Homélie du 24 février 2019 (Lc 6, 27-38)

Mgr Alain de Raemy – Basilique Notre-Dame, Lausanne

« Je vous le dis, à vous qui m’écoutez :
aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. »

Alors,
soit nous avons envie d’être chrétiens et nous l’écoutons,
soit nous n’avons pas envie d’être chrétiens,
mais alors nous devons nous boucher les oreilles !

Car tout ce que nous venons d’entendre
sur l’amour de l’ennemi,
sur l’appel à aimer gratuitement, sans rien espérer en retour,

eh bien, c’est justement cela que l’on entend communément par…
être chrétien !

C’est typiquement chrétien ça :

aimer celui ou celle qui me déteste,
aimer celui ou celle me hait,
aimer celle ou celui qui me fait du mal,
bénir et faire du bien,
précisément à celui ou celle qui me maudit et me fait mal.

Rien ne décrit mieux le christianisme.

L’être chrétien n’existe pas… ou si peu !

Et donc, frères et sœurs, chrétiennes et chrétiens,
il faut malheureusement bien le reconnaître,

l’être chrétien n’existe pas… ou si peu !

Prenons un exemple d’actualité. Un exemple extrême. Mais c’est une triste réalité.

Comment voulez-vous
qu’une personne abusée sexuellement par un prêtre étant encore enfant

puisse dire aujourd’hui,
même si elle avait toute la bonne volonté
d’être bonne chrétienne ou bon chrétien,

« je l’aime cet homme qui pourtant m’a détruite »… Impossible.

D’ailleurs Jésus dit aussi à propos d’un fauteur de scandale:

« Mieux vaudrait pour lui, se voir passer autour du cou une pierre à moudre et être jeté à la mer, que de scandaliser un seul de ces petits. » (Lc 17,1-2)

Et pourtant Jésus nous fait aussi prier :

« Pardonne-nous nos offenses,
comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. »

Pardonne-nous, comme nous pardonnons…

L’évangile disait justement :

ne jugez pas et vous ne serez pas jugés,
ne condamnez pas et vous ne serez pas condamnés,
pardonnez et vous serez pardonnés,

car la mesure dont vous vous servez pour les autres,
servira aussi pour vous.

Autrement dit :

pas d’autre moyen de s’en sortir

que de sortir du cercle vicieux de la haine qui répond à la haine,
et qui nous laisse dans la haine,

pas d’autre moyen de vivre bien,

que d’arriver au bien qui fait du bien quand on me fait du mal.

Frères et sœurs,

Mettons-nous peut-être à la place,
non pas de celui ou de celle qui est victime d’un mal et devrait pardonner

mais à la place
de celui ou de celle qui a commis le pire des crimes… :
violé sa nièce ou tué son père !

De celui qui est donc devenu l’ennemi, l’ennemi à abattre,
De celui qui est dans l’attente d’un pardon… impossible…
De celle ou celui qui désespère de qu’il a fait.

Mais on peut aussi imaginer des fautes bien moindres
mais qui ont la capacité de nous culpabiliser à vie…

Que reste-t-il à ce coupable, à cette coupable ?

Il leur reste la blessure infligée et la blessure qu’il s’inflige.

Seuls dans le mal.

Ou bien on se justifie comme on peut et on se fait une carapace contre les autres et contre soi-même,
Ou bien on s’ouvre et on appelle au secours !

Rencontre avec Jésus crucifié

Et c’est là que la rencontre de Jésus est décisive. Décisive.

Une rencontre de Jésus qui a lieu
non pas sur des chemins ensoleillés de Palestine
ni au bord des belles rives du lac en Galilée.

La rencontre décisive de Jésus se fait quand il est sur la croix.

Jésus, le crucifié.

Jésus, crucifié une fois pour toutes par toutes nos fautes.

Jésus l’innocent, qui prend sur lui tout le mal de tous les coupables,

Jésus qui prend sur lui le mal fait
par tous les hommes de tous les temps,
depuis que l’homme existe et jusqu’à la fin des temps.

Jésus qui souffre le martyre et agonise à cause de moi et à cause de toi.

Jésus, qui dans sa parfaite innocence prend de plein fouet tous nos rejets.

Au point de crier :
« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi ? Pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Le coupable qui comprend
ce qui se passe là, sur cette croix, une fois pour toutes,

ce coupable voit de fait tout l’effet désastreux de son mal.

