Homélie du 10 juin 2012

Prédicateur : Abbé Jean-Louis Hôte
Date : 10 juin 2012
Lieu : Eglise de Bussy, VD
Type : radio

10e dimanche du temps ordinaire

Le texte de l’Évangile que nous venons de proclamer nous présente deux tableaux.

Une foule se rassemble autour de Jésus, attirée par le merveilleux qu’il opère: il guérit les malades, donne à manger à la foule, expulse les démons, fait des miracles… ; et pourtant c’est bien lui le fils du charpentier de Nazareth.

Ses parents sont très inquiets de tout ce qu’il fait : ce n’est pas habituel de voir de tels signes, ce n’est pas normal, « aurait-il perdu la tête ? » et ils sont là, dehors, pour le reconduire à la maison pour la tranquillité de tous, il dérange même sa propre famille : « Il a perdu la tête ».

Le second tableau : les scribes, qui viennent de Jérusalem – c’est-à-dire ceux qui connaissent les écritures, représentent ici l’autorité, la tradition – le dénoncent en disant qu’il agit et peut faire tout ce qu’il fait au nom de Satan et donc il incarne le mal. « Il a un esprit impur », disent-ils.

Dans ce contexte de suspicion et d’accusation de la part des scribes, il y a aussi la foule, une foule en admiration ; et on signale à Jésus qu’au dehors, un peu à l’écart, sa mère et ses frères sont là qui participent à ce moment, un peu inquiets.

Jésus alors dit cette phrase qui dans sa bouche peu paraître dure vis-à-vis de sa propre famille : « Qui sont ma mère et mes frères ? » « Quiconque fait la volonté de Dieu, voilà mon frère, ma sœur, ma mère. »

Être un intime de Jésus, ce n’est pas seulement avoir des liens charnels avec lui : si l’on veut être de sa famille il faut faire la volonté de Dieu.

Ne disons-nous pas dans la prière de tous les chrétiens : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » ? Lorsque la volonté de Dieu sera faite sur la terre comme au ciel, le testament de Jésus – « Que tous soient Un » – aura son accomplissement. En effet, Jésus, la veille de sa mort lorsqu’il prononce sa grande prière au Père, son « testament », nous invite et nous commande de « nous aimer les uns les autres comme il nous aimés », tel est son désir, telle est son ultime volonté ; c’est ce qu’il a de plus cher à nous laisser.

Cette phrase, que nous avons entendu bien des fois, que nous chantons même, est-ce que nous la vivons ? Est-elle chair de notre chair ?

Concrètement Jésus nous invite à aimer notre prochain, celui que nous côtoyons, avec lequel nous vivons, avec lequel nous travaillons. Il s’agit de vivre nos relations quotidiennes « autrement », en faisant le premier pas vers l’autre, en aimant tous sans distinction, en pardonnant, et, quand les situations se font difficiles, en aimant encore ; car rien n’est petit de ce qui est fait par amour.

Jésus n’a-t-il pas dit : « Tout ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait » ?

La volonté de Dieu peut être vécue par quiconque : jeune ou âgé ; malade ou bien portant, dans le quotidien de nos vies. A chaque instant de notre journée nous pouvons avoir la joie de dire et de redire notre « oui » à Dieu.

Pour que le passage de l’Évangile que nous avons lu aujourd’hui porte du fruit en nous, je vous propose que durant toute cette semaine nous nous efforcions de faire la volonté de Dieu qui consiste à aimer les personnes qui nous sont proches. Et les fruits en seront d’abord que la relation avec nos frères et avec Dieu grandira et nous seront les témoins et les porteurs de son Amour dans le monde. Alors Jésus pourra dire à chacun d’entre nous, en nous appelant par notre nom : tu es ma sœur, tu es mon frère, tu es ma mère, tu es de ma famille.»

Lectures bibliques : Genèse 3, 9-15; 2 Corinthiens 4, 13 – 5,1; Marc 3, 20-35

Homélie du 03 juin 2012

Prédicateur : Chanoine Alexandre Ineichen
Date : 03 juin 2012
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio

Fête de la Sainte Trinité

Déjà par deux fois nous avons invoqué la sainte Trinité pour ouvrir cette célébration. En effet, toutes nos célébrations, tous les sacrements ainsi que notre prière personnelle se font au nom du Dieu unique, trois fois saint. C’est le cœur de notre foi, mystère que nous n’avons jamais fini de contempler. Aussi implorons, chers frères et sœurs, chers auditeurs, cette Trintié bienheureuse pour entrer encore une fois dans ce don d’amour du Père pour son Fils dans l’Esprit. Préparons-nous à participer à cette vie divine que le Dieu unique nous partage malgré nos péchés, malgré que nous soyons bien loin de cet amour trinitaire.

Lors d’un procès, aujourd’hui encore, après le réquisitoire du procureur et la plaidoirie de l’avocat de la défense, la parole est donnée à l’accusé. Devant ses juges, soit l’inculpé exprime ses regrets ou clame son innocence, soit il justifie son acte. Il en était de même à l’époque romaine. Lorsque les premiers chrétiens étaient amenés devant le préfet pour y être condamnés, ils répondaient, non de leurs actes, mais de leur foi. Et nous avons, chers frères et sœurs, chers auditeurs, les actes même de ces procès. La confession de foi devant les juges de ces premiers chrétiens a traversé les âges pour nous faire entendre les paroles mêmes de ceux qui allaient mourir comme témoin du Christ. Lorsque nous relisons ces actes, appelés justement actes des martyrs, les premières confessions de foi nous sont exposées. Nous Comprennnons alors mieux pourquoi et pour quelle foi, ces premiers témoins de Jésus-Christ étaient prêts à mourir à la suite de leur Seigneur et leur Dieu.

A la question des juges : quelle est votre croyance ? Ils répondaient tous qu’ils croyaient en un seul Dieu, créateur du ciel et de la terre, et en un seul Seigneur, Jésus-Christ, qui descendit du ciel, pour nous les hommes et pour notre salut. Ainsi est exposé la foi chrétienne : un seul Dieu, Père, Fils et Esprit.

