De retour du Kazakhstan, le pape a donné, comme à son habitude, une conférence de presse dans l'avion | © Photo d'illustration: Masakatsu Ukon/Flickr/CC BY-SA 2.0
Vatican

Toute la conférence du pape dans l’avion de retour du Kazakhstan

Voici l’intégralité de la conférence de presse que le pape François a donnée pendant environ trois quarts d’heure dans l’avion qui le ramenait de Nour-Sultan à Rome, le 15 septembre 2022, au terme de son 38e voyage apostolique qui l’a conduit au Kazakhstan et qui a commencé le 13 septembre. 

Agence de télévision du Kazakhstan: Quel bilan faites-vous de votre visite, qu’est-ce qui vous a inspiré au Kazakhstan?
Pape François: Ce fut une surprise pour moi, parce que vraiment… mis à part la musique de Borodine, je ne connaissais rien de l’Asie centrale. Ce fut une surprise de rencontrer les représentants de ces nations. Le Kazakhstan a été vraiment une surprise, je ne m’y attendais pas comme cela. Je savais que c’était une ville, un pays, qui s’est bien développé, avec intelligence. Mais trouver, après 30 années d’indépendance, un tel développement, je ne m’y attendais pas. Un pays aussi grand avec 19 millions d’habitants, c’est à ne pas y croire! C’est un pays très discipliné, un pays vraiment beau, avec l’architecture de cette ville – bien équilibrée, bien organisée – une ville moderne, je dirais une ville quasiment futuriste! Cela m’a beaucoup touché. Et la volonté d’aller de l’avant, non seulement en termes d’industrie, de développement économique, matériel, mais aussi en développement culturel. C’est une surprise à laquelle je ne m’attendais pas.

Ensuite, le Congrès. C’est une chose très importante. Mais c’était la septième édition! Je veux dire que c’est un pays qui voit loin et qui fait dialoguer ceux qui sont habituellement écartés. Car il y a une conception «progressiste» du monde, qui veut que la première chose que l’on écarte, ce soit les valeurs religieuses. Mais voilà un pays qui se présente au monde avec une proposition de ce genre, déjà faite à sept reprises! C’est merveilleux.

Puis, si j’ai le temps, je reviendrai sur cette rencontre interreligieuse. Vous pouvez être fiers de votre pays, de votre patrie.

ARD (télévision allemande): Saint-Père, merci pour votre message de paix. Je suis Allemand, et mon pays l’Allemagne a été responsable de millions de morts, il y a 80 ans. Je voudrais vous poser une question sur la paix: nous, à l’école, nous apprenons à ne jamais utiliser des armes, à ne jamais en arriver à la violence, la seule exception étant l’auto-défense. En ce moment, faut-il donner des armes à l’Ukraine?
C’est une décision politique qui peut être morale, moralement acceptée, si les conditions de moralité sont réunies. Il y en a beaucoup, nous pouvons en parler. Mais cela peut être immoral si c’est fait avec l’intention de provoquer plus de guerre ou vendre plus d’armes, ou de se débarrasser des armes qui ne servent plus. La motivation est ce qui qualifie en grande partie la moralité ou non de cet acte.

Se défendre est non seulement licite, mais c’est aussi une expression d’amour de la patrie. Qui ne se défend pas, n’aime pas, mais qui défend, aime.

Là, il faudrait voir une autre chose que j’ai dite dans mes discours sur le fait qu’on devrait encore réfléchir au concept de guerre juste. Parce que tous parlent de paix aujourd’hui, mais depuis tant d’années les Nations Unies parlent de paix, font beaucoup d’efforts de paix. Mais, en ce moment, combien de guerres y a-t-il? Celles qui sont en cours, entre l’Ukraine et la Russie, maintenant l’Azerbaïdjan et l’Arménie, qui s’est un peu arrêtée depuis que la Russie s’est avancée comme garante, mais avant la guerre avait déjà lieu là. Puis la Syrie: cela fait dix ans qu’il y a la guerre, qu’est ce qui se passe pour que cela ne s’arrête pas? Quels sont les intérêts qui poussent ces choses?

Ensuite il y a la Corne de l’Afrique, ensuite le Mozambique, l’Erythrée, une partie de l’Éthiopie. Il y a ensuite la Birmanie et ce peuple souffrant que j’aime tant, les Rohingyas, qui tourne en rond, qui tourne en rond comme les Tziganes, sans trouver cela…. Nous vivons dans une guerre mondiale.

