Homélie du 01 avril 2012

Prédicateur : Abbé Philippe Matthey
Date : 01 avril 2012
Lieu : Eglise St-Bernard de Menthon, Plan-les-Ouates
Type : radio

Dimanche des Rameaux et de la Passion :

Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu !

Que de passages contrastés à vivre dans cette célébration !

C’est la fête ou déjà le drame ? La peine ou la joie ? Le passé ou le présent ?

N’est-ce pas la vie elle-même qui se joue avec se hauts et ses bas, ses réussites et ses échecs ?

Parce qu’il est venu vivre avec nous, Jésus lui-même assume ces extrêmes et ces contrastes.

La fête de ce jour nous fait entrer dans cette grande semaine du passage : nous y vivrons au rythme de la vie du Christ donnée en toutes circonstances.

 

Le premier passage auquel nous sommes invités, c’est de passer du passé au présent.

La déclaration du centurion, un étranger, est impressionnante, mais elle parle du passé. Elle parle d’un homme mort, le reconnaissant ce qu’il a été. Le centurion ne connaît pas la suite…

Nous aujourd’hui nous sommes les disciples du Vivant ; nous sommes interrogés au présent.

Sommes-nous prêts à nous engager à la suite Christ, mort et Ressuscité ?

Si oui, notre profession de foi nous fait proclamer :

« Vraiment celui-ci EST Fils de Dieu ! »»

Lectures bibliques : Isaïe 50, 4-7; Philippiens 2, 6-11; Marc 14,1 -15,47

Homélie du 01 avril 2012

Prédicateur : Abbé Jean-François Luisier
Date : 01 avril 2012
Lieu : Eglise Saint-Germain, Savièse
Type : tv

Messe des Rameaux et de la Passion

Meditation – personnage de Pierre

Mes amis, c’est vrai, il faisait des miracles, surtout des guérisons, mais au moment décisif où il aurait fallu prouver qu’il était l’envoyé de Dieu, sur la croix, ce fut le silence de Dieu, silence qu’il accepta de partager avec tous ceux qui souffrent. Les disciples avaient peine à comprendre que Jésus soit un messie pauvre. Ils espéraient peut-être qu’il changerait les conditions sociales ou politiques du moment, ils ne saisissaient pas qu’il était venu d’abord arracher le mal à la racine.

Jacques ! Jean ! et surtout toi Pierre, tes yeux sont alourdis, tu t’en poses des questions ? Pourquoi avoir suivi ton frère ? N’aurait-il pas fallu garder des filets en réserve ? Te voilà dans de beaux filets…. Pierre ! tu serais capable de fuir, de le renier, de ne pas aller jusqu’au bout ?

Tu as ce visage de l’Eglise d’hier et d’aujourd’hui endormie parfois, barque à la dérive, et nous le sommes à chaque fois que sonne l’indifférence dans nos vies, celle qui nous fait somnoler devant la souffrance, sans réaction, peut-être parce qu’il y a saturation, trop d’information, trop d’émotion et si peu de recul, …

Allons Pierre, réveille-toi, avec toute l’Eglise qui va naître de toi… Celui que tu croyais si fort, si puissant, a besoin de l’homme si faible et si fragile. Lorsque tu es faible, c’est alors que Dieu est fort en toi, demande-le à Jean, « Dieu est amour », et l’amour se penche toujours plus bas….

Meditation   – Personnage du Soldat

Hé soldat, hé ! tu as vu la foule, tu as vu comme elle a changé. Tu avais de la peine à la contenir à deux pas d’ici lorsque cet illuminé entrait dans la ville de ton gouverneur Pilate. Et maintenant…tu vois comme elle a changé, comme elle se retourne… ah ! les foules ah! la rumeur quand elle emplit… Tu as donc maintenant le sale bouleau, crucifier cet homme. C’est le mystère du mal et de la souffrance qui rôde ? Y es-tu pour quelque chose ?

Que vas-tu faire, soldat ? Tu fais le mal que tu ne voudrais pas faire, et tu ne fais pas le bien que tu voudrais faire ? Est-ce cela qui t’habite, comme chacun de nous ? n’es-tu pas crucifié toi aussi, toi avant Lui ! Partagé, écartelé…Le combat est en toi, ce drame se joue en toi…

Et si cet homme hué conspué t’attendait au pied de sa croix, connaissait ta croix, ce qui te crucifie, alors fais confiance à la petite voix, avance, fais ton boulot, mais avance et garde ton cœur docile ! Peut-être qu’au pied de la croix, qu’au bout du supplice, tu entendras des paroles comme jamais qui se solidarisent avec tout homme de toute souffrance en toutes conditions ? Tu en fais partie, non ? Allez, va, fais ta besogne, l’heure avance, l’heure arrive, celle aussi de ton acte de foi ! Cet homme qui aime jusqu’au bout n’est-il vraiment pas le Fils de Dieu ?

Meditation   – personnage de Marie-Madeleine

Frère Aloys de Taizé écrivait aux jeunes tout récemment : En acceptant la mort violente sans répondre par la violence, Jésus a porté l’amour de Dieu là où il n’y avait que la haine. Sur la croix, il a refusé le fatalisme et la passivité. Jusqu’au bout il a aimé et, malgré le caractère absurde et incompréhensible de la souffrance, il a gardé confiance que Dieu est plus grand que le mal et que la mort n’aura pas le dernier mot. Paradoxalement sa souffrance sur la croix est devenue le signe de son amour infini.

(s’adresse à Marie-Madeleine)

Marie de Magdala, ton regard est bien bas, tes larmes tombent si amères, sur vous toutes les femmes, la nuit est tombée….

Oseras-tu croire à tous les possibles ? Et si Dieu te choisissait entre toutes les femmes, entre tous les apôtres pour porter une bonne nouvelle ? Tu l’ignores encore ! Mais Celui qui a re-suscité du bonheur dans ta vie ne serait-il pas capable de plus encore ? Ce parfum, même le peu qu’il en reste… je crois bien que c’est ta confiance, la confiance des humbles et des petits au pied de chaque croix, dans chaque situation, en toute circonstance. Marie-Madeleine d’hier et d’aujourd’hui, plus que jamais notre Eglise a besoin des blessés de la vie et de l’amour pour annoncer que la vie est plus forte que tout, qu’il ne faut jamais se décourager…

Notre monde attend ce parfum d’espérance, personne ne doit garder pour soi !»

Lectures bibliques : Isaïe 50, 4-7; Philippiens 2, 6-11; Marc 14,1 -15,47

Homélie du 25 mars 2012

Prédicateur : Abbé Jean-René Fracheboud
Date : 25 mars 2012
Lieu : Foyer « Dents-du-Midi », Bex
Type : radio

5e dimanche de Carême

Chers Frères et Sœurs,

Cette nuit, nous avons changé d’heure, nous sommes passés à l’heure d’été. Cette démarche, au cadran de nos horloges et de nos montres, est bien futile et dérisoire à côté d’une autre heure, celle dont nous parle l’évangile de Jean : « L’heure est venue pour le Fils de l’homme d’être glorifié ».

