Homélie TV du 25 mai 2017 (Mt 28, 16-20)

Frère Didier Croonenberghs, dominicain, Collégiale Saint Ursmer, Lobbes, Belgique

« Il ne vous appartient pas de connaître les temps et les moments » avons-nous entendu dans la première lecture. Pour beaucoup de nos contemporains, le temps qui passe est peut-être la dimension de l’existence la plus difficile à intégrer et à accepter. Comment mener une vie sensée jusqu’au bout ? Comment garder une réelle fécondité lorsque nos forces s’amenuisent ? Comment accepter sa vieillesse et celle des autres ? Comment bien vivre malgré la perte d’un être cher et l’inéluctable d’une séparation ?

Aucune sécurité quant au temps qui passe

Nous le savons bien : le temps nous échappe toujours, même si rien ne se fait sans lui. Nous voulons le maîtriser, le tuer parfois, mais c’est toujours lui qui nous rattrape. Par souci d’efficacité, nous avons peur de le perdre. Et lorsque nous le prenons, il semble toujours trop court. Nos existences fragiles ne nous offrent donc aucune sécurité quant au temps qui passe. Finalement, notre seule certitude est bien celle de notre propre mort, cette fin dont nous ne savons vraiment rien de certain…

Inscrire notre temps dans l’éternité de Dieu

A première vue, un tel constat pourrait nous amener résignation, désespoir, ou fuite en avant. Et pourtant… ce que nous célébrons aujourd’hui nous propose un tout autre rapport au temps que celui de notre culture de la rentabilité. Les textes de ce jour défatalisent l’histoire. « Pourquoi regardez-vous le ciel comme cela?». Cette fête que nous célébrons nous invite à inscrire notre temps dans l’éternité de ce Dieu qui, par son retrait, nous convie chaque jour à vivre pleinement le présent, en toute liberté.

Accueillir le temps de Dieu

Celle-ci ne consiste pas à vouloir que ce qui arrive survienne selon nos désirs, mais tout au contraire à consentir à la nécessité, c’est-à-dire à accueillir le temps de Dieu dans notre vie. C’est cela qui nous permet de donner à nos rencontres un goût d’éternité. « Moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ». Le temps qui passe est donc aussi celui de Dieu. En ce sens, nos errances, nos échecs et lenteurs, sont autant de lieux de maturation, où Dieu est présent malgré notre sentiment d’absence.

Apprendre à lâcher prise

Dès lors, si nous regardons le temps avec les yeux de Dieu, vivre le présent consistera à accueillir chaque jour le temps pour ce qu’il est, sans vouloir le posséder. Finalement, vivre, c’est apprendre à mourir et —comme le Christ— à se retirer, à lâcher prise, à s’effacer.

Car, malgré nos sentiments d’abandon, Dieu vient. Tous les jours. Il vient lorsqu’un acte de soin et de bienveillance est posé, lorsqu’une parole qui relève est donnée, lorsqu’un geste de consolation est offert. Vraiment, il est avec nous, tous les jours, que Dieu soit nommé ou pas, que nous y croyions ou non! S’il est avec nous tous les jours, c’est qu’il n’est peut-être pas toujours là où nous le cherchons…

« Prendre de la hauteur »

Sans mauvais jeu de mot, l’ascension nous invite à «prendre de la hauteur»! Prendre de la hauteur, ce n’est pas changer sa vie ou la fuir. Il s’agit de changer son regard sur elle et sur le temps qui passe. Parfois, nous préférons prendre du recul, des vacances, fuir le réel plutôt que de nous y confronter lucidement.

Mais « prendre de la hauteur » est tout différent. Il s’agit de poser sur notre propre situation des yeux qui ne sont pas les nôtres ; regarder sa vie avec les yeux de Dieu. Prendre de la hauteur, c’est de discerner l’essentiel, au-delà de l’urgence. C’est éviter de vouloir tout maîtriser. Prendre de la hauteur, c’est oser «lâcher prise», ne pas être dans le contrôle. C’est aimer, sans dévorer. C’est tenir à quelqu’un, sans le posséder. C’est être épris de l’autre, sans s’y agripper.

Prendre de la hauteur —aller sur sa propre montagne— c’est donc finalement découvrir le paradoxe de toute relation d’amour vécue en vérité. Et ce paradoxe le voici : plus nous aimons un être cher, plus nous nous sentons liés, dépendants de lui. Mais plus nous voulons aimer, plus il nous faut donner du temps et de la patience, de la distance. Car aimer, c’est vouloir l’autre libre d’être lui-même, indépendant de nous. C’est cela aimer. Comme l’a écrit Timothy Radcliffe, aimer, c’est prendre le temps de le perdre, mais ensemble.

