Homélie du 17 janvier 2016 (Jn 2, 1-11)

Fr. Marc de Pothuau – Abbaye d’Hauterive, Posieux

2e dimanche du temps ordinaire – Lectures bibliques : Isaïe 62, 1-5; Psaume 95; 1 Corinthiens 12, 4-11; Jean 2, 1-11


 

La mère de Jésus était là.
Une présence discrète
que personne ne remarque
mais qui remarque tout.
Pour Marie, être là, ce n’est pas se faire remarquer mais voir et entendre.
Pour Dieu aussi.
Et sa présence en nous
nous donne d’être comme Lui.
Présents : discrets et attentifs à tout.

Ils n’ont pas de vin dit-elle à Jésus.
Qui l’a vu ?
Les époux ?
Les parents ou les invités déjà grisés ?
Les serviteurs ? Oui en tous cas.
Ils ne savent plus que faire.
C’est souvent ainsi :
Tout le monde sent plus ou moins que quelque chose ne va pas,
mais personne ne dit rien.
Seuls les petits, les plus pauvres sont les premiers dérangés.
Marie est là.

Il est difficile de dire ce que l’on voit

Non seulement elle voit,
Mais elle dit ce qu’elle voit !
Et ce n’est pas si simple de ne dire que ce que l’on voit.
Elle ne dit pas :
Ils ont encore voulu inviter trop de monde !
Ou bien,
Quelle descente ils ont ces Galiléens : Ils ont déjà tout sifflé !
Il est très difficile de dire ce que l’on voit,
seulement ce que l’on voit
sans accuser personne de quoi que ce soit.

Et comment réagit Jésus ?
Mal, semble-t-il ?
On peut vraiment entendre dans cette expression hébreu
qui est littéralement « quoi de toi à moi ? »,
quelque chose comme :
Femme , qu’est-ce que tu me veux ?
Qu’est-ce que cela peut bien me faire ?
Ce n’est pas ni mon problème ni ma faute !
Jésus réagirait-il à sa mère comme face à un reproche ou une obligation ?
Que c’est difficile de ne dire que ce que l’on voit.
Et quand on essaye, on constate aussitôt chez les autres,
qu’il est tout autant difficile d’entendre vraiment ce qui est dit !
Nous sommes tellement habitués à entendre des accusations ou des exigences !
Alors Jésus serait-il comme nous ?

Dialogue difficile à saisir !

Jean nous place au cœur d’un dialogue mystérieux,
entre les deux êtres les plus présents qui soient.
Cherchons donc à bien entendre.
Écouter la Parole de Dieu, c’est aller jusqu’à entendre l’intonation de sa voix,
sentir le mouvement de Son souffle, l’Esprit d’amour, à travers Ses mots.
Jésus n’a pas dit d’un air méprisant :
Qu’est ce que tu me veux !
Et Marie n’est pas une marâtre manipulatrice
qui sait que son petit chéri, aussi grincheux soit-il,
finira toujours par se sentir obligé d’obéir.
Alors que dit-il et comment le dit-il ?
Mon heure n’est pas encore venue.
Là encore on peut entendre le fonctionnaire paresseux
caché derrière sa pancarte : guichet fermé.
Que ce dialogue est difficile à saisir !
Comme souvent chez l’évangéliste Jean,
on a l’impression que Jésus répond à côté de la question,
qu’il provoque le malentendu.
La plupart de nos conflits domestiques sont des procès d’intention.
Combien de couples ne s’écoutent plus
tellement chacun est certain de savoir ce que pense l’autre
avant même qu’il ait ouvert la bouche !

Or Jésus, lui seul justement, saisit nos intentions,
parce qu’il nous écoute toujours profondément.
A plus forte raison quand sa Mère lui parle,
elle dont le cœur est immaculé, si transparent.
Jésus nous rejoint dans la plus cachée de nos intentions,
et pas seulement les nôtres :
Jésus habite l’intention du Père.
Ainsi quand il dit : Mon heure n’est pas encore venue,
Il s’agit bien d’une référence à sa mission reçue du Père.