C’est l’heure décisive pour Jésus, l’heure de l’extrême, l’extrême du DON, l’extrême de l’Amour qui va jusqu’à la dépossession de soi pour que la VIE puisse triompher de la mort. Tout l’évangile de Jean est coloré par ce thème de l’heure; à Cana, l’heure de Jésus n’était pas encore venue, pourtant Jésus pose déjà un geste fort et significatif, il change l’eau en vin, il permet à la fête d’aller jusqu’au bout. Maintenant, c’est l’heure des ténèbres qui s’annonce. Jésus va être livré, va être conduit à la mort. Une heure lourde et dramatique : l’AMOUR n’est pas aimé.

Mais pour saint Jean, cette heure, c’est l’heure de la GLOIRE, de la glorification du Fils de l’homme. Encore un terme qui sous la plume de saint Jean a une force extraordinaire. La gloire, cela n’a rien à voir avec la gloriole, une forme de gonflement de l’apparence pour faire impression sur les autres. La gloire dans la Bible, c’est ce qui pèse, ce qui a du poids, ce qui ne trompe pas. Ce qui pèse dans la vie de Jésus, c’est son amour, c’est la densité profonde de son être qui rayonne et touche les cœurs. Il parle avec autorité, il pose des gestes qui créent de la vie.

Toute la vie de Jésus, – ses paroles, ses gestes de guérison, la dénonciation des injustices, ses choix de rejoindre les plus petits, les plus pauvres, sa manière d’être – exprime ce qu’il porte en lui, sa densité d’existence, sa densité d’amour. Sur les routes de Palestine, beaucoup ont reconnu la gloire de Jésus et ont cru en Lui. Mais cette gloire va trouver son couronnement et son aboutissement dans la manière de mourir de Jésus. « Ma vie, nul ne la prend, c’est moi qui la donne » Jésus est livré mais plus fondamentalement, il se livre. Il plie la mort à dire encore l’AMOUR, et c’est en ce sens qu’il ouvre une brèche de lumière dans l’opacité de la nuit. On a souvent tendance à associer la gloire de Dieu à la résurrection. Mais pour saint Jean, la mort de Jésus, tragique et inacceptable, est déjà le moment et la révélation de la gloire. Elle en est comme l’éclat le plus parfait, le plus sublime.

La gloire de Dieu se donne à lire et à voir à travers le tressaillement de tout l’être, de l’homme Jésus, touché aux entrailles, bouleversé par ce qu’il affronte :

« Maintenant, je suis bouleversé. Que puis-je dire ?

Père, délivre-moi de cette heure ? – Mais non !

C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci.

Père, glorifie ton nom !

Alors, du ciel vint une voix qui disait :

« Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. » »

Cette heure-là, on ne la change pas, on ne la change plus. Elle est l’heure décisive de notre espérance, l’heure où l’humain est sauvé de toutes les dérives accablantes de l’histoire pour basculer dans la vie et la tendresse de Dieu.

C’est l’heure de la réalisation de la prophétie de Jérémie dans la 1ère lecture. L’heure où la loi n’est plus écrite sur les tables de pierre mais dans le profond du cœur de l’homme : « Je l’inscrirai dans leur cœur. Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. Ils n’auront plus besoin d’instruire chacun son compagnon, ni chacun son frère en disant : « Apprends à connaître le Seigneur » car tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux plus grands. »

Par la mort de Jésus dans l’amour, par l’inscription de la loi de Dieu dans le plus profond du cœur, s’inaugurent les temps nouveaux, le temps de la grâce, le temps où le « Je t’aime » de Dieu ouvre des perspectives neuves, nouvelles pour toute l’humanité. L’homme n’est plus condamné à l’errance, au désespoir, il est promis à la vie et à l’amour.

Comme le dit Christian Bobin, nous sommes « les rescapés d’un effondrement ». C’est désormais la vie du Christ qui coule en nous, qui nous anime, qui nous transforme et qui nous oriente vers notre destinée de lumière.

Mais ce DON infini de Dieu, ce cadeau qui jaillit de la croix du Christ n’est pas quelque chose de tout fait, d’emballé. Ce n’est pas quelque chose qu’on possède comme un objet ou un gadget. Ce n’est pas quelque chose qu’on reçoit extérieurement en ouvrant les mains seulement. C’est une dynamique de vie, une manière de vivre, c’est un mouvement qui entraine tout l’être vers un « plus », qui opère un dépassement. Et comme toujours pour dire des choses complexes et souvent difficiles, l’évangile emploie des images toutes simples, à notre portée : « Le grain de blé qui doit mourir en terre pour porter beaucoup de fruit. »

Jésus est entré dans la mort, a vécu sa mort comme le grain tombé en terre. Pour nous, pour être à hauteur du cadeau de Dieu, pour l’accueillir et le vivre, il est indispensable d’entrer dans ce mouvement pascal, une perte en vue d’un gain, une mort en vue d’une résurrection.

Envisager cela reste très difficile pour nous, si attachés à nos racines humaines, si accrochés aux choses visibles, immédiates, si sensuellement empiriques. On n’est pas fait pour perdre, mais pour gagner, pour réussir, pour aller de l’avant, pour construire, pour conquérir…Chaque perte nous semble une agression : un échec, un pépin de santé, un chômage, la mort d’un proche…et l’on se dit : « Si Dieu existait, on ne verrait pas des choses pareilles ! »

Je ne résiste pas à l’envie de redire ici cette petite histoire d’enfant qui illustre merveilleusement cette difficulté. C’est l’histoire de Corine qui est au jardin avec sa maman. Elles sont en train de planter des petits pois. La petite prend un malin plaisir à faire comme sa maman. On fait un petit trou dans la terre, on jette quelques graines et on remet de la terre par-dessus. Et on recommence l’opération. Lorsque le travail est fini, la maman dit à sa petite Corine « Je vais préparer du dîner pour la famille… » et la petite répond « Moi, je reste encore un moment pour jouer dans le jardin. »Quelques instants plus tard, la maman entend sa petite arriver dans la cuisine comme un volcan, les mains pleines de graines : « Maman, regarde ! les graines que tu avais perdues, je les ai retrouvées… ! »Corine ne peut pas comprendre qu’on fasse exprès de perdre quelque chose dans la terre ! ça la dépasse…

Pour ce qui est du jardin, des petits pois ou des grains de blé, nous adultes, nous sommes au point sur ce processus incontournable de la fécondité. Mais pour le reste, pour les grandes et difficiles questions de la vie, de la souffrance, de la mort, des épreuves diverses, nous avons la même réaction spontanée que Corine…

Il nous faut sûrement beaucoup de temps, de grâce, de don de Dieu, pour nous familiariser avec la dimension pascale de nos vies, pour dépasser nos impressions premières et découvrir la fécondité de la vie. Nous souhaitons un bonheur mais sans l’engagement du don. Nous souhaitons la Résurrection – une vie plénière et intensément comblante –mais sans la mort et les morsures du mal. Nous souhaitons la récolte de fruits abondants mais sans la décomposition de la graine dans la froideur de la terre. Seul le Christ qui est passé par là le premier, et de quelle manière, peut nous entraîner dans cette pâque à vivre tous les jours. C’est la vie de nos baptêmes où nous sommes plongés dans la mort avec le Christ pour avoir déjà part à sa Résurrection.

C’est lui seul qui peut nous faire découvrir, lentement, petit à petit, discrètement, que nos souffrances, nos expériences douloureuses de « perte », de « mort » peuvent devenir en Lui des lieux de naissance à une vie nouvelle. Lui seul peut faire de nos calvaires, de nos chemins de croix, des chemins de gloire.

« Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. »

Frères et Sœurs, aujourd’hui, nous sommes à l’heure du grain de blé… Chacun, chacune de nous porte en lui, sourdement, dès sa naissance, les sombres racines de sa mort et chacun, chacune peut/doit choisir, jour après jour, d’en resurgir plus vivant, car la vie, la présente autant que la future, ne cesse de passer par l’épreuve du « mourir ».

« Si le grain de blé » n’est pas enseveli, noyé, perdu et déconstruit dans l’hiver de la terre, il reste seul. Mort pour de bon. S’il s’abandonne et se laisse emporter par le flux de la vie, par la vie du Christ, alors, il porte beaucoup de fruits. L’issue n’est jamais ailleurs que là où a lieu l’épreuve. L’issue est une brèche dans l’épaisseur de la tourmente. Dans le Christ, le lieu précis de la blessure devient celui de la présence. Il y a résurrection, chaque fois qu’une perte, un dénuement nous enfante à une plus grande liberté, chaque fois qu’un vide nous ouvre un peu plus d’accueil, chaque fois qu’un départ prépare une rencontre plus vraie.

Se mettre à l’heure d’été ne suffit plus ! Il faut se mettre à l’heure de Pâques, « du grain de blé tombé en terre qui portera beaucoup de fruit ».

AMEN

Lectures bibliques : Jérémie 31, 31-34; Hébreux 5, 7-9; Jean, 12, 20-33

Homélie du 18 mars 2012

Prédicateur : Abbé Jean-René Fracheboud
Date : 18 mars 2012
Lieu : Foyer « Dents-du-Midi », Bex

Type : radio

4e dimanche de Carême

Chers frères et sœurs,

 » Son imperméable enfilé en vitesse, les bottes à l’envers, Florian se précipite vers moi en agitant une feuille : « Regarde, maman, j’ai fait un dessin pour toi ! » Lorsque je scrute l’expression de ton petit visage, mon fils, où se mêle la fierté de l’exploit au désir de communiquer, je l’aime déjà, ton dessin…En effet, il n’y a pas, en ce moment, de cadeau plus touchant pour moi que ce gribouillis multicolore de tes trois ans. Je te dis : « Mais c’est gentil à toi de ne pas m’oublier quand tu es avec tes petits copains » et puis : « Nous allons chercher ensemble une belle place pour l’afficher dans la maison ! » – et tes yeux noisette étincellent de joie. L’idée que ton œuvre pourrait ne pas être à la hauteur ne t’effleure même pas. À la hauteur de quoi, au fait ? Tu as fait ce que l’on peut faire à trois ans, ton cœur, ton intelligence et ton corps (dont les mains portent encore visiblement les traces) se sont donné rendez-vous pour me dire « je t’aime »à travers ton dessin. Le plaisir que cela me fait – voici la preuve suffisante pour la réussite de ton entreprise.

L’autre jour, Seigneur, j’étais en train de me demander quel sera ton regard lorsque nous paraîtrons devant toi, à la fin de notre vie. Et en guise de réponse – me semble-t-il – cette scène presque quotidienne se déroulait devant mes yeux. C’est vrai, quel que soit son degré de perfection, notre vie ressemblera à un gribouillis quand nous la verrons dans ta lumière : que d’immaturité dans l’expression, que d’insécurité dans les traits, que de couleurs mal associées ! Jamais elle ne tiendra aux yeux d’un juge sévère et exigeant ! Or ce n’est pas devant un tribunal que nous présenterons notre vie, mais c’est à une mère, à un père que nous sommes invités à l’offrir. Et toi, mon Dieu, tu n’auras pas le temps d’en relever toutes les imperfections, tellement tu es pressé d’embrasser l’artiste, ton enfant ! A travers le « dessin » tu aimeras celui ou celle qui l’a fabriqué pour toi.

Cette histoire de Florian, c’est un peu la nôtre, c’est celle de chacun, chacune de nous, appelé jour après jour à tisser la trame de son existence avec les couleurs lumineuses de la réussite, des progrès et des satisfactions, mais aussi les couleurs sombres de l’échec, des lourdeurs, du péché.

Ce qui est merveilleux dans cette histoire, c’est la relation « Regarde, maman, j’ai fait un dessin pour toi ! »Spontanément, Florian vit pour quelqu’un. C’est pour sa maman qu’il fait ce dessin, c’est sa manière transparente de lui dire « je t’aime ». C’est dans ce registre-là que nous sommes appelés à vivre notre foi, une alliance avec un Dieu fou de tendresse pour ses enfants.

La liturgie de ce jour, – les textes proposés à notre méditation -, nous offre des affirmations bouleversantes sur le VISAGE de Dieu, tel qu’il se révèle en son Fils Jésus-Christ :

« Dieu est riche en miséricorde… »

« A cause du grand amour dont il nous a aimés,

nous qui étions des morts par suite de nos fautes,

Il nous a fait revivre avec le Christ. »

« C’est bien par grâce que vous êtes sauvés ».

« Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique :
ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas,
mais il obtiendra la vie éternelle. »

« Dieu a envoyé son Fils dans le monde,
non pas pour juger le monde,
mais, pour que, par lui, le monde soit sauvé. »

Devant la force de ces paroles, nous ne pouvons que nous laisser toucher, envahir, saisir, remuer par un Dieu qui n’est qu’AMOUR, TENDRESSE, MISÉRICORDE. Comment se fait-il, alors que l’Evangile est si limpide, que nos idées de Dieu et nos cœurs sont encore traversés par les marées noires de la peur, de la culpabilité, comme si Dieu était jaloux de nos bonheurs et qu’il avait un malin plaisir à nous voir écrasés sous le poids du mal et du péché.

Nous ne croyons pas au péché, nous croyons au pardon du péché, nous croyons à la libération que le Christ vient nous offrir par la folie de la croix, par la signature d’un AMOUR qui est allé jusqu’à l’extrême, jusqu’à la démesure. Dieu a tant aimé le monde…La seule chose qui nous est demandée, c’est de lever les yeux vers la CROIX, c’est de sortir de notre enfermement, c’est de risquer la relation, c’est de faire confiance en l’immensité de l’amour de Dieu, qui est toujours au-delà de ce que nous pouvons imaginer. Notre péché réside souvent dans le fait de ne pas assez croire en la capacité d’amour de Dieu.

Nous réduisons Dieu à notre mesure. « Après ce que j’ai fait !…» Nous nous condamnons nous-mêmes, nous nous mettons hors-jeu de la communion avec le PLUS-QUE-VIVANT… au sens propre, nous nous excommunions. Nous sommes dans la même situation que le peuple de Dieu dans la traversée du désert. Devant la morsure des serpents rampants qui inscrivaient la mort dans la chair, il nous faut lever les yeux vers le serpent de bronze élevé par Moïse. C’est du Christ élevé sur la CROIX que nous vient la vie, que le salut nous est offert en pure gratuité.

En cette période de Carême, nous sommes invités tout particulièrement à refaire cette expérience d’une libération, d’un renouvellement d’une conversion profonde. Nous tourner vers la CROIX pour nous laisser ENVISAGER par ce regard bouleversant du Christ qui nous appelle à la vie.

Il nous redit amoureusement :
tu vaux plus que ce que tu penses
tu es plus grand que ton péché,
tu comptes à mes yeux, quoique tu aies fait.

