Homélie du 24 mars 2019 ( Lc 13, 1-9)

Chanoine José Mittaz – Église Saint-Martin, Vollèges

Dans l’Évangile de ce dimanche, le Christ nous pose des questions qui, encore une fois, nous dérangent. Mais comme le disait Rilke dans « Les lettres à un jeune poète » : « Aimez vos questions ». Et une manière d’aimer vos questions, c’est de refuser d’entrer dans des réponses trop rapides, lapidaires, des réponses qui ferment parce que les vraies questions sont celles qui ouvrent des chemins de vie.  Entrons dans ces questions.

Il y a eu massacre par Pilate, l’affaire des Galiléens. Ils ont été tués. Pensez-vous qu’ils étaient plus pécheurs que les autres ? Pensez-vous aujourd’hui que les 49 musulmans qui ont été assassinés dans leur mosquée à Christchurch en Nouvelle-Zélande étaient plus pécheurs. Entendez la question puissante des musulmans assassinés dans une mosquée dont la ville s’appelle « l’Église du Christ », Christchurch. Jésus répond : « Pas du tout, stop à ce type d’interprétation. » La tour de Siloé au temps de Jésus qui tombe, des morts. Étaient-ils plus coupables ? Toutes les victimes, lorsque le pont de Gènes s’est effondré, étaient-elles coupables ? La réponse est « non ».

La culpabilité : une manière de s’empêcher d’exister

Non à l’interprétation de notre histoire comme étant une succession de culpabilités, comme si l’aujourd’hui était une manière de payer le passé. Qui d’entre nous n’a pas dit : « Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour que ça m’arrive, telle ou telle difficulté » ? C’est bien de pouvoir le dire mais pour pouvoir dire « non ». La culpabilité est une manière de s’empêcher d’exister. Évidemment, si nous avons commis une faute, reconnaître la faute pour nous tourner vers un avenir qui va réparer la faute, là on n’est plus dans la culpabilité morbide, dans ce sentiment diffus qui réprime notre désir d’exister. Lorsque nous intégrons notre péché, notre faute, vers un avenir qui cherche à réparer et à donner la vie, on n’est plus dans la culpabilité, on est dans la responsabilité. La culpabilité nous tourne lourdement vers le passé, la responsabilité intègre toute notre histoire et son passé pour offrir une réponse de vie dans l’aujourd’hui, pour ouvrir sur un demain.

Un souffle qui donne la paix

Alors vous me direz peut-être, oui mais Jésus il dit encore autre chose dans son Évangile.  Il nous dit : « Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même. » Ah ben voilà, on dirait que tout ce que je viens de dire tombe à l’eau.  Mais « vous périrez tous de même », comment ? On ne va pas périr sous une tour ou dans un massacre, Dieu merci, même si nous ne le savons pas. Il s’agit pour nous de ne pas périr en coupable mais au contraire de vivre. Et de vivre jusqu’à notre dernier souffle comme Jésus, à la suite de Jésus. Jésus qui est cloué sur une croix comme un coupable, comme un malfaiteur mais qui, dans ce lieu où il pourrait être dans le repli sur lui-même, dit à l’humanité : « Pardonne-leur» et il dit à Dieu « Père, entre tes mains je remets mon esprit, mon souffle ». Jusqu’à son dernier souffle, Jésus donne la vie, son dernier mouvement, celui de son corps est une expiration – souffle – qui donne la paix.

Ma vie porteuse de fruits

L’Évangile par la bouche de Jésus, nous oriente d’une manière surprenante vers une parabole.  La parabole d’un figuier planté dans une vigne. Vous entendez bien la situation, ce figuier qu’a-t-il à faire dans une vigne ? Et en plus, il ne donne pas de fruit. Est-ce qu’il mérite d’exister ? Sournoisement, c’est la même question de la culpabilité qui revient. Moi, ma vie en ce moment, peut-être puis-je me le dire aujourd’hui ou peut-être il y a des étapes dans ma vie où je me le dis : elle n’a pas de sens, elle ne porte pas de fruit : sous-entendu, et là ce serait la belle manière de le retraduire, je ne suis pas conscient des fruits que portent ma vie.

