Eglise: la dimension oecuménique du nouveau Catéchisme (240193)
APIC- Dossier
Le point de vue de Max Thurian
Fribourg, 24janvier(APIC/Max Thurian) Accueilli avec enthousiasme par les
uns, avec méfiance par d’autres, le nouveau Catéchisme de l’Eglise catholique ne laisse personne indifférent. Le frère Max Thurian, de la communauté
de Taizé, qui fut observateur au Concile Vatican II et collaborateur actif
du Conseil oecuménique des Eglises à Genève, apporte ci-dessous son éclairage sur l’apport de cet ouvrage pour le dialogue oecuménique. Il y voit
deux éléments fondamentaux: un exposé clair, précis et complet de la doctrine catholique depuis Vatican II, et une occasion pour toutes les autres
communions chrétiennes de vérifier en toute liberté leur foi et d’approfondir leur compréhension de la Parole de Dieu.
La recherche de l’unité visible des chrétiens exige un dialogue oecuménique fondé sur un témoignage franc et clair des vérités de la foi. L’unité
ne se fera pas dans la confusion doctrinale ou dans la recherche d’un plus
petit dénominateur commun. L’unité visible des chrétiens ne peut se fonder
que sur la vérité plénière comprise dans la clarté doctrinale et dans la
charité fraternelle.
Les dialogues théologiques entre l’Eglise catholique et les diverses
communions chrétiennes, après Vatican II, ont toujours souhaité suivre cette méthode de la clarté dans l’ouverture. Ils sont déjà parvenu à des résultats importants. Cependant, pour fonder la position doctrinale catholique, il fallait parfois recourir à diverses sources dans la Tradition, et
il n’était pas toujours facile de mettre d’accord les théologiens sur l’importance de tel ou tel texte du magistère. Il manquait souvent un texte de
référence inclusif de toute la Tradition, où l’on puisse trouver la doctrine complète et sûre de l’Eglise catholique, dans tout son développement homogène, y compris l’étape importante de Vatican II.
Une lacune comblée
Le Catéchisme de l’Eglise catholique comble cette lacune et permet de
connaître la doctrine catholique concernant tous les points importants de
la foi. Il sera donc une aide précieuse pour les dialogues oecuméniques, où
il est toujours nécessaire de connaître les positions de chaque partenaire
pour discerner les convergences ou noter les divergences en toute clarté et
honnêteté. De nombreuses pages du Catéchisme révéleront une communauté de
foi entre les chrétiens, en particulier dans la première partie concernant
la profession de foi en Dieu, Père, Fils et Saint Esprit et dans la dernière partie sur la prière chrétienne.
Certains points délicats du dialogue oecuménique trouvent dans le Catéchisme un éclairage propre à dissiper les malentendus, tant il est vrai que
lorsque la vérité est exprimée dans toute sa clarté et selon la dimension
biblique et traditionnelle complète, elle entraîne plus sûrement la conviction.
Une grande place est faite à l’Ecriture Sainte dans le Catéchisme qui la
cite constamment pour fonder ses affirmations. L’Ecriture et la Tradition
jaillissent d’une source divine identique, elles ne forment qu’un tout et
tendent à une même fin (no 80 citant Dei Verbum). La certitude de l’Eglise
est résumée au no 135: «Les Saintes Ecritures contiennent la Parole de Dieu
et, puisqu’elles sont inspirées, elles sont vraiment cette Parole.»
(D.V.24) L’Eglise exhorte tous les chrétiens à acquérir par la lecture fréquente des Saintes Ecritures la connaissance profonde de Jésus-Christ. «En
effet ignorer les Ecritures, c’est ignorer le Christ.» (no 133 citant saint
Jérôme et D.V.25)
L’Eglise mère de notre nouvelle naissance
Avant d’expliquer le Credo, le Catéchisme montre que le salut vient de
Dieu seul et nous est communiqué par la foi que nous transmet l’Eglise notre mère: «nous croyons l’Eglise comme la mère de notre nouvelle naissance,
et non pas en l’Eglise comme si elle était l’auteur de notre salut. Parce
qu’elle est notre mère, elle est aussi l’éducatrice de notre foi.» (no 169
citant Faustus de Riez). La grâce de Dieu suscite en nous la foi qui nous
rattache au Christ: «Mûs par la grâce de l’Esprit Saint et attirés par le
Père, nous croyons et confessons au sujet de Jésus: ’Tu es le Christ, le
Fils du Dieu vivant’(Mt. 16,16). C’est sur le roc de cette foi, confessée
par saint Pierre, que le Christ a bâti son Eglise.» (no 424 citant Léon le
Grand)
A propos de l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique, le Catéchisme reprend l’enseignement de Vatican II, en particulier le décret sur
l’oecuménisme. «Cette Eglise comme société constituée et organisée dans le
monde est réalisée dans (subsistit in) l’Eglise catholique gouvernée par le
successeur de Pierre et les évêques qui sont en communion avec lui.» (no
816) C’est par elle que peut s’obtenir toute la plénitude des moyens de salut. (Unitatis Redintegratio 3) Cependant, ceux qui naissent aujourd’hui
dans des communautés séparées de l’Eglise catholique et qui vivent la foi
au Christ, «l’Eglise catholique les entoure de respect fraternel et de charité (…) Justifiés par la foi reçue au baptême, incorporés au Christ, ils
portent à juste titre le nom de chrétiens, et les fils de l’Eglise catholique les reconnaissent à bon droit comme des frères dans le Seigneur» (no
818, U.R.3) Beaucoup d’éléments de sanctification et de vérité existent en
dehors des limites visibles de l’Eglise catholique. (Lumen Gentium 8)
«L’Esprit du Christ se sert de ces Eglises et communautés ecclésiales comme
moyens de salut dont la force vient de la plénitude de grâce et de vérité
que le Christ a confié à l’Eglise catholique. Tous ces biens proviennent du
Christ et conduisent à lui et appellent par eux-mêmes l’unité catholique.»