Je suis capable de voir en toi, dans le profond de toi autre chose que les ratés de ta liberté, que tes faux-pas qui t’ont conduit à des impasses. Il y a en toi une zone d’innocence, un espace virginal où tu peux naître encore au don, à l’amour, à la générosité. Tu n’es pas un être fini, définitivement étiquette par ton passé, par des choix de vie malheureux, par des actes qui ont semé le malheur et la mort. Tu es en capacité de renaître, de vivre à hauteur de miséricorde et je suis là pour t’accompagner, te soutenir, t’inspirer, te fortifier dans la mise au monde du « plus grand de toi ».Tu peux devenir le contemporain de Zachée, de Marie-Madeleine, de la Femme adultère, de l’Enfant prodigue, du Bon larron…Tu entres dans la famille des pécheurs pardonnés, des graciés, des vivants de la miséricorde.

Pour cet engendrement, l’Église nous offre un cadeau exceptionnel : le sacrement du pardon.

Depuis plusieurs années, ce sacrement a perdu de son ‘aura‘, et pourtant il demeure un trésor de grâce lorsqu’il est vécu dans la profondeur et la vérité. Puissions-nous le redécouvrir comme un lieu source, comme une rencontre vivifiante avec le Seigneur qui remet debout dans l’audace et la confiance, qui nous fait passer de l’habitude de soi à l’invention de soi dans la lumière de l’Évangile.

Devant le VISAGE du Christ, visage de la MISÉRICORDE, je sais désormais que je peux tomber plus bas que moi mais pas plus bas que Lui. Je peux exister avec toute l’épaisseur de mon humanité, mes ombres et mes lumières, mes douceurs et mes colères, mes rires et mes larmes, mes humiliations et mes fiertés, mon amour et mon péché. Je peux revendiquer le louable et l’inavouable de ma vie. .Aujourd’hui, demain et toujours je pourrai offrir au Seigneur le dessin de ma vie :

« Seigneur, je fais un dessin pour toi »je pourrai sauter dans les bras du Père, avec le Christ, tout barbouillé des couleurs de ma vie en lui disant : « J’ai tenté d’être un homme, d’être une femme, et je suis ton enfant ! »

Amen

Lectures bibliques : 2 Chroniques 36, 14-23; Ephésiens 2, 4-10; Jean 3, 14-21

Homélie du 11 mars 2012

Prédicateur : Abbé Jean-René Fracheboud
Date : 11 mars 2012
Lieu : Foyer « Dents-du-Midi », Bex
Type : radio

3e dimanche de Carême

Chers Frères et Sœurs,

Chaque dimanche de Carême, la liturgie nous offre des portes d’entrée diverses, complémentaires, dans la contemplation du VISAGE de JÉSUS.

Le premier dimanche, au désert, face à la tentation, Jésus nous a présenté un beau VISAGE de LIBERTÉ.

Dimanche dernier, sur la montagne de la Transfiguration, c’est un VISAGE de LUMIÈRE et de GLOIRE qui a été proposé à notre méditation.

Aujourd’hui, troisième étape de notre montée vers Pâques, surgit un VISAGE inattendu de Jésus, un VISAGE d’indignation et de colère. Jésus fait scandale au temple de Jérusalem, le lieu sacré par excellence. Lui, l’homme de paix et de douceur, chasse avec une rare violence les marchands du Temple.

Cette colère, si inhabituelle dans l’évangile,

cette sainte colère,

cette divine colère nous interroge.

Qu’est-ce qui peut mettre Jésus dans un tel état ? Aujourd’hui, selon le langage de la rue, on parlerait de quelqu’un « qui a pété les plombs ».

Pour répondre à cette question, pour rendre compte de l’attitude de Jésus, il faut d’emblée écarter les considérations psychologiques, un caractère instable, une sensibilité à fleur de peau, un manque d’équilibre, une émotivité maladive, etc…

Il faut plutôt chercher dans la ligne des prophètes, ces envoyés de Dieu qui dénonçaient avec force et virulence les dérives de l’alliance. La violence de la réaction des prophètes n’a rien à voir avec des caprices, des humeurs. Il en va de l’absolu de Dieu et de son projet de salut pour l’humanité. Cette réalité est si belle, si noble, si majestueuse qu’on ne peut pas la ternir, l’égratigner, la bafouer, la déformer, la réduire à notre médiocrité humaine.

Il faut laisser Dieu être Dieu dans sa transparence d’amour, dans son éclat de lumière. Si Jésus réagit si violemment, c’est parce qu’il constate ce qu’on est en train de faire du Temple de Jérusalem. On en fait une maison de trafic. Cet édifice si impressionnant, reconstruit déjà plusieurs fois, qui était le signe de la présence de Dieu au cœur de son peuple qui devait être le lieu de la prière, de la louange, de la gratuité, est en train de devenir une boutique, un centre commercial, un lieu où le seul argent est roi et règne en maître. C’est un espace qui ne fait plus signe, c’est un lieu qui ne parle plus, un lieu profané.

Saint Jean situe cet épisode des vendeurs chassés du Temple, non pas à la fin de la vie de Jésus comme le font Matthieu, Marc et Luc dans les évangiles synoptiques, mais tout au début, juste après le récit des noces de Cana. Pour saint Jean, il s’agit de montrer combien Jésus vient faire du neuf dans la relation d’alliance de Dieu avec l’homme. Avec Lui, on passe de l’ancien au nouveau, on passe des eaux de purification au vin des noces de l’Agneau, on passe du provisoire au définitif.

Dieu peut se passer d’un temple de pierre dont le culte a été si souvent déviant. Il suscite maintenant un Temple de chair et de relations, la personne de son Fils Jésus. « Tu ne voulais ni offrande, ni sacrifice, Tu m’as façonné un corps et j’ai dit : Père, je viens faire ta volonté. »

Jésus a transfiguré l’espace du culte en sa personne tout au long de son incarnation et le Temple nouveau sera définitivement scellé par sa mort et sa résurrection qu’il annonce clairement : « « Détruisez ce Temple et en trois jours je le relèverai. »Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce Temple et toi, en trois jours, tu le relèverais ! »Mais le Temple dont il parlait, c’était son corps. »

Les jarres de Cana sont vides, le Temple est vidé de son trafic et de sa corruption. Toute la place est occupée maintenant par ce Jésus, Fils du Père, dévoré d’un zèle jaloux pour sa maison.

Si Dieu est Père, il est insuffisant de l’honorer par des offrandes matérielles, par des sacrifices d’animaux, par des démarches sans cœur. Seul un culte spirituel et intérieur, vécu dans la profondeur de l’amour et dans l’authenticité, pourra honorer ce Dieu Père et être à hauteur de son désir et de son attente. Seul le Fils pouvait opérer cette transformation, cette purification, cette intériorisation et nous permettre un culte en esprit et en vérité.