Je me souviens d’un souvenir d’enfance. J’avais 9 ans, je me souviens qu’on a entendu la sonnerie d’alarme du plus grand journal de Buenos Aires. Cette sonnerie, à l’époque, servait à annoncer quelque chose à fêter, ou une mauvaise nouvelle, et on l’entendait dans toute la ville.

Maman a dit: «Que se passe-t-il?» Nous étions en guerre, c’était en 1945. Une voisine vient à la maison en pleurant, et elle nous dit: «la guerre est finie». J’ai alors vu Maman et la voisine qui pleuraient parce que la guerre était finie. Nous étions pourtant dans un pays sud-américain, lointain, et ces personnes, ces femmes pleuraient parce qu’elles savaient que la paix est plus grande que toutes les guerres. Elles pleuraient de joie quand la paix est revenue. Tout cela, on l’a oublié. Je me demande aujourd’hui si notre cœur est éduqué à pleurer de joie quand la paix revient. Tout a changé, si tu ne fais pas la guerre, tu es inutile. Je parlerai de l’Allemagne ensuite.

Ensuite il y a la fabrication des armes, un commerce assassin. Quelqu’un qui comprend les statistiques m’a dit que si on cessait de fabriquer des armes pendant un an, on vaincrait la faim dans le monde. Je ne sais pas si c’est vrai ou faux. Faim, éducation, cela ne se fait pas à cause des armes.

À Gênes, il y a 3 ou 4 ans, il y avait un bateau chargé d’armes, qui devait décharger sa cargaison sur un autre bateau plus grand pour aller en Afrique, près du Soudan du Sud. Les ouvriers ont refusé. Cela leur en a coûté, mais ils ont dit non. C’est une anecdote, mais cela fait comprendre ce qu’est une conscience de paix pour le sud.

Vous avez parlé de votre patrie, l’Allemagne. L’une des choses que j’ai apprise de vous, c’est la capacité de se repentir, de demander pardon. Mais aussi de payer les erreurs de la guerre. Il y a beaucoup de choses à apprendre de vous, c’est un exemple que l’on devrait imiter. La guerre en elle-même est une erreur, c’est une erreur et nous sommes en train de respirer cet air-là en ce moment. Au point que s’il n’y a pas de guerre, il nous semble qu’il n’y a pas de vie.

C’est un peu désordonné mais j’ai dit tout ce que je pensais sur la guerre juste. Le droit à l’autodéfense existe, oui, mais on peut l’utiliser seulement quand c’est nécessaire.

Sylwia Wysocka (agence polonaise PAP): Vous avez dit qu’on ne peut jamais justifier la violence. Tout ce qui se passe en Ukraine en ce moment est de la pure violence. Mort et destruction totale de la part de la Russie. En Pologne nous avons la guerre, très proche, à nos portes. Deux millions de réfugiés. Je voudrais savoir si, selon vous, il y a une ligne rouge au-delà de laquelle on ne devrait plus dire «nous sommes ouverts au dialogue» avec Moscou? Parce que beaucoup ont du mal à comprendre cette disponibilité. Et je voudrais aussi demander si le prochain voyage sera à Kiev?
Je répondrai à cela mais je voudrais que les prochaines questions portent sur ce voyage (au Kazakhstan).

Je crois qu’il est toujours difficile de comprendre le dialogue avec les États qui ont commencé la guerre. On dirait que le premier pas est toujours fait de leur côté. C’est difficile, mais on ne doit pas l’écarter. Il faut donner l’occasion à tous de dialoguer. À tous! Parce qu’il y a toujours la possibilité que, dans le dialogue, on puisse changer les choses, offrir un autre point de vue, d’autres points de considération.

Moi je n’exclus pas le dialogue avec n’importe quel pays qui est en guerre, même s’il est l’agresseur. Parce que le dialogue se fait comme ça. Mais on doit le faire. Ca pue, mais on doit le faire. Par un pas en avant, la main tendue, toujours. Parce que sinon, on fermerait l’unique porte raisonnable qui mène à la paix. Parfois on n’accepte pas le dialogue: dommage. Le dialogue doit toujours être au moins proposé. Et cela fait du bien à celui qui le propose. Ça fait respirer.