(no 819) Toute la conception de l’oecuménisme catholique de Vatican II est
contenue dans cette phrase.
Le baptême lien sacramentel de l’unité des chrétiens
Le Catéchisme donne également un «programme» de travail oecuménique pour parvenir un jour à l’unité visible des chrétiens – qui comprend les
éléments suivants: renouveau permanent de l’Eglise, conversion du coeur
pour mieux vivre l’Evangile, prière en commun, connaissance réciproque fraternelle, formation oecuménique, dialogue entre théologiens, rencontres entre chrétiens, collaboration dans le service des hommes. (no 821)
Dans le chapitre sur les sacrements de l’initiation chrétienne, le baptême est appelé «le lien sacramentel de l’unité des chrétiens» (no 1271),
conformément au Concile Vatican II (U.R.22). Ce sacrement est le fondement
de la communion entre tous les chrétiens, également avec ceux qui ne sont
pas encore en pleine communion avec l’Eglise catholique. Le Catéchisme affirme ainsi, avec Vatican II, que la communion entre tous les chrétiens,
même si elle est imparfaite, a un caractère sacramentel par le baptême commun qui les situe dans une communauté de vie dans le corps du Christ. C’est
là le grand progrès de l’oecuménisme et la promesse d’une unité toujours
plus profonde.
Eucharistie: action de grâce, mémorial, présence
En ce qui concerne l’Eucharistie, le Catéchisme a su unir la doctrine
traditionnelle des Pères et du Concile de Trente à l’approndissement biblique du renouveau liturgique qui a préparé le Concile Vatican II. Le dialogue oecuménique sur le baptême, l’Eucharistie et le ministère poursuivi ces
dernières années par la Commission «Foi et Constitution» (Conseil Oecuménique des Eglises (COE)de Genève, BEM) avec la participation active des théologiens catholiques, a permis un grand rapprochement dans la foi. L’Eglise
catholique a fait une réponse officielle constructive à ce dialogue universel, unique dans l’histoire.
La doctrine catholique traditionnelle exprimée par le Catéchisme montre
quels progrès ont été accomplis ces dernières années dans la réflexion
théologique concernant l’Eucharistie, en particulier en ce qui concerne «le
sacrifice sacramentel: action de grâce, mémorial, présence» (No 1356-1381)
L’Eglise catholique reconnaît sa communion doctrinale avec les Eglises
orthodoxes à propos de l’Eucharistie et du saccerdoce, ce qui lui permet
d’envisager «un certaine communion ’in sacris’» (no 1399). Avec les communautés ecclésiales issues de la Réforme, l’intercommunion n’est pas possible à cause des divergences concernant le sacrement de l’ordre, le sacerdoce et l’épiscopat (no 1400). Cependant, l’Eglise prévoit, dans certains
cas, que les ministres catholiques peuvent donner l’Eucharistie aux autres
chrétiens qui ne sont pas en pleine communion avec l’Eglise catholique, et
qui le demandent spontannément, à condition qu’ils manifestent la foi eucharistique catholique et soient dans les dispositions requises (no 1401).
L’Eglise veut ainsi témoigner de son ouverture et de son attention à la
doctrine du sacerdoce et des sacrements.
Marie est l’orante parfaite, figure de l’Eglise
Les parties sur «la vie dans le Christ» et «la prière chrétienne» seront
stimulantes pour la réflexion chrétienne commune: la liberté de l’homme, la
conscience morale, la loi et la grâce, la tradition de la prière, l’Oraison
dominicale… Sur beaucoup de points, le dialogue oecuménique pourra manifester l’accord des chrétiens.
Même sur des points qui font encore difficulté dans le dialogue oecuménique, le Catéchisme ouvre des perspectives pleines de promesses. Ainsi en
est-il du rôle de Marie dans la prière du chrétien. Il nous plaît de citer
ce beau texte : «Marie est l’orante parfaite, figure de l’Eglise. Quand
nous la prions, nous adhérons avec elle au dessein du Père qui envoie son
Fils pour sauver tous les hommes. Comme le disciple bien aimé, nous accueillons chez nous la Mère de Jésus, devenue la mère de tous les vivants.
Nous devons prier avec elle et la prier. La prière de l’Eglise est comme
portée par la prière de Marie. Elle lui est unie dans l’espérance.» (no
2679)
Ce Catéchisme de l’Eglise catholique ne pourrait-il pas être pour toutes
les communions chrétiennes, en toute liberté, une occasion de vérification
de leur foi et d’approfondissement de leur compréhension de la Parole de
Dieu? Ce serait là un service oecuménique que le Catéchisme pourrait rendre
en vue de l’unité visible de tous les chrétiens pour laquelle le Christ a
ardemment prié. (apic/Max Thurian/mp)
Les intertitres sont de la rédaction
Encadré
Max Thurian est né en 1921 à Genève. Il a pris ses engagements à vie dans
la Communauté de Taizé en 1949. En compagnie de Frère Roger, fondateur de
la Communauté, il a participé comme observateur au Concile Vatican II. Il
fut également collaborateur actif du Conseil oecuménique des Eglises. Il
est l’auteur de nombreux ouvrages portant notamment sur Marie, la confession, l’Eucharistie et le mariage. Il a été ordonné prêtre catholique en
1987. (apic/mp)
L’Eglise de Chine dans la tourmente des événements de juin
APIC – Dossier
Analyse du Père Jeroom Heyndrickx, sinologue de Louvain
Louvain, 30juin(APIC) A l’heure de la sévère répression qui s’abat sur la
Chine en ce mois de juin, le Père Jeroom Heyndrickx, scheutiste flamand et
sinologue reconnu, fait le point sur la situation de l’Eglise chinoise pour
l’agence de presse catholique CIP à Bruxelles. Après avoir passé 25 ans à
Taïwan, le P. Heyndrickx dirige aujourd’hui la Fondation Ferdinand Verbiest, centre culturel de l’Institut Chine Europe au sein de l’Université
catholique de Louvain (KUL, Leuven). Son regard est celui d’un ami du
peuple chinois qui souffre de voir les signes d’ouverture de ces dernières
années si brutalement réprimés.
