La vie au Redfern Jarjum College des jésuites de Sydney, 26 janvier 2024 | © Jesuits global
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Une école jésuite de Sydney engagée auprès des Aborigènes

L’histoire coloniale n’a pas fini de peser sur les Aborigènes d’Australie, qui forment un groupe social marginalisé et pauvre. Un coup a même été porté au processus de réconciliation nationale à l’automne 2023. Du côté des Églises, des initiatives sont mises en œuvre pour poursuivre ce travail. La visite dans le pays du Général de la Compagnie de Jésus, à la fin janvier 2024, a permis de valoriser l’engagement des jésuites auprès des Aborigènes.

Le Père Arturo Sosa, Général des jésuites, s’est rendu en Australie le 29 janvier 2024, dans le cadre de la Conférence des jésuites d’Asie-Pacifique. Cette visite a été pour la Compagnie de Jésus une occasion de rappeler le rôle des institutions éducatives jésuites dans la formation de milliers d’étudiants et d’enseignants dans la région.

La Province jésuite australienne, pour sa part, concentre la plus grande part de son activité à l’apostolat social, à l’éducation et à l’intégration des Aborigènes dans la société australienne. Parmi les œuvres visitées à Sydney par le Père Général, il en est une qui conjugue ces divers objectifs: le Redfern Jarjum College (Jarjum).

La réconciliation par l’éducation

L’Australie compte 984’000 aborigènes et insulaires du détroit de Torres. Ils forment 3,8% de sa population. Actif depuis dix ans à Redfern, une banlieue pauvre de la capitale australienne principalement peuplée d’Aborigènes, à trois kilomètres au sud du quartier central des affaires de Sydney, le Redfern Jarjum College mise sur l’éducation comme vecteur de réconciliation sociale, culturelle et spirituelle de la nation. Il tire d’ailleurs son nom d’un mot aborigène, Jarjum, qui signifie «jeune/enfant».

Cet institut catholique tenu par les jésuites offre l’accès gratuit à une éducation primaire aux enfants aborigènes de Sydney ou des îles du détroit de Torres, qui ne fréquentent pas ou ne peuvent pas intégrer les écoles traditionnelles en raison de la pauvreté ou de conditions familiales difficiles.

Marcher aux côtés des exclus

Les options pédagogique de l’école reflètent clairement les quatre préférences apostoliques universelles de la Compagnie de Jésus, à commencer par «cheminer avec les jeunes» et «marcher aux côtés des pauvres, des personnes blessées dans leur dignité, des exclus et de ceux que la société considère sans valeur, dans une mission de réconciliation et de justice».

Interviewée par le jesuit global, un média en ligne de la Curie de la Compagnie de Jésus, à l’occasion de la visite du Père Général Sosa, la directrice du collège Katherine Zerounian a expliqué que beaucoup d’enfants accueillis à Jarjum sont confrontés non seulement à la pauvreté mais aussi à des traumatismes intergénérationnels. L’école leur prodigue un soutien concret (vêtements, repas) et aident leurs familles dans leur processus d’intégration sociale. «Nous donnons de l’espoir à ceux qui luttent pour en trouver», a-t-elle affirmé. La directrice s’est dite aussi persuadée que «la spiritualité ignatienne, caractérisée par le fait de ‘trouver Dieu en toutes choses’, est enrichie par le respect et l’exploration de la spiritualité aborigène».

Au Redfern Jarjum College des jésuites de Sydney, spiritualité ignatienne et spiritualité aborigène se côtoient et se conjugent, 2024 | © Jesuits global

Les Aborigènes, toujours marginalisés

Le travail fourni par cette œuvre jésuite est d’autant plus précieux que le processus d’intégration des communautés aborigènes dans la société australienne s’est arrêté à l’automne 2023, souligne l’agence catholique Fides. Consulté par référendum, 60% des électeurs Australiens ont refusé, le 14 octobre 2023, d’accorder aux Aborigènes une reconnaissance constitutionnelle et des droits plus étendus. Ils ont rejeté la création d’un conseil consultatif au Parlement qui aurait donné aux populations autochtones la possibilité de s’exprimer sur les questions qui les concernent directement.

Cette consultation populaire – promue par le Parti travailliste, au pouvoir depuis 2022 – a eu lieu 235 ans après la colonisation britannique, 61 ans après que les Australiens aborigènes ont obtenu le droit de vote (en 1962) et 15 ans après les «excuses» publiques historiques du gouvernement australien aux communautés indigènes pour les dommages causés par des décennies de politiques gouvernementales, y compris le retrait forcé d’enfants de familles aborigènes.

Pour la coalition de groupes de défense des droits des aborigènes, les Australiens ont manqué une importante occasion de réconciliation nationale. Un «oui» au référendum aurait permis de panser les blessures infligées aux peuples indigènes à l’époque de la colonisation. Au lieu de cela, la campagne et le vote ont mis en lumière les profondes divisions qui traversent encore la société australienne.

L’engagement des évêques

Pour aider à guérir ces blessures, les évêques catholiques australiens ont publié en 2023 une déclaration intitulée Écouter, apprendre, aimer: un nouvel engagement avec les aborigènes et les insulaires du détroit de Torres, inspirée par le parcours synodal en cours dans l’Église. Les évêques ont invité les catholiques australiens à un nouvel engagement avec les «peuples premiers», pour surmonter ensemble l’injustice. (cath.ch/com./fides/lb)

Les armoiries du Redfern Jarjum College indique clairement les objectifs de l’établissement scolaire. Ses couleurs sont celles du drapeau aborigène. Au centre, figure une croix chrétienne avec les lettres IHS (abréviation grecque du nom de Jésus), qui fait partie du monogramme de la Compagnie de Jésus. Dans un second cercle, des rayons de soleil représentent la confiance du personnel dans les espoirs et les rêves des élèves, ouverts sur la communauté élargie à laquelle le Jarjum College appartient. La devise de l’établissement est Gili, qui signifie «briller» dans la langue du peuple indigène Gadigal. lb

La vie au Redfern Jarjum College des jésuites de Sydney, 26 janvier 2024 | © Jesuits global
12 février 2024 | 15:45
par Lucienne Bittar
Temps de lecture: env. 4 min.
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