L’Ascension est donc cette ultime révélation de l’amour d’un Dieu qui se soustrait à nos regards, pour se rendre éternellement présent dans le temps de l’humain. Et c’est précisément cet effacement de Dieu, sa discrétion et son retrait qui le rend crédible, digne de confiance. Amen.


ASCENSION DU SEIGNEUR
Lectures bibliques :
Actes 1, 1-11; Psaume 46, 2-3, 6-7, 8-9Ephésiens 1, 17-23; Matthieu 28, 16-20 – Année A


Homélie du 25 mai 2017 ( Mt 28, 16-20)

Abbé Claude Pauli – Home St-Sylve, Vex, VS

 

Chers frères et soeurs bien-aimés résidents au home St-Sylve,

Chers membres du personnel qui vous associez à notre eucharistie de ce matin,

Chers amis du chœur ouvert à tous, en cette fête mystérieusement, le choeur des anges s’associent à vos chants

Chers amis qui nous rejoignez sur les ondes d’Espace 2,

En particulier vous, chers malades, chères personnages âgées résidents à domicile ou également dans un établissement comme le nôtre,

Mes frères et mes soeurs bien-aimés,

Alors que l’on entend bien souvent dire que les homes sont des mouroirs, que c’est juste notre ultime demeure  de laquelle nous partirons pour le cimetière,  l’Esprit de Pentecôte a déjà soufflé dans le coeur de ceux qui dimanche après dimanche, fête après fête, choisisse le lieu d’où la messe sera retransmise. Pourquoi me demanderez-vous ?

Notre existence est une ascension

Nous sommes à Vex, à la résidence St-Sylve. De ce lieu, tous les regards convergent vers une seule montagne : La Dent Blanche, altière est belle,. Une Montagne culminant à 4357m. qui nous appartient à nous, les hérensards et dont nous sommes fiers ! Si Guy de Maupassant dans sa nouvelle fantastique « Le Horla » la surnomme « la monstrueuse coquette » de par sa taille et sa beauté,  elle rappelle avant tout à chaque résident non seulement aujourd’hui mais chaque jour, que notre existence est une Ascension. Mieux encore, ses 4 arêtes recouvertes de neige forment une croix alignée sur les 4 points cardinaux et devient pour nous, croyants, comme un signe jailli de la Création, offert par le Créateur,  du Christ ressuscité  « établi au-dessus de toutes les puissances et de tous les êtres qui nous dominent, aussi bien dans le monde présent que dans le monde à venir. »

 Chers résidents, nous regardons avec fierté cette montagne et nous y lisons comme un appel : à suivre Jésus, premier de cordée et premier arrivé plus haut que le sommet, le suivre pas à pas jusqu’aux derniers instants de l’ultime montée qui nous conduira au ciel radieux du Royaume promis.

Lieu de vie

Non !  Notre  EMS  St-Sylve n’est pas un mouroir !  Ni par son emplacement et encore moins par tout ce qui s’y réalise selon les desseins de Dieu.

En ce jour de fête, c’est un lieu prophétique de ce que nous célébrons aujourd’hui.

Notre résidence St-Sylve un lieu de vie, par excellence où la résidente, le résident sont chéris, soignés et entourés afin que leur dignité soit respectée jusqu’au bout. Chers amis, elles ne regardent pas le ciel, toutes ces personnes qui accompagnent nos résidents. Par leur compétence et leur dévouement, elles sont des signes vivants, c’est saint Paul qui vient de nous le rappeler, « de cette puissance infinie que le Christ déploie pour nous les croyants. »

Lieu de foi

Notre résidence St-Sylve est un lieu de foi. Chaque semaine et si souvent dans la journée nous invoquons le Christ pour qu’au-delà des fragilités de nos corps humains chancelants et qui déclinent, de nos doutes peut-être et de nos tristesses ou solitudes, il ouvre – selon les paroles de saint Paul toujours – nos coeurs à sa lumière pour nous faire comprendre l’espérance que donne son appel, la gloire sans prix que nous partageons avec nos compagnons de route, dans cette Eglise qui est, aujourd’hui déjà, l’accomplissement total du Christ.

Témoins d’espérance

Notre résidence St-Sylve est une communauté ecclésiale à part entière où chacun des membres qui la forment témoigne de l’espérance qui les habite : témoins vivants des deux JOIES de l’ascension,

  • Celle de se réjouir que depuis ce jour la brèche est ouverte, comme une éclaircie subite qui se déploie dans le ciel couvert de notre vallée, nous laissant l’espace d’un instant le bonheur de contempler la cime de la Dent Blanche, OUI, un passage, une voie se dessine empruntée par le Christ au jour de l’Ascension.
  • Celle de vivre au quotidien de cette promesse : et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. Cette joie des croyants fidèles que vous êtes : personne ne pourra vous la ravir. Dans nos eucharisties hebdomadaires ravivons-la, les uns avec les autres et les uns pour les autres.