D’abord, Dieu est Père, créateur de l’univers visible et invisible. Il est donc artisan, dès le commencement de toute la création. Rien de ce qui est n’est sans lui et tout dépend de ce Dieu unique. Cette certitude est assez banale, vous en conviendrez. Pourtant, si nous y réflechissons un peu et l’examinons de plus près, cette conviction implique que tout ce que nous sommes, tout ce que nous faisons est lié intimement à ce Dieu tout-puissant. Combien est grand ce Dieu qui créa tout l’univers, de l’infinement petit à l’infiniment grand. Combien notre intelligence est subjuguée par cette connaissance obscure d’un Dieu au-delà de tout et qui est la source de tout. Devant tant de majesté, nous pouvons reprendre bien maldroitement les paroles du Psalmiste : « Le Seigneur a fait les cieux par sa parole, l’univers, par le souffle de sa bouche. Il parla, et ce qu’il dit, exista ; il commanda, et ce qu’il dit survient. »

Cependant, par cette gloire si imposante, nous nous sentons écrasés, incapables de répondre à cet amour tout-puissant de Dieu, Père. Aussi, annoncé par les prophètes, Dieu, le Fils, s’est incarné, c’est-à-dire a participé à notre nature créée. Lui, le Créateur n’a pas dédaigné sa créature, au contraire, il l’a assumée, jusqu’à la mort, et la mort sur une croix. Jésus-Christ, Fils de Dieu, a manifesté à toute l’humanité que Dieu n’est pas seulement tout-puissant, mais aussi tout amour et misericorde. Dieu sait que nous sommes fragiles, non seulement parce qu’il nous a créés, mais parce qu’il nous recrée dans le Fils bien-aimé.

Après cette double confession, tous les martyrs s’arrêtent comme s’ils ne savaient pas que Dieu est aussi Esprit. Ils se taisent avant d’avoir terminé l’exposé de leur croyance comme si la suite, c’est-à-dire leur martyr, suffisait à donner à leur confession sa plénitude. En effet, ils savent ces martyrs, ces témoins du Christ, que si le Christ est en eux, leur corps, il est vrai, est voué à la mort à cause du péché, mais l’Esprit est leur vie à cause de la justice. Et en continuant la citation de la lettre aux Romaines de saint Paul, nous comprennons mieux ce silence et nous pouvons nous approprier l’exhortation de l’Apôtre. « Et si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous. » Alors Dieu, Esprit, nous associe, non seulement à l’œuvre du Père, créateur de toutes choses, mais à l’œuvre du Fils, qui par sa mort et sa réssurection, nous ouvre les chemins de son royaume. Laissons-nous comme les martyrs conduire par l’Esprit de Dieu, pour devenir fils de Dieu. Cet Esprit que nous avons reçu ne fait pas de nous des esclaves, des gens qui ont encore peur mais des fils, qui pouvons prier Dieu, en l’appelant : « Abba ! » c’est-à-dire Père.

Ainsi la Trinité n’est-elle pas un concept théologique pour essayer d’expliquer un mystère lointain qu’un esprit tourmenté se voudrait de comprendre, mais une foi vivante en un Dieu unique, qui n’est pas seulement tout-puissant, mais aussi plus intime à nous-mêmes que nous-mêmes et qui se manifeste ici et maintenant dans nos vies de baptisés. Les martyrs l’ont confessée devant leurs juges qui allaient les condamner à mort. C’est au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit que nous avons été baptisés car nous croyons à ce Dieu trois fois saint. Notre confession ne n’avons pas à l’exposer comme aux temps anciens à des juges iniques, mais nous avons à la vivre maintenant au jour le jour. Alors poursuivons l’œuvre de Jésus, à qui a été donné tout pouvoir au ciel et sur la terre et, par toutes les nations, baptisons-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen.»

Lectures bibliques : Deutéronome 4, 32-40; Romains 8, 14-17; Matthieu 28, 16-20

Homélie du 27 mai 2012

Prédicateur : Abbé Nicolas Glasson
Date : 27 mai 2012
Lieu : Chapelle de Notre-Dame des Marches, Broc
Type : radio

Fête de la Pentecôte

Chers frères et sœurs,

Il y a trois manifestations de la présence de Dieu dans le monde. Dieu est présent d’abord dans sa création : il est présent en toutes choses par ce qu’il en est le Créateur ; c’est parce que Dieu est présent en elles que les choses sont ; cette présence de Dieu descend dans les profondeurs, jusqu’aux entrailles et aux dernières fibres de l’être. Nous pouvons donc rencontrer Dieu dans la beauté de la création ou dans la saisie de ce qui est.

Mais Dieu s’est fait plus proche encore : le Verbe de Dieu s’est incarné, il a assumé une nature humaine semblable à la-nôtre et a vécu dans ce monde : c’est la présence d’Incarnation. Jamais Dieu n’a été aussi « physiquement » présent, aussi proche du monde, que durant la vie terrestre du Christ. Le mystère de l’Eucharistie prolonge aujourd’hui dans chacun des tabernacles de nos églises cette présence d’Incarnation.

La solennité de la Pentecôte nous révèle un troisième mode de présence de Dieu dans le monde, présence que jamais l’intelligence d’aucune créature n’aurait pu ni découvrir ni soupçonner : c’est la présence d’inhabitation. En nous envoyant et en nous donnant le Saint-Esprit de Pentecôte Dieu vient habiter en nous. C’est aux fidèles de son temps que saint Paul répète cette révélation, à savoir que l’Esprit Saint lui-même leur a été envoyé et qu’il demeure en eux : « La preuve que vous êtes des fils, c’est que Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : Père ! » (Ga 4, 6) ; « L’amour de Dieu s’est répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 5) ; « Ne savez-vous pas que vous êtes un temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? » (1 Co 3, 16) ; « Ne contristez pas l’Esprit Saint de Dieu qui vous a marqués de son sceau » (Eph 4, 30).