Remarquez que Jésus fera de même avec la Loi dont la 1ère lecture nous a parlé. Les Dix Paroles reçues par Moïse sur la montagne après le passage de la Mer Rouge étaient comme le cadeau et le sceau de la liberté. Le peuple venait de faire l’expérience d’une libération, d’un Dieu à l’œuvre dans son histoire. L’enjeu, c’est que ce peuple ne retombe pas en esclavage, qu’il reste à hauteur d’alliance, à hauteur de liberté. Malheureusement, l’histoire le montrera, le peuple sera constamment infidèle, préférant la séduction des idoles à la recherche exigeante de Dieu. Il retombera en délinquance. Chaque fois, Dieu ne laissera pas tomber les bras, il ira toujours plus loin dans l’offre d’amour et de pardon. Finalement, il enverra son Fils, la Loi sera inscrite dans son cœur et non plus sur la pierre. En Lui, elle devient respiration et contagion. L’accomplissement de la Loi, c’est l’AMOUR.

L’alliance entre Dieu et les hommes, à travers les méandres de grandeur et de médiocrité, trouve son achèvement et son accomplissement dans le Christ. Par toute sa vie et sa prédication, mais surtout par sa mort et sa résurrection, Jésus est le Fils bien-aimé du Père, il est le Temple nouveau, il est le « Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les païens. Mais pour ceux que Dieu appelle, il est puissance de Dieu et sagesse de Dieu. »

La Parole de Dieu de ce 3ème dimanche de Carême nous secoue avec violence. Elle nous provoque à un sursaut de type prophétique et à une vigilance renouvelée pour la vie de notre foi.

Je retiens 3 pistes d’approfondissement :

La première : laisser résonner au plus profond de moi et de nous la parole de feu de Jésus : « Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic ». Il en va de notre manière de prier, de célébrer, de fréquenter l’Église.

La deuxième : le recentrement sur le visage incontournable du Christ : « Nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens ». Ce serait si facile et si dommage de se tromper de Dieu !

La troisième : l’invitation à découvrir que le lieu par excellence du sacré – et donc de la rencontre de Dieu – c’est le Christ mort et ressuscité et, dans son prolongement, la vie de chaque être humain.

Etty Hillesum, cette juive morte dans un camp de concentration, a été amenée peu à peu dans la foi à découvrir, éblouie, que chaque personne est la « demeure de Dieu », le sanctuaire de sa Présence. Elle écrit : « Je te le promets, oui, je te le promets, mon Dieu, je te chercherai un logement et un toit dans le plus grand nombre de maisons possibles. Il y a tant de maisons inhabitées où je t’introduirai comme invité d’honneur. »

L’homme est spontanément religieux… mais il est lent à croire ! Il nous faut parfois un électrochoc, une sainte colère – comme celle de Jésus en ce jour – pour fouetter nos illusions et libérer, dans nos profondeurs, l’espace qui revient à Dieu.

Amen

Lectures bibliques : Exode 20, 1-17; 1 Corinthiens 1, 22-25; Jean 2, 13-25

Homélie du 04 mars 2012

Prédicateur : Abbé Jean-René Fracheboud
Date : 04 mars 2012
Lieu : Foyer « Dents-du-Midi », Bex
Type : radio

Messe du 2e dimanche du Carême

J’ai faim de vos visages.

J’ai soif de vos regards.

Je m’émeus de vos visages, divers, colorés, recueillis,

de vous tous qui êtes rassemblés devant moi, ici, dans notre chapelle,

et je devine les vôtres, qui se dessinent au loin,

à travers les ondes de la radio.

Que c’est beau un VISAGE d’homme, de femme, d’enfant, de vieillard !

Des visages surgissent sur nos routes, dans nos activités, à longueur de journées. Ils nous surprennent, ils nous réjouissent, ils nous font peur, ils nous interpellent, ils nous laissent parfois indifférents, Mais ils ne sont jamais banals. Ils sont la fine fleur de l’être de chacun, chacune. Ils sont la saveur de nos rencontres. Le théologien orthodoxe, Olivier Clément, avait sûrement raison de parler de la religion chrétienne comme de la religion des VISAGES. L’Évangile est rempli de visages et de rencontres. De son côté, Emmanuel Lévinas disait volontiers que le divin s’ouvre à partir du visage humain.

Oui, pour nous chrétiens, Dieu a pris Visage d’homme dans la personne de Jésus son Fils bien-aimé. Il nous faut devenir les scrutateurs passionnés de ce Visage de Jésus, il nous ouvre l’espace de Dieu.

L’Évangile de ce jour – la Transfiguration – nous offre un moment particulièrement somptueux de la révélation de ce VISAGE. Jésus venait d’annoncer à ses disciples que son chemin allait le conduire à la croix, à la défiguration de la souffrance et de la mort. On imagine le séisme qu’une telle déclaration provoque dans la tête et le cœur de ses disciples. C’est impossible pour eux d’imaginer, d’entrevoir une telle issue. C’est tellement aux antipodes de ce qu’ils attendent de Dieu.

« Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean,

et les emmène, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne. »

Ce sont les 3 mêmes apôtres qui se retrouveront aux premières loges lors de la défiguration de Gethsémani. Jésus fut transfiguré devant eux. »

Tout devient resplendissement de lumière, de blancheur, de beauté, le VISAGE de JÉSUS et ses vêtements… L’apparition d’Élie et de Moïse, les grands visionnaires de l’Ancien Testament, disent bien que les 3 disciples sont comme arrachés au temps et à l’histoire. Ils vivent un début de ciel, une expérience qui ravit et qui comble au-delà de toutes les attentes.

Et Pierre, qui réagit toujours au quart de tour, veut éterniser ce moment :

« Dressons donc trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, une pour Elie » De fait, il ne savait que dire tant était grande leur frayeur…

Ce moment de transfiguration que Jésus donne de vivre à ces 3 disciples est comme une délicatesse de son amour, il mesure bien le désarroi de leurs cœurs à la pensée de la mort violente, il leur offre comme une forme de lucarne de lumière, d’anticipation de la Résurrection. Si le Christ monte à Jérusalem, s’il va affronter tous les rejets, les forces de haine et de mort, s’il sera défiguré, c’est pour ouvrir une brèche de vie et d’amour à travers toutes les fatalités et les enfermements. En toute liberté intérieure, il pliera la mort à dire encore l’AMOUR inconditionnel du Père et la Résurrection sera la mise en lumière de l’engagement du Christ. L’œuvre du Christ réussira et le dernier mot de l’histoire si défigurée sera un VISAGE de RESSUSCITÉ.

Mais sur le Thabor, on n’en est pas encore là. On est sur le chemin d’apprentissage de ce qui va se passer lors de la Passion de Jésus. Il faut se préparer à lire l’événement tragique autrement, plus en profondeur. Il faut déchiffrer le cœur du cœur, c’est-à-dire ce qui amène Jésus à aller si loin dans le don de lui-même. En suivant Jésus, il faut voir au-delà, en-dedans. Et curieusement, pour voir au-delà de la superficie et des apparences, il faut ENTENDRE, mieux ÉCOUTER.

Vous l’aurez remarqué, le récit biblique opère une cassure à un moment donné. Au début, on est dans le VOIR – c’est de l’ordre du spectacle… Et quel spectacle : la somptuosité du visage de Jésus en gloire, en jaillissement de lumière, et tout à coup, le récit glisse dans un autre registre :

« Survint une nuée qui les couvrit de son ombre,

et de la nuée, une voix se fait entendre :

Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le. »

La lumière du début donne à VOIR, la nuée donne à ENTENDRE. La nuée qui accompagnait les pérégrinations du peuple élu dans l’Ancien Testament signifiait la Présence de Dieu, mais une présence voilée, hors de toute image visible et distincte. La nuée oblige à une écoute attentive, à la confiance, à la foi, comme Abraham lors du sacrifice d’Isaac.