Jésus questionne le mystérieux lien entre Marie et lui

Par cette réponse :
Femme, quoi entre toi et moi ?
Mon heure n’est pas encore venue.
Jésus questionne le mystérieux lien entre Marie et lui,
et souligne que le temps fixé par le Père n’est encore pas arrivé.
Marie, la servante, si proche de ceux qui servent, leur dit alors :
Faites tout ce qu’il vous dira.
Effectivement, eux ne savaient plus que faire.
Comment parler sans être accusés d’avoir saboté la fête ?
Marie ne provoque rien sinon leur disponibilité.
De fait Jésus peut très bien leur dire :
Allez dire aux mariés que les outres sont vides.
Marie n’exige pas le miracle.
Elle voit.
Elle dit ce qu’elle voit.
Elle conseille l’humble disponibilité.
Elle, l’Immaculée, est justement celle qui a devancé l’heure du Salut.
Et ici encore son fiat devance l’œuvre du Fils, mais sans aucune prétention.

Soyons certains que Jésus nous rejoint dans nos intentions.

Nous devons entendre dans ce dialogue la mystérieuse délicatesse
qui existe entre Jésus et Marie.
Marie a la douceur sidérante des petits qui ne prétendent à rien et demandent tout.
Contrairement à nous, elle a confiance.
Elle sait que Jésus la rejoint dans son intention.
Alors elle nous conseille d’écouter et d’obéir à Celui qui toujours nous entend.
Cela provoque le signe du renouvellement de l’Alliance :
Le changement des eaux de la purification en vin des noces de l’amour.
Essayons donc d’être vraiment là comme Marie.
De ne dire que ce que nous voyons et pas plus.
De n’entendre que ce que nous entendons ni plus ni moins.
Soyons certains que Jésus nous rejoint dans nos intentions.

Et faisons ce qu’il nous dira de faire.
Alors nous verrons tout se transformer autour de nous.
Et précisément maintenant nous allons changer,
non pas l’eau en vin, mais le vin en Son sang
pour célébrer les Noces éternelles de l’Agneau,
pour que la surabondance de l’Amour
qui agit partout de manière cachée
soit manifestée à tous !

Homélie du 10 janvier 2016 (Lc 3, 15-22)

Père Claude Etienne – Institut La Pelouse, Bex

Baptême du Seigneur

Lectures bibliques : Isaïe 40, 1-5.9-11; Psaume 103; Tite 2, 11-14 ; 3, 4-7; Luc 3, 15-16.21-22


 

Cette foule se présentant au baptême de Jean représente tout le peuple de l’ancienne Alliance aux aguets du Messie tant attendu. C’est aussi une foule de pécheurs avides de purification : publicains, prostituées, magistrats, docteurs de la Loi,  politiciens, soldats… tous ont quelque chose à se reprocher.  Jésus se reconnaît membre de ce peuple. Dans une démarche communautaire, Il demande à Jean le baptême non pas pour la purification de ses fautes, mais en solidarité avec ce peuple de pécheurs. Il s’immerge dans un peuple pécheur. Il reconnaît en Jean-Baptiste celui qui prépare les chemins du Seigneur.

Nous sommes à la charnière de temps nouveaux. Jésus va commencer sa vie publique  et salue en Jean-Baptiste l’Ancien Testament qui s’achève. A peine baptisé, Jésus s’est mis en prière. Et soudain le ciel s’ouvre et « ce qui ressemble à une colombe » descend au-dessus de Jésus et une voix venue du ciel : « C’est toi mon Fils, aujourd’hui je t’ai engendré». Dès cet instant, Jésus est « consacré » dans sa mission d’évangélisateur, de Messie, de porte-parole de Dieu. En quelque sorte Jean-Baptiste transmet le flambeau de l‘annonce du pardon des péchés à Jésus.

Faire triompher la vie de Jésus dans notre existence

Concrètement quelle signification donnons-nous à notre baptême à la lumière de celui de Jésus ? Ne pourrait-on pas comparer le baptême à une immersion ? Plongés dans l’eau à la suite de Jésus pour entrer dans une nouveauté, une nouvelle naissance. Ce passage est toujours en cours : on n’a jamais fini de faire triompher la vie de Jésus dans notre existence, devenir des porteurs de vie. Ce qui nous engage à refuser l’injustice, à regarder et traiter chaque être humain avec respect et dignité, à s’opposer à la violence et à l’instinct de domination. C’est ainsi que nous serons des vivants, des transmetteurs de vie.

