Homélie du 25 novembre 2012

Prédicateur : Chanoine Jean Scarcella
Date : 25 novembre 2012
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio

Mes sœurs, mes frères,

Jésus, Fils unique de Dieu et fils de l’homme – Jésus, Verbe de Dieu – Jésus, Vérité de Dieu – Jésus, le Témoin fidèle – Jésus, le souverain des rois de la terre…

Jésus, Christ ET Roi !

L’Écriture Sainte nous dit aujourd’hui :

« Sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite » (Daniel)

« Le Seigneur est roi, […] dès l’origine ton trône tient bon » (Psaume)

« Jésus Christ, le témoin fidèle, le premier-né d’entre les morts, le souverain des rois de la terre » (Apocalypse)

« Ma royauté ne vient pas de ce monde », finit par dire Jésus à Pilate.

« Alors, tu es roi ? »…

Dans ce face à face avec Pilate quel visage royal Jésus peut-il montrer ? Il est là, enchaîné, couvert de sang, misérable condamné à mort, sans aucune ressemblance avec l’image que l’on se fait d’un roi. Où sont son armée et ses gardes qui auraient pu le défendre, où sont les signes extérieurs de sa richesse, de son pouvoir royal ? Rien de tout cela, et pourtant Jésus ne change pas son discours : « C’est toi qui dis que je suis roi ».

On est là en face de ce qu’on pourrait appeler effectivement un dialogue de sourds. Chacun des deux protagonistes ne met pas la même chose dans le mot ”roi” ; pour Pilate, le roi est le chef d’un État doté d’autorité suprême sur tous ses sujets. Pour Jésus, un roi est le représentant de Dieu auprès de son peuple, chargé de guider les hommes vers Dieu, car Dieu seul est Roi. – Oui, mais avec quelle autorité ? avec quelle puissance ? – Jésus, Fils du Père, n’a pas d’autre puissance que l’amour, cet amour qu’il a manifesté avec force pour son père et pour tout homme. Alors nous pouvons peut-être comprendre Pilate, car l’amour n’a ni l’allure d’une armée, ni le poids d’une richesse, ni la force d’un pouvoir… l’amour, ne se voit pas, il se donne à voir ! Voilà le royaume de Dieu, dont la puissance d’amour est traduite ainsi dans le Livre de Daniel : « Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et sa royauté, une royauté qui ne sera pas détruite. » Ici, le terme ”domination”, traduit du grec, signifie ”la souveraineté par excellence”, donc celle de Dieu, et plus précisément celle du Christ : « Le souverain des rois de la terre », renchérit l’Apocalypse.

Oui, frères et sœurs, c’est en cela que Jésus est roi. Une royauté qui, même si elle ne vient pas de ce monde, dépasse cette terre, tout en la concernant, pourtant. C’est ainsi que l’explique saint Augustin quand il dit dans son traité sur saint Jean : « Venez à un royaume qui n’est pas de ce monde. Venez-y par la foi ». Parce que le règne de Dieu ce sont ceux qui croient en lui et c’est sur cette terre qu’il doit… s’incarner et devenir, comme nous le prierons tout à l’heure dans la préface, « Règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice, d’amour et de paix. »

Une incarnation de surcroît à celle de Jésus ou une continuation de celle-ci, ou même – mieux peut-être ? – une incarnation de l’incarnation ?… Ce que je veux dire par là, non pas qu’il y ait deux incarnations, bien évidemment, mais que Jésus, Fils et Verbe de Dieu fait chair, a pris corps d’homme en devenant fils de l’homme, pour accomplir la volonté d’amour du Père, et instaurer le règne de Dieu dès ici-bas : « Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix », disait encore Jésus à Pilate.

Jésus, le témoin fidèle, est donc la vérité de Dieu. Et le bon larron l’avait bien compris quand, au cœur de leur supplice partagé, il dit à Jésus : « Souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton règne ». Cette parole prophétique, qui n’apparaît que dans l’Évangile de Luc, est prophétique, frères et sœurs, parce que d’abord le bon larron reconnaît implicitement que Jésus est Roi, et ensuite il annonce que le Règne de Dieu est en attente d’accomplissement. En effet, la traduction de la Bible de la liturgie parle ”d’inaugurer” ce règne. Or, une inauguration n’a lieu que pour fêter ou magnifier quelque chose qui est accompli.

C’est là, frères et sœurs, que nous entrons en scène, si j’ose dire, en nous souvenant des mots de saint Augustin qui disait que le Royaume ce sont ceux qui croient en Dieu ; donc ceux-ci, les chrétiens et les hommes de bonne volonté, qui sont appelés à construire le Règne d’amour, à la suite du Christ serviteur. Voilà, le mot est dit : ”serviteur”… C’est en cela que Jésus est Roi. C’est parce que « Dieu a tant aimé le monde qu’il nous a donné son Fils unique” (Jn 3, 16) – afin de nous faire vivre par sa mort. Et celui qui s’est fait serviteur pour cela, nous l’acclamons aujourd’hui comme Roi Serviteur. En effet, Jésus est venu en ce monde pour rendre témoignage à la vérité, la grande et merveilleuse vérité que Dieu nous aime, frères et sœurs. Jésus est la vérité de Dieu : ayons soif de vérité, ouvrons-nous à cette vérité libératrice à tous les niveaux de notre vie, accueillons Jésus comme le roi de nos vies, assumons notre responsabilité de disciples du Christ en contribuant, à notre mesure, à la construction de ce Royaume d’amour, car « chaque geste d’amour construit le royaume du Christ, dans l’histoire et dans l’éternité” [in Magnificat].

Oui, chers amis, reconnaissons la royauté de Jésus en l’accueillant en tant que Verbe, Parole de Dieu, lui qui est roi parce qu’il nous révèle le Père et nous conduit à lui.

”Seigneur, sois le roi de mon cœur !

Ainsi soit-il !

 

Le Christ, Roi de l’univers

Lectures bibliques : Daniel 7, 13-14; Apocalypse 1, 5-8; Jean 18, 33-37

Homélie du 18 novembre 2012

Prédicateur : Chanoine Antoine Salina
Date : 18 novembre 2012
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio

Frères et soeurs,

Ces textes sont d’un abord un peu difficile, le prophète Daniel nous promet un temps de détresse et l’Evangile de ce jour évoque une terrible détresse ; si nous nous en référons à l’époque que nous traversons, ces paroles même trouvent un écho dans la réalité que notre monde traverse et dans le quotidien que beaucoup d’entre nous vivent, soit de manière exceptionnelle, soit dans une vie tissée d’épreuves.

Marc, dans le début du chapitre 13, évoque même clairement toutes les grandes difficultés et persécutions que les premiers chrétiens seront appelés à traverser du fait même de leur appartenance à notre Seigneur; épreuves dont il conviendra de se préserver parfois, mais qui souvent conduiront au martyre…

Et pourtant, l’Evangile n’est-il pas une bonne nouvelle ?

Ces épreuves ne nous laissent-elles pas espérer plus qu’une simple rémission ?