Saint Paul écrira plus tard : la foi naît de l’ÉCOUTE de la Parole. Ce passage du « VOIR » à « ÉCOUTER » au cœur du récit de la Transfiguration est particulièrement décisif pour notre vie de foi, pour notre engagement, pour notre cheminement spirituel. Ne dit-on pas souvent : « C’est pas évident ! »

L’amour et la tendresse ne sont pas les réalités qui éclatent au grand jour dans nos médias. Le combat pour la justice, pour une répartition plus équitable des biens de la planète n’est pas très visible, dans ce qui fait la une de nos journaux. Même nos églises qui prétendent apporter le salut à l’humanité, ne sont-elles pas souvent esclaves des clichés, réduites à une institution trop lourde et à des dérapages malheureux ? « C’est pas évident » de suivre le Christ aujourd’hui, de s’engager dans l’Église, de découvrir l’Évangile, comme une Parole d’audace et de liberté, qui met debout dans l’existence. Parce que la défiguration est à l’heure quotidienne, en nous et autour de nous, il est vital que nous puissions vivre des moments de transfiguration. Parce que nous voyons le mal et surtout ses dérives, le malheur et ses conséquences, il est vital et décisif que nous développions l’Écoute de la Parole pour rejoindre le travail de Dieu et l’engendrement d’une vie nouvelle.

Le Seigneur ne nous rejoint pas dans l’idéal, mais dans le réalisme de nos vies, tour à tour marquées par la défiguration et la transfiguration. Il nous faut « consentir au réel ». L’heure n’est plus au rêve, – des tentes à dresser au Thabor – mais à la marche, à un chemin à faire dans la confiance, éclairé par la Parole de Dieu, qui est « Lumière sur nos pas ».

Sur la route de Pâques, ce magnifique récit de la Transfiguration nous encourage et nous stimule, en conjuguant le regard et l’écoute. La vision est fugitive, la Parole demeure. J’ai toujours faim de vos visages. J’ai toujours soif de vos regards, mais maintenant je les accueille dans l’éclat de la PAROLE, dans le rayonnement de son intériorité.»

Lectures bibliques : Genèse 22, 1-18; Romains 8, 31-34; Marc 9, 2-10

Homélie du 26 février 2012

Prédicateur : Abbé Jean-René Fracheboud
Date : 26 février 2012
Lieu : Foyer « Dents-du-Midi », Bex
Type : radio

1er Dimanche du Carême

Elles sont belles les saisons de la foi !

Chaque année le carême s’offre à nous comme un beau cadeau, un printemps de promesse, un bourgeonnement de vie, un glissement de sève.

Etonnement, ce printemps de la foi passe par un lieu incontournable : le DÉSERT.

Cette année encore, il nous faut nous mettre en route à la suite de Jésus, risquer le désert et ses 40 jours, qui d’une poignée de cendres, feront naître le FEU de nos résurrections,

de nos existences dilatées à la dimension infinie du cœur de DIEU.

40 jours pour apprendre le plus beau de l’homme

et le plus grand de Dieu !

C’est quoi, le plus beau de l’homme et le plus grand de Dieu ?C’est la découverte inouïe, inattendue, surprenante, d’une ALLIANCE de deux libertés, de deux destins, celui de Dieu et celui de l’homme.

C’est la révélation de la passion de Dieu qui s’engage dans notre histoire humaine pour faire réussir la VIE, toujours menacée par la mort… d’un Dieu qui fait le déplacement de la terre et qui paie le prix fort pour faire réussir l’AMOUR, toujours menacé par la haine, le mensonge et le mal.

Les textes bibliques proposés à notre méditation aujourd’hui nous offrent quelques touches colorées de cette aventure d’alliance entre Dieu et l’homme. Avec la Genèse et le déluge, un texte plus symbolique qu’historique, nous apprenons un premier choix de Dieu.

Il n’y aura plus de déluge à l’avenir, il n’y aura plus de catastrophe pareille.

« Oui, j’établis mon alliance avec vous : aucun être vivant ne sera plus détruit par les eaux du déluge, il n’y aura plus de déluge pour ravager la terre. »

Je vous vois et je vous entends réagir dans votre barbe :

Plus de déluge, plus de catastrophe… tu parles !

Et tous les drames de l’histoire qui continuent de se dérouler sous nos yeux, tous les tsunamis, tous les Fukushima,

toutes les tragédies… qui déchirent le quotidien.

C’est bien là une première difficulté, une première épreuve de la Foi : le décalage entre ce que nous croyons et ce que nous voyons. C’est une des réactions que j’entends, comme vous, le plus souvent :

Comment croire en un Dieu d’amour, alors qu’on voit tant de misères et de souffrances ?

Toute la Bible est parsemée de cette question lancinante, angoissante : « Où est-il ton Dieu ? »Cette question, elle est très sérieuse et incontournable. Il en va de la crédibilité de notre foi.

D’emblée, nous pouvons le dire, le Dieu de l’alliance qui se manifeste à nous n’est pas un Dieu magique, une puissance extérieure qui interviendrait à temps et à contre temps pour empêcher la souffrance, le drame, la mort. Mais Dieu s’engage dans notre histoire humaine pour une transformation des libertés et des cœurs par le dedans, par les racines, par une contagion de grâce. C’est progressivement et à travers une longue patience que l’amour de Dieu se déploie pour faire émerger au cœur de l’humain une vie nouvelle, une vie sauvée.

L’appel du Carême nous invite à une lucidité, à une prise de distance par rapport à nos impressions et nos sentiments de gâchis.

Le monde n’obéit pas qu’à des forces de mort. Il y a dans la profondeur un processus de vie, de salut, d’amour qui est en route et qui aboutira à une victoire, à la Résurrection.Un jour, l’AMOUR éclatera en lumière de gloire. Dieu en est le garant. Dieu en est l’acteur. Aujourd’hui cette conviction et cette espérance n’éclatent pas au grand jour, elles sont l’objet de notre foi, de l’adhésion de notre liberté.

Le « Plus jamais de déluge » de la Genèse n’est que l’humble semence d’un commencement, d’un enfantement qui se continue aujourd’hui.Pour nous, il est tellement important de savoir qu’au cœur des marées noires quotidiennes et des désespérances, Dieu s’engage dans une alliance pour sauver l’homme, pour lui ouvrir une perspective de bonheur et d’accomplissement.

Tout l’enjeu de notre Carême, c’est de rejoindre le désert, de prendre du recul par rapport aux séductions trompeuses de surface pour descendre dans les profondeurs et rejoindre ce mouvement de vie et d’amour, discret, caché, mais porté et nourri par Dieu.

Cette alliance « arc-en-ciel », relayée par les grandes figures de l’Ancien Testament, culmine et trouve son point d’orgue dans la personne de Jésus, le Fils Bien-aimé du Père, visage humain de Dieu et visage divin de l’homme. En Lui, la plénitude du divin se donne à voir dans sa manière d’être homme. Il est le Messie attendu. Il commence son ministère en rejoignant Jean le Baptiste au Jourdain pour se faire baptiser par lui.

