Prédicateur : Abbé Bernard Jordan
Date : 19 avril 2015
Lieu : Eglise St-Jean, Fribourg
Type : radio
Chers amis,
Que de personnes ont été saisies, touchées, depuis 2000 ans par ce Jésus ressuscité dont nous parle l’évangile ! Que de vies données au service des plus démunis, des laissés pour compte, des jeunes cherchant sens à leur vie ! Que de vies transformées par une conscience professionnelle tournée vers autrui ! Que de parents ont donné tout leur amour pour l’épanouissement de leurs enfants ! Tout ceci, grâce à la confiance en ce ressuscité d’entre les morts. Et, cela se poursuit aujourd’hui, comme vous le savez, nous sommes de ce nombre. Ce sont eux qui sont des preuves irréfutables de la résurrection de Jésus de Nazareth. Certains même ont donné leur vie jusqu’à la mort, non pas avec de la haine dans le cœur, non pas par revanche, par vengeance ou bourrés d’explosifs sur tout leur corps, mais par un surcroît d’amour.
Nous ne pouvons pas prouver scientifiquement la résurrection de Jésus, n’ayons pas peur de le dire, mais la confiance que nous portons à quelqu’un qu’on aime, n’a pas besoin de preuve scientifique, c’est bien plus grand.
Je pense à cette religieuse missionnaire d’Afrique, originaire de Genève, qui me racontait un jour son départ du port d’Anvers, en 1935.On lui avait dit qu’elle ne reviendrait plus jamais en Europe. Lorsque la sirène annonça le départ du navire, me dit-elle, je fus saisie d’une immense panique. Je me disais : « est ce que je me suis trompée de voie, trompée de choix ? » Elle se retire du parapet, car l’eau l’attirait, une amie lui met simplement la main sur l’épaule, sans rien dire, la paix est revenue aussitôt. Vous avez entendu tout à l’heure Jésus dire : « C’est bien moi, touchez moi. »
Aussi, vous avez remarqué que ces hommes et ces femmes qui avaient fui, qui s’étaient séparés, qui s’étaient cachés lors du drame provoqué par la condamnation à mort de leur ami, de leur frère, de leur Maître, Jésus de Nazareth, sont à nouveau ensemble. L’amitié qu’ils lui portaient, l’amitié qu’ils se portaient les uns aux autres a été plus forte.
Ah, quelle puissance, une amitié !
Pour moi, c’est le premier miracle du Ressuscité. Il avait besoin de se parler, de partager ce qu’ils avaient vécu, de faire le point. Ils avaient peur aussi, comment allaient ils gérer l’avenir, comment allaient ils s’en sortir ? Nous connaissons, tous, ce genre de situations.
Alors, Jésus vint par une présence désécurisante et sécurisante à la fois. Ils ne le reconnaissent pas tout de suite, je dirais heureusement, car s’ils l’avaient reconnu, on aurait pu croire à une réanimation de leur Jésus et non à une résurrection, c’est lui, mais il fait partie maintenant d’un monde nouveau où tout est paix, tout est harmonie. Ce monde qui nous attend.
La présence du Ressuscité, au milieu de ses disciples, si troublante soit-elle vient lever un peu le voile sur notre propre résurrection, heureusement. Ces remarques, vous les connaissez bien : » tu crois, toi, qu’il y a quelque chose après, après la mort « , » personne n’est revenu notre dire ce qui se passe »
Comment personne ? Cette présence de Jésus ressuscité, elle ne vous suffit pas ?
En tant que chrétiens nous sommes invités à cerner le mieux possible ce qui nous attend. Dieu veut aller jusqu’au bout de ce qu’il a commencé avec nous et avec la création .Nous sommes faits pour le bonheur. Lors du grand passage, le créateur va nous donner ce qu’il nous manque pour entrer dans une plénitude d’amour, de bonheur, c’est une simple logique, en fait. Personne peut le faire à sa place, même pas avec tout l’or du monde, personne. Bienheureuse justice !