«Depuis une semaine, ici, nous avons eu chaque jour un enterrement, et
chaque fois, de nombreux chrétiens sont venus pleurer leurs disparus», racontait à la mi-juin un vieux prêtre dans une église catholique de Pékin.
Pendant qu’il parlait, des hommes et des femmes s’agenouillaient en pleurs
dans l’église, laissant échapper de temps à autre leurs cris de chagrin en
pensant à leurs enfants tués. Un jeune prêtre ajoutait: «On nous sollicite
beaucoup pour présider des enterrements. Nous allons là où on nous demande.
Notre tâche est de consoler ceux qui pleurent». Il ne s’est cependant pas
risqué à évaluer le nombre de catholiques tués sur la Place Tien An Men. A
ce propos, les officiels de l’Association patriotique des catholiques de
Chine (APCC), proche du régime, ont affirmé qu’aucun catholique n’avait été
tué durant les événements de Pékin.
Les catholiques et le mouvement pour la démocratie
Dans quelle mesure les catholiques chinois ont-ils pris part en tant
tels aux manifestations? Difficile à dire, répond le Père Heyndrickx. Normalement, on s’attendrait à ce qu’ils aient pleinement soutenu la lutte
pour la démocratie et contre la corruption.
Mais peut-être étaient-ils un peu moins activement concernés par les manifestations. Le traumatisme des tortures qu’ils ont subies durant la Révolution culturelle est encore vivant chez eux.
Fausses images sur l’histoire de la Mission de Chine
Dans les années soixante, on idéalisait en Occident tout ce qui se passait en Chine durant cette période. En conférence internationale, on analysait l’idée de l’»homme nouveau» en Chine d’après les écrits de Mao. Des
spécialistes chrétiens de la Chine sont allés jusqu’à affirmer qu’il n’y
avait qu’en Chine que l’Evangile était authentiquement vécu! Tout cela à un
moment où, en Chine, tous les chrétiens subissaient persécutions et mauvais
traitements. Plusieurs d’entre eux sont morts ou ont été torturés en prison. En fait, à l’époque, la souffrance était le lot de tous les citoyens
chinois. L’information diffusée durant cette période peut passer pour un
modèle quant à la manière de faire mentir la réalité.
Les images fausses sur l’Eglise qui ont été répandues en Chine pendant
des années sont un résultat manifeste de la même tactique. Les missionnaires Ricci, Schall et Verbiest ont été des pionniers en matière d’échanges
culturels et scientifiques entre la Chine et l’Europe. On les a rangé dans
la «génération des géants». Leur initiative quant à l’inculturation de
l’Eglise en Chine a, certes, échoué. Ceci ne doit pas surprendre, étant
donné qu’ils étaient en avance sur leur temps.
Les chrétiens chinois qualifiés de «mauvais patriotes»
Les historiens de la Chine d’aujourd’hui y ont vite trouvé un prétexte
pour considérer les missionnaires comme auteurs d’une «invasion culturelle». Résultat, entre autres: les chrétiens chinois, jusqu’à nos jours, sont
désignés en Chine comme «mauvais patriotes». Le Père Ferdinand Verbiest,
envers qui son ami, l’empereur Guangqi ne tarissait pas d’éloge, a été soudain, dans les documents officiels chinois depuis la Révolution culturelle,
dépeint comme un espion des Russes. Des historiens russes, polonais et même
chinois ont contesté cette version des faits et l’ont taxée de non scientifique lors de la Conférence internationale de Louvain consacrée à Ferdinand
Verbiest, en septembre 1986.
Face à cette tactique, les plus vulnérables étaient naturellement tous
les missionnaires étrangers venus en Chine après la Guerre de l’Opium. Ils
ont toujours clairement profité des avantages politiques et commerciaux
moyennant le chantage exercé sur les Chinois par les grandes puissances impérialistes occidentales. C’est via ces grandes puissances que les missionnaires ont obtenu l’autorisation d’entrer en Chine après 1840. Ils y ont
construit 3 Universités, 250 écoles secondaires, 800 écoles primaires et
250 dispensaires et hôpitaux.
Ils ont lancé l’aide au développement dans les provinces où la population était extrêmement pauvre. En plus du travail missionnaire accompli,
c’étaient là des contributions positives au pays et à la population. Même
le Premier ministre Zhou Enlaï le reconnaissait encore en 1951. Mais peu à
peu, un seul discours s’est imposé: «Invasion culturelle. Impérialisme occidental». C’est devenu «la Vérité officielle» sur l’histoire de l’Eglise
chinoise. Personne en Chine ne peut tenir, oralement ou par écrit, un autre
discours.
Les mots défendus
Les communistes se sont arrogé le monopole de l’écriture de l’histoire
et dans leur propre jargon. Ils ont fait avec toute l’histoire de la mission catholique en Chine ce qu’ils ont fait aujourd’hui avec le drame de la
Place Tien An Men.