En quoi consiste cette présence du Saint-Esprit dans nos cœurs ? Nous l’avons entendu dans l’évangile : quand l’Esprit Saint nous est donné « il prend ce qui vient du Christ pour nous le faire connaître », il prend quelque chose de l’être du Christ, quelque chose de l’humanité divine du Christ pour nous le donner. Recevoir le Saint-Esprit, c’est participer à la filiation divine et à la vie du Christ.

Tout le désir du Saint-Esprit est de faire réussir en nous l’œuvre de salut du Christ : il ne répand pas une autre grâce en chacune et chacun d’entre nous que celle qui remplit le cœur de Jésus et que l’Esprit fait déborder sur l’Eglise, sur les apôtres et sur nous-mêmes avec une irrésistible puissance. Nous avons part ainsi à l’être intérieur du Christ, aux sentiments qui animent la profondeur de l’humanité du Christ. Nous pouvons nous écrier avec saint Paul : « Nous l’avons, nous, la pensée du Christ ! » (1 Co 2, 16). L’Esprit Saint invisible nous ramène toujours à l’œuvre visible du Christ. Cette vie nouvelle est appelée à modeler toute notre existence humaine sur la nouveauté radicale de la résurrection. Dans la mesure de notre libre disponibilité, nos pensées et nos sentiments, notre mentalité et notre comportement sont lentement transformés, sur un chemin jamais complètement terminé en cette vie (cf. Benoît XVI, Porta fidei, no 6).

Ainsi donné à l’Eglise et à chacun de ses membres, l’Esprit de Pentecôte nous entraîne à la rencontre du Christ. A la fin du livre de l’Apocalypse, le dernier livre de la Bible, l’apôtre saint Jean nous rapporte un dialogue : c’est l’Esprit Saint qui, uni à l’Eglise d’ici-bas dont il est l’âme, dit « Viens Seigneur Jésus ! » ; et le Christ lui répond : « Oui, mon retour est proche », oui je viens maintenant (cf. Ap 22, 17-20).

« Esprit de Pentecôte, qui fais de l’Eglise un seul Corps,fais nous revenir, nous, les baptisés, à une authentique expérience de communion ; fais de nous un signe vivant de la présence du Ressuscité dans le monde »

(Prière de Benoît XVI pour la Pentecôte 2012). Amen.»

Lectures bibliques : Actes 2, 1-11; 1 Corinthiens 12, 3-7, 12-13; Jean 20, 19-23

Homélie du 17 mai 2012

Prédicateur : Abbé Marc Donzé
Date : 17 mai 2012
Lieu : Chapelle de Notre-Dame des Marches, Broc
Type : radio

Fête de l’Ascension

Quel est notre désir le plus profond dans notre vie terrestre ? Quel est notre désir même quand nous souffrons, même quand nous mourons ? Reste-t-il un désir quand la vie devient âpre, très âpre, trop âpre ?

Tout au fond de moi, je ressens quelque chose de tellement fort, qui ne saurait périr. Quelque chose qui vient de plus loin que moi, mais qui est aussi moi. Quelque chose qui allume le désir d’une vie qui continue, d’un amour qui ne tombe pas dans un trou noir, d’une lumière qui devienne pleine. Ce n’est pas une idée ; c’est une expérience. Et je ne suis pas le seul à la faire, j’imagine.

Cette expérience m’incite à penser au mystère de la vie. Je trouve urgent de penser au mystère de la vie, de la mort, de l’au-delà de la vie.

Si l’on y réfléchit quelque peu, en effet, la vie est un mystère. Elle vient de plus loin que nous et personne ne peut se la donner à soi-même. Elle nous est donnée par nos parents, et avant eux par une très longue suite de générations. Avant cela encore, elle est préparée par les lentes évolutions du cosmos, qui depuis les formes les plus élémentaires de la matière, produit les cellules vivantes, puis cet assemblage inouï de cellules qu’est l’homme pensant et aimant.

Ce mystère est d’une subtilité que nous commençons à peine à entrevoir. Pour le croyant – mais aussi pour nombre de philosophes – ce mystère prend origine dans l’Intelligence infiniment aimante qui accompagne de sa puissance créatrice le cosmos et chacune des personnes. Pour cette raison, la vie est à respecter comme don de nos parents, de l’humanité, du cosmos, de la Présence divine ; elle n’est donc pas une pure possession, dont nous aurions la libre et arbitraire disposition.

Le mystère de la vie des personnes va plus loin encore que notre condition terrestre. Il se prolonge au-delà de notre insertion dans la lourde et périssable matière. L’esprit et l’amour ont à faire avec les énergies de la lumière. Le Christ ressuscité montre, au-delà de la mort, une nouvelle forme de la présence du corps, une nouvelle déclinaison de la vie. « Corps spirituel », dit saint Paul. Corps de lumière, corps subtil, qui dévoile et porte au plus pur la présence de la personne.

Mais la mort est un voyage qui ne manque pas d’énigmes. Elle passe parfois par des traverses de souffrance, voire de déchéance. La tentation, à certaines heures, est de les interrompre brutalement. « Je m’enlève la vie », quelle étrange expression. Mais ce voyage est un enfantement, dont nous ne comprenons pas tout. Sa part d’ombre et de dépouillement, pour âpre qu’elle soit, est un creuset de lumière et de réconciliation. Même cette part de dépouillement a besoin d’un temps, dont nous ne savons pas la mesure. Le temps du voyage de la mort vers la vie.

Aucun fatalisme dans cette conviction. Mais le libre respect d’un mystère qui me précède et qui me suit.

