Homélie du 27 janvier 2019 (Lc 1, 1-4 et 4, 14-21)

Père Henri-Marie Couette – Abbaye d’Hauterive, Posieux

 Nous assistons ce matin à un moment crucial de la vie de Jésus : sa première prédication. Dans les pages qui ont précédé, l’évangéliste Luc a relevé avec insistance la présence de l’Esprit Saint qui accompagne Jésus : il note qu’il ’’descendit sur Lui’’ lors de son baptême, que Jésus ’’en fut rempli’’ et qu’Il ’’fut conduit par l’Esprit au désert’’…

Entrevoir ce qui unit Jésus à son Père

Que signifient ces mentions répétées de la présence de l’Esprit qui semble ne pas quitter Jésus partout où Il va ? Elles nous délivrent en fait un message très profond sur le mystère de sa Personne : elles nous disent l’extraordinaire intimité qu’Il partage avec son Père. Car souligner cette présence de l’Esprit, c’est nous faire entrevoir que ce qui unit Jésus, le Fils éternel, au Père du Ciel, son Père, est tellement puissant que c’est Quelqu’Un : l’Esprit en Personne ! C’est dans l’Esprit en effet que Jésus se reçoit tout entier de son Père et c’est en ce même Esprit qu’Il fait retour tout entier à Lui. C’est pourquoi dire qu’Il est habité par l’Esprit exprime tout autant quelque chose de sa relation absolument vitale avec le Père.

Ce matin encore, Luc, après avoir pris bien soin d’indiquer la fiabilité de ses sources, relève que c’est ’’dans la puissance de l’Esprit, que Jésus revint en Galilée’’. Comme si cela ne suffisait pas, Jésus choisit de débuter sa prédication par cette parole : ’’L’Esprit du Seigneur est sur moi.’’ S’il reprend là des mots du prophète Isaïe (61, 1-2), Il dévoile, en se les appropriant, à quel point Il a la claire conscience que l’Esprit l’habite tout entier. C’est dans l’élan de cet Esprit, et donc porté aussi par le dynamisme du Père, qu’Il inaugure son annonce de la Bonne Nouvelle. Or, à qui l’adresse-t-Il en priorité ? A ceux qu’Il nomme ’’les pauvres’’. Mais qui sont-ils ? Faut-il ici entendre le mot dans un sens sociologique, c.-à-d. le rapporter à une classe sociale particulière ? Ferait-Il de la catégorie sociale des démunis sur le plan matériel la cible exclusive de son annonce ? Si tel était le cas, ce serait désespérant, surtout dans un pays riche comme le nôtre ! Car alors ne serait visée par son message qu’une petite frange de la société.

Reconnaître la pauvreté intérieure de son être profond

Or, jamais Jésus n’a professé que le fait d’être matériellement pauvre constituait par lui-même la garantie automatique d’être sauvé. La pauvreté dont il parle ne concerne pas d’abord la pauvreté matérielle, mais le cœur humain, c’est pourquoi il énoncera ainsi la première béatitude : ’’Heureux les pauvres de cœur…’’ Il entend ici une pauvreté beaucoup plus essentielle, et le meilleur commentaire qu’il en donne se trouve sans doute dans cette parole : ’’Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs’’. Heureux en effet qui sait reconnaître la pauvreté intérieure de son être profond et discerner en Jésus son seul et vrai Libérateur. Mais, là encore, il est frappant de remarquer que, en cette matière, l’Esprit Saint n’est pas non plus inactif, Lui que la liturgie de la Pentecôte vénère précisément comme ’’Père des pauvres’’ ! Oui, vraiment heureux sommes-nous si nous savons nous en remettre à Lui pour le laisser faire de notre pauvreté intérieure un lieu de dépouillement et un tremplin vers la sainteté !

La Bonne Nouvelle annoncée aux pauvres

Il me semble en effet que, bien souvent, le constat de notre pauvreté native nous rebute et nous fragilise, quand nous ne la traînons pas comme un boulet pesant nous conduisant au découragement, cette arme spécialement prisée de Satan.

Nous devrions au contraire avoir la simplicité de nous répéter à nous-mêmes : ’’la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres’’. Tu te reconnais parmi ces ’’pauvres’’ ? Alors cette Bonne Nouvelle est vraiment faite pour toi ! Approche-toi de Jésus, Il prendra soin de toi. Certes, Il ne supprimera pas ta pauvreté – car  elle t’est trop utile – mais, en habile Médecin qu’Il est, Il va s’en servir pour te sauver ! Dès lors, selon la prière qui ouvre cette messe, le Père pourra ’’diriger ta vie selon son amour, afin qu’au Nom de son Fils bien-aimé, tu portes des fruits en abondance’’. Quelle promesse de fécondité !


3e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – Année C
Lectures bibliques : Nombres 8, 2-4a.5-6.8-10; Psaume 18B, 8, 9, 10; 1 Cor 12, 12-14.27  ; Luc 1, 1-4 et 4, 14-21


 

JMJ: tous les Suisses réunis pour l’eucharistie

Les 160 Suisses (des trois régions linguistiques confondues) réunis samedi matin 26 janvier 2019 pour célébrer une messe nationale trilingue. Dernière activité avant de quitter le Colegio Europeo pour rejoindre Metro Park, le lieu-clé des JMJ de Panama, où les 500’000 pèlerins seront réunis avec le pape pour la veillée et la messe d’envoi, le lendemain.