Entrer dans la vérité, la justice et l’amour

Nous ne sommes pas baptisés une fois pour toutes. C’est l’affaire d’une vie. Quoi que l’on dise, il est long le chemin qui conduit à la liberté, à la libération de tout notre être.
En chacun de nous, il y a le péché qui fait de nous un esclave, qui nous enchaîne par habitude. Nous sommes tous sous l’influence de dépendances qui nous paralysent…
A chacun de nous de faire le pas décisif pour sortir de la médiocrité et entrer dans la vérité, la justice et l’amour.
Le baptême est un chemin de délivrance.
A nous aussi Dieu nous dit »Tu es mon fils bien-aimé », tu es en voie de divinisation.

Etre missionnaire dans la mesure où on a rencontré l’amour de Dieu en Jésus Christ

Puissent tous les baptisés du monde se sentir investi comme le Christ de la mission de révéler au monde l’amour de Dieu pour l’humanité. Comme nous le rappelle le Pape François dans son encyclique « La joie de l’Êvangile » : En vertu du Baptême reçu, chaque membre du Peuple de Dieu est devenu disciple missionnaire (cf. Mt 28, 19). Chaque baptisé, quelle que soit sa fonction dans l’Église et le niveau d’instruction de sa foi, est un sujet actif de l’évangélisation… car s’il a vraiment fait l’expérience de l’amour de Dieu qui le sauve, il n’a pas besoin de beaucoup de temps de préparation pour aller l’annoncer, Tout chrétien est missionnaire dans la mesure où il a rencontré l’amour de Dieu en Jésus Christ. Malheureusement, les baptisés délaissent trop souvent le navire de l’Eglise pour s’embarquer  sur des coquilles de noix à la navigation incertaine, pour une destination problématique.

Soyons ensemble témoins de l’amour de Dieu

En cette année jubilaire de la Miséricorde, soyons ensemble les porteurs et les témoins de l’amour de Dieu auprès de ceux et celles qui attendent un signe libérateur, à l’image de ce peuple qui était en attente sur les bords du Jourdain… Leur attente n’a pas été déçue, du moins pour ceux qui ont su reconnaître en Jésus le Messie tant espéré. Si nous n’en sommes pas convaincus, regardons les premiers disciples, qui immédiatement, après avoir reconnu le regard de Jésus, allèrent proclamer pleins de joie : « Nous avons trouvé le Messie » (Jn 1, 41).

Homélie du 10 janvier 2016 (Luc 3, 15-22)

Eglise du Locle – Abbé Jean-Marie Oberson

Le baptême du Seigneur

Lectures bibliques : Isaïe 40, 1-5.9-11; Psaume 103;  Tite 2, 11-14 ; 3, 4-7; Luc 3, 15-16.21-22


 

En ce temps-là, des foules s’étaient rassemblées
auprès de Jean-Baptiste.
Jean-Baptiste, c’était une personnalité vraiment intrigante.
Comme tout enfant, il grandit
et, on ne sait pas quand, il nous est juste dit
qu’il avait perçu un appel de Dieu
et s’était retiré dans les solitudes du désert.
Et voilà qu’un jour, Jean a commencé
à crier dans le désert qu’il fallait se convertir
et se préparer à accueillir une visite particulière du Seigneur.
Il était bien celui qui a réalisé cette annonce d’Isaïe le prophète:
«Une voix proclame: « Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur;
tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu »».

Nous croyons qu’il est là parmi nous celui que Jean annonçait

Les contemporains de Jean sont intrigués et viennent l’écouter.
Certains pensent même que Jean est le Christ, celui qui a reçu l’onction, celui qui vient inaugurer une ère nouvelle, celui qui vient réaliser les promesses des prophètes.
Ils ont sans doute à l’esprit la promesse d’Isaïe: «Tout être de chair verra que la bouche du Seigneur a parlé»… ou d’autres…
Mais Jean prend le contre-pied de cette opinion:
«Il vient celui qui est plus grand que moi».
Il vient! Il est plus grand! Ce n’est pas moi!
Et voici que 2000 ans plus tard, nous nous sommes rassemblés dans cette église du Locle.
Et voici que vous vous joignez à nous par les ondes
qui nous permettent de former
une communauté de foi et de prière avec vous.
Et que croyons-nous?
Nous croyons qu’il est là parmi nous celui que Jean annonçait, celui qui est plus grand que lui, celui qu’il annonçait venant accomplir un baptême dans l’Esprit-Saint et le feu.
Voilà pourquoi nous nous sommes rappelés que nous avons été baptisés.