Loup Besmond / La Croix: Durant ce voyage, il a beaucoup été question de valeurs et d’éthique. Le Congrès interreligieux a évoqué la perte de l’Occident à cause de sa dégradation morale, de la part de certains leaders religieux. Quel est votre point de vue sur cela? Considérez-vous que l’Occident est en état de décadence, est menacé par la perte de ses valeurs? Je pense notamment au débat en cours dans certains pays sur l’euthanasie, la fin de vie, en Italie mais aussi en France, en Belgique.
Il est vrai que l’Occident d’une façon générale, en ce moment, n’est pas au plus haut niveau d’exemplarité. Il n’est pas un premier communiant, vraiment. L’Occident a pris des mauvaises routes. Pensons par exemple à l’injustice sociale qu’il y a parmi nous… Il y a des pays qui se sont développés sur l’injustice sociale. Je pense à mon continent, à l’Amérique latine qui fait aussi partie de l’Occident… Pensons aussi à la Méditerranée. C’est l’Occident, mais aujourd’hui c’est le cimetière le plus grand, pas seulement de l’Europe mais de l’humanité.

Qu’a perdu l’Occident pour oublier d’accueillir, alors qu’il a besoin de gens? Pensons à l’hiver démographique que nous vivons. Nous avons besoin de gens. Que ce soit en Espagne, en Italie, il y a des villages vides. Seulement 20 petites vieilles là, et ensuite, rien… Pourquoi ne pas faire une politique en Occident, avec le principe que le migrant soient intégré, accueilli, accompagné, promu et intégré. L’intégration, c’est très important… Mais non, on laisse les choses vides. Cela montre une compréhension incomplète de nos valeurs.

Et ce alors même que l’Occident a connu cette expérience: pensons à ces pays qui ont migré… Dans mon pays – 49 millions d’habitants en ce moment je crois – nous avons seulement moins d’un million d’autochtones. Tous les autres habitants ont des racines «migrantes»! Tous! Espagnols, Italiens, Allemands, Slaves, Polonais, de l’Asie mineure, Libanais, tous! Ils ont mélangé leur sang, là-bas. Cette expérience nous a beaucoup aidés.

Tous les autres sont des racines «migrantes»! Tous! Espagnols, Italiens, Allemands, Slaves, Polonais, de l’Asie mineure, Libanais, tous! Cette expérience nous a beaucoup aidés. Pour des raisons politiques, ça ne se passe pas très bien dans les pays d’Amérique latine.

Mais la migration, en ce moment, doit être considérée avec sérieux car elle rehausse un peu la valeur intellectuelle et cordiale de l’Occident. Au contraire, avec cet hiver démographique, où allons-nous? L’Occident est en décadence sur ce point, il a perdu quelque chose. Pensons à la partie économique: beaucoup de bien se fait. Mais pensons à l’élan politique et, disons, mystique des Schuman, Adenauer, De Gasperi, ces grands hommes! Où sont-ils aujourd’hui? Il y a des grands hommes aujourd’hui, mais ils n’arrivent pas aider la société à aller de l’avant. L’Occident a besoin de parler, de se respecter.

Et il y a aussi le danger des populismes. Que se passe-t-il dans un État socio-politique de ce genre? Des Messies naissent. Les Messies des populismes, que nous sommes en train de voir. Je pense avoir mentionné quelques fois le livre de Ginzburg, Syndrome 1933, ou on voit justement comment naît le populisme, en Allemagne, après la chute de la République de Weimar. Les populismes naissent ainsi. Quand il y a un niveau sans force et que quelqu’un promet le messie.

Pour finir, je crois que nous en Occident ne sommes pas au plus haut niveau pour aider les autres peuples. Nous sommes un peu en décadence, c’est possible, oui. Nous devons reprendre les valeurs des pères fondateurs de l’Union européenne. Les grands hommes. C’est un peu confus, mais je crois avoir répondu.

(Relance sur l’euthanasie)

Tuer, ce n’est pas humain. Point. Si tu tues avec des motivations, tu finiras par tuer plus. Ce n’est pas humain. Tuer, laissons cela aux bêtes.
Iacopo Scaramuzzi / La Repubblica: Dans vos discours, vous avez beaucoup souligné le lien entre les valeurs religieuses et la vivacité de la démocratie. Sur notre continent, qu’est ce qui manque, que devons-nous apprendre des expériences passées? Et dans quelques jours, on va voter en Italie, il y aura un nouveau gouvernement. Quand vous rencontrerez le ou la présidente du Conseil, quelles sont vos priorités pour l’Italie, vos principales préoccupations, les risques à éviter?

