Homélie du 2 décembre 2018 ( Lc 21, 25-28.34-36)

Didier Berret, diacre – Église St-Jean-Baptiste, Montfaucon

Qu’elle est drôle cette annonce de fin des temps au début de la période de l’Avent, au moment même où nous nous préparons à Noël ! Spontanément on aurait plutôt attendu un texte comme l’Annonciation de l’ange à Marie ou quelque chose qui nous mette dans l’ambiance de l’heureux événement qui approche ! Un texte d’évangile qui sonnerait comme un faire-part ou une annonce facebook : « dites !  Vous savez déjà ? Marie est enceinte, c’est pour bientôt ! On se réjouit ! » 

Le doigt pointé sur un monde fragile

Au lieu de cela, nous sommes projetés à l’autre bout de l’évangile, juste avant les récits de la passion, avec cet arrière-goût amer de souffrance, de trahisons, de tension, d’incertitudes de toutes sortes qui provoquent la peur parce qu’elles pointent le doigt sur un monde fragile, bien déstabilisé et dont les repères sont en chahut !

Il n’y a pas besoin de faire de grands efforts d’adaptation et d’exégèse, on a l’impression que toutes ces phrases au futur  – il y aura des signes, les hommes mourront de peur, les puissances seront ébranlées… ! décrivent tout à coup le présent ! Pas la peine d’imaginer bien loin la fin du monde, on s’y retrouve bel et bien dans ce monde-là, c’est le nôtre !

Les certitudes s’émiettent

Comme s’y sont retrouvé, hélas, tant de générations avant nous ! Constatant les limites accablantes de tant de rois-soleil, désespérants de jours meilleurs dans la misère ambiante, déçus de fausses justices, inquiets pour l’avenir de leurs enfants, trompés par des systèmes ou plus sobrement et de manière plus actuelle, découvrant l’éphémère vanité de la gloire des puissants ou des stars de toutes sortes : les étoiles tombent, le climat se dégrade, les certitudes s’émiettent au point qu’il devient souvent compliqué de savoir à qui on peut véritablement faire confiance !

« Relevez la tête, votre salut est proche ! »

Et voilà que dans ce contexte, à cet endroit précis, la réponse du Christ vient nous dire : « Relevez la tête, votre salut est proche ! »

On pourrait être tentés, comme le sont les personnes désabusées, de dire, oui, oui, peut-être, mais en attendant… !

On pourrait être tentés, un peu à la manière de Noé, de nous construire une arche, un vaisseau spatial ou une forteresse, pour nous sauver de ce monde en déroute en nous réservant une place sur Mars ou alors de fuir dans le désert par rejet et désolidarisation d’une société trop compliquée, trop corrompue…

Le point d’ancrage du Royaume : ce monde-ci

On pourrait être tentés encore de tout projeter sur l’au-delà : « qu’importe cette vie et ses souffrances, tout ira mieux quand nous mourrons ! » Certes, c’est une partie de notre foi… mais une partie seulement parce que ce serait oublier que cet au-delà qui nous attend, – le Royaume de Dieu ! – a son point d’ancrage dans ce monde-ci et pas dans un autre. Ce monde que Dieu nous donne, qui est son chef d’œuvre, est celui qu’il choisit pour installer le berceau de son fils et se manifester aux hommes. Ce monde que nous malmenons est le monde de Dieu.

Ouvrez les yeux

Et dans ce monde sa voix résonne : « relevez la tête », comme s’il voulait nous dire : ne vous voilez pas la face, ouvrez les yeux avec lucidité et espérance, sans vous laisser aveuglés par toutes les autres lumières, gardez le cap vers celui qui est maître de ce monde ! Il veut votre salut. Jérémie le prophète l’annonçait déjà : il vient et il vous adresse des paroles de bonheur…

Alors lève-toi ! Relève la tête !

Ce n’est pas la première fois que cette parole retentit dans l’Ecriture. Elle est même très ancienne puisque c’est l’invitation que Dieu lui-même fait à Caïn au moment où il s’apprête à tuer son frère : Caïn, tu es déçu ? Tu ne comprends pas ? Tu es fâché, irrité, jaloux ?  Le monde te semble injuste ? OK ! Mais ne baisse pas la tête ! Si tu baisses la tête tu vas t’enfermer, tu ne pourras plus vivre. Relève la tête et accueille ce qui vient, fais confiance à Dieu ! Relève-toi, Caïn, ne reste pas empêtré dans ce qui te détruit ! Relever la tête comme Dieu le demande à Caïn, comme Jésus nous invite, c’est donc choisir la vie, résister, persister à choisir le bien dans un monde de mal.

 

Soleil, lune, étoiles, puissances vont tomber ? Ne le saviez-vous pas ? Jésus rappelle avant sa mort – et l’Eglise nous le rappelle avant de célébrer sa naissance – que le seul appui solide que nous n’ayons jamais eu, que nous avons aujourd’hui  et que le monde n’aura jamais jusqu’à la fin des temps s’appelle Jésus-Christ, l’enfant-Dieu, Sauveur du monde. Celui qui vient. Celui qui vient maintenant. Il vient dans l’intimité et le silence d’une demeure tout simple. Dieu dépose son Fils en nous comme un germe divin qui n’attend qu’à grandir. O que le bruit du monde et ses tempêtes ne vous empêche pas de contempler la beauté de la vie que Dieu dépose en vous. Il vient. C’est l’heure. Il ne demande qu’à croître. Viens Seigneur Jésus ! Lève-toi ! Élève-nous !

