Tebaldo Vinciguerra, membre du Dicastère pour le service du développement humain intégral | Justice et Paix
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Tebaldo Vinciguerra: «mieux connaître l'eau pour mieux la protéger»

Tebaldo Vinciguerra, en charge de plusieurs dossiers environnementaux au sein du Dicastère pour le service du développement humain intégral, explique à I.MEDIA la nécessité de mieux connaître l’eau pour mieux la protéger.

A l’occasion de la Journée mondiale de l’Eau, le 22 mars 2021, le Dicastère pour le service du développement humain intégral a organisé une série de séminaires en ligne sur les questions liées à l’eau. Héritière des engagements du Conseil Pontifical «Justice et Paix» dans ce domaine et forte de nombreuses collaborations au sein comme à l’extérieur de l’Eglise, l’entité vaticane peut faire valoir une réelle expertise sur de nombreuses questions hydriques et a même publié l’an dernier un document de référence intitulé «Aqua Fons Vitae».

Tebaldo Vinciguerra explique le contexte de ces séminaires et aussi les enjeux que la thématique «WASH» recouvre pour le Saint-Siège aujourd’hui. Le Dicastère pour le service du développement humain intégral travaille à garantir un accès à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène (le projet WASH) dans tous les centres de santé catholiques.

Quels sont les modes d’action préconisés par l’Église pour sensibiliser aux questions liées à l’eau?
Beaucoup de personnes ont déjà une certaine sensibilité – notamment celles qui n’ont pas un accès adéquat à l’eau ou aux toilettes – et il est difficile d’avoir une formule valable universellement quant à la sensibilisation.

Voir dans la nature la sagesse du Créateur

Voici néanmoins quelques propositions: premièrement la connaissance. L’on protège mieux ce que l’on aime et que l’on connaît. Donc essayons de connaître l’eau ! C’est un sujet qui a été abordé notamment dans le webinaire du 23 mars. Par exemple, initier dès l’enfance à de simples expériences scientifiques concernant l’eau, se familiariser avec les ruisseaux, parler avec des experts travaillant dans telle ou telle activité liée l’eau.

Deuxièmement, la contemplation: savourer la beauté d’un océan, d’un arc-en-ciel, d’un lac avec sa biodiversité, et y voir la sagesse du Créateur. La sagesse biblique au sujet de l’eau mérite d’être mieux connue, et à la veille de la journée mondiale de l’eau, le Saint-Père nous exhortait à réfléchir sur la valeur de l’eau. Au demeurant, plusieurs religions peuvent collaborer sur les dossiers hydriques, c’est à mon sens particulièrement utile et beau.

Troisièmement, l’engagement concret, même par de petits gestes : comme lorsque l’on participe à une opération de nettoyage de plage et de berge, ou que les pêcheurs ramènent au port les déchets pris dans leurs filets.

Quatrièmement, et c’est là un facteur important pour lutter face à la résignation et à l’indifférence : tisser des liens de solidarité et de responsabilité avec ceux qui sont davantage en difficulté, entendre leur témoignage, et les aider en subsidiarité. Nous sommes une seule famille humaine, et devons prendre soin en commun de ce bien commun qu’est l’eau, afin que tous puissent en bénéficier. Les réseaux de l’Église – je pense aux congrégations présentes dans plusieurs pays, à la Confédération Caritas, aux secrétariats des Conférences épiscopales continentales, aux réseaux régionaux inspirés par la Laudato si’ – sont précieux.

Vous avez passé en revue les «conditions WASH» dans un échantillon de 150 centres de santé de l’Église catholique dans le monde.
Au mois d’août, le Dicastère a envoyé une lettre à tous les évêques, les exhortant à contribuer à assurer d’adéquates «conditions WASH» (acronyme anglais pour eau, assainissement et hygiène) dans tous les établissements de soins de l’Eglise catholique. Cela afin d’y soigner les patients en sécurité, et d’éviter toute propagation ultérieure du COVID-19 ou d’autres maladies.

Ces normes sanitaires liées à l’eau doivent enfin permettre de protéger les professionnels de la santé ainsi que les aumôniers et les familles des patients. En Europe, ayant une vision parfois idéalisée, nous croyons que la religieuse, le missionnaire, le médecin font un travail fantastique dans ces centres de santé dans certaines zones difficiles. C’est vrai, ils sont fantastiques et leur dévouement mérite notre admiration ! Mais cela ne veut pas dire qu’ils aient les bonnes conditions WASH!

Quelle est la légitimité de l’Église dans ce domaine?
L’Église, de par son engagement, a été pionnière dans le domaine de la santé dans le monde entier, en soignant les patients sans distinctions d’ethnie, de religion et de nationalité. Diocèses et congrégations religieuses, et aussi l’Ordre de Malte, possèdent ou gèrent des centres de santé dans beaucoup de zones difficiles. L’Eglise travaille aussi à la formation de médecins et d’infirmiers.

L’ancrage au sein de la communauté locale – à travers la paroisse ou la vie de la congrégation religieuse – est un autre aspect fondamental de cette légitimité. J’ajoute que certaines organisations catholiques ont déjà travaillé – avec beaucoup de professionnalisme – sur le dossier WASH, un dossier qui n’a pas reçu suffisamment d’attention jusqu’à il y a deux ou trois ans.

Pratiquement, votre initiative s’est-elle déployée?
Des conférences épiscopales, des diocèses, des congrégations et plusieurs Caritas ont répondu à l’appel du Dicastère. Une deuxième lettre a donc été envoyée – à l’automne – à ceux qui avaient manifesté leur l’intérêt, en leur proposant de faire partie d’une grande enquête. Une évaluation détaillée a été menée dans environ 150 établissements de plus de 20 pays, surtout en Afrique, mais aussi en Haïti, aux Philippines et en Albanie. Les résultats révèlent des difficultés de plusieurs types, dont certaines demandent des interventions importantes. Dans certaines cliniques, l’on demande aux femmes venant accoucher d’apporter l’eau dont elles auront besoin.

Cet échantillon très diversifié ne représente guère l’ensemble des établissements de santé de l’Eglise, mais il offre un aperçu uniquement de centres de santé actifs en zones difficiles et dont les directeurs ont voulu participer à cette démarche visant à mieux comprendre les problèmes afin d’intervenir. Dans plusieurs cas, des devis ont déjà été sollicités.

Et maintenant, à quoi travaille le Dicastère?
En ce qui concerne cette initiative WASH, désormais, le travail consiste surtout à faciliter des donations et des partenariats afin d’améliorer la situation dans ces centres de santé. Cela dit, le Dicastère souhaite accroitre la prise de conscience sur ces sujets. J’espère que cette opération contribuera à une meilleure compréhension de ces défis au sein de l’Église et ce bien entendu au-delà de ces 150 centres de santé. Ceux qui veulent mieux comprendre ce projet et souhaitent aider peuvent contacter le Dicastère.

Plus généralement, l’eau continuera à irriguer nos travaux portant sur la reprise post-COVID, sur la biodiversité, sur la santé et l’économie. (cath.ch/imedia/cd/be)

Tebaldo Vinciguerra, membre du Dicastère pour le service du développement humain intégral | Justice et Paix
11 avril 2021 | 11:33
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 4 min.
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