Je crois avoir un peu répondu à ce sujet lors du dernier voyage. J’ai connu deux présidents italiens de très haut niveau: Napolitano et l’actuel (Mattarella, ndlr). Grands hommes. Les autres politiciens, je ne les connais pas. Lors du dernier voyage, j’ai demandé à un de mes secrétaires combien de gouvernements l’Italie avait eu durant ce siècle: 20. Je ne sais pas l’expliquer. Je ne veux pas condamner ni critiquer, je ne sais simplement pas l’expliquer. Si les gouvernements changent à ce point, il y a beaucoup de questions à poser car aujourd’hui, être un responsable politique est un chemin difficile.

Être un grand homme politique, un homme politique qui joue pour les valeurs de la patrie, de grandes valeurs. On ne doit pas jouer pour les intérêts, pour le «fauteuil.» Les nations, dont l’Italie, doivent chercher de grands politiciens, ceux qui sont en mesure de faire de la politique, ce qui est un art, une vocation noble. Je ne sais plus quel pape – Pie XII ou saint Paul VI, l’un des deux – a dit que la politique est la forme la plus haute de la charité. Construire.

Nous devons lutter pour aider nos politiciens à maintenir le niveau de la grande politique, pas celle de bas niveau qui n’aide rien et au contraire, tire l’État vers le bas, appauvrit. Aujourd’hui, la politique dans ces pays d’Europe devrait prendre à bras le corps le problème de l’hiver démographique. Par exemple, du développement industriel et naturel, des migrants… Des problèmes sérieux. Là, je parle de la politique en général.

La politique italienne, je ne comprends pas trop. Seulement, ces 20 gouvernements en 20 ans, c’est un peu étrange, mais chacun a sa manière de danser le tango… On peut danser d’une manière ou d’une autre, c’est la même chose en politique.

(Relance sur l’Europe)

L’Europe doit recevoir des expériences d’ailleurs, certaines seront bien, d’autres non. Chaque continent doit être ouvert aux expériences des autres.
Elise Harris Allen / Crux: Hier au congrès, vous avez parlé de l’importance de la liberté religieuse. Comme vous le savez, le président chinois était présent dans la même ville. Il y a de grandes préoccupations sur la Chine. Désormais, avec le procès qui arrive, en ce moment, contre le cardinal Zen, considérez-vous le procès contre lui comme une violation de la liberté religieuse?

Cela prend un siècle pour comprendre la Chine. Et nous, nous ne vivons pas un siècle. La mentalité chinoise est une mentalité riche, et quand elle est un peu malade, elle perd sa richesse et est capable de faire des erreurs, n’est-ce-pas? Pour comprendre, nous avons choisi la voie du dialogue, l’ouverture au dialogue. Et il existe une commission bilatérale vaticano-chinoise, qui avance bien, lentement. Parce que le rythme chinois est lent. Eux, ils ont une éternité pour avancer. C’est un peuple d’une patience infinie.

Concernant les expériences du passé, je pense aux missionnaires italiens qui sont allés là-bas, ils ont été respectés comme scientifiques. Mais je pense aussi à aujourd’hui. À tant de prêtres, de croyants, qui sont appelés dans les universités chinoises parce qu’ils ont un rôle dans la culture. Il n’est pas facile de comprendre la mentalité chinoise, mais elle doit être respectée. Moi je la respecte toujours.

Ici, au Vatican, il existe une commission de dialogue, qui avance bien. C’est le cardinal Parolin qui la préside. Et en ce moment, c’est l’homme qui connaît le mieux la Chine et le dialogue avec les Chinois. C’est une chose lente, mais il y a toujours des pas en avant.

Qualifier la Chine de démocratie ou non, moi je ne le ferais pas, parce que c’est un pays si complexe (…). Oui, il est vrai qu’il y a choses qui, pour nous, semblent ne pas être démocratiques. C’est vrai. Le cardinal Zen est une personne âgée qui va être jugée ces jours-ci, je crois, n’est-ce-pas? Lui, dit ce qu’il ressent, à savoir que là-bas, il y a des limitations. Plutôt que de juger ce qu’il en est, ce qui est difficile, ce que je ne saurais faire… Ce sont des impressions… Plutôt que de juger, je cherche à soutenir la voie du dialogue. En dialoguant, on clarifie tant de choses. Et pas seulement concernant l’Église, mais aussi d’autres secteurs.

Par exemple, la façon dont la Chine se déploie, ses gouvernements, ses provinces sont tous différents et il y a aussi des cultures différentes en Chine. C’est un géant. Comprendre la Chine est une entreprise gigantesque. Mais il faut de la patience. Il en faut, il en faut tant. On doit avancer avec le dialogue. Moi, je cherche à m’abstenir de la juger. Parce que, il faut aller de l’avant.