 


1er dimanche d’Avent – Année  C

Lectures bibliques : Jérémie 33, 14-16; Psaume 24; 1 Thessaloniciens 3, 12–4, 2; Luc 21, 25-28.34-36


 

 

Homélie du 25 novembre 2018 (Jn 18, 33b-37)

Abbé Joseph Ngo –  Basilique Notre-Dame, Lausanne

Chers frères et sœurs, la fin de l’année liturgique est marquée par la fête du Christ Roi de l’univers. Daniel et Jean utilisent tous les deux le même langage apocalyptique pour dévoiler ce qui est encore caché à nos yeux. Nous avons tendance à lever les yeux pour mieux voir le roi et pourtant nous avons à les baisser pour contempler le visage du roi de l’univers. Le seul trône qui nous est donné à voir pour contempler et adorer le roi de l’univers, c’est la croix du Christ. C’est bien le sens de l’évangile de ce jour avec le passage du procès de Jésus devant Pilate qui a le pouvoir de le condamner à mort. Nous savons bien ce qui est vrai, il nous faut le courage d’aller jusqu’au bout pour faire triompher la Vérité.

Choisir Jésus

Monseigneur Joseph DINH Duc Dao, évêque d’un diocèse dans le Sud du Viet Nam a dit au Journal d’Asia que : pour nous (c’est-à-dire pour les catholiques vietnamiens) : « Jésus est un absolu. Il nous faut le choisir. » Oui, il nous faut choisir Jésus. Le choix que Dieu nous demande de faire doit se faire sans compromis. Il n’y a pas de position intermédiaire devant Jésus. Ou bien on se tourne vers lui, ou bien on se détourne de lui. Il n’y a pas de troisième solution, c’est un oui ou un non, net. « Nul ne peut servir deux maîtres », dit Jésus. Il n’y a pas de neutralité en face de la prédication de l’évangile. On ne peut pas s’asseoir entre deux chaises sans prendre le risque de s’asseoir par terre. En matière de salut, on ne ménage pas la chèvre et le choux ou nage entre deux eaux. Et celui qui ne fait pas un choix net, se révèle en fait contre Jésus.

Un évêque chinois, Mgr HY AN fut martyrisé pour avoir désobéi au tyran qui était MAO Tse Tung. Celui-ci le regarda avec mépris, croyant avoir pouvoir de mort sur lui puisqu’il s’apprêtait à lui ôter la vie, pourtant l’accusé avait encore quelques mots à lui adresser au pied de l’échafaud avant d’être exécuté : « Je ne possède rien d’autre qu’une âme et une conscience, et je les sacrifie pour mon Dieu. Ainsi, tu ne pourras avoir que mon corps. » Mao l’a tué, évidemment, mais il n’a pas pu tuer son esprit.

Si seul le péché nous effraie, nous gagnerons

Ensuite, Monseigneur François Xavier NGUYEN Van Thuan, ancien archevêque de Sai-Gon, devenu cardinal en 2001, qui est passé sous les fourches caudines pendant treize ans de prison dans le Nord du Viet-Nam nous a donné ce beau témoignage : une nuit, il a encouragé son co-détenu en lui disant que la seule chose dont tu dois avoir peur, c’est le mal. Le cardinal a repensé à l’histoire de saint Jean Chrysostome, au moment où l’empereur a voulu le punir en raison de sa foi. Quelqu’un lui a conseillé de le mettre en prison, mais l’empereur a répliqué : « Ce serait lui faire un trop beau cadeau que de lui donner l’occasion de prier et souffrir pour Dieu, c’est ce qu’il souhaite. » Un autre a proposé de l’envoyer en exil, mais l’empereur l’a raisonné : « Pour cet homme-là, il n’existe pas un endroit sur terre où Dieu ne soit pas présent. » Un troisième a eu une autre idée, celle de le condamner à mort. « Non, a répondu l’empereur, parce qu’il mourrait en martyr et il réaliserait son désir le plus profond : rencontrer son Dieu. Nous devons imaginer quelque chose qui l’afflige vraiment au lieu de le rendre heureux. » Un de ses ministres, perspicace, a alors proposé ceci : « J’ai trouvé ! Il n’y a qu’une chose qu’il redoute et abhorre de toute son âme : nous allons le pousser au péché. » « Oui, mais nous ne pourrons pas le faire s’il n’accepte pas de nous donner sa liberté ! », a avoué le tyran, vaincu. Si seul le péché nous effraie, nous gagnerons ce combat !

Frères et sœurs, notre Seigneur est celui qui règne dans nos cœurs. Ne laissons pas des imposteurs régner dans nos cœurs à sa place. Car c’est lui qu’il nous faut choisir. Amen.


34e DIMANCHE – Fête du CHRIST ROI DE L’UNIVERS
Lectures bibliques : Daniel 7, 13-14; Psaume 92; Apocalypse 1, 5-8; Jean 18, 33b-37