Le chant d’introduction à la liturgie de ce jour nous dit que Dieu est à l’oeuvre en cet âge, l’apôtre lui-même en évoquant les épreuves du monde présent parle des douleurs de l’enfantement et finalement le pauvre Job aussi fait l’expérience de la lumière du fond de sa détresse ; l’Evangile de ce jour, à la suite du prophète Daniel ne fait pas exception ; le

Monde semble ne pas devoir sombrer dans la destruction, c’est plutôt de la naissance d’un Monde Nouveau qu’il s’agit ici, mais quand et comment ?

« Le Soleil s’obscurcira et la Lune perdra son éclat, les étoiles tomberont du ciel »: il convient de comprendre que, comme dans l’Apocalypse, nous sommes à la fin des idoles et que le Christ seul resplendira, il viendra dans les nuées avec grande puissance et grande gloire.

Daniel lui-même, après un temps de détresse, nous évoque la gloire et la lumière promises aux justes.

Le Fils de l’Homme est présent chez Daniel mais aussi chez le Christ à propos de lui-même; c’est aussi pour nous une manière de souligner l’éminente dignité à laquelle notre humanité est promue par la grâce de l’incarnation.

La pousse silencieuse et lente des feuilles du figuier doit nous aider à comprendre qu’un monde nouveau est en marche, mais qu’il est discret dans sa réalisation ; à nous de savoir en percevoir les signes : « Ciel et Terre passeront par les paroles du Christ » -quant au jour et à l’heure, comment comprendre, frères et soeurs, que pas plus le Christ que les anges ne le sachent ? Difficile à croire ou bien doit-on croire que le Christ a tellement bien revêtu notre condition humaine tout en étant Dieu qu’il partage notre difficulté à voir ?…

«Cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive… » -Nous pouvons comprendre, si nous voulons nous situer dans une perspective eschatologique – des fins dernières donc – que lorsque cela surviendra, la dernière génération à lire ces textes pourra s’y reconnaître.

Frères et soeurs, ces textes sont denses, peut-être un peu compliqués et culturellement éloignés de notre compréhension et pourtant le propre de notre humanité n’est-il pas d’expérimenter cette attente de l’avènement d’un nouveau monde ?

A l’heure où le présent prend peut-être trop d’importance – en ce sens où les soucis matériels et les difficultés des uns, les désirs de richesse et de sécurité des autres, nous détournent de l’essentiel – n’oublions pas que l’Evangile est Bonne Nouvelle, que le Christ est vainqueur, lui qui s’est offert en unique sacrifice et donc définitivement pour le Pardon de nos péchés, comme nous le rappelle la Lettre aux Hébreux ; ainsi Christ est vainqueur de la mort, de toute détresse, fût-elle extrême ; il vient nous rassembler, à nous de savoir veiller.

Chrétiens, baptisés, soyons donc des veilleurs – chacun avec notre grâce propre – sachons reconnaître le Christ, notre maître dans nos frères et ayons à cæur de témoigner de sa venue; il s’agit non pas de la Fin du Monde mais de la Fin d’un monde – pour un Monde Nouveau, un monde meilleur.

… au fond, quand nous concluons notre prière à Marie, ne disons-nous pas: « Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, maintenant et à l’heure de notre mort ?  » -C’est donc à ce moment même qu’il convient d’être présent, sachant qu’il nous transporte déjà dans la perspective de Ia Gloire – Sachons lire ces textes comme une consolation.»

33e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Daniel 12,1-3; Hébreux 10, 11-14-18; Marc 13,24-32

Homélie du 18 novembre 2012

Prédicateur : Abbé François-Xavier Amherdt
Date : 18 novembre 2012
Lieu : Eglise Saint-Germain, Savièse
Type : tv

Supposons que par un petit tour de passe-passe céleste donné à la ronde des astres, le Créateur ajoutait une vingt-cinquième heure à nos journées. Qu’en ferions-nous? Serions-nous prêts à consacrer quotidiennement ces soixante minutes supplémentaires à la prière et au service bénévole de nos frères et sœurs ? Pas sûr ! Nos «obligations» obéissent immuablement à la loi d’expansion des gaz : dès qu’un vide existe, ils le remplissent aussitôt à ras bord !

Le Seigneur est le Maître de l’histoire, il nous fait le cadeau du temps. Qu’en faisons-nous ? Où plaçons-nous nos priorités ?

«En ce temps-là se lèvera Michel le chef des anges. Ce sera un temps de détresse. Mais en ce temps-là viendra le salut de ton peuple et beaucoup s’éveilleront pour la vie éternelle» annonce le Livre de Daniel. «Après avoir offert pour les péchés un unique sacrifice, Jésus-Christ s’est assis pour toujours à la droite du Père», affirme la Lettre aux Hébreux. «En ce temps-là on verra le Fils de l’homme venir sur les nuées avec grande puissance et grande gloire. Mais quant au jour et à l’heure où cela arrivera, nul ne le connaît si ce n’est le Père » dit l’évangile de Marc.

1ère lecture, 2ème lecture, Evangile : quelle insistance ! Les textes de ce jour parlent sans cesse du temps. Temps de catastrophes et de crises, comme Sandy à New York – mais, dans le langage biblique, ce ne sont que des signes avant-coureurs de la libération et du salut pour l’humanité.

Temps des premières feuilles du figuier, quand les branches deviennent tendres – signes des temps qui annoncent une floraison prometteuse et des fruits d’avenir. Comme une belle vigne saviésane !

Nous approchons du terme de l’année liturgique. Cela sent la fin. Et pourtant c’est le prélude à un nouveau début, à un nouvel Avent qui nous rapprochera encore plus du retour du Christ, lorsqu’il viendra instaurer les cieux nouveaux et la terre nouvelle. Je l’attends avec impatience!

Dieu nous fait la grâce du temps, passé, futur, présent. Comme une valse à trois temps, une valse trinitaire. Si nous nous ouvrons à l’Esprit Saint, nous «avons» littéralement le temps. «J’ai le temps», c’est-à-dire que le temps m’a été remis par toi, Père. Je l’ai reçu comme un cadeau quand j’ai commencé d’être. Il m’accorde la possibilité des lentes et sûres germinations, jusqu’à l’heure suprême où je donnerai pleinement mon fruit, en présence de ton Fils Jésus-Christ qui rassemblera toutes les nations auprès de lui.

Temps passé, dont nous pouvons faire mémoire : ce Jubilé des 50 ans du Concile Vatican II, actualisé par le Synode des évêques sur la «nouvelle évangélisation» le mois dernier. Et aussi l’action de grâce pour tous ces bénévoles de la paroisse, celles et ceux qui ont depuis toujours offert de leur temps, de leur amour, de leur compétence, pour visiter les malades, faire la décoration florale, organiser un apéritif, animer la catéchèse, distribuer le pain bénit à la sortie de la messe… Ils ont ainsi répondu à leur vocation de baptisés.

Le passé, puis le futur, auquel nous sommes appelés à nous abandonner, avec confiance, avec foi et fidélité, fides en latin, amen en hébreu, parce que la promesse de Dieu est solide, nous pouvons nous appuyer sur elle, comme sur un roc valaisan, pas turc.