Lorsque Mao Zedong, en 1949, est arrivé au pouvoir, la plupart des pays
ont rappelé leurs ambassadeurs. Ils n’avaient pas de sympathie pour le nouveau régime. C’est seulement 25 ans plus tard que ces pays, un à un, ont
reconnu la République Populaire de Chine et y ont renvoyé leurs ambassadeurs. L’ambassadeur du Vatican, néanmoins, était lui resté en Chine en
1949, manifestement avec l’intention d’être aux côté de l’Eglise chinoise
et de collaborer avec le nouveau régime. Mais la Chine a refusé tout contact avec le nonce.
Le résultat de nombreuses années de falsification de l’histoire de
l’Eglise, c’est que presque tous les Chinois ont des catholiques et de
l’Eglise dans leur pays une image fortement déformée. On s’en rend vite
compte quand on parle avec l’homme de la rue. Il suffit de prononcer les
mots «Eglise catholique», «pape», «Vatican», «évêque» ou «prêtre» pour que
les oreilles tintent. Ces mots renvoient pour les Chinois à «quelque chose
de très mauvais», aux «figures de proue de l’impérialisme occidental», à
«l’espionnage». Dans les romans et à la télévision, l’espion est très souvent un prêtre catholique ou quelqu’un qui, comme par hasard, porte une petite croix.
Division au sein de l’Eglise chinoise
En 1957, la Chine a trouvé bon d’ériger une Association patriotique des
catholiques Chinois (APCC). Son but avoué: «Régler les relations entre
l’Eglise et l’Etat». Les catholiques durent faire la preuve de leur patriotisme en se faisant membres de l’APCC. Et ils le firent en étant obligés de
rompre leurs liens avec le pape. A partir de 1958, cette APCC a commencé,
de son propre chef, à nommer ses propres évêques et à les ordonner, sans
aucune concertation avec le Saint-Siège.
Seule une minorité de catholiques chinois est devenue membre de l’Association patriotique. Même la plupart de ceux qui sont devenus membres ont
fait comme tout le monde afin de sauver ce qui pouvait l’être au profit de
l’Eglise. Ils sont restés des chrétiens fidèles. Quelques dirigeants laïcs
de l’APCC, cependant, sont allés beaucoup plus loin. Les déclarations pontificales les plus positives ont subi leur rejet et leurs critiques acerbes. Ils se sont en outre directement occupé de la direction de l’Eglise
chinoise. La conséquence est que, depuis ce temps là, au sein d’une même
Eglise catholique chinoise, deux groupes campent l’un en face de l’autre.
APIC – Dossier
L’Eglise de Chine dans la tourmente des événements de juin
(Suite et fin)
Louvain, 2juillet (APIC) La plupart des catholiques chinois ont toujours
refusé de devenir membres de l’APCC. Ils aiment autant leur patrie que
n’importe quel autre Chinois. Nombre de catholiques ont été élus par les
gens de leur village citoyens-modèles. Mais, dans le même temps, ils restent aussi fidèles au pape. Ils n’admettent pas que leur Eglise soit victime de discrimination, que la position du pape dans l’Eglise et dans tout
le passé ecclésial de la Chine soit qualifiée d’»invasion culturelle» et
d’»impérialisme» grâce au monopole d’Etat dans l’écriture de l’histoire.
Ils refusent de contribuer à la propagation de cette «Vérité officielle». L’énorme souffrance et les humiliations que ces catholiques ont subies
publiquement durant la Révolution culturelle ont suscité une grande sympathie de la part des autres Chinois, dans un grand nombre de cas. Chacun
sait aujourd’hui en Chine que ce sont les catholiques qui, durant cette
période, ont le plus subi de violations des droits de l’homme.
Espoir ou refus d’être naïfs ?
La Révolution culturelle a été suivie d’une période de normalisation. On
a construit un certain nombre de nouvelles petites églises et un millier
d’églises anciennes ont été restaurées. Douze grands Séminaires ont été
réouverts: de quoi accueillir quelque 700 candidats qui sont venus se
préparer au sacerdoce. On a également ouvert des noviciats pour les religieuses dans plusieurs diocèses. Toute cette évolution a donné à de
nombreux catholiques en Chine un nouvel espoir d’une normalisation de la
situation de l’Eglise. Ils se sont mis à fréquenter les offices religieux
et, tout en n’étant pas d’accord avec les critiques et la double attitude
des dirigeants de l’Association patriotique, ils se sont efforcés d’entreprendre des relations positives de collaboration en vue du bien de l’Eglise
chinoise tout entière.
Mais d’autres catholiques n’ont pas oublié le passé. Ils ne veulent pas
être naïfs et ne pourront pas croire dans ce qu’on appelle officiellement
«la liberté religieuse» aussi longtemps que des évêques et des prêtres demeureront en prison. Ils refusent de collaborer avec les dirigeants de
l’APCC ou de reconnaître les évêques nommés par cette Association. Ils ont
leurs propres évêques et prêtres «clandestins» et sont farouchement adversaires de tout groupe de catholiques «patriotes». Les catholiques qui n’oublient pas le passé disent aux chrétiens que «fréquenter les églises de
l’APCC pour célébrer l’eucharistie est un péché mortel». Ils campent ainsi
sur une situation excessivement agressive, que même leurs amis trouvent
malheureuse et exagérée. Il y a donc de la brouille au sein de l’unique
Eglise catholique chinoise.