Le Christ ressuscité éclaire ce mystère. Il est là dans toutes les nuits. Il est là dans toutes les souffrances, qu’il n’explique pas, mais qu’il remplit de sa présence. Il est là et il entrouvre une fenêtre de lumière, une toute petite fenêtre de lumière au-delà de tout. Quand il apparaît à ses disciples, c’est avec un corps qui n’est plus tout à fait comme le nôtre en cette vie. C’est un corps de lumière, avec juste assez de matière, pour que soient reconnaissables son visage, son allure et les traces de son passage terrible sur la croix. Quand il apparaît à ses disciples, c’est pour dire que nous sommes attendus dans un espace de lumière, de paix, de douceur, de présence. Quand il apparaît à ses disciples, il annonce que mon corps, votre corps, au-delà du voile de la mort, aussi dure soit-elle, deviendra un corps de lumière, avec juste assez de matière pour porter notre personne et notre histoire. Puisse cette perspective de foi m’aider, vous aider à traverser tout, tout, tout.

Et puis, le Christ ressuscité monte au ciel et il est assis à la droite du Père. C’est bien sûr une image. Elle nous dit simplement que le vrai lieu du Christ est auprès de Dieu le Père, source de toute vie et de tout amour. Et ce n’est pas vraiment un lieu : le Christ est au-delà de l’espace et du temps. Et c’est pourquoi, il est aussi partout. Il est aussi en chacun de nous, si nous le voulons bien. Comme dit le pape saint Grégoire le Grand, le ciel, c’est l’âme du juste. Si je peux me permettre l’expression, le Christ monte vers le Père et il « monte » en chacun de nos cœurs.

Dans ce sens, l’Ascension est la figure de notre avenir. Si je regarde le Christ, au fond de mon cœur, je vois d’avance ma trajectoire : celle de ma vie, celle de mes joies et de mes misères, celle de mon voyage à travers la mort, celle de mon à-venir au-delà de la mort. Je m’accroche à la lueur de cette espérance en toute circonstance et je me dis, avec saint Augustin : « à la droite de Dieu, il y a une seule place, celle du Fils, et c’est pourquoi, nous sommes fils et filles de Dieu avec Lui. » A l’état de l’Homme parfait. (Ep 4, 13)»

Lectures bibliques : Actes 1, 1-11; Ephésiens 1, 17-23; Marc 16, 15-20

Homélie du 13 mai 2012

Prédicateur : Abbé Jean-Jacques Agbo
Date : 13 mai 2012
Lieu : Eglise Ste Marie Madeleine, Poliez-Pittet
Type : radio

6e dimanche de Pâques

Chers amis,

Saint Jean dans sa première lettre (seconde lecture de notre messe), saint Jean nous donne la fameuse définition concernant la nature de Dieu : “Dieu est amour”. Oui, l’amour chez Dieu n’est pas un attribut mais sa nature même, son essence.

(Prenons donc une comparaison simple.) La couleur de la peinture grise métallisée de votre voiture automobile n’est qu’un attribut, on dirait aussi un accessoire. Pour la raison très simple que si votre voiture n’était pas peinte ou bien peinte d’une couleur dégoûtante, elle pourrait quand même marcher. Si par contre, votre voiture était dépourvue de moteur, elle ne mériterait plus le nom de voiture, ne pouvant pas rouler.

L’amour chez Dieu n’est donc pas une qualité accessoire, un détail, un enjoliveur, mais une qualité fondamentale, nécessaire, constitutive, comme le moteur pour une voiture. Dieu n’est pas amour à ses moments perdus, il n’est pas amour dans les coins, il l’est totalement.

Quelqu’un me disait l’autre jour cette parole un peu méchante, mais pas tout à fait fausse: telle personne, quand elle a fait sa B.A. (sortir ses poubelles), elle en a pour 15 jours à se reposer… Ce n’est donc pas le cas de Dieu, il voudrait qu’on marche sur ses traces: écoutons saint Jean : “Dieu est Amour” (A majuscule).

Le même thème est repris par Jean dans l’évangile d’aujourd’hui. Il précise la nécessité d’aimer son prochain afin d’imiter Dieu.

Saint Jean, qui est un grand réaliste, n’oublie pas de faire un lien avec l’obéissance aux commandements, pour que l’amour ne soit pas seulement, affectif mais effectif. Autrement dit, l’obéissance aux commandements comme garantie sur l’authenticité de notre amour…

Voici une petite histoire provenant probablement de Jean Paul 1° s’emble-t-il partagé avec un confrère mardi dernier :

Un franciscain dans sa prédication commentait allégrement le passage de notre évangile d’aujourd’hui. Il avançait avec véhémence cette affirmation de saint Jean. « Dieu est amour, Il aime tous les hommes de manière particulière… etc… »

Un chrétien dans l’église poussa un profond soupir et interrompt le prédicateur : « Si Dieu était amour comment se fait-il qu’il y a toutes ces injustices, ces guerres, ces pauvres, ces enfants maltraités, tous ces innocents qui sans cesse payent pour les coupables… »

Le franciscain, évidemment surpris et ahuri fit signe au monsieur de s’approcher. Celui-ci s’exécuta. Le religieux lui désigna du doigt une petite tache sur le col de sa veste. « Il y a là une petite tache sur ta veste. C’est la faute du savon qui malgré toutes ses vertus n’a pas su enlever la tache, ou bien de la ménagère qui n’a pas su bien frotter le col, ou pire encore la veste n’a pas été lavée? »… A qui donc la faute…Pas du tout au savon voyons. Pas à Dieu voyons. Allez vous comprendre. Dieu est amour malgré tout…

Chers amis, pour conclure notre méditation, reprenons cette parole du grand Paul Valéry, pourtant sceptique et incroyant, il dit:

“Le mot Dieu n’a été associé au mot amour que depuis Jésus-Christ”.

Cette parole de l’auteur célèbre du “Cimetière marin” peut aider à réfléchir certains qui mettent facilement toutes les religions sur un même plan. Bref, tous les adeptes du syncrétisme, c’est-à-dire la religion transformée en salade niçoise ou bien en salmigondis un morceau par-ci, un autre morceau par-là, assaisonnés à la sauce mayonnaise passe-partout et bon-enfant, voila un des défauts du sentiment religieux à notre époque. Nous, restons fidèles, à St Jean l’évangéliste et surtout à Jésus. Nous, c’est-à-dire, vous toutes et tous qui nous écouter à travers les ondes, Dieu habite partout où des hommes, des femmes, des enfants ont de l’amour les uns pour les autres. « Dieu est amour ».