Nous savons où nous allons, l’histoire a un sens, une direction. Nous sommes promis à une éternité de délices. Lorsque les sages brilleront comme les constellations du firmament et que les justes resplendiront comme les étoiles dans le ciel de Dieu. Les sages, les justes, ce sont nos bénévoles, bene-volentia, bien-veillance en latin, ceux qui « veulent et font du bien » aux autres, ceux qui portent la lumière au cœur de chaque vie. Ce sont déjà les «stars» dans le regard de Dieu. Nous pouvons tous devenir «stars» de la bienveillance divine par notre bénévolat.

Faire mémoire, nous tourner vers l’avenir, mais c‘est aujourd’hui que tout commence. La grâce du temps s’offre au présent. Car le «présent» est cadeau. Avec Dieu, c’est toujours le moment favorable de continuer, de persévérer, de se convertir. Carpe diem : cet adage latin dit la spiritualité du temps chrétien. Déguste le présent, cueille ce jour, vis-le comme si c’était le dernier. Nul ne sait ni le jour ni l’heure.

Fukushima, secret bancaire, suppression d’emplois : pourtant, ne paniquons pas, n’ayons pas peur. Car le Seigneur est le Maître du temps, il conduit l’histoire à bon port.

La seule chose qu’il nous demande ? Tirer profit des années et des mois, des jours, des heures et des minutes qu’il nous donne. Accueillir la perfection que le Christ nous a acquise une fois pour toutes et avancer sur ce chemin de sainteté qu’il nous propose.

Les années s’accumulent, cette année 2012-2013 est spéciale, nous allons le souligner tout à l’heure : c’est l’année de la foi, l’occasion d’ouvrir nos portes à la relation intime avec Dieu, car c’est cela la foi.

Ou alors, pourquoi pas, comme certains jeunes, prendre une année sabbatique, avec une ONG, dans un «Point Cœur», pour vivre l’expérience durable du don de soi.

Les mois se succèdent, c’était en octobre le mois du rosaire et de Marie; ce sera en décembre, le mois de l’Avent; novembre, c’est le mois du souvenir de nos défunts, le mois de tous les saints, de notre propre sainteté, puisque nous sommes tous appelés à être des saints, c’est-à-dire à vivre dans l’Esprit et à participer à la vie divine par notre bonté fondamentale et nos paroles bienfaisantes.

Les jours ? C’est la journée annuelle de corvée, dans un des nombreux villages de Savièse, celle du nettoyage des bisses; c’est la journée de la solidarité et du bénévolat comme aujourd’hui; c’est la sortie organisée pour son filleul, si propice aux confidences partagées; c’est le dimanche, jour du Seigneur, de l’action de grâce et du repos, pour échapper à l’esclavage du travail et des magasins ouverts sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

L’heure, c’est l’heure de catéchèse ou d’enseignement religieux à l’école, les quarante heures d’adoration dans la paroisse chaque mois; c’est l’heure offerte pour un grand-papa âgé qui sourit d’aise en présence des membres de sa famille; c’est la communion apportée à domicile, la visite à l’hôpital ou au home. C’est la durée d’une belle eucharistie à Chandolin, plus brève qu’un épisode de «Top Model». C’est une réunion du conseil, du groupe, efficace et utile, c’est la répétition hebdomadaire de la chorale; c’est la haie taillée chez le voisin en échange de la voiture lavée, dans un troc de services rendus.

La minute, c’est le verre d’eau tendu qui nous fait entrer au paradis, comme le promet l’Évangile; c’est l’oreille prêtée à l’adolescent en mal d’écoute, c’est le sourire donné à tous ceux que je croise, c’est la parole bienfaisante qui relève. C’est la brassée de secondes que je présente au Seigneur dans mon oraison quotidienne.

Seigneur, Maître du temps, fais que je sois toujours prêt à rendre le temps que tu m’as donné.»

 

33ème dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Daniel 12, 1-3; Hébreux 10, 11-18; Marc 13, 24-32

Homélie du 11 novembre 2012

Prédicateur : Abbé Patrick Werth
Date : 11 novembre 2012
Lieu : Eglise Sainte-Marie, Bienne
Type : radio

« Charité bien ordonnée commence par soi-même » dit le bon sens populaire. On peut donc en déduire que la veuve que nous découvrons dans l’évangile d’aujourd’hui n’est pas raisonnable. On peut aussi en déduire que Jésus lui-même n’est pas raisonnable. Et c’est juste. Le simple bon sens n’est vraiment pas le souci principal de Jésus. Lui aimerait nous entraîner plus loin, parfois beaucoup plus loin que là où nous aimerions aller. Si la méditation sur un texte biblique ne s’arrête pas à une petite leçon de morale, où donc Jésus aimerait-il nous amener aujourd’hui ?

Beaucoup d’entre nous sommes probablement effrayés des formes que peut prendre l’individualisme contemporain. Passe encore que chacun fasse ce qu’il veut. Mais non seulement chacun veut faire ce qu’il veut, chacun veut encore être compris et accepté. Très peu de personnes réalisent l’importance d’être contrariées, dérangées. C’est pourtant bien ce que Jésus fait avec nous. Il est assis au bord du chemin sur lequel nous passons tout stressés comme toujours et soudain, il nous dit quelque chose. Il nous dit quelque chose qui nous oblige à une réaction, ne serait-ce que parce que la plupart d’entre nous allons au moins le regarder, ne serait-ce que parce que le regard de la plupart d’entre nous va être dévié.

En quoi Jésus veut-il dévier le regard d’incompréhension que nous portons sur l’attitude déraisonnable de cette veuve ? Quel est le ressort de l’attitude de cette femme pauvre ? Est-ce que ça pourrait être la générosité ? Et quand la générosité est authentique – et c’est bien là-dessus que Jésus insiste – qu’est-ce que c’est d’autre, sinon une ouverture aux autres ? A une société individualiste où chacun a tendance à se refermer sur ses envies, Jésus propose peut-être de lui demander où elle va.

L’Eglise a donné au 32e dimanche du temps ordinaire – comme ce dimanche s’appelle de manière fort peu poétique -, l’Eglise lui a donné une couleur – et je ne choisis pas le mot par hasard -, l’Eglise en a fait le Dimanche des peuples et le Dimanche des peuples, c’est toujours aussi une réflexion sur l’immigration.

Il n’est pas question ici de sous-estimer les problèmes qu’une petite partie des immigrés cause à l’ensemble de la population. Mais il n’est pas non plus question ici de sous-estimer tout ce que les immigrés ont donné et donnent encore à ce pays.

Au-delà des habitudes de vie des immigrés qui dérangent parfois et parfois même beaucoup, nous devons découvrir l’essentiel. Et c’est quoi cet essentiel ? Cet essentiel, c’est la pulsion de vie qui prend sa source dans la vie de famille, dans la vie de groupe et souvent aussi – notre communauté biennoise en est un bon exemple – dans la vie de foi.

Même si cela ne convient pas à la majorité des habitants de ce pays, la chance que nous offrent les immigrés, c’est qu’ils nous interrogent – à la suite de Jésus – sur notre conception de la vie. Où allons-nous ? Est-ce que le but de la vie est d’avoir le moins d’enfants et d’obligations possibles, mais le plus possible d’objets et de loisirs. Est-ce que le but de la vie, c’est d’être pris pour un extraterrestre quand on salue une personne seule dans la rue où à une table de café ? Est-ce que le but de la vie est que chacun marche ou mange en regardant droit devant lui, ni à droite ni à gauche ? Est-ce que le but de la vie est de finir très âgé et très solitaire ? Est-ce que c’est ça le but de la vie ? Est-ce que c’est ça le modèle que nous avons à offrir ?