A la recherche d’une relation nouvelle avec l’Eglise chinoise
Depuis l’étranger, des amis catholiques ont fait de gros efforts pour
entreprendre un dialogue positif tant avec l’un qu’avec l’autre de ces
groupes, avec l’espoir d’une réunification dans l’Eglise catholique de Chine. On a encouragé les catholiques «clandestins» à faire des pas en vue de
la réconciliation, tandis que l’on demandait aux dirigeants de l’APCC de
revoir leurs préjugés à l’égard des non-membres de leur Association et de
tirer au clair leur propre fidélité à l’Eglise universelle.
Avec les instances chinoises officielles aussi, un dialogue ouvert a été
engagé par la communauté catholique internationale. On a trouvé positif et
juste que la Chine ait pu finalement prendre place dans le concert des nations. La plus grande nation du monde a, dans son long passé et sa riche
culture, largement de quoi contribuer à la paix dans le monde et à la construction d’une fraternité universelle entre les peuples. C’est pour cela
que Jean Paul II, en effet, avait plaidé le 4 octobre 1965 dans son allocution aux Nations Unies, bien avant que la Chine soit admise à l’ONU. Le
Saint-Siège, il y a quarante ans, a pris une attitude de dialogue en ne
souhaitant pas quitter la Chine de Mao en 1949, alors que d’autres le faisaient. Après 1979, relève encore le Père Heyndrickx, Caritas international
a lancé des dizaines de projets sociaux en collaborations avec les instances chinoises officielles.
Avenir sombre?
«Nous sommes optimistes, mais pas naïfs». C’est toujours en ces termes non suspects à l’époque – que nous avons toujours exprimé aux instances officielles en Chine notre opinion sur l’évolution du pays. Des raisons
d’espérer, nombre d’autorités occidentales, d’hommes d’affaires et de gens
d’Eglise qui sont partis en Chine en ont trouvé. Que nous ayons eu raison
d’exhorter à la vigilance, on s’en est bien rendu compte sur la Place Tien
An Men. Il faudra encore longtemps avant qu’apparaissent de nouveaux signes
d’espoir parmi les signes sombres que nous avons perçus ces temps-ci.
Toute la Chine étudie à présent le document du Parti daté du 5 juin
(Quotidien du peuple du 6 juin) et adressé à tous les membres du Parti et
au peuple chinois. Ce texte ne présage rien de bon pour l’avenir: «Les organisateurs et les instigateurs de cette révolte contre-révolutionnaire
étaient principalement un petit groupe de gens qui réclament avec entêtement la libéralisation de la classe possédante, des agitateurs politiques
qui complotent avec les puissances hostiles d’outremer et à l’étranger et
qui livrent les secrets de l’Etat et du Parti à des organisations illégales».
Nombre d’amis catholiques de la Chine ont cru que la Chine allait jouer
un rôle positif de paix dans la famille des nations. Ils ont voulu aller
coopérer avec la Chine et ont encouragé leurs amis à faire de même. Ils ont
entrepris des dizaines de projets de collaboration avec la Chine. Deng
Xiaoping a certes affirmé que la politique d’ouverture vers l’étranger allait se poursuivre, mais il a mis en garde dans le même temps face aux pensées malsaines venant de l’étranger. Chenyun et Li Xiannian ainsi que Li
Tiehying ont fait des discours qui faisaient penser aux slogans de la Révolution culturelle. A Pékin, des responsables d’Eglise et des prêtres ont
reçu ces jours-ci à nouveau une masse de «travail d’étude» imposé d’en
haut. Les catholiques se posent manifestement des questions. Les Eglises à
Pékin sont vides.
«L’incertitude et l’obsurité déterminent en ce moment le ton de tout
pronostic sur l’Eglise de Chine. Jusqu’à ce que la Chine elle même nous
donne la preuve du contraire, car, conclut le Père Heyndrickx, nous croyons
qu’il y a des gens qui, même en ces temps sombres, travaillent en vue d’un
nouvel espoir pour l’avenir». (apic/cip/pr)
APIC-Dossier
Bruxelles : «Ethique et clinique de la fécondation in vitro» (250588)
Bruxelles, 25mai(APIC/CIP) Il y a dix ans naissait le premier bébé conçu
par fécondation in vitro (FIV). Cinq ans plus tard, l’Université catholique
de Louvain (UCL) entamait ses premiers programmes en ce domaine, sur son
site de Louvain-en-Woluwe (Bruxelles). Ou en est-on aujourd’hui dans la
fécondation in vitro, du point de vue éthique et du point de vue clinique,
notamment à l’UCL ? La question a fait l’objet de toute une journée d’études, le 18 mai, à Louvain-en-Woluwe, à l’initiative du Centre d’Etudes bioéthiques de l’UCL.
Le professeur Macq, recteur de l’UCL, a tenu à ouvrir lui-même les
débats, en rappelant publiquement «le souci et le devoir de l’UCL de
réfléchir aux implications de l’emprise progressive et parfois agressive
des sciences et des techniques sur notre culture et sur nos valeurs». Sans
verser dans le traditionalisme, il s’agit, en effet de cultiver un héritage
moral et spirituel, d’intégrer la référence au message chrétien jusque
«dans les choix et les recherches universitaires». Loin de laisser comme
Louis Pasteur «la foi et le chapeau à l’entrée du laboratoire», le prof.
Macq a donc encouragé les universitaires de différentes disciplines à «se
dépenser sans compter aux nouvelles frontières», avec leur foi et leur
amour de l’autre (et du Tout Autre), en restant «attentifs aux excès réducteurs de la science et aux dérapages de la recherche», avec la modestie
mais aussi l’assurance que confère la vision chrétienne de l’homme, avec
enfin la conviction qu’on ne doit «jamais partir seul dans la recherche».
