La guerre en Syrie dure depuis sept ans (Photo:IHH/Flickr/CC BY-NC-ND 2.0)
International

Syrie: Mgr Hindo critique une stratégie américaine «ambiguë»

Damas, 12.10.2015 (cath.ch-apic) Mgr Jacques Behnan Hindo, archevêque syro-catholique d’Hassaké-Nisibi, au nord-est de la Syrie, affirme que les raids russes sont efficaces contre les djihadistes. Il critique en revanche la stratégie américaine, décrite comme inefficace et «ambiguë».

Pour Mgr Hindo, les offensives russes de ces derniers jours en Syrie ont démontré leur efficacité contre le groupe djihadiste Etat islamique (EI) (Daech, selon son acronyme arabe). Elles auraient provoqué le recul de l’organisation en direction du désert irakien, selon des témoignages locaux. L’archevêque, relayé le 9 octobre 2015 par l’agence de presse américaine «Catholic News Service» (CNS), critique en revanche les opérations de Washington, qui seraient juste «pour la galerie» et qui laisseraient les terroristes agir librement. Le prélat déplore en particulier qu’elles n’aient pas empêché l’enlèvement de centaines de chrétiens, notamment après l’offensive de l’EI dans la vallée du Khabour, en février dernier. Les inquiétudes pour ces otages sont de plus en plus vives après la récente exécution de trois chrétiens assyriens, dont la vidéo a été diffusée sur les réseaux islamistes.

«L’intervention de Moscou est positive, assure le prélat syrien, parce qu’elle cible réellement Daech, et la milice est en train de fuir. Ils ont fui la région [d’Hassaké, ndlr.] dans l’empressement, à bord d’environ 20 véhicules. Ils ont dû abandonner 20 autres voitures sur place. C’est le signe qu’ils ont vraiment dû battre en retraite».

Passivité américaine?

L’archevêque vit sous la menace constante de l’EI: «Je réside à moins de trois kilomètres de la ville. Il y a un mois, l’offensive des djihadistes a été repoussée et ils se sont déployés autour de la ville. Ces deux dernières semaines, grâce à l’attaque des Russes, ils ont commencé à se retirer.»

Mgr Hindo se montre en revanche très sévère contre les actions menées par les Etats-Unis, qui ne bombarderaient pas les milices djihadistes, mais le gouvernement syrien. «Il ne s’agit pas d’être pour ou contre le gouvernement, souligne l’archevêque. Mais les gens d’ici n’ont jamais cru dans les attaques américaines. Seuls les Kurdes ont réellement combattu sur le terrain, mais pour tenir leurs positions». Le prélat relève que les Kurdes ne peuvent pas à eux seuls régler le problème. Il affirme que les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ne parlent que d’attaquer Daech, mais pas le Front al-Nosra et les autres milices islamistes liées à al-Qaïda.

Mgr Hindo dénonce «l’ambigüité» de Washington, visible selon lui dans l’attitude américaine lors de l’enlèvement de centaines de chrétiens dans les villages de la vallée du Khabour. «La nuit du 23 février, quand Daech a attaqué, les avions américains ont survolé la zone pendant longtemps, sans intervenir, assure le prélat syrien. Ensuite, pendant trois jours, nous n’avons plus vu d’avions. Ils ont laissé le champ libre aux militants. Ceci nous fait penser que, d’une certaine manière, les djihadistes ont été aidés par l’attitude ambiguë des Américains».

Pas une guerre de religion?

Mgr Hindo accuse les gouvernements occidentaux de «travailler pour la sécurité d’Israël et pour diviser la Syrie et l’Irak, afin de mettre la main sur les richesses de ces pays. Il ne s’agit pas seulement de pétrole, parce que, au large de nos côtes, un très grand gisement de gaz a récemment été découvert. Il existe également un enjeu concernant les pipelines que l’Arabie saoudite et le Qatar voudraient construire vers l’Occident», affirme le prélat. Damas n’a pas accepté leur passage sur son territoire, et voilà le résultat», martèle l’archevêque syro-catholique.

Le problème est «extrêmement complexe», avertit Mgr Hindo. Il déplore la vision occidentale selon laquelle il ne s’agirait que d’une guerre de religion entre les sunnites, les chiites, les chrétiens et les musulmans. «Dans cette guerre, Daech dissimule des intérêts économiques et a pour but de diviser le pays, contre la volonté d’un peuple, dont une majorité est unie et veut rester unie», lance l’archevêque. (apic/cns/rz)

 

La guerre en Syrie dure depuis sept ans
12 octobre 2015 | 10:03
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 3 min.
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