Je ne suis pas naïf. Je sais bien qu’il y a un lien entre le niveau de vie et les habitudes. Je sais bien que partout où la richesse augmente, le nombre d’enfants diminue. Je suis aussi parfaitement conscient qu’un pays riche attire les immigrés. Mais il en a toujours été ainsi. Et d’ailleurs comment pourrions-nous vivre aussi confortablement sans les immigrés d’hier et d’aujourd’hui ?

A la suite de Jésus, le but n’est pas de faire la morale, mais de se poser des questions qu’on ne se poserait pas si quelqu’un ne nous bousculait pas. Et ces questions s’adressent à chacun d’entre nous. Elles ne s’adressent pas qu’aux Suisses d’origine, elles s’adressent aussi aux immigrés. Eux aussi sont invités à comprendre que ce pays de vieille tradition est fait de gens très différents, qu’il s’est bâti lentement, avec beaucoup de travail et que son équilibre tient à la recherche continuelle et difficile du consensus.

Mon père est né en 1929 en Allemagne. Il n’a pas fait la guerre, mais il l’a vécue. A vingt ans, il est venu en Suisse, il s’y est marié et y a bâti toute sa vie. Il a été – et moi à sa suite – un Suisse passionné. C’est parce que j’aime ce pays qu’à la suite du Christ j’aimerais qu’il reste un lieu vivant et respectueux de gens différents. Et cela, vivant et respectueux, nous n’y arriverons qu’ensemble : Suisses de longue date, immigrés de tous horizons et de toutes époques. Amen»

32e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : 1 Rois 17, 10-16; Hébreux 9, 24-28; Marc 12, 38-44

Homélie du 04 novembre 2012

Prédicateur : Abbé Nicolas Bessire
Date : 04 novembre 2012
Lieu : Eglise Sainte-Marie, Bienne
Type : radio

À première vue, le vocabulaire ne colle pas ! L’amour ne s’impose pas à coups de lois ! « Aimer » Dieu dans le vide ? « Aimer » le prochain qui dérange ? On a envie de répliquer : « L’amour ne se commande pas’. Qu’est-ce qu’un amour « sur commande », auquel on se contraindrait parce qu’il est imposé d’en-haut ? Comment réagirait-on s’il nous était dit : « Je vous aime parce que Dieu me le commande ? »

Pourquoi dire que l’amour pour Dieu et pour le prochain est le plus grand commandement ? Pour les juifs, la volonté de Dieu s’est exprimée dans la Loi et tout est vu à sa lumière. La Loi est comme une incarnation de la volonté de Dieu. « Quel est le premier commandement ? » Quel est l’essentiel de nos vies ? Jésus fait une seule et double réponse: aimer Dieu de toutes ses forces, aimer le prochain comme soi-même. Un seul mot dit tout : aimer.

Jésus respecte ce scribe, qui était un professionnel de la Loi, en utilisant le même langage que lui.

Mais il fait éclater le cadre trop juridique. Il commence par citer le Deutéronome : «Écoute, Israël… » C’est beaucoup plus qu’un commandement. C’est l’affirmation fondamentale de la foi au Dieu unique. Plus encore, ce texte est devenu la prière que les Juifs fidèles, aujourd’hui encore, disent trois fois par jour. Marie et Joseph l’auront apprise à l’enfant Jésus. Elle est aussi précieuse pour Israël que le « Notre Père » pour les chrétiens. Elle demande donc à être méditée. Elle nous dit d’aimer Dieu « de tout notre cœur, de toute notre intelligence et de toute notre force. »

De fait, l’amour se compose de trois éléments qui se lient les uns aux autres. D’abord, « de tout notre cœur. » C’est le mouvement qui s’empare de tout notre être, qui nous bouleverse et nous tire hors de nous-mêmes, comme une vague qui bouscule tout en nous. C’est «le cœur» de l’homme qui est touché.

Puis « de toute notre intelligence. » Pour aimer humainement, il faut mettre en œuvre notre intelligence, c’est-à-dire aussi notre raison. II faut apprendre à se connaître soi-même et à connaître l’autre, à prendre du recul, à réfléchir ensemble, pour discerner ce qui est important et ce qui secondaire : l’amour exige la lucidité.

Enfin, « de toute notre force ». En amour, il ne faut pas seulement dire : «Je t’aime». Il faut aussi dire : «Je veux t’aimer. » Vouloir implique de dépasser son sentiment, même son ressentiment, de mettre son énergie, sa force de caractère pour construire une relation solide, pour traverser les inévitables épreuves de la vie. Voilà l’amour véritablement humain, l’amour selon la volonté de Dieu. Il lie l’amour pour Dieu et l’amour pour le prochain. Le scribe l’avait bien compris : cet amour-là «vaut mieux que toutes les offrandes et tous les sacrifices », parce qu’il s’empare de tout notre être. Il est la vie.

Il est vrai qu’aimer n’est pas seulement éprouver un élan du cœur. C’est aussi et surtout vouloir et faire du bien à une autre personne, porter d’elle un souci actif. Jésus veut sans doute élargir l’espace de l’amour au-delà de la spontanéité jusqu’en sa volonté, qui donne à l’homme de changer sa relation avec les autres.. Mais est-ce vraiment « aimer comme soi-même » ?

Plus que commandement, la parole de Jésus est révélation et appel. Il déchire notre inconscience en nous montrant que notre capacité d’aimer est plus grande, sans limites. Il nous fait désirer un monde où l’amour imprégnerait toutes les relations humaines. Il nous dit, dans sa folle ambition sur l’homme, qu’un jour viendra où l’amour pour Celui qui nous a rendu capables d’aimer et l’amour pour les autres, pour tous les autres, ne seront plus qu’un seul amour. Laissons-nous emporter dans cette aventure!»

31e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Deutéronome 6, 2-6; Hébreux 7, 23-28; Marc 12, 28-34

Homélie du 28 octobre 2012

Prédicateur : Chanoine Jean-Claude Crivelli
Date : 28 octobre 2012
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio

La scène se passe à l’intérieur d’une voiture taxi. Nous pouvons y suivre, en dix séquences – d’où le titre du film d’Abbas Kiarostami, « Ten » (y défilent une série de personnages avec leurs problèmes existentiels) – le trajet de Mania, la conductrice, qui essaie de convaincre son enfant du bien-fondé de son divorce et de son remariage. L’enfant est insupportable : il est le représentant de ce machisme primaire, souvent mis en scène par le réalisateur iranien. Voir « Une séparation », son dernier film. En fin de compte, c’est la défaite des femmes, toujours victimes d’hommes immatures et violents.