Ethique, droit et théologie, puis biologie et clinique : la succession
des aspects abordés au cours de la journée témoignait du souci de l’UCL de
ne pas laisser la réflexion morale et chrétienne à la traîne. Même si, dans
la pratique, le chercheur ou le clinicien n’attendent pas le moraliste pour
soulever des questions inédites.
La vie : un don
En mars 1987, la Congrégation du Vatican pour la Doctrine de la Foi a
publié une importante «Instruction sur le respect de la vie humaine naissante et la dignité de la procréation». Les premiers mots latins de ce document – Donum Vitae -, rappelle le Père Roger Troisfontaines, théologien
moraliste et ancien recteur de Facultés Notre de la Paix à Namur, en
montrent bien l’enjeu : il s’agit d’accueillir et de promouvoir toute vie
humaine comme un don de Dieu et de se montrer reponsable par rapport à la
création. La dignité de la personne humaine n’est pas seulement liée au
respect de la vie dès la procréation : ce respect commence par le refus
d’introduire une dissociation dans l’amour conjugal, en faisant intervenir
des techniques extérieures. C’est pourquoi le magistère ecclésial a catégoriquement réprouvé la FIV «hétérologue», étant donné que l’unité conjugale
est brisée par le recours à un donneur de sperme autre que le mari ou par
une mère dite «porteuse» ou de substitution. Mais même la FIV «homologue»,
donc pratiquée dans la cadre exclusif d’un couple marié, a été rejetée par
la Congrégation romaine comme moralement illicite. De nettes réserves étaient aussi émises quant à l’insémination artificielle. Selon «Donum Vitae»,
opter pour la FIV c’est toujours prendre un risque inacceptable quant à la
santé de l’embryon et c’est nécessairement introduire une rupture entre
l’union amoureuse et la procréation.
Les arguments de la Congrégation romaine n’ont pourtant pas convaincu
tous les moralistes catholiques. Certes, l’UCL n’a jamais fait connaître sa
réaction à «Donum Vitae». Mais son Centre d’Etudes Bioéthiques n’a jamais
trouvé la réprobation romaine convaincante dans le cas de la FIV si elle ne
concerne que les seuls partenaires d’un couple et si l’on protège la vie
des embryons.
Pour sa part, le Père Troisfontaines remarque que l’on ne saurait aisément faire grief à la Congrégation romaine d’une «vision réductrice» de
l’union conjugale ou d’une absence de distinction entre actes thérapeutiques ou non thérapeutiques. Mais ce qui importe, plus encore, ajoute-t-il,
c’est de considérer avec estime ce que «Donum Vitae» propose à la réflexion
: ne s’agit-il pas d’un document «prophétique»pour éviter que l’être humain, à commencer par l’embryon, ne soit livré à la technique comme un vulgaire objet ?
Dans le respect et l’unité de l’être humain
L’embryon est-il, dès sa conception, une personne humaine ? Posée en ces
termes, la question est trop problématique aux yeux du philosophe. JeanFrançois Malherbe, qui dirige le Centre d’Etudes Bioéthiques de l’UCL, se
méfie dès lors des réponse affirmatives comme négatives qui, tout aussi logiquement, concluent au devoir ou non de respecter les embryons. Lui-même
préfère fonder ce respect sur «la solidarité ontologique», c’est-à-dire le
fait que «je suis de la même veine qu’un embryon» : «Autrui est mon
semblable, comme moi, il a été un jour un ovule fécondé par un spermatozoïde. Comme tous mes semblables, il mérite un respect spécifique».
Ce respect est dû d’autant plus que «ce que je suis, je l’ai reçu
d’autrui : mon patrimoine génétique, ma langue maternelle, mon réseau relationnel de base…» L’être humain reçoit toujours d’autrui l’occasion d’actualiser ses possibilités. Chaque embryon est donc une parcelle d’humanité
d’ou peut surgir un pôle de réciprocité qui humanisera à son tour ses
semblables. Disposer des humains à sa guise, ce serait décider «qui est mon
semblables ?» et réduire autrui à l’état d’objet.
Moyennant ce respect dû à l’embryon, toute FIV n’est pas pour autant acceptable, poursuit Jean-François Malherbe. Techniquement, en effet, il est
possible de donner à un enfant trois pères disctincts (le donneur de sperme, le compagnon de la femme enceinte, l’homme qui donnera son nom à l’enfant) et trois mère distinctes (la donneuse de l’ovule à féconder, la mère
«porteuse», la femme qui accueillera l’enfant et lui donnera son nom). Ou
mettre la limite ? Accepter qu’un enfant puisse avoir plusieurs pères et/ou
plusieurs mères, c’est déjà hypothéquer au déaprt l’unité de l’être humain.
Il faut, souligne J.-F. Malherbe, refuser de dissocier le terreau et l’insertion familiale de l’être humain lui-même.
Et de rappeler que si la FIV se poursuit aujourd’hui à l’UCL, c’est dans
des conditions strictes qui garantissent le respect de l’embryon et du
couple concerné par l’enfant à naître. La FIV est pratiquée dans un but
thérapeutique (pour résoudre un problème de stérilité, et non à des fins
expérimentales). Son accès est réservé à des couples stables et l’enfant
qui naîtra ne sera que leur enfant (donc, pas de donneur extérieur ni de
mère de substitution). On ne féconde pas plus d’ovocytes qu’il n’en faut et
tous les embryons sont transférés dans l’utérus. On veille enfin à ne pas
priver (par une hospitalisation de la femme, par exemple) le couple de son
partage intime et de la célébration de l’événement que représente l’espoir
concret de concevoir un nouvel être.