Nous assistons à une sorte de coup d’envoi solennel de la mission de Jésus. Le ciel se déchire, l’Esprit descend sur Lui et une voix se fait entendre :

« Tu es mon Fils bien-aimé, tu as toute ma faveur ».

Pour comprendre quelque chose à la vie de Jésus, il faudra saisir le secret de sa personnalité, de son identité divine. Aussitôt après, le même Esprit pousse Jésus au désert. Il est tenté par Satan. Marc a l’art de la concision. En deux phrases, tout est dit :

« Dans le désert, il resta 40 jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages et les anges le servaient. »

D’entrée, Jésus annonce la couleur, choisit une option, une ligne directrice qui traversera toute sa vie et toute sa mort :

la fidélité absolue à son Père et l’amour inconditionnel des hommes, surtout les plus petits, les plus pauvres, les plus blessés.

La tentation à laquelle Jésus est soumis, comme la nôtre aujourd’hui, c’est de recourir à Dieu dans le registre de la puissance. « Si tu es Fils »… et Jésus est Fils de Dieu. Jésus n’est pas venu jouer au surhomme, pour faire de la magie. Il est venu pour vivre son humanité – les joies, les peines, les épreuves – dans une confiance toujours renouvelée à son Père. Sa vie ne sera que OUI au Père jusque dans les extrêmes, là où l’homme laissé à ses seules forces ne peut que dire NON, ce n’est plus possible de croire en l’amour quand je vois ce que je vois. C’est en cela que le Christ ouvre une voie royale, celle du salut et de la réconciliation, celle qu’annonçait déjà Isaïe (11) : « Le loup habitera avec l’agneau… »

Avec Jésus, le monde nouveau, réconcilié est déjà amorcé : « Il vivait parmi les bêtes sauvages »

Jésus est un homme libre face aux assauts de Satan, face à toutes les tentations du monde. Il est libre parce qu’il est relié au Père dans une inébranlable confiance. L’arc-en-ciel de la Genèse prend désormais la forme de la croix. C’est ce visage de Jésus, c’est sa manière d’être homme, c’est « sa » ligne de conduite qui nous sont proposés pour vivre ce Carême.

« Les temps sont accomplis le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la bonne Nouvelle. »

Frères et Sœurs, n’allons pas chercher midi à quatorze heures. Il y a une sorte d’urgence à re-choisir le Christ, et à le suivre, personnellement et en Eglise. Il y a urgence à réveiller la grâce de nos baptêmes pour permettre à l’Esprit de Dieu – toujours le même – de nous habiter, de nous animer.

La vie chrétienne est un choix : adopter le style de vie de Jésus. Elle est une épreuve, au sens où nous avons à faire nos preuves pour ne pas nous gargariser de mots et de discours. Elle est combat. J’aime bien la réflexion de Madeleine Delbrêl qui faisait comprendre qu’on ne pouvait pas choisir le Christ vivant sans prendre des distances par rapport à « la fascination et l’obsession usante de nos bagatelles ».

40 jours pour apprendre le plus beau de l’homme

et le plus grand de Dieu !

Devant le VISAGE de LIBERTÉ de Jésus

aujourd’hui, à l’aube de son ministère publique,

au désert de la tentation…

demain, à la montagne de la transfiguration ;

bientôt, à l’heure décisive de la croix,

il nous devient urgent de vivre !

Et cela passe par une écoute attentive, prolongée, sérieuse, amoureuse de sa PAROLE pour qu’elle devienne VIE en nous.

Si, vraiment, nous nous laissions tenter par Dieu…

 

Lectures bibliques : Genèse 9, 8-15; 1 Pierre 3, 18-22; Marc 1, 12-15

Homélie du 19 février 2012

Prédicateur : Abbé Nicolas Betticher
Date : 19 février 2012
Lieu : Eglise Saint-Jean, Fribourg
Type : radio

7e dimanche du temps ordinaire

Chers frères et sœurs,

Chers amis d’ici ou d’ailleurs,

Il a fait tellement froid, ces dernières semaines! Un froid glacial qui a touché tout le monde. Il a au moins ça de bien, le froid, c’est de nous rapprocher les uns des autres et de nous mettre tous dans la même réalité polaire. Nous avons tous parlé du froid, comme s’il n’y avait plus que cela qui comptait…. Et combien de gestes de solidarité sont nés, simplement pour offrir un peu de chaleur, faire les courses pour une personne âgée qui ne peut sortir, aider une personne à traverser une route verglacée, pousser une voiture qui n’arrive pas à démarrer, héberger des personnes restées au froid. Tant de gestes de solidarité. Tant mieux, mais faut-il attendre qu’il fasse moins 15 pour faire cela.

Le froid au moins aura eu ce mérite de développer en nous la conviction que l’autre a besoin de moi, de nous, qu’il est même meilleur que moi, que nous. Nous avons tout à apprendre des autres!

Oh, nous sommes tous pareils, tous d’accord d’aider, de faire notre possible pour l’humanité, pour les gens qui souffrent et qui espèrent. Oui, nous voulons tous faire le bien, mais pour le faire vraiment, il faut parfois qu’il fasse très froid dehors.

Et dedans, dans notre cœur, ne fait-il pas aussi de temps en temps très froid ? Notre cœur n’a-t-il pas parfois tendance à geler un peu, à se durcir pour ne laisser entrer personne, me repliant ainsi sur moi-même, le sur-moi de mon égoïsme, de mon orgueil?

Mais Dieu réchauffe notre cœur en lui redonnant sa raison d’être, celle d’être le temple du Seigneur, là où Il habite, au centre de notre être humain, simplement parce qu’il a décidé, le jour de notre création, de nous insuffler un peu de son être divin, notre âme.

Nous sommes si souvent en quête de communion avec les autres, en quête d’amour, le vrai, celui qui donne par-dessus nos fragilités, nos péchés, le pardon. Oui nous voulons être heureux, tout simplement heureux.

Un peu comme la foule de l’Evangile, nous voulons tous voir Jésus, la source et la finalité de notre bonheur.

Et Jésus est là, au milieu de cette foule, simplement là pour faire du bien, faire le bien. Alors arrivent ces quatre hommes avec le paralysé. Ils espèrent une guérison, le paralysé aussi, évidemment. Il se laisse descendre par le toit, comme un demandeur tombé du ciel, il se retrouve devant cet homme qui peut, qui sait guérir.

Le paralysé est là, espérant que ce Jésus fera aussi quelque chose pour lui. Peut-être pourra-t-il aussi marcher à nouveau, comme les autres paralysés que ce fils de charpentier a guéris…

Il espère. Il fait silence. Tous les gens autour de lui aussi. Et ce Jésus, le Christ, lui dit que ses péchés lui sont pardonnés. Mais ce n’est pas pour cela qu’il est venu. Il ne veut pas être pardonné, il veut marcher, être guéri. Et Jésus lui pardonne ses péchés. Stupeur dans la maison, personne ne comprend.

Mais Jésus, lui, sait bien ce qui anime les cœurs des personnes qui sont là, aussi ceux des scribes, qui regardent et espèrent un acte extraordinaire, un phénomène, un peu comme un spectacle. Jésus leur montre, sans grands mots, que toute guérison commence d’abord en nous, par ce qui anime notre vie, notre âme et notre être intérieur si souvent aspirés par de faux dieux, par de l’éphémère trop ostentatoire.