Mais, voilà que dans cette parabole, le figuier ne porte pas de fruit et la question c’est que jusqu’à maintenant, il n’a rien donné, on relit le passé, il ne donne rien, on coupe. Mais le vigneron nous invite à un autre regard. Il nous invite à ne pas regarder le passé mais à regarder l’avenir et un avenir où notre responsabilité, notre capacité de répondre au réel va pouvoir être engagée.  Et le vigneron nous dit : «Voilà, je vais bécher et je vais mettre du fumier et nous allons espérer ensemble.

Appelés à donner la lumière de la paix

Les bonnes manières pour vivre nos questions c’est chaque fois qu’elles sont orientées vers un avenir où il y a un horizon d’espérance. Notre présence est appelée à être aussi fragile que le buisson ardent devant lequel Moïse a enlevé ses sandales pour reconnaître que la terre où il se tient est une terre sainte, même si c’est le mont de la désolation qui accueille le buisson ardent. Un buisson quoi de plus fragile, un buisson ne donne pas de fruit mais il peut donner une lumière. Dans notre vie, nous sommes appelés à donner la lumière de la paix. Que les épreuves ne nous consument pas comme pour le buisson, mais que par la présence d’amour qui est en nous, nous puissions communiquer la paix à travers notre vulnérabilité. Oui telle est notre responsabilité. Offrir la paix, pourquoi ? Parce que nous avons besoin de la recevoir. Puissions-nous ensemble la recevoir au travers du chant des enfants.

« La paix elle aura ton visage

La paix elle aura tous les âges

La paix sera toi, sera moi, sera nous,

Et la paix sera chacun de nous. »


3e DIMANCHE DE CARÊME
 Exode 3, 1-8a.10.13-15; Psaume 102; 1 Corinthiens 10, 1-6.10-12; Luc 13, 1-9


 

 

Dorothée Thévenaz Gygax, la « maman bio » (3/7)

Dorothée Thévenaz Gygax, « maman bio » pour ses enfants, anime des « Conversations carbone » en Suisse romande. Une démarche écologique dans la ligne de l’encyclique du pape François Laudato sì  sur la sauvegarde de la maison commune.

La Fribourgeoise d’adoption fait partie du groupe de facilitateurs et facilitatrices d’Action de Carême (AdC) et de Pain pour le prochain (PPP) à disposition de groupes intéressés à combattre le changement climatique. Cath.ch l’a rencontrée au Centre Sainte-Ursule à Fribourg, où elle prépare les prochaines étapes du parcours « De la tête au cœur vers les mains: vivre ensemble une transition écologique » (*).

Mère de deux garçons de 10 et 12 ans, Dorothée Thévenaz Gygax habite avec sa famille à Vevey, et travaille depuis une quinzaine d’années à Action de Carême à Lausanne. Elle a passé son enfance à Attalens, en Veveyse, avant de fréquenter le Collège de Bulle – où son prof de philo fut le futur Mgr Genoud – et d’obtenir un master en ethnologie, géographie et psychologie sociale et cognitive à l’Université de Neuchâtel. Les études, les thématiques d’Action de Carême, les voyages sur le terrain, l’ont poussée à une réflexion sur son mode de vie et celui de sa famille.

Une vie plus sobre et plus responsable

« Cela doit nous pousser à chercher, dans notre propre environnement, de nouveaux modèles de développement, moins gourmands en énergie, moins centrés sur la consommation, plus respectueux de la nature. Et cela ne va pas sans que nous nous heurtions de temps en temps à nos propres contradictions ! »

Dorothée co-anime avec Michel Maxime Egger, responsable du laboratoire de la transition intérieure à PPP, et sœur Laurence Foret, animatrice spirituelle et responsable du Centre Sainte-Ursule, des ateliers pour une transformation vers un mode de vie plus sobre et plus responsable.