Etiez-vous au courant de la visite de Xi Jinping au Kazakhstan?
Oui, il y a eu une visite d’Etat, mais je ne l’ai pas vu.

Rome Reports: Dans leur déclaration, les leaders ont lancé un appel aux gouvernements et aux organisations internationales pour que soient protégées les personnes persécutées à cause de leur ethnie ou de leur religion. C’est une situation qui existe malheureusement au Nicaragua. Nous savons que vous avez parlé à ce sujet le 21 août, durant l’Angélus. Peut-être pourriez-vous ajouter quelque chose, adresser un message supplémentaire pour le peuple, surtout le peuple catholique du Nicaragua. Et par ailleurs, nous voudrions savoir si vous pourrez refaire le voyage que vous avez dû reporter, ce voyage en Afrique, et s’il y aura d’autres voyages au programme?
Sur le Nicaragua, les nouvelles sont toutes claires. Il y a un dialogue. En ce moment, il y a un dialogue. On a parlé avec le gouvernement. Il y a un dialogue. Ca ne veut pas dire que l’on approuve tout ce que fait le gouvernement. Ou que l’on désapprouve tout. Non. Il y a un dialogue. On a besoin de résoudre les problèmes. Et en ce moment, il y a des problèmes. Au moins, j’aimerais que les sœurs de Mère Térésa de Calcutta puissent rentrer.

Ces femmes sont de bonnes révolutionnaires. Mais des révolutionnaires de l’Evangile. Elles ne font la guerre à personne, au contraire nous en avons tous besoin. C’est un geste que l’on ne comprend pas. Mais on espère qu’elles pourront rentrer. Et nous continuons le dialogue. Ne jamais, jamais arrêter le dialogue.

Il y a des choses que l’on ne comprend pas. Mettre à la frontière un nonce est une chose grave d’un point de vue diplomatique. Le nonce est un homme bon, qui a été nommé ailleurs. Et il est difficile de comprendre les choses qui sont arrivées (incompréhensible).

Et concernant la situation de Mgr Alvarez [évêque de Matagalpa, ndlr]?
Il y a d’autres cas, en Amérique latine, il y a d’autres situations de ce genre, d’un bout à l’autre du continent.

Sur les voyages?
Les voyages. C’est difficile, parce que le genou n’est pas encore guéri. Mais le prochain [Matteo Bruni a déclaré que le prochain projet de voyage auquel faisait référence le pape François était au Bahreïn en novembre, ndlr], je le ferai. J’ai parlé, l’autre jour avec Mgr Welby et nous avons identifié février comme une possibilité pour aller au Soudan du sud. Et si je vais au Soudan du Sud, je vais au Congo. Mais nous devons y aller tous les trois, avec le chef de l’Église d’Écosse, Mgr Welby et moi. Nous en avons parlé via zoom, l’autre jour, afin de nous tenir au courant.

Journaliste kazakh de Rome: Pour les catholiques qui vivent au Kazakhstan, dans un contexte à forte dominante musulmane, comment peut-on développer l’évangélisation? Et y a-t-il quelque chose qui vous a inspiré en voyant les catholiques du Kazakhstan?
J’ai été très heureux de voir à la cathédrale aujourd’hui les catholiques si enthousiastes, heureux, joyeux. C’est l’impression que m’ont donnée les catholiques kazakhs. Puis la coexistence avec les musulmans est une chose sur laquelle nous travaillons beaucoup de notre côté. Et le Kazakhstan n’est pas le seul à être en avance sur ce point. Je pense à quelques pays du nord de l’Afrique.

Il y a une belle coexistence au Maroc par exemple, il y a un dialogue assez développé là-bas. Je m’arrêterai sur la rencontre religieuse. Quelqu’un m’a critiqué, disant que ces fondations faisaient croître le relativisme. Il n’y a aucun relativisme. Tout au contraire. Chacun a dit sa vérité, tous respectaient la posture des autres, mais nous nous asseyons ensemble en frères. Et si nous ne dialoguons pas, il y a l’ignorance ou la guerre: il vaut mieux vivre en frères. Nous avons une maison commune, nous sommes tous humains, vivons donc comme des humains bien éduqués: «Et toi que penses-tu? Et moi que pense-je? Mettons-nous d’accord, parlons un peu. Connaissons-nous!»