Amen.

Lecture bibliques: Actes 10, 25-26; 1 Jean 4, 7-10; Jean 15, 9-17

Homélie du 06 mai 2012

Prédicateur : Abbé Bernard Schubiger
Date : 06 mai 2012
Lieu : Eglise Ste Marie Madeleine, Poliez-Pittet
Type : radio

5e dimanche de Pâques

Frères et sœurs, la grâce peu davantage.

La vigne et le vigneron : allégorie du véritable accompagnement spirituel d’une saine et authentique mystique chrétienne.

Voilà comment pourrait s’intituler cette homélie.

Quel est le fondement de l’Eglise ? avec un grand E

Ce n’est ni la démocratie, et pourtant nous sommes en Suisse, ce n’est ni la hiérarchie, qui nous relierait je ne sais comment directement au ciel, encore moins la royauté.

Le fondement de l’Eglise, et c’est la première lecture qui nous le rappelle, c’est la conversion. Paul a dû se convertir pour devenir l’avorton des apôtres, comme il se nommait. Et l’intégration de cette conversion est à faire tout au long de notre vie. Pas seulement au début, à travers le baptême, mais tout au long de notre vie. Pas seulement à travers la catéchèse et la confirmation, mais tout au long de notre vie. C’est le passage des paroles et des discours, en actes et en vérité, comme nous invite à le faire saint Jean dans la deuxième lecture. Et pour cela il y a un moyen que la sainte mère l’Eglise nous offre : c’est l’accompagnement spirituel, qui est, comme le dit le début de l’Evangile d’aujourd’hui, le passage de ce monde, et il n’y a qu’un seul et unique monde, le monde réel dans lequel nous vivons, le nôtre, le passage de ce monde à notre Père, puisque nous reconnaissons tous par notre baptême que nous venons du Père et que tous par notre sainteté nous sommes appelés à retourner auprès de notre Père.

Lorsque j’ai réfléchi comment expliquer à des confirmands l’accompagnement spirituel, tout à coup je vois un miroir. Je me dis : je vais prendre un miroir et le présenter à chacun de ces jeunes en leur demandant : qu’est-ce que tu vois ? Et voilà que tout à coup une fille, je crois bien qu’elle se nommait Aurore, c’est tout un programme, dit : « je vois le visage de Dieu » et gênée elle éclate de rire. Elle avait tout compris. L’accompagnement spirituel au sens littéral c’est de nous permettre de voir le visage de Dieu à l’œuvre en nous. Tous par notre baptême, nous sommes invités à devenir un reflet du visage de Dieu. Nous ne sommes pas Dieu pour les autres, ce serait une hérésie, que j’ai failli commettre dans une homélie d’enterrement, mais heureusement mon confrère pasteur m’a corrigé.

L’accompagnement spirituel, c’est de faire découvrir cette présence de Dieu dans le plus ordinaire du quotidien de notre vie.

« Tout sarment qui donne du fruit, Dieu le Père, dans son infinie sagesse, lui qui est le vigneron, le nettoie, pour qu’il en donne davantage » (Jean 15,2a).

La grâce peut davantage, c’est le titre, d’un livre (André Louf, La grâce peut davantage. L’accompagnement spirituel, Septembre 2005) que je vous recommande vivement. André Louf, dans ce livre, développe la diversité de l’accompagnement et des spiritualités.

Une parabole est une comparaison pour nous faire découvrir à travers la nature ou/et l’histoire des hommes, quelque chose de la vie de Dieu avec les hommes.

Par contre une allégorie est une comparaison où chaque élément est porteur de sens. Ainsi à travers cette histoire de la vigne et de son vigneron Dieu nous fait découvrir en profondeur ce que peut devenir l’accompagnement spirituel, lorsque nous le vivons tout au long de notre vie. Peut-être devrions-nous reconnaître que pour être tout simplement un baptisé digne de ce nom, fécond de la fécondité de Dieu, il est indispensable de vivre d’une manière ou d’une autre cet accompagnement.

1° Au sens littéral l’accompagnement c’est ce qu’ont vécu les 2 disciples en marche vers Emmaüs. Voilà que Jésus est avec eux et ils ne le reconnaissent pas. Souvent l’accompagnement commence par ce cheminement, ce compagnonnage, qui n’a même pas le nom d’accompagnement. On vient d’enterrer un de mes confrères l’abbé Georges Beaud, qui faisait cela admirablement bien dans sa ferme « des sots » à Hauteville, sans avoir de titre.

2° Ensuite il y le directeur de conscience qui nous fait découvrir que l’accompagnement c’est aussi nécessaire, lorsqu’on a besoin d’intégrer de manière plus claire les exigences de la foi et de l’Evangile dans notre conscience. C’est le vigneron qui émonde et nettoie.

3° Le directeur spirituel fait référence au Christ, il nous éduque et nous forme dans la vie spirituelle et mystique. Il nous apprend à « demeurer ». Ce verbe « μενειν » (menein en grec), est une clef pour comprendre l’évangile de Jean. Il signifie l’intimité profonde qui règne dans la Trinité, entre le Père, le Fils et l’Esprit-Saint. Intimité dans laquelle nous aussi nous sommes invités à entrer.

Pour vivre cette intimité, le Jésus de saint Jean nous invite à :

– demeurer dans la Parole

– demeurer dans les commandements en y étant fidèle au quotidien

– de faire de notre cœur une demeure pour Dieu, afin que Dieu demeure en nous

et ainsi de suite…

4° Et enfin pour nous nouer la gerbe, il y a le père spirituel qui nous fait entrer dans une relation d’amitié. Ce qui pouvait encore être une dépendance de service (ordre et commandement) devient une relation d’amitié, puisqu’il n’y a plus rien de caché, comme nous le dit le Jésus de saint Jean ailleurs dans son Evangile.

