Homélie du 8 novembre 2015 (Marc 12, 38-44)

Chanoine Charles Neuhaus – Eglise St-Maurice et St-Nicolas de Flüe, Aigle

32e Dimanche du Temps ordinaire
Dimanche des Peuples 

Lectures bibliques : 1 Rois 17, 10-16; Psaume 145; Hébreux 9, 24-28; Marc 12, 38-44


« L’Eglise sans frontières, mère de tous »

Ce dimanche des Peuples, Journée des Migrants, est placé sous le thème « L’Eglise sans frontières, mère de tous », thème proposé par le pape François dans son message pour la Journée mondiale des migrants et des réfugiés. «l’Eglise sans frontières, mère de tous » quelle belle image de l’Eglise que nous offre le pape François, image reprise par la Commission Migratio, de la Conférence des Evêques suisses, pour célébrer ce dimanche des Peuples.

Cette image de la mère évoque, bien sûr, la famille où père et mère offrent à leurs enfants tout ce qui est possible pour leur épanouissement. Il y a le couvert et le gite ; il y la nourriture intellectuelle et spirituelle ; il y a le temps donné à chacun, selon ses besoins, selon les situations ; il y a la sollicitude en présence des souffrances du corps et du cœur ; il y la lutte pour combattre les dangers ; il y le courage d’affronter les ennemis de la famille, de la vie ; et par-dessus tout cela, il y a l’amour qui ne compte pas, qui est don de soi. Voilà tout ce que peut évoquer le mot de « mère ».

Quelle belle image idéale de l’Eglise, qui peut parler à tous et à chacun. Mais quelle mission ! Quelle responsabilité ! Le pape François le déclare dans son exhortation « La Joie de l’Evangile » : « Les migrants me posent un défi particulier, parce que je suis Pasteur d’une Eglise sans frontières qui se sent mère de tous », parole citée par notre évêque, Mgr Jean-Marie Lovey, dans son message au nom des Evêques suisses.

Présence multinationale, multiculturelle

Ce matin, notre église paroissiale nous donne l’image d’une Eglise sans frontières. Nous sommes côte à côte, venant d’Italie, d’Espagne, du Portugal – ce sont les travailleurs étrangers les plus nombreux de notre région – mais aussi d’autres pays européens. Nous y reconnaissons aussi, à vue d’œil et avec nos oreilles, nos frères et sœurs africains. Et n’oublions pas tous ceux qui sont à l’extérieur de cette église et que nous côtoyons dans nos rues, dans nos milieux de travail, à l’école.
Cette présence multinationale, multiculturelle nous fait prendre conscience que nous, suisses, nous ne sommes pas seuls chez nous. Comment vivons-nous cette cohabitation ? Il n’est pas besoin de s’étendre longuement pour savoir que cette coexistence n’est pas toujours facile et bien vécu, et qu’à l’avenir elle sera même plus difficile. Et cela se passe dans des pays de tradition chrétienne.

Pour nous, chrétiens, parler de l’Eglise sans frontières, mère de tous, n’est-ce pas un beau discours, une utopie !!! Ce à quoi nous appelle cette célébration, à l’occasion du Dimanche des Peuples, c’est de nous engager à faire que l’Eglise, que nos communautés deviennent familles, familles sans frontière, et pas seulement entre les quatre murs de ce bâtiment.

« Abats les murs de ta maison »

Certes, nous sommes différents par la culture, par la langue, par la situation sociale, voire par la religion ; et cela dresse des barrières entre nous. Mais ne restons pas prisonniers de ses frontières. Il me revient en mémoire le titre d’un chant des premières années de mon ministère : « Abats les murs de ta maison ».
Pour vivre notre vocation de chrétiens, pour être mis en mouvement, nourrissons-nous aujourd’hui de la Parole de Dieu, vivons ce temps de communion ici, et au-delà des murs de cette église, avec les gens de la cité, avec vous tous qui vous joignez à notre prière par la radio. Découvrons que par des gestes simples et humbles nous pouvons faire tomber des barrières. C’est par nous que l’Eglise est à la fois mère et famille. Alors laissons les belles pages de la Bible nous parler aujourd’hui.

Le prophète Elie, dont nous parle la première lecture, quitte son pays à cause de la famine et du pouvoir en place. Vous voyez le rapprochement avec la thématique de ce dimanche, dimanche des migrants et des réfugiés. Il arrive à Sarepta, au-delà des frontières. Il demande à boire, puis à manger à une veuve, ce qui signifie une femme sans ressources, à l’époque du prophète. Elie ose faire appel à une étrangère; et la femme partage le peu qu’elle a. Et le Seigneur parle : « Jarre de farine point ne s’épuisera ; vase d’huile point ne se videra. »

Le dialogue qui s’établit entre celui qui demande et celui qui possède, même peu, devient partage qui enrichit l’un et l’autre. Il n’est pas seulement question d’argent. L’étranger qui demande du travail, de l’amitié nous enrichit de sa culture, de son amitié. Osons ouvrir mutuellement nos cœurs, parfois aussi nos mains, pour un vivre ensemble harmonieux.

La veuve de l’évangile dépose deux petites pièces de monnaie dans le tronc du Temple, à Jérusalem. Jésus la voit et dit « Cette pauvre veuve a mis plus que tous les autres… Elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre ». Quel enseignement de la part de Jésus ! Un petit geste que tous nous pouvons faire, un don de soi-même peut donner de quoi vivre, aussi dans les cœurs. Un regard bon, une parole chaleureuse, les uns envers les autres est un don dans le cœur de Dieu. Ainsi naît et grandit, à petit pas, l’Eglise sans frontières, l’Eglise mère de tous. Amen.