Jésus, le Fils de Dieu, l’Innocent par excellence, est atteint.

Jésus est toujours atteint. À chaque péché. Je ne peux pas le rater.
Il l’a voulu.
« Ce que vous avez fait au plus petit, c’est à moi. »

Eh bien là, justement là, sur le Christ en croix,

tout coupable rencontre l’amour de l’ennemi, accompli.

Il est là l’amour des ennemis.

Un amour des ennemis tel,

que ce Jésus, qui est vraiment la victime de ses ennemis,
l’agneau sacrifié par mes péchés,

et qui crie et dans sa douleur et dans son amour inimaginable :
« Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font »,

eh bien ce Jésus va en mourir oui, mais pour en ressusciter.

Son amour de tout ennemi, dont je suis,

est bien plus fort que tout revanche, toute vengeance, toute haine, tout ressenti, toute peine, qui n’ont jamais fait vivre, encore moins ressusciter !

Jésus ressuscité, c’est la victoire de l’amour pour le pécheur, pour l’ennemi.

Un Jésus toujours dans la douleur pour le mal que cet ennemi a commis.

Mais un Jésus aussi dans la joie pour l’espérance qui est offerte par lui à tout ennemi.

Regarder vers Jésus

Frères et soeurs,

C’est finalement simple.

Un seul est capable d’être chrétien.
Un seul est capable d’aimer ses ennemis.

Le Christ, crucifié, ressuscité.

Alors, que nous faut-il à nous
nous les si peu chrétiens, ou nous les mi-chrétiens si tout va bien… ?

Il nous faut regarder toujours vers Lui.

Que je sois blessé par le mal commis par l’autre,
ou que je sois l’auteur du mal qui blesse l’autre… :

regarder vers Lui !

Et crier de tout notre cœur :
Seigneur prends pitié de nous pécheurs.

Soit pécheur ou pécheresse parce que devenu moi-même ennemi par ma faute.

Soit pécheur ou pécheresse parce qu’incapable d’aimer l’ennemi qui l’est devenu par sa faute.

Mais éblouis par lui, Christ en croix, Christ en gloire,
un chemin s’ouvre pour chacune et chacun d’entre nous.

Et maintenant, frères et sœurs,
faisons surtout attention à ce qui va vous arriver dans quelques instants.

Nous allons communier.
Communier à Celui qui aime son ennemi.
Et l’ennemi que je peux être et l’ennemi que je peux avoir.

Jésus m’aime, Jésus l’aime.

Communier c’est encore plus dangereux que d’écouter.
Mais je viens Seigneur.
Parce que je ne veux pas que tu sois au monde, le seul chrétien !

Amen !

 


7e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE, Année C
Lectures bibliques :
1 Samuel 26, 2.7-9.12-13.22-23; Psaume 102, 1-2, 8.10, 12-13; 1 Corinthiens 15, 45-49; Luc 6, 27-38


 

Vatican: sommet sur les abus sexuels

 

Homélie du 17 février 2019 (Lc 6, 17.20-26)

Chanoine Michel-Ambroise Rey – Chapelle de Glace, Notre-Dame de l’ARFEC, Leysin

Chers malades, chers prisonniers, chers amis sportifs, chers frères et sœurs !

Aujourd’hui, vous et les visiteurs qui entrez dans cette chapelle de glace, vous pouvez admirer 8 tableaux de la vie et de l’œuvre de François d’Assise qui répondent aux huit béatitudes que nous venons d’entendre dans l’évangile.

Un jour, il y a environ 750 ans, un homme s’approcha de Maître Eckhart, un théologien dominicain, contemporain de François d’Assise, en lui demandant que fait Dieu dans le ciel ? Je crois que Dieu engendre son Fils et qu’il l’engendre sans cesse dans sa nouveauté et sa fraîcheur en éprouvant une si grande joie en cette œuvre qu’il ne fait rien d’autre que de l’accomplir. 

Je crois personnellement que le Christ nous recrée toujours et encore dans la nouveauté et la fraîcheur, et qu’il prend un immense plaisir à cela en souhaitant que nous soyons créatifs, imaginatifs, surprenants, à son image, car Jésus est le Dieu des surprises. Quelle joie merveilleuse et prodigieuse pour moi d’être convaincu que Jésus me pousse à être original comme cette chapelle. Quoi de plus enthousiasmant dans notre vie que de comprendre que Dieu le Père nous offre d’être sans cesse engendré dans la nouveauté et la fraîcheur !