Avec tout cela, frères et soeurs, en ce jour de fête ayez cette ultime conviction qui nous permet de célébrer l’action de grâce de cette fête : Dans quelques jours, quelques semaines, quelques mois ou quelques années, cette brèche s’ouvrira pour vous comme pour moi. Ce jour-là, à la lumière de l’Ascension et de la promesse du Christ lui-même : ce n’est pas votre enterrement que l’Eglise célébrera mais votre « encielement » car comme vient de nous le rappeler l’oraison d’ouverture de la messe : l’Ascension de ton Fils est déjà notre victoire.

AMEN.


ASCENSION DU SEIGNEUR
Lectures bibliques :
Actes 1, 1-11; Psaume 46, 2-3, 6-7, 8-9Ephésiens 1, 17-23; Matthieu 28, 16-20 – Année A


 

Homélie du 21 mai 2017 (Jn 14, 15-21)

Abbé Henri Roduit – Église Saint-Théodule, Isérables, VS

L’évangile de ce jour fait partie du premier discours d’adieu de Jésus dans l’évangile de saint Jean. Jésus a passé environ 2 ans avec ses apôtres qui ont tout quitté pour le suivre. Il veut les préparer au drame que va être pour eux sa mort sur la croix. Pour qu’ils n’en restent pas à l’échec apparent du supplice le plus terrible que les Romains infligeaient aux esclaves, la crucifixion, il veut leur apprendre à vivre sans sa présence physique à leur côté, à vivre une certaine absence ou plutôt une autre forme de présence, puisque ressuscité il leur fera le grand don de son Esprit.

Expérience personnelle de communion     

Mais il y a une condition pour que les disciples puissent vivre cette expérience, c’est qu’ils vivent ce que Jésus lui-même a toujours vécu : l’amour gratuit. « Si vous m’aimez, vous garderez mes commandements » . Quels commandements ? Les apôtres s’en souviennent bien : ce sont l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Les apôtres sont donc invités à garder les paroles de leur maître et à poursuivre l’œuvre qu’il a commencée. Grâce à l’Esprit promis, ils ne seront pas orphelins. Au plus intime, au cœur de leur cœur, ils feront une expérience personnelle de communion avec Dieu. Ils découvriront que leur vie est liée à celle du Christ : « vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous ». Ce qu’exprimera de façon remarquable saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi ». Et ils en feront l’expérience en réalisant le commandement de  l’amour : « Celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui ».

Une autre forme de présence

Ces paroles de Jésus peuvent nous aider à comprendre une des étapes du deuil.  Après le décès d’un proche, d’un conjoint par exemple, beaucoup de personnes, pendant les mois suivants accumulent des souvenirs extérieurs, des photos, des habits… Ils vivent un temps très pénible de manque, d’absence, de déstructuration. Tout leur parait vain, inutile. Mais progressivement certains réussissent à se restructurer. Le défunt n’est plus, pour eux,  à l’extérieur mais à l’intérieur d’eux-mêmes. Ils passent à un autre lien avec lui, à une autre forme de présence. Grâce à l’amour qu’ils avaient et qu’ils ont toujours pour lui, ils trouvent des forces nouvelles pour continuer apparemment seuls, l’œuvre commencée à deux. Ils vivent une expérience de communion profonde, dans la communion des saints, avec le défunt qui leur est bien présent. Je me rappelle de cette veuve qui me disait : « Il est toujours avec moi. Je ne suis jamais seule. Il m’aide à réaliser ce qu’on faisait autrefois à deux ».

L’expérience des personnes vivant un deuil et le texte de l’évangile de ce jour peuvent donc s’éclairer l’un l’autre.

Nous sommes dans le temps pascal : temps où le deuil, l’échec apparent, font place à  la découverte du tombeau vide, à la présence inattendue et mystérieuse du Ressuscité et au don de l’Esprit Saint : « Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : l’Esprit de vérité… vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous, et il sera en vous.»

Que ce temps soit l’occasion de découvrir au cœur de nos deuils et de nos échecs, la force de l’Esprit qui nous révèle la présence du Christ et nous donne de l’expérimenter dans la fidélité à sa parole.


6e DIMANCHE DE PÂQUES
Lectures bibliques : Actes 8, 5-8.14-17; Psaume 65, 1-3a, 4-5, 6-7a, 16.20; 1 Pierre 3, 15-18; Jean 14, 15-21 – Année A