Des lacunes dans la législation
La procréation médicalement assistée comporte de nombreux aspects juridiques, qu’explore à son tour Mme Meulders-Klein, nouvelle présidente de
l’Association Mondiale des Droits de la Famille. Dans les années 50-60, on
discutait encore de la licéité de l’insémination artificielle et c’est surtout depuis un Congrès international de 1964 qu’on préfère ne pas l’interdire. Mais d’autres méthodes, plus sophistiquées, ont fait plus que prendre
le relais. Et les pratiques de FIV, par exemple, ont augmenté pour répondre
à de multiples demandes, y compris des cas plus nombreux de stérilité dus à
des maladies vénériennes, à des stérilisations volontaires, à des avortements ou encore pour satisfaire le besoin d’enfant chez des femmes seules
ou des couples homophiles, voire pour effectuer des expérimentations sur
des embryons humains. Selon Mme Meulders-Klein, tout ce qui est possible en
la matière se pratique en Belgique, même si l’UCL, pour sa part, s’en tient
à une déontologie stricte.
Le vide juridique n’est pas aussi grand qu’on ne le croit. D’abord, il y
a des principes généraux de droit commun, civil, pénal, médical. Les
principes du respect de l’inviolabilité du corps humain, de la responsabilité civile et pénale résultant des coups et blessures, s’appliquent à tout
acte médical.
Les règles en vigueur sont-elles suffisantes ? Le problème est posé à
tous les pays. Le Conseil de L’Europe a mis sur pied, il y a trois ans, un
Comité spécial d’experts, le CABI, qui est parvenu à un consensus sur une
série de principes pour éviter notamment un «tourisme procréatif». Encore
faudrait-il que le Conseil des ministres européens prenne lui-même position.
Sans entrer dans le dédale des problèmes juridiques qui restent posés en
Belgique, on peut retenir de l’aperçu fourni par Mme Meulders-Klein que,
parmi les nombreux acteurs intervenant dans la procréation humaine artificielle, le médecin joue un rôle non négligeable : du point de vue juridique, «il est le procréateur de l’enfant fécondé in vitro». Quant au mari,
s’il a consenti à la procréation artificielle, il n’a plus le droit de contester la paternité de l’enfant (d’après la loi de 1987 sur la filiation),
pour autant, bien entendu, que le consentement en question ait été établi
et de manière non viciée. La mère, de son côté, est automatiquement désignée, depuis le 31 mars 1987, dans l’acte de naissance de l’enfant. La maternité de substitution pose toutefois un problème : pour le législateur
belge, la location du corps de quelqu’un est un contrat nul et non avenu et
un enfant ne peut jamais être réduit à l’état de marchandise en faisant
l’objet d’un contrat. Quel est le statut de l’embryon ?.
Le théologien et la FIV
Sous l’angle de la théologie chrétienne, l’éthique requise en matière de
FIV acquiert un relief particulier. Sans se situer nécessairement dans le
fil de Donum Vitae ni en discuter les arguments, Henri Wattiaux rappelle
qu’une vision chrétienne de l’homme est toujours «à double foyer» : elle
part du principe que l’homme est créé et sauvé par Jésus-Christ, et que
cela vaut pour tout homme et pour tous les hommes. Autrement dit, l’agir
chrétien se fonde sur un au-delà de l’homme.
Les développements scientifiques et techniques ne sont pas une objection
à la foi en la Création. Au nom de quoi, en outre, fermer à toute
intervention technique le lien entre la sexualité et la fécondité ? Pourvu
que l’intervention humaine sur l’homme soit consciente que «de grands biens
ou de grands maux peuvent en sortir»!
On est renvoyé, poursuit H. Wattiaux, à des critères de discernement
éthique pour un recours à la FIV. Deux grandes questions méritent d’être
posées : qui est impliqué ? Et quel est le statut de l’embryon ? Et le
théologien d’interpeller sur ce point les médecins quant à l’attention à
«l’émiettement de la parenté».
Non seulement un enfant a le droit de naître dans une famille avec un
père et une mère, mais il ne convient pas non plus que la vie d’un couple
soit troublée par l’ingérence d’un tiers dans un domaine qui reste
essentiel à cette vie. Il y va, insiste H. Wattiaux, de la signification
même de l’amour. Et, par respect pour l’amour unique qui se manifeste dans
un couple, fût-il sans enfant, un médecin peut aussi se montrer dissuasif
quant au recours à certaines techniques.
Quant au respect de l’embryon, le moraliste chrétien ne peut qu’insister
pour que la promotion de la vie implique le refus de réduire l’embryon à un
rôle instrumental. Ce qui suppose des règles déontologiques pour encadrer
la recherche et la pratique de la FIV, ou l’embryon est l’être le plus
vulnérable.
Enfin Henri Wattiaux plaide pour que, nourris des valeurs à promouvoir à
la lumière de l’Evangile, les chrétiens puissent contribuer à proposer à la
société et donc à «la conscience collective» des critères de discernement
des choix et des conduites qui rendent le monde plus habitable.
Mais au fond, pourquoi la FIV ?
Les réflexions morales, juridiques et théologiques n’étaient pas les
seules au programme de la journée d’études du 18 mai. Plusieurs médecins et
biologistes de l’UCL ont également permis d’explorer divers aspects
cliniques de la fécondation in vitro.
Le premier bébé éprouvette né dans le cadre de l’UCL a vu le jour aux
cliniques St-Luc le 28 décembre 1984. Ses parents : des étudiants
africains, qui ont d’ailleurs eu neuf mois plus tard des jumeaux grâce à la
même procréation artificielle. Pour la maman, ce fut une triple victoire
sur sa stérilité, liée à la perte irrémédiable de la fonction des trompes
de Fallope, passage obligé pour l’ovule au sortir de l’ovaire.