C’est la raison pour laquelle j’aime profondément l’Evangile et les béatitudes. C’est aussi la raison pour laquelle réformés et catholiques des Ormonts et de Leysin, lorsque nous nous rencontrons, nous proclamons ensemble ces huit béatitudes comme notre carnet de route !

La voie des béatitudes

Poussé par l’Esprit Saint et par l’exemple de Jésus, François choisit la voie des béatitudes pour son chemin de vie.

Saint François est, à plus d’un titre, un moderne, nous dit le pasteur de Leysin-Les Ormonts. Je vous cite son propos : «François a la conviction profonde qu’un lien spirituel unit l’ensemble du cosmos. Il vit une fraternité universelle avec les animaux, les humains, l’eau ou le soleil. Il préfère un droit d’usage à la propriété privée, la contemplation à la consommation, il prône le dialogue interreligieux et une vie pacifiée ».

L’engagement des jeunes

C’est dans ce même esprit que je contemple ces 40’000 jeunes et moins jeunes qui ont marché dans nos villes et villages le 2 février dernier. Par leur action, ils ont voulu attirer notre attention sur la sauvegarde de la création comme François d’Assise l’avait fait avant eux. Ils veulent souligner l’urgence et la nécessité d’un changement dans le comportement de l’humanité, ils demandent que les progrès scientifiques s’accompagnent aussi d’un progrès social et moral. Ils se demandent comment il est possible de prétendre construire un avenir meilleur sans penser à la crise de l’environnement, aux souffrances des exclus et des migrants ? Ils nous réclament un changement réel par des actions concrètes. C’est pourquoi, nous rêvons de les inviter ici pour leur montrer notre belle réalisation en glace qui est devenu lieu de rencontre, de prière, de réflexion et de don. Où mieux qu’ici pourrions-nous avoir une réflexion sur un nouveau mode de vie ? Nous aimerions les inviter pour les remercier de s’engager avec autant de conviction pour nous responsabiliser à résoudre les problèmes environnementaux, à partir  de ces 8 béatitudes, source de tout véritable renouvellement de l’humanité entière.

Plus de 25’000 personnes visitent ce sanctuaire et sont émerveillés de trouver  cette chapelle de glace au milieu des activités ludiques de nos sports d’hiver. Elle parle à chacun  en prenant comme point d’ancrage, pour notre vie actuelle, un de ces huit panneaux  puisque tout vient de Dieu, que tout est don de Dieu et que personne ne saurait se l’accaparer pour un usage exclusif.

Les béatitudes de notre évangile ont inspirés et inspirent encore aujourd’hui des millions et millions de croyants tels que Nicolas de Fluë, notre saint patron de la Suisse, Sœur Emmanuelle, la chiffonnière du Caire, Mère Térésa, la très attentionnée soignante des mourants de Calcutta, le Pape François, auteur de l’encyclique sur l’écologie intitulée « Loué sois-tu ».

Ils font, les uns et les autres, preuve de respect envers leurs semblables et d’humilité pour la sauvegarde de notre maison commune la Terre. Ils se sont laissés conduire par l’Esprit Saint  et ont été recréés par l’enseignement des béatitudes. Avec eux nous pouvons dire :

Heureux ceux qui ont un esprit de pauvre, car le Royaume des Cieux est à eux ! nous répétons tous ensemble…

Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés ! nous répétons tous ensemble…

Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés enfants de Dieu ! nous répétons ensemble…

Heureux est l’homme qui ne suit pas le chemin des pécheurs, ne siège pas avec ceux qui ricanent, mais se plaît dans la loi du Seigneur et murmure sa loi jour et nuit ! Il est comme un arbre planté près d’un ruisseau, qui donne du fruit en son temps (Psaume que nous avons lu après la première lecture).

Cher Frères et Sœurs : soyons ces arbres plantés près d’un ruisseau, qui donnent du fruit en leur temps. Soyons convaincus que Dieu a créé le monde en y inscrivant un ordre et un dynamisme que l’être humain n’a pas le droit d’ignorer.

Ainsi nous comprendrons que la Résurrection est vraiment au cœur de nos vies lorsque nous vivons  de  l’Esprit des béatitudes. Amen. Alléluia.

 


6e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE, année B
Jérémie 17, 5-8; Psaume 1, 1-2, 3, 4.6; 1 Corinthiens 15, 12.16-20; Luc 6, 17.20-26