L’accompagnement spirituel nous l’avons vu dans cette allégorie est indispensable pour porter du fruit. Puisque le Jésus de Jean nous dit qu’il n’y a plus rien de caché.

L’accompagnement spirituel nous l’avons vu dans cette allégorie est indispensable; puisque Jésus nous dit que seuls les sarments restés greffés sur le cep portent du fruit. Les sarments qui laissent couler la sève de l’Esprit, pourront porter du fruit, un fruit abondant et qui demeure.

Ainsi l’accompagnement spirituel est d’abord une grâce à demander. C’est peut-être la grâce que nous pourrions demander tous ensemble, nous tous rassemblés dans cette église, ou à travers les ondes.

Et puis bien sûr il faut faire un choix, choisir un accompagnateur, cela demande un discernement, pour bien choisir, dans la préférence et la perfection de l’amour. Pas forcément un prêtre, j’ai été accompagné de longues années par une religieuse. Et je peux témoigner de tout ce que peut nous apporter cette manière maternelle d’accompagner le prêtre que je suis.

Ainsi frères et sœurs, à travers cette allégorie de la vigne et de son vigneron, nous sommes invités à découvrir, redécouvrir ou approfondir, le véritable accompagnement spirituel il nous fera entrer dans une spiritualité qui est une vraie et authentique mystique chrétienne,

parce qu’elle nous mettra au cœur de l’homme,

au cœur de l’unique monde, qui est le nôtre,

au cœur de la réalité la plus ordinaire,

en nous faisant découvrir l’extraordinaire de Dieu.

AMEN

Lectures bibliques : Actes 9, 26-31; 1 Jean 3, 18-24; Jean 15, 1-8

Homélie du 29 avril 2012

Prédicateur : Abbé Paul Frochaux
Date : 29 avril 2012
Lieu : Eglise Notre-Dame, Vevey
Type : radio

4e dimanche de Pâques

« Paroisse encore vivante attend un prêtre qui soit un bon Pasteur, un vrai berger, selon le cœur de Dieu…faire offre à… »

Ce type de petite annonce pourrait intéresser de nombreuses paroisses aujourd’hui, tant la demande est forte et pressante en des temps où les prêtres sont de moins en moins nombreux et dont la moyenne d’âge devient impressionnante par son élévation !

C’est vrai, on y est maintenant ! On est dans les problèmes, on ne sait pas trop vers quoi on va. Deux prêtres encore en pleine force, dont votre serviteur, vont quitter cet été l’Unité Pastorale du Grand Vevey. Combien seront-ils pour les remplacer ? Deux, un ? Ici, les rumeurs ou plutôt les inquiétudes sont réelles. De leur côté, nos autorités ne savent plus comment répondre à l’attente des paroisses. Ce problème est un problème général en Occident, il vaut aussi pour les Communautés religieuses, monastiques et même des communautés nouvelles.

Dans l’Eglise ou hors d’elle, beaucoup y vont de leurs solutions : il faut que les prêtres puissent se marier, il faut ordonner des femmes… Mais, d’autres Communautés chrétiennes qui connaissent largement ces ouvertures voient, avec un certain décalage il est vrai, les mêmes problèmes arriver chez eux. Le problème est donc ailleurs. Ne serait-il pas simplement dans la grave déchristianisation que connaît actuellement notre société ?

Une affiche déjà ancienne pour les vocations sacerdotales montrait un jeune prêtre africain célébrant l’Eucharistie. La légende de cette belle affiche était ainsi libellée : « Le monde a besoin de prêtres, car le monde a besoin du Christ ». Cette phrase m’a touché et j’y crois. En même temps je m’interroge : Notre société occidentale a-t-elle encore besoin du Christ ? Ne donne t-elle pas plutôt des signes qu’elle peut s’en passer. Et si elle peut s’en passer, elle peut se passer des prêtres, des vocations consacrées et, en général de toutes les vocations.

Apparemment, notre monde préfère suivre d’autres bergers dont les voix sont peut-être plus séduisantes. La voix de la publicité qui nous promet une vie meilleure, les voix de la facilité en matière d’éthique qui nous arrangent, les voix de la politique qui nous promettent des solutions qui ne seront pas tenues. Ces voix et tant d’autres sont celles des bergers mercenaires pour qui les brebis ne comptent pas vraiment.

Ces constats, plutôt négatifs, je le reconnais, ne sont pas étendus à l’échelle planétaire et la santé vocationnelle de notre Eglise catholique dans le monde n’est pas si mauvaise. Pour 410.000 prêtres il y a plus de 100.000 séminaristes ou futurs prêtres ! Donc, dans l’ensemble de la vie de notre Eglise catholique, les prêtres non seulement se remplacent largement, mais ils sont même statistiquement en augmentation. Si nous avions la même proportion, nous aurions chez nous environ septante séminaristes à la place de 5 ! D’où viennent ces séminaristes nombreux ? Sans doute de pays moins favorisés matériellement. Sans doute de communautés vivantes, joyeuses, où les jeunes sont nombreux dans les assemblées. Les fameuses journées mondiales de la Jeunesse nous donnent un signe formidable d’encouragement, mais elles ne remplissent pas les séminaires et les couvents de Suisse Romande.

Face à cette question, Jésus nous donne la première des solutions, la plus simple, la plus essentielle : « Priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson » (Mt 9, 38) Prier. Cela s’est toujours fait. Il faut d’ailleurs rendre hommage à tant de personnes qui ont prié, qui prient encore tous les jours à cette intention. Elles ont formé des monastères invisibles, invisibles aux yeux des hommes, parfaitement visibles aux yeux de Dieu. Merci à toutes ces personnes, croyez quoi qu’il en soit que votre prière n’a pas été vaine et qu’elle reste précieuse.

