) | © KEYSTONE/Salvatore Di Nolfi
Suisse

Mouvement lancé pour retirer les œuvres des prêtres abuseurs

Un mouvement demandant le retrait des œuvres de prêtres convaincus d’abus sexuels s’est amorcé en France. Une question spécialement aiguë pour le religieux-mosaïste Marko Rupnik dont les réalisations sont répandues dans des lieux de foi du monde entier, et notamment à Genève.

Le maire de la commune de Charly, près de Lyon, s’est engagé à retirer les onze vitraux du Père Louis Ribes, rapportait le 24 janvier 2023 BFM Lyon. Un geste que le Collectif des victimes de Louis Ribes et l’association Be Brave France demandaient depuis un an. Une cinquantaine de plaintes d’abus sexuels sur mineurs ont été déposées dans trois diocèses français contre l’ecclésiastique. Mort en 1994, il ne pourra cependant pas être jugé.

«Exposer les œuvres de Louis Ribes, c’est mépriser toutes les victimes de pédocriminalité», avaient écrit les collectifs. Certaines victimes ont précisé que le prêtre avait l’habitude de les faire se déshabiller afin de les prendre comme modèles pour réaliser ses œuvres. «On demande que ce soit en premier la ville de Charly. Forcément, toutes les autres églises où figurent d’autres vitraux, on demande aussi que ça fasse un effet boule de neige», a déclaré Arnaud Gallais, co-fondateur de Be Brave France.

«Cancel Culture ecclésiastique»

Un risque d’extension pris au sérieux par des observateurs. «Ce qui se passe en France pourrait bientôt être appliqué ailleurs, où il existe des objets artistiques signés par des prêtres qui ont commis des délits sexuels et abusé de victimes fragiles», relève ainsi le 2 février Il Messagero. Le journal italien se demande en particulier si l’œuvre de Marko Rupnik pourrait faire les frais d’une telle «Cancel Culture ecclésiastique.»

Le jésuite slovène est en effet visé par des accusations d’agressions sexuelles provenant de plusieurs femmes majeures au moment des faits, dont des religieuses. Il est sous le coup de sanctions «préventives» de la part de la Compagnie de Jésus, limitant son ministère. Or le Père Rupnik est un artiste de renommée mondiale. Ses mosaïques ornent de nombreux sanctuaires dans le monde. Elles sont notamment présentes à Lourdes, à San Giovanni Rotondo, dans la chapelle du séminaire du Latran, ou encore dans la chapelle mariale du palais apostolique. Ses œuvres balisent également le Chemin de joie, inauguré à Genève en 2019.

Mosaïques pour l’instant pas menacées

Aucune restriction n’a été imposée à Marko Rupnik concernant son activité artistique, souligne Il Messagero. Il continue à donner des conférences dans le monde entier, à effectuer des retraites spirituelles et à accepter d’autres missions artistiques importantes pour décorer les lieux de culte.

Un effet de censure concernant ses réalisations a déjà été constaté. En décembre 2022, la maison d’édition britannique Pauline Books and Media a notamment annoncé le retrait de son catalogue des écrits du prêtre. Mais pour l’instant, aucune demande n’a émergé (à la connaissance de cath.ch) concernant ses mosaïques. L’Eglise catholique romaine Genève (ECR) a confirmé à cath.ch n’avoir pas reçu de demande concernant un éventuel décrochage des oeuvres ornant le Chemin de joie. Cette question n’est pas non plus actuellement discutée au sein de l’institution, assurent les responsables de l’ECR, qui précisent: «Nous sommes bien sûr accablés par la souffrance des victimes et par la gravité des accusations contre le Père Rupnik». (cath.ch/bfm/ilmessagero/arch/rz)

Le Père Marko Rupnik a signé les mosaïques du Chemin de joie, à Genève (ici en 2019) | © KEYSTONE/Salvatore Di Nolfi
6 février 2023 | 14:01
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 2 min.
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