Dans ce cas classique de stérilité féminine, comme dans des cas tout
aussi classiques de stérilité masculine (par insuffisance des
spermatozoïdes quant à la densité, la mobilité ou la forme), un couple ne
doit pas perdre de temps avant de consulter un spécialiste. Pour un couple
normalement fécond, en effet, la probabilité qu’un ovocyte soit fécondé au
cours d’un cycle menstruel et que la grossesse aboutisse effectivement à la
naissance d’un enfant n’est que de 25 % en moyenne par cycle. Plus de la
moitié des oeufs fécondés meurent d’ailleurs dans l’utérus. Or, si un
couple apparemment stérile ne tarde pas à consulter un spécialiste, il
augmente ses chances d’être fécond. On a calculé que s’il consulte un
spécialiste après 6 mois, il garde 9 chances sur 10 de rester fécond. S’il
attend 5 ans, il n’y plus qu’une chance sur 10.
Pourquoi recourir à la fécondation in vitro ? Parce que les traitements
classiques (médicaments, chirurgie, insémination artificielle) ne résolvent
les problèmes de stérilité que pour un couple sur deux, constate le prof.
Karl Thomas, obstétricien. C’est ce qui explique la multiplication des
centres de FIV : plus d’un millier dans le monde, ou les
«bébés-éprouvettes» sont aujourd’hui au nombre de 15 à 20’000. En Belgique,
on estime le nombre de tentatives FIV à 2800 par an et 15 % d’entre elles
aboutiront à des grossesses évoluant jusqu’à la naissance d’un enfant.
Techniques de pointe et travail d’équipe
La pratique de la FiV ne serait pas possible sans le travail de toute
une équipe comprenant divers spécialistes. L’expérience et l’entraînement
continuel de cette équipe ont une influence décisive sur ses résultats :
une centaine de tentatives par an sont un strict minimum. A l’UCL, 400
patientes ont été traitées en 1987.
Evidemment, comme le rappelle le Dr J.-G. Sartenaer, ancien de l’UCL,
une collaboration étroite est requise entre l’équipe médicale et le couple
concerné, à commencer par la femme. Un médecin ne peut prélever chez elle
un ovule n’importe quand ni dans n’importe quelle condition. D’abord, il
s’agit d’opérer une stimulation ovarienne pour obtenir suffisamment d’ovocytes matures. Cette stimulation passe par un traitement hormonal adéquat,
mais dont il importe de surveiller avec précision l’effet sur le développement du cycle menstruel, si l’on veut être en mesure de féconder des ovocytes de qualité, parvenus à leur stade optimal de développement. C’est ici
que se pose un problème particulier quant au respect des embryons : que vat-on faire de tous les ovocytes ponctionnés ? Les inséminer tous, quitte
ensuite à «congeler» – jusqu’à quand ? – les embryons surnuméraires ?
La maîtrise des techniques les plus sophistiquées n’est pas la seule en
cause. Y. Psalti, biologiste, insiste sur les contrôles de qualité d’un
laboratoire de FIV. On doit évidemment contrôler la qualité des gamètes
comme le développement des embryons. Mais le premier contrôle concerne déjà
les conditions de travail : la régulation de l’incubateur, la non
contamination des sérums, la fiablité du milieu de culture.
Enfin, remarque encore S. de Cooman, andrologue, les perfectionnements
de la FIV n’ont pas été sans effet sur les traitements de la stérilité
masculine, puisque cette technique peut être, en présence de certaines
pathologies, la meilleure voire la seule solution pour qu’un couple puisse
engendrer ses propres enfants.
Les résultats de la FIV
Analysant les résultats obtenus à l’UCL das la période allant d’octobre
1983 à juin 1987, un des responsables du Centre de fécondation in vitro, le
Dr E. Loumaye, constate que, parmi les ovocytes ponctionnés chez la femme
puis inséminés avec le sperme du partenaire, un sur deux parvient au stade
de l’embryon.
Le transfert d’un ou plusieurs embryons dans l’utérus n’équivaut
cependant pas automatiquement à une grossesse. C’est seulement vrai dans 8
% des cas. Que se passe-t-il le plus souvent ? Près d’une fois sur trois tout comme lors d’une fécondation naturelle -, l’embryon implanté dans
l’utérus présente des anomalies génétiques qui entraînent généralement sa
mort. Dans les autres cas, le démarrage de la grossesse continue de
dépendre non seulement de la viabilité de l’embryon, mais de la capacité de
l’utérus d’accepter son implantation. Toutefois, le nombre de fausses
couches n’augmente pas avec le nombre d’embryons transférés. Après
fécondation in vitro et transfert de l’embryon dans l’utérus, on déplore
des fausses couches dans un tiers des cas.
Il reste des phénomènes inexpliqués. On constate par exemple à l’UCL,
comme dans d’autres centres, que les taux de grossesse après FIV varient
d’un mois à l’autre sans qu’on puisse rattacher ces fluctuations à une
cause précise.
Q’en est-il des réussites par rapport au nombre de tentatives ? A l’UCL,
on obtient actuellement une moyenne de 50 % de grossesses après quatre
tentatives de transfert de l’embryon. Par rapport au nombre de transferts,
la viabilité des embryons reste certes constante; en revanche, l’utérus se
montre de moins en moins réceptif aux tentatives d’implantation. Aussi les
chiffres les plus favorables sont-ils estimés à 4 tentatives, avec 50 % de
réussite : on est très proche des résultats de la procréation naturelle ou
la probabilité pour une femme d’être enceinte après fécondation naturelle
est de une fois sur deux au bout de trois cycles. (apic/bd/ym)