Priez, prions avec vous, pour que la voix de Jésus le Bon Pasteur soit entendue. Il est la voix de Celui qui donne sa vie pour ses brebis. Il est la voix de celui qui connaît ses brebis et, attention, il ne les connaît pas de manière superficielle, il les connaît comme il connaît le Père et que le Père le connaît. Pas moins que cela !

Il est enfin la voix de celui qui veut rassembler les brebis en un seul troupeau, il est le pasteur de l’Unité.

Prions pour que cette voix soit entendue de tous et plus particulièrement des nouvelles générations. Prions pour que les séminaristes et les prêtres que nous espérons plus nombreux s’efforcent de ressembler à ce Bon Pasteur en donnant eux aussi leur vie pour les brebis qui leur sont confiées. Prions pour les vocations consacrées dans nos communautés religieuses, nos monastères, dont l’action et la prière féconde l’Eglise tout entière.

Prions pour notre pauvre monde ; qu’il découvre qu’il a besoin du Christ et qu’en ayant besoin du Christ, il a besoin de prêtres, qu’il a besoin de vocations consacrées prêtes à donner leur vie pour le peuple que Dieu s’est acquis. AMEN»

Lectures bibliques : Actes 4, 8-18; 1 Jean 3, 1-2; Jean 10, 11-18

Homélie du 08 avril 2012

Prédicateur : Abbé Philippe Matthey
Date : 08 avril 2012
Lieu : Eglise St-Bernard de Menthon, Plan-les-Ouates
Type : radio

Fête de Pâques

Quelle ouverture !   Quel bouleversement !

Ce matin, ce tombeau vide fait éclater toute nos géographies : il nous situe bien plus loin qu’on en avait l’habitude. Il nous fait passer de la ville au monde… de là où l’on crie Hosanna, à là où l’on chante Exultet. Je vous invite à suivre ce chemin !

Nous voilà dans cette ville de Jérusalem où étaient enracinées les bonnes habitudes religieuses. Rappelez-vous, il y a une semaine c’est devant ses portes que la foule était massée pour acclamer Jésus comme un roi. Il était reçu dans sa capitale, pensait-on, ce qui motive le joyeux enthousiasme de cette fête. On y a crié et chanté, comme dans les fêtes les plus réussies : Hosanna, béni soit celui qui vient ! Littéralement : « s’il te plaît, sauve-nous ! » On attendait de celui qui vient qu’il soit le libérateur de cette ville et de ses habitants : c’est bien et c’est louable, mais c’est un peu réduire Jésus à la dimension de cette ville et de ses soucis d’indépendance.

Nous savons la suite : Jésus ne se laisse pas enfermer dans une carrière politique qui lui imposerait de régler les questions du pouvoir. On comprend donc qu’il puisse décevoir ceux qui attendaient autre chose. Cette foule qui l’acclamait va subir la manipulation des puissants et le rejeter avec la même force qu’ils l’avaient accueilli. Du coup c’est comme si les murs de cette ville se refermaient sur lui.

Il fallait donc aller plus loin. Jésus, homme libre par excellence, ne pouvait rester prisonnier d’un tombeau. Il fallait que le Hosanna exprimant le désir d’être sauvé trouve une autre dimension : le tombeau vide est devenu au matin de Pâques le signe du salut de l’humanité entière.

C’est le chant de l’Exultet qui a déchiré notre nuit, comme pour appeler la multitude des créatures à se réjouir de la vie nouvelle. Au ciel et sur la terre c’est la même joie qui envahit le peuple universel des filles et des fils du Père. Un peuple nouveau est constitué à la dimension du monde. Le passage de la ville de Jérusalem au monde entier est symbolisé par le passage d’un cri à un chant : des Hosanna de Rameaux à l’Exultet de l’aube de Pâques.

Vous avez remarqué ? On court beaucoup dans cet évangile de Pâques. Voyant que la pierre est enlevée du tombeau, Marie Madeleine court trouver Pierre et l’autre disciple. Les deux vont au tombeau en courant et l’un va plus vite que l’autre. J’aime cette petite compétition qui dit que même les disciples ont leur amour propre. Le premier est tout fier de faire comprendre qu’il est le plus rapide. Le second, dont la tradition nous dit qu’il serait Jean, le même qui écrit cet évangile, est tout fier de parler de lui comme du disciple que Jésus aime.

Au delà des qualités propres de ces deux personnages, nous découvrons là ce qui caractérise le disciple du Ressuscité : se savoir aimé et le communiquer au plus vite avec enthousiasme. Nous voilà donc là aussi invités à suivre le chemin. Quelle bousculade, quelle ouverture !

A propos d’ouverture : un détail de cet évangile a retenu mon attention.

C’est en deux étapes que l’un puis les deux disciples découvrent que le tombeau est vide.

D’abord l’un se penche et il voit le linceul ; il est resté là, il est le signe que la mort n’est pas oubliée. Ce n’est que dans un deuxième temps que les deux entrent dans le tombeau. C’est donc à l’intérieur du tombeau qu’ils constatent que le mort n’y est pas.

Qu’est-ce que cela signifie ?

Que d’abord il faut voir, et pour cela se pencher, se bouger pour chercher du regard.

Mais ça ne suffit pas ; ce regard doit conduire à un déplacement : en entrant dans le tombeau, les disciples font le même chemin que Jésus. A leur manière ils passent par la mort, ils en expérimentent les signes. Et devant le vide, ou plutôt l’ouverture, leur regard les conduit à croire. Par le déplacement de leur corps, c’est aussi un déplacement de leur être qui les engagent à la suite du crucifié.

Et nous savons qu’ils ne sont pas restés dans le tombeau. On ne serait pas là pour en parler. Y étant entrés, ils leur a bien fallu en sortir. Ainsi, les deux disciples ont expérimenté le même déplacement que le Christ. Sortant du tombeau à sa suite ils sont déjà engagés dans la vie nouvelle du Ressuscité. C’est ainsi qu’il deviennent les témoins crédibles de la Résurrection.

