Homélie du 19 July 2015

Prédicateur : Chanoine José Mittaz
Date : 19 juillet 2015
Lieu : Hospice du Grand-Saint-Bernard
Type : radio

Venez à l’écart et reposez-vous un peu. De fait, les disciples revenaient de mission, une activité extordinairement riche, et ils ont besoin de se retrouver autour de Jésus pour se poser et se reposer. Ce besoin des disciples n’était-il pas le nôtre, aujourd’hui? Non seulement nous sommes invités à vivre beaucoup de choses, à nous engager dans la vie, comme les disciples en mission, en accomplissant le bien par rapport aux engagements qui sont les nôtres, aux responsabilités humaines, relationnelles, professionnelles, familiales qui sont les nôtres. Mais n’avons-nous pas besoin nous aussi de nous mettre un peu à l’écart, pour commencer à parler de ce que nous vivons ?

Que font les disciples, avant même que Jésus leur dise :  » Venez à l’écart et reposez-vous un peu.  » ? Les disciples racontent ce qu’ils ont fait. En nos vies, quels sont ces espaces de parole où je peux dire mon engagement, ma fatigue, mes joies, mes peines, mes tourments, mes espérances ? Parce que finalement, pour nous épanouir, pour vivre la joie, le thème de ce pèlerinage, il ne faut pas simplement multiplier les activités les unes derrière les autres, mais pouvoir découvrir, au travers des activités, comme un évangile, une bonne nouvelle qui fragilement, patiemment se contruit. Or la bonne nouvelle c’est une parole à annoncer. Ce n’est pas d’abord de répéter les versets de l’Evangile, annoncer la bonne nouvelle. C’est de pouvoir mettre des mots lumineux, d’espérance, même s’il y a du tragique dans ce que je vis en ma propre existence.

Venez à l’écart et reposez-vous un peu. Il y a aussi là une invitation pour nous à ne pas rester prisionniers d’un rythme de vie. De fait, ceux qui allaient et venaient étaient tellement nombreux qu’ils n’avaient même plus le temps de manger. Vous entendez derrière que le stress, ça ne date pas d’aujourd’hui. Que les besoins nous dépassent peut-être depuis que l’humanité cherche à se construire comme une humanité, justement. Et que là, il y a un appel à décrocher, à faire ce pas de côté, pour ne pas être prisonnier d’un rythme.

Venez à l’écart et reposez-vous un peu. Oui, mais cette parole :  » Venez à l’écart et reposez-vous un peu. « , elle est peut-être aussi dure à entendre. Peut-être pour celles et ceux qui, ce matin, au travers des ondes de la radio, nous écoutez depuis un lieu de repos, un lieu de convalescence, un hôpital, une chambre depuis laquelle il est difficile de sortir. Et où peut-être vous aimeriez bien plutôt que d’être au repos, aller rejoindre ceux qui vont et viennent, et pouvoir vous aussi vous engager. Oui, les ruptures de rythme sont difficiles, mais le premier engagement, il n’est pas dans le faire. Il est dans oser cette présence qui aide l’autre à être présent à lui-même. Et quand je peux chercher à rejoindre mon coeur, dans une présence à offrir à l’autre, pour que l’autre soit lui aussi amener à faire ce pèlerinage jusqu’à l’intérieur de son coeur où se trouve la source de la joie, l’énergie de la vie. Mission accomplie. Alors vous qui nous écoutez depuis les ondes de la radio et qui peut-être vous sentez, selon votre situation personelle, en décalage avec ce monde qui tourbillonne d’engagements, merci de nous aider à rejoindre cet essentiel, cet existentiel où la vie se transmet par un regard, par une main tendue, par accepter aussi que l’autre s’engage vis-à-vis de soi.

Venez à l’écart et reposez-vous un peu. Attention, venir à l’écart, ce n’est pas vivre à l’écart, ce n’est pas se couper du monde. Venir à l’écart, ce n’est pas tenir les autres à l’écart. Ecoutez la suite de l’Evangile. Ils cherchent à aller dans un endroit désert pour se ressourcer et voilà que tout le monde, cette foule en quête d’un bon berger va les rejoindre. Et Jésus ne fait pas comme nous sommes tentés de le faire en Europe aujourd’hui, face à l’afflux de tant de gens qui cherchent refuge sur notre continent. Il ne cherche pas à ériger des murs. Saint Paul nous en a parlé de ces murs. Il a osé les qualifier : les murs de la haine, parce que ce sont des murs de séparation. Non ! Il est ému de compassion devant cette foule. Autrement dit, sa manière d’aller à l’écart n’est jamais une manière de se désolidariser de ceux qui vivent l’épreuve, de ceux qui vivent la précarité.

Vous savez, quand on cherche à construire des murs pour se protéger de personnes en situation de précarité, l’humanité est en danger. Pas seulement l’humanité de ces hommes et de ces femmes qui meurent en méditerranée ou qui restent coincés sous un soleil à une frontière entre deux pays. Mais nous sommes en danger, parce que chaque fois que nous pouvons éprouver de la compassion pour l’autre, chaque fois que nous pouvons faire oeuvre d’hospitalité, c’est nous qui sommes en train de renaître. C’est nous qui découvrons la joie de pouvoir nous donner, de pouvoir donner la vie. Oui, saint Paul nous appelle à construire une seule humanité, un seul homme dans le Christ, où les murs de haine peuvent être petit à petit défaits. Ces murs, ils existent à nos frontières, mais ils existent aussi à l’intérieur de nous. Chaque fois que nous allons à l’écart, ce n’est pas pour construire des murs. C’est pour nous mettre à l’écoute. Entendre battre le pouls de Dieu en nos vies. Entendre battre le pouls de l’humanité qui souffre, qui espère, qui se réjouit. Et vivre en frères et sœurs.

16e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Jérémie 23, 1-6 ; psaume 22 ; Ephésiens 2, 13-18 ;Marc 6, 30-34