Tant de fois, ces guerres qu’on dit avec malentendu «de religion», viennent d’un manque de connaissance. Et cela, ce n’est pas du relativisme. Moi, je ne renonce pas à ma foi si je parle avec la foi d’un autre. Au contraire, je fais honneur à ma foi si j’écoute celle d’un autre. J’ai beaucoup admiré le fait qu’un pays aussi jeune, avec tant de difficulté, un tel climat, soit malgré cela capable de faire sept éditions d’un sommet de ce genre. Une rencontre mondiale: des leaders juifs, chrétiens, musulmans, des religions orientales. À cette table, toutes les religions se parlaient et s’écoutaient avec respect.

Cela, c’est une des bonnes choses qu’a faites ton pays, non? Qu’un pays comme celui-là, si je peux dire un peu «dans un coin» du monde, fasse une rencontre de ce genre, m’a fait forte impression. Puis, comme je le disais à votre collègue, la ville est d’une beauté architecturale de première catégorie. Et les préoccupations du gouvernement… Une chose qui m’a beaucoup touché, ce sont les préoccupations culturelles du président du Sénat. C’est lui qui a présidé cette rencontre, mais après il a trouvé du temps pour me faire connaître une jeune chanteuse qu’il devait connaître, il est très ouvert à la culture. À cela, je ne m’attendais pas, j’ai été content de la connaître.

Rudolf Gehrig – EWTN: Beaucoup d’Églises en Europe, comme celle d’Allemagne, subissent une grave perte de croyants. Les jeunes ne semblent plus avoir l’intention d’aller à la messe le dimanche. À quel point êtes-vous préoccupé par cette tendance et que voulez-vous faire?
C’est à moitié vrai, à moitié à relativiser. Il est vrai que l’esprit de sécularisation, le relativisme, met en discussion toute ces choses. C’est vrai, c’est vrai. Ce que vous devez faire, avant toute chose, c’est être cohérent avec la vraie foi. Je pense que si tu es un évêque ou un prêtre qui n’est pas cohérent, ces jeunes le sentent et disent «Ciao!». Et dans une église, quand ça se sait, dans quelque pays que ça soit, pense plus à l’argent, au développement, aux plans pastoraux et non à la pastorale, si on va dans ces choses-là, tout cela n’attire pas les gens. Quand j’ai écrit il y a deux ans la Lettre au peuple allemand [Le pape a dit «polonais» mais a tenu à faire corriger ce point par le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, ndlr]. [Inaudible] Quand le pasteur est près des gens… Cela a dit le peuple doit connaître ce que pense le pape. Et y aller.

Je crois que les pasteurs doivent aller de l’avant. Si les pasteurs ont perdu l’odeur des brebis et les brebis ont perdu l’odeur du pasteur, cela ne va pas de l’avant. Et en même temps, à la surprise de tous en général, pas seulement en Allemagne, en général on pense comment rénover, comment faire plus moderne, la pastorale… ce qui est bien…. Mais il faut toujours que cela soit dans les mains d’un pasteur. Si la pastorale est dans les mains de «scientifiques de la pastorale», de celui qui considère ceci, on doit le faire comme ça… Jésus a fait l’Église avec des pasteurs. Non avec des guides politiques. Il a fait l’Église avec des personnes ignorantes. Les douze étaient tous aussi ignorants que les autres.

L’Église est née pour quoi? Pour sentir l’odeur du troupeau avec le pasteur, et le pasteur avec le troupeau. C’est le rapport le plus important selon moi quand il y a des crises dans un endroit, dans une province. Je me demande alors si le pasteur est proche de son troupeau, et ce troupeau, des pasteurs? Le problème, ce sont les pasteurs.

Sur ce, je me permets de te suggérer de lire les commentaires de saint Augustin sur les pasteurs. Cela se lit en une heure. Ce sont parmi les choses les plus sages qui ont été écrites pour les pasteurs. Et avec cela tu peux juger tel pasteur, celui-là. Cela ne parle pas de moderniser. Si, il faut mettre à jour avec méthodes, c’est vrai. Mais s’il manque le cœur du pasteur, aucune pastorale ne fonctionne. Aucune. C’est ça, je ne sais pas si je vous ai bien répondu… Merci pour vos questions! (cath.ch/imedia/hl/rz)

De retour du Kazakhstan, le pape a donné, comme à son habitude, une conférence de presse dans l'avion | © Photo d'illustration: Masakatsu Ukon/Flickr/CC BY-SA 2.0
16 septembre 2022 | 10:26
par I.MEDIA
Temps de lecture: env. 17 min.
Allemagne (246), Chine (388), Kazakhstan (50), Nicaragua (98), Ukraine (628)
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