Pedro Arrupe fut longtemps missionnaire au Japon | DR
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Pedro Arrupe, un modèle de jésuite  

Avec: Pedro Arrupe – Un réformateur dans la tourmente, Pierre Emonet publie la première biographie ‘un peu complète’ en français de celui qui fut le général des jésuites de 1965 à 1981. Entre bombe atomique d’Hiroshima et rapport conflictuel avec le pape Jean Paul II, Pedro Arrupe fut ‘un modèle de jésuite’.

Pierre Emonet a connu personnellement Pedro Arrupe. «La première fois que je l’ai rencontré c’était lors de son passage à Genève alors qu’il était Supérieur général et qu’il était en chemin pour l’Afrique, a expliqué, pour le site jésuites.ch Pierre Emonet. Quand il a été malade, après son attaque, je suis allé plusieurs fois lui rendre visite à Rome. Il ne parlait pas facilement mais on arrivait à converser en espagnol. Arrupe incarnait pour moi le modèle de jésuite que je voulais être. Davantage encore qu’Ignace.»

Enraciné mais moderne

«Ce qui m’impressionne chez Arrupe, c’est la manière dont il a su vivre au présent la spiritualité ignatienne du XVIᵉ siècle dans laquelle il était profondément enraciné, tout en étant archi-moderne. (…) Il est génial. Mais c’est aussi ce qui a déconcerté beaucoup de jésuites qui pensaient qu’il n’était plus fidèle à Ignace.»

Le Père Pedro Arrupe avec le pape Jean Paul II qui fut son meilleur ennemi | DR

Sa formation avait été des plus classiques, sa théologie était elle aussi très classique, tout comme sa piété. En même temps, il était un homme d’une grande audace estimant qu’il y a peut-être du bon dans la pensée marxiste.»Imaginez ce que pouvait penser Jean Paul II d’une telle affirmation… lui, pour qui le marxiste émanait du diable.» Pour Pierre Emonet, Arrupe été accusé de soutenir les mouvements d’extrême gauche alors que son seul désir était d’évangéliser.

Pour une Eglise en sortie

Le jésuite d’origine basque fut un des pionniers de l’inculturation. Il s’était lui-même inculturé au Japon où il était missionnaire. Quand il est arrivé au pays du Soleil levant, cela a été un choc. Il a alors compris que s’il voulait parler de l’Évangile aux Japonais, il fallait qu’il oublie sa culture d’origine gréco-latine et thomiste, relève Pierre Emonet. «Il plaidait pour «une Église en sortie» comme le dit le pape François aujourd’hui.»

Il a ainsi toujours soutenu ceux qui prenaient des initiatives d’adaptation du christianisme un peu audacieuses. »Toute une frange de jésuites habitués à un cadre plus strict de la Compagnie lui en voulait prétendant qu’il trahissait saint Ignace.»

Mais pour Arrupe, un jésuite doit être mobile, disponible pour tout mission qu’on lui confie. Il n’est pas supposé être figé dans des schémas, dans une culture, dans une nation, dans une langue, ni même dans une certaine conception de la vie religieuse. Dans ses fonctions de Supérieur général de la Compagnie, il a instauré un nouveau style.

Témoin d’Hiroshima

Pedro Arrupe avait été le témoin de la première bombe atomique tombée sur Hiroshima. Ce fut un événement marquant dans sa vie dont il a beaucoup parlé.

Ni téméraire, ni va-t-en guerre Pedro Aruppe fut fidèle à lui-même et courageux dans sa manière de soutenir les chercheurs, ceux qui étaient un peu trop progressistes ou qui étaient mal vus par Rome. Il faisait facilement confiance. Ce qui faisait dire à certains qu’il était un peu naïf, estime Pierre Emonet.

Attentif aux plus pauvres

Issu de la bourgeoisie basque, le jeune espagnol a été sensibilisé très tôt à la pauvreté. Lors de ses études de médecine à Madrid, il fait partie d’un groupe qui rend visite aux pauvres dans les favelas. Avant de partir pour le Japon, Pedro Arrupe est aumônier de prison. Il est touché par la pauvreté extrême dans tous les sens du terme.

Comme supérieur, il a initié le départ des étudiants jésuites des collèges pour qu’ils rejoignent de petites communautés dans des milieux populaires.

Pour Pierre Emonet, le message du Père Aruppe est simple: «Allez! Allez accueillir le monde tel qu’il est! Vivez l’Évangile et proposez-le pour le meilleur de l’homme et non pour faire une religion de nantis ou de terroristes spirituels. Allez à la rencontre du monde!»» (cath.ch/choisir/mp)

  • Pedro Arrupe
  • 1907 naissance à Bilbao
  • 1923 études de médecine à Madrid
  • 1927 entrée dans la compagnie de Jésus
  • 1932-1937 études en Belgique, aux Pays-Bas et aux Etats-Unis
  • 1936 ordination sacerdotale à Maneffre, en Belgique
  • 1938 missionnaire au Japon
  • 1945 bombe atomique sur Hiroshima
  • 1954 nomination comme vice-provincial pour le Japon
  • 1958 nomination comme premier provincial du Japon
  • 1965 élection comme supérieur général des jésuites
  • 1965 participation à la quatrième session du Concile Vatican II
  • 1967 – 1983 président de l’Union des supérieurs généraux
  • 1968 Participation à la Conférence Générale du Conseil épiscopal d’Amérique Latine (CELAM) à Medellín puis à Puebla en1979
  • 1981 accident vasculaire cérébral qui le laisse aphasique et paralysé
  • 1981 Jean Paul II le remplace à la tête des jésuites par un délégué pontifical Paolo Dezza
  • 1983 la Congrégation générale des jésuites accepte sa démission comme supérieur général
  • 1991 décès à Rome le 5 février
  • 2019 ouverture de la cause en béatification par le diocèse de Rome

Pierre Emonet : Pedro Arrupe, un réformateur dans la tourmente, Éditions jésuites – Paris Christus/Lessius 2022, 256 p.

Pedro Arrupe fut longtemps missionnaire au Japon | DR
28 octobre 2022 | 17:00
par Maurice Page
Temps de lecture: env. 4 min.
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