 

Homélie du 20 janvier 2018 (Dt 16, 11-20)

Abbé Boniface Bucyana – Temple Saint-Marc, Lausanne

Chers frères et sœurs en humanité et en Christ, chers auditeurs,

En face, il y a toujours un être humain ! En quête de paix et de justice !

C’est le titre de la Déclaration interreligieuse sur les réfugiés ! C’est aussi une interpellation sur une urgence humanitaire, sur une justice respectueuse envers notre semblable, sur une paix qui se fait attendre ! Cette déclaration rejoint ou fonde le thème de cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens sous forme d’un devoir d’humanité proposé par les chrétiens d’Indonésie : Tu rechercheras la justice, rien que la justice (Dt16, 20).  Ce devoir qui incombe à tout être humain vis-à-vis de son semblable demande de rechercher la justice. Oui, ce réfugié défiguré, errant, est avant tout un être humain comme toi. Il était peut-être ce que tu es aujourd’hui. Il est peut-être ce que tu seras demain. Cela exige de traiter bien l’autre comme on aimerait être traité soi-même. Les différentes religions de notre pays disent la vérité, rien que la vérité sur la situation injuste des réfugiés et réclament un traitement plus juste, plus respectueux, plus humain. C’est un témoignage et une interpellation pour une humanité sans frontières, sur la Conventions de Genève qui risque d’être lettre morte au lieu de protéger les réfugiés.

On ne naît pas réfugié, on le devient

Quand la paix et la justice s’unissent (Ps 85), le chemin de l’unité est dégagé. Et ma paix dépend de la paix de l’autre. La justice reste le ciment de la paix. Et grâce à la paix, l’unité devient réalité. En se donnant la paix, l’unité devient solidarité. Et pour cela, il nous faudrait non seulement dire la vérité, rien que la vérité devant le tribunal de l’humain, mais aussi faire la vérité. C’est-à-dire dire le bien qu’on fait, et faire le bien qu’on dit. Etre vrai, cohérent en matière d’humanité. Avant et au-delà de cette déclaration, nous les chrétiens, nous sommes appelés à y voir la foi en ce Dieu  qui est né chez l’homme, Jésus, pour l’homme et pour tout homme. Mais ce Sauveur de l’homme est rejeté par l’homme. A peine né, il est menacé déjà par l’homme, Hérode pour des intérêts politiques. Paradoxalement, il fuit l’homme de Palestine pour se réfugier chez l’homme en Egypte. On ne naît pas réfugié, on le devient, et sur la même terre ! Même si on le devient, on  ne devrait pas le rester de génération en génération ! On  rejette, on exclue, au nom de la loi du plus fort. Et cela commence dans nos comportements de tous les jours, chez-nous: on crée des réfugiés familiaux avant les réfugiés externes.

Porter atteinte à la justice = se menacer soi-même

Jésus est venu annoncer et montrer sous l’impulsion de l’Esprit Saint que le fondement de toute religion, de toute relation, est la justice, la justice envers Dieu, la justice envers l’homme, la justice envers le monde avec lequel nous sommes en lien vital. Porter atteinte à cette justice, c’est se menacer soi-même et mettre en danger toute existence.

Quand quelqu’un met en fuite Dieu, comment voulez-vous qu’il respecte, protège l’homme, son autre soi-même pourtant ? S’il piétine les droits de Dieu, comment être juste envers les droits essentiels de l’homme ? Comment défendre le réfugié en entretenant les causes des conflits, des guerres, de la faim, des souffrances, de la torture et de l’exil ? Pourquoi ces contradictions ? Pourquoi cette hypocrisie criminelle ? Comment accepter que le réfugié soit traité comme une balle de ping pong entre les intérêts politico-économiques ? Pourquoi encore ses apatrides ? Autant d’interpellations qui devraient nous choquer et provoquer un élan d’humanité plus engagée.

Accueillir le pauvre, l’étranger, l’émigré, l’orphelin, la veuve, n’est pas une option pour un chrétien, mais une obligation de migrant sur cette terre. C’est offrir la paix, c’est refuser d’opprimer celui qui l’est déjà, c’est partager ce que tu as reçu avec le nécessiteux, partager ta joie et ton pain, reçu de la bonté du Seigneur. C’est la meilleure façon de remercier avec justice et sagesse.

Pendant cette semaine de prière pour l’unité des Chrétiens, nous sommes en communion avec cet immense pays, l’Indonésie, le plus musulman au monde. Louons le Seigneur qui donne lui-même le vrai bonheur à partager et fait que notre terre commune donne sa récolte pour nourrir tous ses enfants. Il offre sa justice pour rendre juste et remettre debout, au lieu d’écraser. Il nous montre le chemin de vie, et non de mort pour marcher ensemble en pèlerin sur cette terre vers l’unité et la communion des cœurs. N’oublions donc pas qu’à côté il y a un être humain, qu’on n’a pas le droit de le laisser de côté sous aucun sous-prétexte, de voler le bonheur de l’autre. Oh! Dieu de la vie, conduis-nous sur la justice et la paix pour n’exclure personne du partage de cette vie.  Amen


Célébration œcuménique

Lecture : Deutéronome 16, 11-20