A leur suite nous avons la possibilité de ne pas rester simples spectateurs de l’événement de Pâques et de nous engager avec tout notre être dans ce passage à la vie nouvelle. Nous voici devenus des acteurs de notre propre liberté. Ce passage, nous l’avons expérimenté dans notre chair au jour de notre baptême : plongés dans l’eau, nous sommes comme entrés dans la mort du Christ pour en ressortir vivants, ressuscités avec lui, comme le dit saint Paul aux Colossiens.

Oui, les amis, le chemin du Christ est devenu notre propre chemin : la fête de ce jour nous y invite une nouvelle fois.

Joyeuse Pâques à vous et à tous les vôtres !»

Lectures bibliques : Actes 10, 34-43; Colossiens 3, 1-4;Jean 20, 1-9

Homélie du 08 avril 2012

Prédicateur : Mgr Johan Bonny, évêque d’ Anvers
Date : 08 avril 2012
Lieu : Cathédrale Notre-Dame, Anvers
Type : tv

Fête de Pâques

Frères et soeurs,

On dirait que notre monde a du mal à supporter le bien. Le bien doit parfois se cacher pour survivre. Souvent il tombe dans l’oubli, pour ne pas dire qu’il est nié, voire banni. La souffrance des gens tient souvent au fait que malgré leurs intentions les meilleures, le zèle de leur engagement, ils se retrouvent en marge de la société.

Cette question nous amène au cœur de ce que nous célébrons aujourd’hui: la résurrection de Jésus. Le Vendredi Saint, il fallait que Jésus disparaisse car il était littéralement ‘trop bon pour ce monde’. Ce qu’Il était et ce qu’Il faisait était devenu insupportable. Non parce c’était mal mais au contraire parce que c’était bon. Jésus aurait pu se sauver lui-même. Il aurait pu s’arranger pour ne pas souffrir. Mais son histoire unique se serait alors arrêtée là. La croix fut son dernier refuge et pour cette raison son dernier choix. Il décida lui-même d’aller à Jérusalem et de porter sa croix jusqu’au bout. Mais est-ce sur cette croix qu’il est apparu pour la dernière fois?

En ce matin de Pâques nous célébrons Jésus relevé d’entre les morts par le Père, par la force de L’Esprit. Tout ce bien qui avait conduit Jésus en marge de la société et l’avait mené à la croix ne s’est pas heurté à un mur. Non : sur la croix tout ce bien s’est déversé dans les mains du Père, qui l’a recueilli et l’a transfiguré. Ce qu’était Jésus, ce qui faisait de Lui la figure du Père, le Père l’a extirpé de l’incompréhension de ce monde pour le mener à sa transfiguration. Là où la vie s’arrêtait, il l’a fait renaître. Là où se dressait un mur, il a ouvert un nouvel horizon. D’abord pour Jésus mais aussi pour chacun de nous.

Pâques n’est pas seulement la résurrection de Jésus. Il est le premier de cette nouvelle création mais non le dernier. La résurrection de Jésus marque l’avènement d’un temps nouveau pour Lui et pour nous. Celui qui est repoussé et banni dans ce monde peut plonger son regard dans celui du ressuscité. Il nous rassemble et s’adresse à nous. Il nous emmène sur ce chemin qu’il a déjà lui-même parcouru.

Voulez-vous contempler le meilleur de ce monde ? Vous le trouverez bien souvent en marge de notre société. Les fleurs les plus belles fleurissent où on les attend le moins. Tout comme ces narcisses, ces fleurs de la saison pascale, presque perdues en marge des chemins. Elles y ont bien leur place. Toute vérité et tout bien de ce monde sera reconnu et atteindra sa plénitude dans le visage du Ressuscité. C’est notre espoir et notre joie en ce jour.

Je vous souhaite une sainte et heureuse fête de Pâques !

Amen.

Lectures bibliques : Actes 10, 34-43; Colossiens 3, 1-4;Jean 20, 1-9

Homélie du 06 avril 2012

Prédicateur : Abbé Philippe Matthey
Date : 06 avril 2012
Lieu : Eglise St-Bernard de Menthon, Plan-les-Ouates
Type : radio

Célébration de la Passion du Seigneur

Peser une loi sur la même balance que la vie… quelle dérision !

C’est pourtant ce qui conduit à la situation dramatique de ce jour :

« Nous avons une loi et selon cette loi il doit mourir car il s’est dit Fils de Dieu »

Pendant toute sa vie Jésus a cherché à révéler que c’est la vie qui est importante au cœur de Dieu.

Certes, des paroles sont nécessaires pour donner un cadre à la vie commune… C’est pourquoi, pour Jésus, la loi est faite pour être accomplie, autrement dit pour donner à la vie de se déployer.

Or, nous le savons, c’est justement cela qui lui est reproché par ceux qui se sentent menacés dans leur pouvoir, justement au nom de cette loi !

Pour l’avoir séparée de la volonté de Dieu, les chefs religieux ont fait de la loi un instrument de mort. En en faisant le conservatoire du pouvoir religieux ils ont trahi non seulement la personne de Jésus, mais toutes celles et ceux qui vivent selon la loi de l’amour.

Car c’est bien cet affrontement qui se joue définitivement sur la croix du Christ : contre une parole d’amour s’est dressée une loi de mort. Et pourtant, là où la justice de Dieu bouscule la justice des hommes, c’est un espace de liberté qui s’ouvre devant Celui qui a fait son choix : aller jusqu’au bout non seulement de sa vie et de sa mission, mais de l’amour d’une vie donnée pour la vie du monde !

Cette croix plantée devant nous, nous appelle à ce même choix :

Signe de l’amour donné, elle nous indique le chemin de la liberté. Nous avons la possibilité de nous engager à la suite de Celui qui nous révèle que la seule loi, c’est la vie… au delà même de la mort !»

Lectures bibliques : Isaïe 52, 13 -53, 12; Hébreux 4, 14-16; 5, 7-9; Jean 18, 1 – 19, 42