La vie de chacun de nous est un « trajet ». Au sens littéral du terme latin « trajicere » : jeter à travers. Une traversée en plusieurs étapes, avec des rencontres, des événements qu’il faut gérer. Et, quand je jette un regard sur mon trajet personnel, je vois qu’il est tissé de combats, d’échecs, de victoires, de cuisantes défaites. Pourtant je sais que je marche vers un terme. Un horizon que chacun rêve et nomme selon ses convictions et sa croyance. A l’être humain est donné de concevoir l’existence comme une traversée qui le conduit vers un mieux, un achèvement. Le psaume 125 que nous méditions tout à l’heure traduisait cette aspiration dans les catégories de la foi juive. Il était impensable, en effet, que Dieu laisse le trajet de son peuple se clore sur une défaite, l’exil. Pour qui se fie en Dieu, le chemin de la vie, quoique semé dans les larmes, est un retour et une montée vers la ville sainte.

Les évangiles que nous lisons depuis quelques dimanches dans l’évangile de Marc peuvent être interprétés comme un trajet et une montée. Jésus prend conscience que la traversée de ce monde doit prendre un sens particulier. Son chemin est une mission dont il voudrait confier le secret à ceux et celles qui sont capables de l’accueillir et de devenir ainsi les collaborateurs de cette mission dans le monde. La mort du Fils de Dieu, reconnu toutefois comme Messie par les disciples, marquera l’échec de la mission de Jésus. Mais – et là nous mesurons le caractère paradoxal du trajet de Jésus – la Croix devient une ouverture. « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu », s’exclame le centurion païen, tout à la fin de l’évangile de Marc. Ouverture, pour qui s’est laissé initier au secret de Dieu sur l’humanité, pour qui a consenti au mystère pascal que Jésus annonce par trois fois dans les évangiles de ces derniers dimanches. Notre existence de disciples se révèle paradoxale : nous disons que nous suivons l’Evangile du Christ, pourtant la lecture de cet Évangile nous prend à chaque fois en faute.

Pour preuve il n’est que de relire les péricopes évangéliques de ces derniers dimanches : la parole du Christ éclaire à chaque fois des situations de vie ; elle en désigne les limites, les impasses, l’hypocrisie – comme dans le film « Ten ». Nous sommes des aveugles. Mais, consolons-nous, les disciples l’étaient tout autant.   Exemples. Ils se discutent entre eux pour savoir qui est le plus grand ; et Jésus de leur rappeler qu’en humanité chacun est serviteur de ses frères et de ses sœurs (Marc 9, 33-37 et Mc 10, 35-45)). Ils s’imaginent que le bien ne peut se faire que par eux ; et Jésus de réagir contre le sectarisme de son Eglise (Mc 9, 38-43). Sans oublier les conflits à l’intérieur du couple où il y a toujours risque de domination de l’un sur l’autre (Mc 10, 2-12). Ni bien sûr le problème récurrent, et combien actuel, des richesses – les « grands biens » qui finalement constituent l’obstacle par excellence à notre entrée dans le royaume de Dieu. « Mais alors, qui peut être sauvé ? » (Mc 10, 26)

C’est ici – c’est-à-dire quand j’ai mesuré les défaites qui ponctuent mon trajet de vie et que je me reconnais aveugle et que j’en viens à mendier de l’aide à celui-là seul qui peut m’en fournir. C’est donc ici qu’intervient l’évangile de notre dimanche. Il n’y pas grand chose à lui ajouter sinon qu’en Jésus Dieu est victorieux de l’incompréhension des disciples, et donc des hommes. La victoire de Dieu c’est quand des hommes et des femmes, illuminés par l’Évangile, se mettent à suivre le Christ, désirant vivre de sa parole.

La conclusion de notre passage d’Évangile, c’est que Bartimée se met à la suite de Jésus sur la route. Voilà bien l’Eglise – du moins une prophétie de cette dernière : elle est la communauté fondée sur des options nouvelles, celles que Jésus –invoqué comme le Maître par l’aveugle (cf. Marc 10, 41 « Rabbouni ») –   nous propose au fil des ch. 9 et 10 de l’évangile de Marc. Or voilà qui se situe à l’opposé de la domination du frère sur le frère, de la jalousie des uns à l’endroit des autres, de l’accaparement des richesses par quelques-uns, … autant de perversions dont le cercle des disciples sont comme le miroir.

Désormais, avec le Christ marchant vers l’accomplissement de son mystère pascal, un trajet neuf s’ouvre pour l’humanité.»

30e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Jérémie 31, 7-9; Hébreux 5, 1-6; Marc 10, 46-52

Homélie du 21 octobre 2012

Prédicateur : Père Pierre Bou Zeidan
Date : 21 octobre 2012
Lieu : Eglise Notre-Dame de la Prévôté, Moutier
Type : radio

Dominer versus Servir…

Chers auditeurs et auditrices, je ne sais pas si vous le savez, mais la communauté qui accueille une messe radiodiffusée écoute les infos de 9h avant que ne commence l’eucharistie. Je ne connais pas les raisons de cette habitude mais je la trouve intéressante. Assis dans l’église, chacun peut entendre l’actualité de Suisse et d’ailleurs avant que ne débute notre célébration. Cela nous permet ainsi d’élargir notre horizon, mais aussi d’offrir à Dieu les joies et les peines de notre monde, spécialement aujourd’hui, dimanche de la Mission universelle.

En moins de deux minutes, la radio nous présente des thèmes variés, presque contradictoires. Les thèmes récurrents de ces derniers dimanches sont divers et variés, j’en retiens deux : la guerre en Syrie et le lancement d’un appareil de téléphonie mobile dernier cri.

La disparité des préoccupations des gens de notre monde est frappante !

D’un côté un peuple qu’on massacre, de l’autre un produit qu’on lance ;

D’un côté, des gens qui cherchent l’essentiel pour eux : survivre ; de l’autre, des consommateurs qui cherchent le luxe…

Eh bien, chers frères et sœurs cette disparité des préoccupations de nos contemporains, nous la retrouvons aussi dans les lectures proposées par la liturgie de ce dimanche…

D’un côté, un juste attaqué et broyé par la souffrance d’après la première lecture d’Isaïe ; de l’autre, les grosses pointures, Jean et Jacques rusent pour s’assurer la meilleure place, une place de luxe… On se croirait en pleine campagne électorale.

Disparité ? Disais-je? En est-ce vraiment une ?

Dans les cas du juste attaqué et des situations d’atrocités vécues par les victimes de guerre, comme dans la recherche de la première place et de la volonté de vendre toujours plus aux consommateurs… il s’agit d’une même et seule réalité, celle de domination et de pouvoir : « Les grands, nous dit Jésus, font sentir leur pouvoir et les chefs commandent en maîtres… » et les disciples tombent dans le piège du pouvoir.

Ne sourions donc pas de la demande des deux fils de Zébédée, cousins de Jésus. Ces tentations n’épargnent personne. Tous les êtres humains cherchent à dominer, toutes les entreprises font pression pour se placer aux premiers rangs des chiffres d’affaire et de rentabilité excessive…

La passion la plus élémentaire serait-elle donc la volonté de puissance ?

Cela semble vrai puisqu’il nous arrive d’aduler les premiers, les plus forts, les plus riches, les gagnants.

Cette passion de domination, presque universelle, traverse les frontières et les différents aspects de l’activité des êtres humains… La tentation de dominer et l’abus d’autorité peuvent se rencontrer dans les écoles, dans les églises et même au sein des familles. il y a des épouses et des enfants opprimés et même battus, il y a des maris et des gosses terrorisés.