Ambiance lors des ‘Conversations carbone’ | © LaRevueDurable

Réduire l’empreinte carbone de la famille

Dans sa  vie quotidienne, Dorothée cherche à mettre en œuvre des recettes pour réduire l’empreinte carbone de la famille. « C’est aussi tout un chemin intérieur, un travail sur les motivations et obstacles intérieurs pour changer de comportement. A la maison, nous organisons des ‘conseils de famille’ pour discuter de l’organisation de notre vie en commun dans la famille, pas seulement pour traiter des questions écologiques. Mais nous abordons ces problèmes, il y a une discussion, des réflexions, et les enfants sont sensibilisés au développement durable. Ils m’appellent ‘maman bio' ».

La famille ne dispose que d’une voiture et se déplace essentiellement en transport en commun. En ce qui la concerne, Dorothée ne mange plus de viande, mais ce n’est pas le cas du reste de la famille, qui n’est toutefois pas une grande carnivore. Outre son petit jardin, sur la terrasse, qui lui fournit quelques légumes et abrite le compost, la famille se procure des produits bio au marché de Vevey. Elle a participé à un réseau d’agriculture contractuelle de proximité fournissant un panier hebdomadaire de légumes et achète aussi au supermarché des produits étiquetés bio.

Dorothée Thévenaz Gygax: la transition peut être joyeuse | © Jacques Berset Jacques Berset

« On évite de prendre l’avion »

« On repense aussi nos vacances, et l’an dernier, on les a passées en Suisse. On évite de prendre l’avion, mais cela ne doit pas être une démarche systématiquement imposée à la famille. On reste en dialogue, car il ne sert à rien de dénoncer uniquement, cela rend impuissant. Alors on change d’abord ce que l’on peut, on fait de petits gestes concrets: on ne prend plus que des produits de nettoyage écologiques, on a abaissé la température du lave-linge. On prend des livres à la bibliothèque, on fréquente la bourse aux vélos, la bourse aux jouets, le troc d’hiver, pour l’équipement de ski. On recycle ainsi des biens de consommation ».

La famille Thévenaz Gygax a également installé dans son jardin une colonie d’abeilles sauvages, des abeilles maçonnes indigènes qui pollinisent dans les environs les arbres fruitiers et les plantes du jardin. « Les enfants peuvent suivre l’évolution de ces abeilles sauvages logées dans une maisonnette: ils découvrent les abeilles qui éclosent, qui cherchent du pollen et s’occupent de leur progéniture… Ils sont attentifs, ils se reconnectent ainsi avec la nature environnante! »


Les ‘Conversations carbone’

Les ‘Conversations carbone‘, promues en Suisse romande par les Artisans de la transition, à Fribourg, s’adressent à toute personne voulant progresser résolument vers un mode de vie plus sobre en carbone. La méthode permet à chacune et à chacun de surmonter ses sentiments d’impuissance, de se mettre en accord avec ses valeurs et de s’atteler à réduire dans la durée ses émissions de CO2. AdC et PPP sont à la recherche de partenaires pour lancer les ‘Conversations carbone’ et proposer cette méthodologie venue d’Angleterre en Suisse alémanique. Ces parcours devraient débuter outre-Sarine dès cet automne.

« L’encyclique du pape François Laudato sì  inspire et soutien notre travail, relève Dorothée Thévenaz Gygax. « Action de Carême avait déjà fait une campagne sur le changement climatique en 2009 et soulignait les enjeux pour la survie des partenaires dans le Sud. Mais Laudato sì  est une bénédiction pour nous: avant, le thème de l’écologie était embryonnaire au sein de l’Eglise catholique ». (cath.ch/be)

(*) Après les étapes du 7 février 2019 et du 7 mars, la suite du parcours aura lieu au même endroit les 11 avril, 2 mai et 6 juin 2019.