La création nouvelle est inaugurée

Pour nous le rappeler, de l’eau s’est répandue parmi nous.
Elle est remontée des fonts baptismaux
pour envahir toute la nef de notre église.
Puis nous avons trempé notre main dans cette eau
pour nous signer, nous souvenir de notre baptême.
Nous sommes baptisés. La création nouvelle est inaugurée.
Nous somme baptisés et pourtant, nous voyons encore des terres arides, des ravins vertigineux.
Violence, injustice, menaces du terrorisme, de la pollution contre laquelle on ne se met à lutter que quand elle a déjà fait des ravages, contaminé l’air, le sol, la mer d’une façon telle qu’il faudra des générations pour que notre terre retrouve sa pureté originelle. Et d’ailleurs, le pourra-t-elle?
Les hommes auront-ils la sagesse de commencer à travailler ensemble, plutôt qu’à rivaliser entre eux, à se faire la guerre, guerre économique, guerre idéologique, guerre avec les armes même?
J’avoue que je ne sais pas de quoi les hommes seront capables.

Etre baptisé, ça veut dire être plongé

Mais je sais que celui qui est plus grand que Jean est parmi nous. Alors, ça change tout.
Lui, il veut nous sauver et il le peut. Mais il faut être baptisés.
Il faut être baptisés dans l’Esprit-Saint et le feu.
Etre baptisé, ça veut dire être plongé.
L’eau qui a coulé sur notre front au jour de notre baptême, la main que nous avons plongée dans l’eau tout à l’heure, c’est important.
Mais j’ai envie de dire que si ce n’est plus le baptême d’eau de Jean,
ce n’est pas totalement le baptême dans l’Esprit-Saint et le feu.
Ce n’est que son début, les arrhes du don de l’Esprit,
comme le dit saint Paul.
Etre baptisé, ça veut dire être plongé.
Quand on plonge dans de l’eau, c’est souvent déjà un choc thermique.
Notre peau passe de la chaleur du soleil et de l’air
à la fraîcheur de l’eau.

L’Esprit est feu, il est aussi douceur

Pour être baptisé en vérité, il faut être plongé…
dans l’Esprit-Saint et le feu.
Être plongé dans du feu: quelle horreur.
Mais bien sûr, il s’agit du feu de l’amour,
du feu de la vie de Dieu lui-même.
Et l’Esprit, s’il est feu, il est aussi douceur.
Il prend son temps de nous laisser nous adapter
peu à peu à la température du feu de la vie d’amour du Dieu Trinité!

Se fondre dans l’Esprit et le feu de la vie divine tout en restant soi-même

Tout à l’heure, le prêtre prendra encore un peu d’eau
pour la mêler au vin et dira:
«Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’alliance,
puissions-nous être unis à la divinité
de Celui qui a pris notre humanité».
Il faut être uni au Christ, à la divinité,
à la façon d’un peu d’eau qui se perd dans le vin,
qui vient se confondre avec le vin.
Pareillement, le baptême dans l’Esprit-Saint et le feu,
c’est une plongée dans la vie de Dieu telle que je vais devenir
et me fondre dans l’Esprit et le feu de la vie divine
tout en restant moi-même, bien sûr,
car Dieu m’aime non comme un partie de lui,
mais comme son fils, sa fille bien-aimée.
Pour arriver à cette véritable pongée qui est le but de ma vie,
Dieu est patient. Son Esprit, s’il est feu est aussi douceur.
Les lectures nous le disent de beaucoup de façons.
Si Isaïe dit: «Le Seigneur vient avec puissance;
son bras lui soumet tout»; il ajoute aussitôt:
«Son bras rassemble ses agneaux, il les porte sur son cœur».
Le Seigneur nous porte sur son cœur.
Certainement alors, la voix venue du ciel au baptême de Jésus
dit aussi ces paroles d’amour pour nous:

«Toi tu es mon fils, ma fille bien-aimée; en toi, je trouve ma joie».
Nous aussi, nous trouvons notre joie en Toi, Seigneur.
Il nous est bon de nous savoir portés sur ton cœur
dans ce monde pas toujours très rassurant.