Face à ce besoin de la nature humaine, la parole de Jésus est décapante : La grandeur, la noblesse est dans le service ! c’est ce que Jésus a dit, répété et vécu jusqu’au risque même de sa vie. La priorité n’est pas au succès, au prestige, mais au service. Le service gratuit. Un service à risques.

Or, il y a des services très périlleux. Par exemple, militer et protester contre l’oppression, l’exploitation de l’homme par l’homme peut même conduire au martyre.

Comme l’argent, l’autorité n’est pas mauvaise en soi. Pour Jésus, la responsabilité n’est pas une domination, mais avant tout un service étendu aux hommes, ouvert au monde… Ceux qui sont grands devant Dieu, ce ne sont pas ceux qui se font servir, mais ceux qui servent.

Ceux qui seront aux bonnes places, ce ne sont pas ceux qui se contentent d’en rêver, mais ceux qui imiteront le Christ, en buvant la coupe des épreuves comme lui, en devenant serviteur comme lui qui a donné sa vie en rançon pour les autres… voyez, c’est diamétralement opposé à l’esprit de domination… c’est le renversement des valeurs. Servir de façon désintéressée, jusque dans la souffrance face aux ingratitudes ou aux agressivités, ce n’est pas facile.

Les partis politiques se disent au service des citoyens, les syndicats affirment être au service des travailleurs, les médecins se veulent au service des malades, les professeurs au service des élèves, les parents au service des enfants, les curés au service des paroissiens… mais qu’en est-il dans la réalité ?

Les meilleurs chefs sont ceux qui savent faire participer leurs subordonnés. Les meilleurs professeurs sont ceux qui savent susciter l’initiative de leurs étudiants. Les meilleures paroisses sont celles où les fidèles participent le plus à tous les services. Le mot latin « auctoritas » (autorité) vient de la racine faire croître, augmenter. Pour Jésus, c’est bien cela : l’autorité est le service qui aide les personnes à grandir, à devenir elles-mêmes responsables. Le vrai chef est celui qui sait écouter, comprendre, mettre en valeur et respecter…

Chers frères et sœurs, chers auditeurs et auditrices, le Christ nous invite à prendre au sérieux nos responsabilités dans le monde, que nous vivions ici à Moutier, en Suisse ou ailleurs.

Il nous invite à bien exercer le pouvoir… avec cette conception radicalement nouvelle qu’il nous rappelle aujourd’hui : « Le Fils de l’homme est venu pour servir »… Il faut donc apprendre à donner plutôt qu’à dominer.

Cet engagement est à la portée de tous… servir les autres, les valoriser, les faire grandir…

Aujourd’hui, nous accueillons la parole du Seigneur, aussi bouleversante qu’elle soit ; accueillons-la comme un cadeau…

Elle ne fera certainement pas disparaître les rencontres avec l’injustice, l’inégalité, l’atrocité et la souffrance des innocents… Mais sa Parole habitera notre cœur et notre esprit… Elle nous poussera à nous engager au service des autres… Elle nous mettra en route ; elle balise la route pascale de chacun de nos quotidiens…

Ainsi, nous serons, nous aussi porteurs de vie et de sens, et notre parole sera cadeau pour les autres. A vrai dire, chaque jour deviendra « journée missionnaire ». Amen»

29e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Isaïe 53, 10-11; Hébreux 4, 14-16; Marc 10, 35-45

Homélie du 14 octobre 2012

Prédicateur : Gaby Noirat, diacre
Date : 14 octobre 2012
Lieu : Eglise Notre-Dame de la Prévôté, Moutier
Type : radio

Quelle drôle de question pose cet homme à Jésus : « Que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? »

Il me semble que pour recevoir un héritage, il n’y a rien à faire ! Il suffit simplement d’être le « fils de » et de le prouver, si besoin est.

Notre homme, qui est très riche, pense comme un riche. Les choses se gagnent, ou s’achètent. Ainsi doit-il en être de la vie éternelle. Il est certainement sincère, et le regard aimant que Jésus porte sur lui le montre bien, mais il semble étranger au langage du don et de la grâce.

La vie éternelle, le Salut, le Royaume de Dieu, la plénitude de la vie en Dieu, cela ne se gagne pas, cela se reçoit.

Et pour le recevoir, il faut être héritier, donc se considérer déjà soi-même comme fils.

La réponse de Jésus pourrait être formulée ainsi : « Te sens-tu fils de Dieu et vis-tu ce lien filial en suivant les commandements ? »

« Oui, répond l’homme, et cela depuis ma jeunesse ». Il est en ordre avec la Loi et mérite donc le titre de fils, du moins au sens de sa religion.

Jésus apporte cependant une autre dimension inséparable de la filiation : c’est la fraternité. Les Béatitudes sont venues accomplir la Loi et les Commandements.

Ce n’est pas par hasard que, quand il cite les commandements, il omet les commandements envers Dieu et les devoirs religieux auxquels on s’attendrait d’abord, pour insister sur les commandements envers le prochain. Et comme il a affaire à un homme très riche, il en rajoute un : ne fais de tort à personne. En effet derrière la richesse se cache souvent une injustice.

« Une seule chose te manque : Va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres…puis viens et suis-moi ».

Une double invitation et un avertissement.

Une première invitation à partager ses biens, ce qui lui permettra ainsi de se rendre libre pour la seconde invitation : suivre Jésus. Avec cet avertissement : suivre Jésus, c’est le suivre sur le chemin de Jérusalem, là où il donnera sa vie pour nous. Cela comporte donc une part de renoncement, voire de souffrance, et même de persécution pour ses contemporains.

Le Royaume de Dieu que Jésus annonce et auquel tous sont invités, où il n’y a plus « ni Juif, ni Grec, ni esclave, ni homme libre, ni l’homme et la femme (Ga 3,26) », ce Royaume est un Royaume d’amour, de justice et de paix. On ne peut le désirer et en même temps construire sa vie sur le profit et le pouvoir, qui sont les valeurs de base de la richesse. Il y a incompatibilité. « Vous ne pouvez servir deux maîtres à la fois, Dieu et l’argent » (Lc 16,13).

Le partage n’est pas une condition pour obtenir le bonheur éternel, mais c’est le fait de partager qui produit du bonheur, de la justice et de la paix. Le Royaume de Dieu s’expérimente dans la fraternité.

La richesse matérielle n’est pas une interdiction mais un empêchement pour vivre les béatitudes du Royaume.

Vous avez déjà essayé de passer une porte avec une grosse valise dans chaque main. Vous n’y arrivez pas. Il n’est pourtant pas écrit « Interdit aux porteurs de deux grosses valises ». Donnez une de vos valises à quelqu’un qui n’en n’a pas et vous passerez tous deux aisément l’obstacle.

N’en déplaise à certaines Eglises américaines, la réussite sociale et financière n’est pas un signe de bénédiction divine. Pas au sens de l’Evangile en tous cas.

Elle est dure, la Parole de Dieu. Elle est tranchante et pénètre au plus profond de nous-mêmes, là où ça fait mal,… jusqu’au portemonnaie, pourrait-on rajouter à la lettre aux Hébreux. Nous avons tous envie de nous en aller tête basse, car beaucoup d’entre nous avons de grands biens.