 

Homélie du 1er novembre 2015 (Mt 5, 1-12)

Chanoine Roland Jaquenoud – Abbaye de Saint-Maurice

Fête de la Toussaint

Lectures bibliques : Apocalypse  7, 2-4.9-14; Psaume 23: 1 Jean 3, 1-3; Matthieu 5, 1-12a


Mes frères, mes sœurs, des journalistes demandaient un jour à Mère Teresa de Calcutta : « On dit que vous êtes une sainte, qu’en pensez-vous ? ». On voit bien le sens de la question. Il fallait la provoquer un peu, que va-t-elle répondre ?

Elle est sans doute humble : « Non, non, je ne suis pas plus sainte qu’une autre » On s’attendait à je ne sais quoi. Mais ce qui est sûr, c’est que la réponse de la sainte fut tout à fait autre. « Mais Monsieur, dit-elle, nous avons tous le devoir de devenir des saints. Et vous avez ce devoir-là vous-même, comme moi » Mes frères mes sœurs, cette réponse de Mère Teresa nous rappelle que l’appel à la sainteté est un appel qui concerne chacun d’entre nous, quelque soit la vocation, le genre de vie qui est le notre. Tous, sans exception, nous sommes appelés à devenir des saints. Et ce jour nous rappelle que seuls les saints entrent dans la présence de Dieu, seuls les saints entrent dans la plénitude de son royaume. Dit de cette manière-là, c’est un peu inquiétant, surtout si l’on regarde notre propre vie. Et pourtant, mes frères mes sœurs, nous n’avons pas d’autre choix.

Devenir un saint ne veut pas dire accomplir de grands exploits.

Devenir un saint ne veut pas dire forcément accomplir de grands exploits. Devenir un saint, cela veut dire devenir l’image parfaite de Dieu, cette image à laquelle nous avons tous été créés. Et qui est Dieu ? Dieu, nous dit saint Jean, est amour. Devenir un saint, cela veut dire apprendre à aimer. Et un jour, lorsque nous saurons aimer parfaitement, sans aucun égoïsme, entièrement donnés, alors mes frères, mes sœurs, ce jour-là, nous entrerons dans la joie de Sa présence, nous le verrons tel qu’Il est, comme nous l’a dit saint Jean aujourd’hui, et c’est pourquoi nous serons comme Lui. Etre à l’image de Dieu, c’est aimer parfaitement. Pas une once d’égoïsme, pas une once d’absence d’amour n’entrera dans le Royaume de Dieu. Cette voie de la sainteté, mes frères mes sœurs, nous ne pouvons la parcourir qu’avec notre Seigneur. C’est lui qui nous donne grâce, par le mystère de Sa mort et de Sa résurrection, par Sa Croix glorieuse, d’apprendre chaque jour, en avançant et en reculant, en tournant à gauche et en tournant à droite, d’apprendre à aimer un peu plus et un peu mieux. C’est cela notre voie, c’est à cela que nous sommes appelés.

Une voie qui passe par le combat spirituel

L’Évangile des Béatitudes, qui est l’évangile de cette fête, nous rappelle deux choses. Cette voie vers la sainteté, c’est une voie qui passe par le combat spirituel : les pauvres de cœur, les doux, ceux qui ont faim et soif de la justice, ceux qui sont miséricordieux, ceux qui ont le cœur pur, ceux qui se battent pour la paix, ceux qui sont persécutés pour la justice, ceux qui donnent leur vie pour le Christ. Tout cela exige de nous un travail sur nous-même, tout cela exige de nous un engagement chrétien, qui n’est pas un engagement du dimanche, qui est un engagement de tout notre être pour apprendre petit à petit à Lui appartenir complètement. Mais l’Evangile des béatitudes nous rappelle aussi que cet engagement –là, que ce travail sur soi-même, que ce combat spirituel, c’est un chemin vers la joie, c’est un chemin de joie. Même dans les larmes et les souffrances du Christ en Croix, il y a au plus profond de lui la joie de faire la volonté du Père, la joie de nous aimer jusqu’au bout, la joie de nous sauver.

Un chemin de joie

Si nous acceptons de nous engager complètement sur la voie de la sainteté, si nous acceptons de prendre le chemin ouvert par les béatitudes, mes frères, mes sœurs, c’est un chemin certes rude, c’est un chemin où l’on peut pleurer, mais c’est un chemin de joie. C’est un chemin d’ouverture à ce qui est le plus important. Et le plus important dans cette vie, le plus important dans ce monde, c’est la charité, c’est l’amour. C’est finalement Dieu, qui est l’amour et la charité.

Mes frères mes sœurs, engageons nous dans ce chemin de béatitude, dans ce chemin de joie. Engageons-nous dans cette voie, pour apprendre à être véritablement heureux, d’un bonheur qui ne passera pas, d’un bonheur qui n’est pas lié à des succès, qui n’est pas lié à un état particulier, mais qui est lié au fait que petit à petit nous nous approchons de notre Dieu, que petit à petit nous devenons semblables à lui, non pas parce que nous sommes meilleurs, mais parce qu’Il nous attire à lui.

Acceptons de prendre le chemin de Ses volontés. Acceptons de dire tous les jours dans notre prière d’une manière profonde « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel », et alors, mes frères mes sœurs, nous apprendrons vraiment, – Il nous apprendra – à aimer, Il fera de nous des saints.