L'établissement revient dans le giron de l'Eglise presbytérienne du Pakistan suite à un arrêt de la Cour suprême du pays | Capture-écran/Youtube
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Pakistan: L’État sommé de rendre un collège à une Eglise

L’ancien Gordon College de Rawalpindi, une institution éducative chrétienne fondée en 1893, revient à l’Église presbytérienne du Pakistan. Dans un arrêt rendu le 10 novembre 2023, la Cour suprême du pays règle un différend juridique lié à l’institution qui avait été nationalisée par le gouvernement pakistanais en 1972, explique l’Agence Fides.

Avec Fides

La question a fait l’objet d’une controverse, notamment parmi les étudiants et les enseignants actuels du collège, situé au Pendjab, à l’est du Pakistan, qui craignent un impact économique de la gestion privée de l’institut sur les familles, rapporte l’Agence Fides. Les années précédentes, le personnel de l’école s’était d’ailleurs opposé au retour de l’institution dans le giron de l’Eglise. Les étudiants et les enseignants du Gordon College ont organisé une manifestation pour s’opposer à ce qu’ils ont appelé la «privatisation du collège gouvernemental», proposant de le rebaptiser «Government Mohammedan College» (collège mahométan gouvernemental).

Toutefois, il ne s’agit pas d’une «privatisation» mais, comme l’a décidé la Cour, du rétablissement du droit de propriété initial, exercé par l’Église presbytérienne de 1893 à 1972. L’administration publique, après le procès intenté par la mission presbytérienne et le verdict de la Cour suprême, se prépare à restituer l’institution académique historique à son propriétaire d’origine (voir encadré).

Après le jugement, les étudiants et les enseignants ont menacé de descendre à nouveau dans la rue pour empêcher la restitution du bâtiment. Selon les avocats, un nouveau recours «intra-judiciaire» contre la décision de la Cour suprême est possible.

Un tournant pour les droits religieux

Selon les observateurs, cette victoire juridique marque un tournant pour les droits religieux et éducatifs des chrétiens au Pakistan. En fait, la décision ne se limite pas à la résolution juridique d’un seul cas, mais créera un précédent juridique, marquant un moment important dans l’histoire de l’éducation du pays, remodelant la relation entre le public et le privé, entre le système éducatif et les droits de propriété légaux, entre l’administration de l’État et les entités privées impliquées dans l’éducation au Pakistan.

Des centaines d’établissements d’enseignement dans les régions du Sindh et du Punjab, y compris des écoles et des universités chrétiennes, ont été inclus dans le «règlement 118» de la loi martiale promulguée par Zulfiqar Ali Bhutto en 1972, qui les a retirés aux organismes et organisations privés (tels que les églises) et les a nationalisés, en donnant la priorité à la nécessité pour l’État de promouvoir et d’organiser l’enseignement public.

Faible niveau d’alphabétisation chez les chrétiens

Cette mesure n’est pas restée sans conséquences. Une étude récente du «Centre for Social Justice» (CSJ) attribue à la nationalisation des écoles publiques au Pakistan le faible niveau d’alphabétisation et d’éducation de la communauté chrétienne pakistanaise. Le CSJ pointe aussi l’affaiblissement des institutions ecclésiastiques, ainsi que la mentalité discriminatoire qui s’est insinuée dans la société – et s’est développée au cours des 50 dernières années – à partir de l’environnement scolaire même.

Le rapport du CSJ, intitulé «Lessons from the Nationalisation of Education in 1972», note que 118 institutions chrétiennes ou missionnaires ont été nationalisées, et que sur les nombreuses institutions du Punjab et du Sindh, seules 50 % ont été rendues à leurs propriétaires et fondateurs d’origine en novembre 2019. En 2004, en effet, le président Pervez Musharraf a ordonné la restitution des institutions éducatives aux minorités religieuses, et 59 instituts ont été aliénés et rendus aux églises par l’État.

Parmi les cas encore ouverts, celui de l’ancienne institution éducative chrétienne de la province de Khyber Pakhtunkhwa (KPK), le Edwardes College de Peshawar, appartenant à l’Église anglicane: la Cour suprême a refusé en 2021 sa restitution, confirmant sa gestion par les services publics de l’éducation. (cath.ch/fides/bh)

Sciences et lettres
Fondé en tant qu’école chrétienne en 1893, le Rawalpindi College a été nommé en l’honneur d’Andrew Gordon, qui dirigeait alors la mission presbytérienne américaine en Inde. À l’origine, il était affilié à l’université de Calcutta, en Inde britannique. Puis, avec la partition de l’Inde et du Pakistan en 1947, il est passé à la nation à majorité musulmane, toujours sous l’égide de l’Église presbytérienne, qui l’a dirigé jusqu’en 1972, en le maintenant comme un institut d’excellence: en tant que l’une des plus anciennes institutions académiques du Pakistan, le College offrait – et continue d’offrir – des diplômes tels que des diplômes en sciences et en lettres.
Selon la presse locale, le collège, qui accueille des étudiants et des étudiantes, sera désormais géré par la Forman Christian College University, une prestigieuse université chrétienne de l’Église presbytérienne au Pakistan. AF

L'établissement revient dans le giron de l'Eglise presbytérienne du Pakistan suite à un arrêt de la Cour suprême du pays | Capture-écran/Youtube
19 novembre 2023 | 15:25
par Rédaction
Temps de lecture: env. 3 min.
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