Bien sûr, il y a toujours plus riche que nous.

Il y a ces richesses scandaleuses qui ne savent pas où déposer leurs milliards, entre la France ou la Belgique, au lieu de se demander s’il est acceptable qu’une personne possède autant d’argent à elle seule, alors que partout on ferme des usines, faute de liquidité, dit-on.

Il y a ce politicien qui disait à la radio : « Il faut que la population suisse se rende compte qu’on a besoin des riches pour notre économie ». Monsieur, distribuez un milliard entre mille familles et vous verrez que l’économie se portera tout aussi bien.

Oui, elle fait mal, la Parole de Dieu. Elle touche là où on n’ose pas toucher.

Et nous, qui pensons vivre modestement, nous savons bien que notre confort est construit sur l’exploitation des ressource naturelles de pays où des enfants triment encore dans des mines, pour ne pas mourir de faim.

Alors, c’est foutu ? Personne ne peut y arriver, dirons-nous avec les disciples.

« Pour l’homme, cela est impossible, mais pas pour Dieu », répond Jésus.

Nous ne savons pas ce que l’homme riche a fait finalement, après avoir quitté Jésus. Peut-être s’est-il assis au bord du chemin et s’est-il mis à prier, pour que Dieu lui donne la force de changer son cœur et sa vie.

Peut-être a-t-il relu, comme nous ce matin, ces lignes du livre de la Sagesse : « J’ai prié, et l’intelligence m’a été donnée. J’ai supplié, et l’esprit de la Sagesse est venu en moi ».

« Car tout est possible à Dieu ».

Amen.

28e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Sagesse 7, 7-11; Hébreux 4, 12-13; Marc 10, 17-30

Homélie du 07 octobre 2012

Prédicateur : Père Pierre Bou Zeidan
Date : 07 octobre 2012
Lieu : Eglise Notre-Dame de la Prévôté, Moutier
Type : radio

Chers frères et sœurs,

Il vous arrive peut-être comme moi de vous émerveiller devant la nature, par exemple devant une fourmi transportant une petite graine ou une brindille vers la fourmilière. Sa capacité à porter jusqu’à 60 fois son poids, pour peu qu’on soit attentif à ce « détail » si proche de nous, est impressionnante.

Et bien il y a quelques temps, un article de journal m’a édifié également : il m’apprenait que le cœur humain bat environ – tenez-vous bien ! – 100’000 fois par jour, soit en moyenne 3 milliards de fois durant une existence humaine. Un chiffre hallucinant si l’on y réfléchit bien : le cœur humain est d’une résistance extraordinaire, lui aussi capable d’une force presque inimaginable, de fournir une somme d’énergie colossale sur la durée ! L’occasion de s’émerveiller encore un peu plus de cette Création qui ne doit décidément rien au hasard. Et pourtant, aussi forte que soit notre pompe, elle finit tôt ou tard par « lâcher ».

Dans les textes bibliques de ce dimanche, il est aussi question de battements de cœur, de ces battements qui s’emballent lorsque naît une relation amoureuse entre un homme et une femme. De ces battements qui se transforment parfois en arythmie cardiaque…

Mais les difficultés rencontrées par les couples dont parle le passage de l’Evangile de ce jour, c’est également bien souvent pour nos contemporains une question qui fâche quand ils évoquent l’Eglise catholique, à qui ils prêtent fréquemment l’intention de contrarier la société, d’être en porte-à-faux par principe avec les idées du monde.

La question du couple et du mariage est un sujet de controverse, aujourd’hui comme au temps de Jésus. Les pharisiens qui viennent au-devant de Lui utilisent cette thématique pour le piéger, le prendre en défaut, trouver prétexte pour le critiquer et lui coller un procès.

« – Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? » Cette question divisait les spécialistes du droit religieux à cette époque. Si Jésus répond par « oui » ou par « non », il lui sera forcément reproché sa prise de position par l’une ou l’autre des parties : soit il sera taxé de laxiste, soit de rigoriste. Une manière de l’enfermer dans un des deux camps et de le stigmatiser.

Mais Jésus ne se laisse pas prendre au piège, il déjoue la tactique en renvoyant à la source de ce débat : « – que vous a prescrit Moïse ? » Et si Moïse avait fixé un cadre à la répudiation de l’épouse, c’était pour adoucir une pratique de toute façon déjà existante à l’époque chez les israélites. Une pratique qui était doublement injuste, puisqu’elle était seulement réservée aux hommes, et en plus la femme était souvent répudiée pour des raisons futiles.

Jésus prend alors dans la discussion un peu de hauteur, pour réajuster le débat : « – C’est en raison de votre endurcissement que Moïse a formulé cette loi ». En évoquant le texte de la Création, que nous avons entendu dans la première lecture, Il renvoie à l’intention originelle du Créateur. Créés homme et femme, dans la dualité et la complémentarité des sexes, les humains sont « à l’image de Dieu ». La grandeur de leur union se situe là, ils sont appelés à être le reflet de Celui qui leur a donné la vie.

En citant le livre de la Genèse, au chapitre 2, Jésus rappelle que « l’homme quittera son père et sa mère, qu’il s’attachera à sa femme et que tous deux ne feront plus qu’un ». De nos jours, les humoristes ont vite fait d’interroger cette affirmation. L’un d’eux disait : « Dans le mariage, l’homme et la femme ne font plus qu’un, reste à savoir lequel »…

mais il ne s’agit bien sûr pas de promouvoir le mariage comme une fusion de deux êtres : ils ne font plus qu’un, en ce sens où leur couple est une entité particulière, unique au monde, mais elle est aussi formée de leurs deux particularités. Ils sont appelés à n’être plus qu’un… couple, tout en restant deux… personnes.

Jésus, le Messie, l’envoyé de Dieu, vient donc redire l’intention du Créateur à propos de l’humanité. Il a de l’ambition pour elle, qui s’accompagne d’un appel et d’une certaine exigence. Mais Il ne tombe pas dans le rigorisme des pharisiens, Il est tout accueil pour chacun, quel que soit sa situation de vie en regard de la loi. On le voit lorsqu’Il choisit des publicains comme amis, dans sa manière très libre de s’approcher de ceux que l’on considère alors comme impurs, les lépreux, les pécheurs, dont Marie-Madeleine qu’Il accueille de façon inconditionnelle là où tous la condamnent. Jésus ne veut pas s’en tenir au légalisme, il vient nous appeler à tisser des liens plus profonds et plus vrais, mais avec une compréhension et un non jugement qui évitent à la personne de se sentir écrasée. En quelque sorte, Jésus ouvre ses bras pour mieux ouvrir les cœurs.

Cette attitude, à la fois exigeante et bienveillante, peut et doit nous inspirer pour aujourd’hui : en tant que chrétien, comment est-ce que je regarde ceux qui traversent des difficultés, quelles qu’elles soient, et en particulier des difficultés de couple ? Comment est-ce que je me pose en juge ou en soutien ? Tout être humain a ses fragilités, moi y compris. L’institution ecclésiale rappelle régulièrement combien l’amour, pour être vrai, a ses exigences. Elle ne communique probablement pas toujours de manière idéale sur ce sujet. Mais l’Eglise, pour accueillir chacun dans ce qu’il vit, n’a pas d’autres relais que nous, les baptisés d’ici, de notre région, de notre coin de pays. A nous d’être ces porteurs d’espérance, ces annonceurs de Bonne nouvelle, ces contagieux de l’Amour reçu de Dieu.