Alors notre vie devient un apprentissage à aimer, un apprentissage à vivre dans la beauté et dans la bonté. Si vous trouvez une autre définition de la vie, j’attends volontiers vos réponses.
Notre vie nous initie déjà à entrer dans ce grand dynamisme de résurrection, de bonheur.
Savoir que quelqu’un a payé de sa personne jusqu’à la mort pour que nous ayons la certitude qu’un bonheur nous attend, ce n’est pas rien, tout de même.
Depuis les rencontres du Ressuscité avec ses amis, nous avons la certitude que dans toutes situations nous ne sommes jamais seuls, il y a toujours quelqu’un pour nous pacifier, pour nous comprendre, si nous sommes sincères avec nous mêmes, si nous vivons dans une certaine cohérence. Il a été présent au milieu de ses amis en détresse, et, Il ne serait pas présent dans la nôtre.
Quel Dieu serait-il alors ?
Nous avons un défenseur à notre disposition, nous dit saint Jean, ce ne sont pas des paroles en l’air.
Notre Dieu n’a pas voulu nous laisser « paumés » dans ce monde, sans nous donner des points de repères ; les découvrir, c’est l’enjeu de notre foi. St Luc nous dit que Jésus ressuscité ouvrit l’intelligence de ses disciples à la compréhension des écritures, c’est vrai pour nous aussi aujourd’hui, et j’ajouterai, à la compréhension des événements, des réalités qui sont les nôtres.
Nous vivons souvent un peu naïvement, j’ose dire un peu « bêtement « . Nous courrons, nous passons tout de suite à autre chose, nous nous agitons dans le superficiel – certains ne savent même pas que c’est du superficiel – .Si nous voulons réussir notre vie, des temps de réflexion, de pause, de partage sont nécessaires, absolument nécessaires, c’est presque une question de vie ou de mort. Aidons-nous à privilégier ces moments-là.
Un exemple tout simple : les arbres fruitiers sont en fleurs, on peut passer près d’eux sans les regarder, ou bien, les admirer en leur demandant : « qu’avez-vous à me dire ? » Vous verrez les réponses risquent de fuser. Je vous le promets.
Nos chanteuses et chanteurs à la tribune ici aujourd’hui, nous introduisent dans un bien-être, dans le monde de la beauté, ils nous font toucher Dieu. Ceci, grâce à la foi d’un compositeur, d’un directeur, d’un organiste et des chanteurs bien sur.
C’est un véritable tremplin qui nous introduit déjà dans le monde qui nous attend, celui pour lequel nous avons créé. Ne ratons surtout pas ces tremplins, ces passages, c’est ça aussi faire ses Pâques.
Lors de l’hommage de l’Allemagne aux victimes du drame d’avion, à Cologne,
avant-hier, c’est la musique, plus que les paroles, qui est venue à la rencontre des familles pour apaiser leur douleur, pour accompagner les larmes qui coulaient, avec aussi des poignées de mains, des embrassades, puis le repas prit en famille, avec des amis pour se mettre au diapason de cet amour, de cette affection qui nous attendent, celles qui sont des réalités définitives pour ceux qui nous ont quittés. Jésus ressuscité a pris aussi du temps pour manger avec ses amis.
Nous n’imaginons pas à quel point chacun de nous a un pouvoir de rendre heureux ceux qui nous entourent ! « Vous serez mes témoins, nous a dit Jésus, tout à l’heure, » : le conseil d’une personne âgée , le sourire jailli d’un lit d’hôpital, la persévérance à se reconstruire d’un prisonnier, la prière d’une moniale, l’esprit ouvert d’un sportif, la lecture d’un poème, une amitié, comme je viens de vous le dire, et je pourrais continuer.
Oui, la vie est un apprentissage à aimer, un apprentissage à vivre dans la beauté et la bonté.
Amen.
3e dimanche de Pâques
Lectures bibliques : Actes 3, 13-15.17-19; Psaume : 4; 1 Jean 2, 1-5a; Luc 24, 35-48