Un Amour qui a fait des merveilles au cœur même de la Création : alors comme le dit Adam à propos d’Eve qui lui est donnée pour compagne dans le récit imagé de la première lecture, nous pourrons nous exclamer au sujet de la Vie et de cette planète qui la porte (je paraphrase, c’est juste une traduction pour aujourd’hui) : « – Oh ! Quelle est belle ! C’est le top ! Merci Seigneur, c’est encore mieux que ce que j’espérais ! »

Cette prière, Seigneur, nous qui sommes dans cette église et unis bien au-delà, grâce aux ondes de la radio, nous te l’offrons maintenant, ensemble. AMEN.»

27e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Genèse 2, 18-24; Hébreux 2, 9-11; Marc 10, 2-16

Homélie du 30 septembre 2012

Prédicateur : Chanoine François Roten
Date : 30 septembre 2012
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio

« Madame, Monsieur, pour vous, rien que pour vous, nous avons sélectionné l’offre exclusive suivante. »

Mes sœurs, mes frères,

Nos boîtes aux lettres sont remplies de tels messages publicitaires, d’offres exclusives (ou qui en donnent l’impression), d’offres VIP, d’invitations à des ventes privées réservés à quelques initiés triés sur le volet…

Car les publicistes l’ont bien compris : on peut vendre à des êtres humains qui aiment à être considérés spécialement, à se sentir quelqu’un de particulier, hors de la masse ; on peut vendre à des gens qui ont besoin de se savoir différents des autres.

Rien de nouveau sous le soleil puisque déjà du temps du Christ, le groupe des apôtres a les mêmes travers humains. Ayant reçu de Jésus la mission d’aller chasser les démons, les disciples supportent mal de voir un étranger à leur groupe avoir le même succès en exorcisme… N’ont-ils pas été formés et envoyés, eux, spécialement par Jésus ? L’exclusivité de l’exorcisme n’appartient-elle pas uniquement à ceux qui ont été mandatés par Jésus ? A ce petit groupe choisi de disciples pas comme les autres ? Rien qu’à eux, exclusivement ?

Dimanche dernier, nous avons été témoins du fait que les disciples, sur la route de Jérusalem, discutaient pour savoir lequel d’entre eux était le plus grand. Cette semaine, nous entendons saint Jean s’indigner de voir que ce qu’il pensait être une exclusivité apostolique ne l’est pas.

Nous restons toujours aux mêmes préoccupations de préséance, de prestige, de volonté de puissance… Si la semaine dernière la peur de la concurrence était interne au groupe des apôtres (« qui est le plus grand parmi nous ? »), cette fois la concurrence vient de l’extérieur. De ceux qui agissent hors du groupe des apôtres, au nom de Jésus, mais non mandatés par lui.

Il est intéressant de noter l’adjectif possessif utilisé par saint Jean qui se fait le porte-parole des douze dans cette affaire : cet homme, « n’est pas de ceux qui nous suivent ». Jean ne dit pas « ceux qui te suivent » mais bien ceux qui nous suivent. Pour lui, il semblerait que l’on ne peut réaliser des prodiges et des guérisons au nom du Christ que dans la mesure où l’on est explicitement chrétien, où l’on fait partie du groupe défini de ceux qui accompagnent Jésus.

Pourtant saint Jean devrait bien se souvenir que, quelques temps auparavant, les disciples n’avaient pas réussi à chasser certains démons et qu’il avait fallu l’intervention de Jésus en personne pour y parvenir. Appartenir au groupe ne suffit donc pas ; ce n’est pas le seul critère de réussite… Devant l’insuccès de ses apôtres, Jésus avait précisé que certaines sortes de démons ne pouvaient être vaincus que par la prière, c’est-à-dire non par l’appartenance à un groupe mandaté par Jésus-Christ, mais par une relation intime personnelle avec Dieu.

C’est tout le secret du cœur qui est là en jeu, ce cœur de chaque homme que Dieu connaît pleinement, mais dont les autres êtres humains ne peuvent qu’ignorer les pensées. Aussi « Ne jugez pas pour ne pas être jugés »…

Revenons à saint Jean. Lorsque ce dernier veut empêcher la concurrence étrangère, il agit par lui-même, sans demander à Jésus ce qu’il convient de faire, car il se sent concerné lui aussi : il défend ses prérogatives autant que celles de Jésus !

Et Jésus, à nouveau, invite ses disciples à faire un pas, à prendre de la hauteur dans leurs considérations et leurs jugements : il les met en garde contre l’intolérance et la volonté de puissance, de domination. Lui qui avait expliqué qu’il convenait d’accueillir un enfant comme s’il était le Christ en personne, il demande à nouveau de n’exclure personne, de ne juger personne. « Qui n’est pas contre nous est pour nous».

Car l’Esprit de Dieu souffle où il veut, comme il veut, quant il veut.

Et donc être pour Jésus, agir pour lui, exige du croyant d’adopter une attitude d’ouverture permanente à l’action de l’Esprit qui est à l’œuvre dans le cœur de tout homme, de toute femme de bonne volonté. Il convient de toujours cherche à discerner dans le visage de notre prochain le visage de Dieu, de développer une largeur de vue, de cœur et d’esprit qui nous ouvre à l’accueil constant de la Divinité.

C’est un art difficile, car il exige une disponibilité de tout instant, car on ne sait jamais où et comment l’Esprit va se manifester.

La tentation est grande de penser avoir la main sur l’Esprit Saint, de penser que l’Esprit est réservé aux baptisés, ou aux pratiquants réguliers, ou à tel groupe, telle communauté, tel ministère au sein de l’Eglise.

L’évangile de ce jour nous met en garde contre tout sectarisme, car nous n’avons pas nécessairement l’Esprit avec nous parce que nous sommes chrétiens, mais bien parce que nous sommes des femmes et des hommes aimés de Dieu. L’Esprit Saint est donné à tous, il n’est pas réservé à quelques privilégiés. C’est sa présence au cœur de l’homme qui confère sa dignité à l’homme, une dignité telle qu’elle passe avant tout, car elle nous relie déjà au salut, tant l’amour de Dieu veut le bien de tous.

Voilà pourquoi il nous faut tout faire pour ne pas ternir nos âmes, pour ne pas être entraînés vers la terre. Alors que la Vie de Dieu est déjà en nous, nous sommes invités à rester des veilleurs vigilants dont les cœurs ne sont pas obnubilés par l’amas d’argent et les plaisirs du monde, par un esprit enfermé dans ses certitudes, ses prérogatives et ses habitudes (cf. lettre de Jacques).

Comme le Seigneur fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes (Matthieu 5,45), il nous faut, mes frères, mes sœurs, apprendre à voir avec la largeur de vue qui est celle de Dieu.»

26e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Nombres 11, 25-29; Jacques 5, 1-6; Marc 9, 38-48