Jésus leur fait comprendre que la guérison intérieure conduit toujours à un mieux vivre. Et il pardonne au paralysé et lui dit de se lever, devant tout le monde, et de rentrer chez lui. La guérison extérieure vient comme confirmer la guérison intérieure, elle vient comme la surélever et la parachever.

Temps de pardon, temps de réconciliation avec Dieu et avec nous-mêmes!

Chers amis, dans de nombreux cantons suisses nous fêtons aujourd’hui Carnaval. La fête avant le Carême, ce temps de grâce et de réconciliation avec Dieu. Carnaval, la fête où les gens se déguisent, veulent rire, comme si après il n’y avait que de la tristesse pendant ces quarante jours de Carême. Et pourtant le Carême est un temps qui nous est offert pour justement aller visiter notre cœur, y faire le ménage, avec l’aide du Seigneur. De temps à autre il faut faire le ménage dans le temple du Seigneur. Et c’est bien normal.

Alors si nous portons des masques de clown à Carnaval, des masques qui font rire, nous voulons aussi décider d’arborer pendant le Carême, non pas un masque de pénitence triste et obscure, mais un sourire qui transcende notre être tout entier. Nous voulons, chers amis, décider aujourd’hui que le Carême sera pour nous tous le temps du sourire, du vrai.

Car savez-vous, chers amis, le sourire est une fragilité, mais une fragilité saine qui embellit notre visage, presque un état d’âme. Le sourire nous dévoile, livre un peu de nous-mêmes et surtout invite l’autre à la communication, à la communion. C’est cela un sourire, un peu de nous offert aux autres. C’est donc une sorte de fragilité, mais qui nous rend forts, car elle nous ouvre aux autres et confirme qu’il y a en nous un cœur pardonné qui éclate de bonheur.

Alors le froid de ces dernières semaines nous a appris, comme aussi l’évangile de ce dimanche, que nous sommes faits pour nous aider les uns les autres, pousser une voiture qui glisse, porter le brancard du paralysé, tout simplement, pour recevoir ce don immense du Seigneur, le pardon qui nous ouvre déjà au sourire, le vrai, celui du matin de Pâques!

Amen !

Lectures bibliques : Isaïe 43, 18…25; 2 Corinthiens 1, 18-22; Marc 2, 1-12

Homélie du 19 février 2012

Prédicateur : Père Joseph-Marie Huguenin
Date : 19 février 2012
Lieu : Eglise Saint-Germain, Savièse
Type : tv

7e dimanche du temps ordinaire

La détermination de ces quatre hommes qui n’hésitent pas à surmonter tous les obstacles pour présenter à Jésus un paralytique, force l’admiration de Jésus et la nôtre.

La foule se presse à la maison de saint Pierre où loge Jésus. C’est là tout un symbole. Cette petite maison de Simon-Pierre est la première Église d’où Jésus veut manifester sa puissance.

Ces quatre hommes symbolisent les nations venant des 4 points cardinaux. Ils viennent présenter à Jésus l’humanité paralysée.

L’expérience de la paralysie spirituelle est peut-être la plus significative. L’homme coupé de Dieu désire faire le bien, mais il n’y parvient pas. Il fait l’expérience d’une paralysie intérieure.

C’est en voyant la foi de ces hommes réunis pour vaincre le mal que Jésus déclare au paralytique que ses péchés sont remis. Cela montre combien la foi des uns peut guérir d’autres. La force d’une équipe qui s’unit par une même foi dans le Christ peut faire beaucoup pour sortir de la léthargie non seulement l’homme qu’ils aident, mais tous ceux qui les voient. C’est la force du témoignage, la force de s’unir, la force d’aimer, la force de se dévouer pour une cause précise en faveur de quelqu’un ou de quelques-uns en s’appuyant sur le Christ.

Jésus guéri d’abord l’esprit de ce paralytique. « Tes péchés sont pardonnés », effacés.

Il montre par là qu’il a l’autorité de Dieu même en sa propre personne. En effet, Dieu seul peut remettre les péchés jusqu’à effacer les conséquences du mal. Jésus, par sa croix, a assumé toutes les conséquences du mal. Il les a pris sur lui pour donner à tout homme de se libérer du mal et de grandir à travers l’épreuve.

Jésus se présente comme le « fils de l’homme » et fait entrevoir ainsi que ce pouvoir peut être obtenu par l’intermédiaire des hommes : il annonce par ces paroles le sacrement de la rémission des péchés où le Christ se rend présent non seulement pour pardonner, mais surtout pour guérir des blessures du cœur. Trop de gens restent seuls avec leur souffrance qui les paralyse dans leur existence. Ce sacrement réconcilie l’homme avec lui-même et lui offre la possibilité d’une véritable résurrection.

Ces quatre hommes n’ont craint aucun obstacle. Ils montent sur le toit plat fait de planches, les écartent et descendent le paralytique. C’est là encore tout un symbole.

Monter sur le toit, c’est emprunter le même chemin que les gens de Palestine prenaient pour aller prier, pour s’élever symboliquement plus près de Dieu, en contemplant la voûte céleste. C’est sur ce même toit plat que Pierre montait pour prier, comme en témoignent les Actes des Apôtres. Ces hommes font une démarche courageuse soutenue par leur prière.

Puis ils descendent le paralytique, devant les gens, près de Jésus. Ce mouvement rejoint celui de Jésus qui est descendu au milieu de nous pour se rendre accessible, visible dans son Église. Ces quatre hommes font preuve de courage, d’ingéniosité et d’audace. Nous sommes invités à les imiter pour trouver des chemins qui mènent au Christ dans notre société actuelle, dans l’Église d’aujourd’hui. C’est à plusieurs, dans une expérience de communion créative que l’on accède à Jésus.

Jésus guérit l’homme jusque dans son corps. Il annonce ainsi la résurrection. À sa parole, il se redresse, prend son brancard et sort devant tout le monde. Il devient un témoin de la puissance de la Parole du Christ. Il devient une parole d’Évangile, une Bonne Nouvelle pour les autres !

Nous aussi, chers frères et sœurs, entrons dans cette solidarité, cette communion profonde en Église pour rayonner le Christ. Que cette communion eucharistique nous remplisse d’un dynamisme nouveau au service de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. Amen !»

Lectures bibliques : Isaïe 43, 18…25; 2 Corinthiens 1, 18-22; Marc 2, 1-12

Homélie du 12 février 2012

Prédicateur : Abbé Jean-Pascal Vacher
Date : 12 février 2012
Lieu : Eglise Saint-Jean, Fribourg
Type : radio

6e dimanche du temps ordinaire

Jésus veut que nous venions le toucher avec tout notre être.

Chers frères et sœurs, et vous toutes et tous qui nous rejoignez par les ondes et qui êtes précieux aux yeux de Dieu, deux faits de l’Ancien Testament vont éclairer notre compréhension de l’évangile, et par conséquent notre manière de nous approcher de Jésus.

Premier fait (cf. 2 S 24) : le roi David ordonne le recensement de tout son peuple. Après les résultats, il prend conscience qu’il a commis un grave péché. Un prophète envoyé de Dieu lui confirme sa culpabilité et lui propose à choix de la part de Dieu trois châtiments. David, connaissant d’expérience la miséricorde de Dieu, choisit de tomber de préférence entre les mains du Tout-puissant plutôt que d’être livré entre les mains de ses ennemis. La peste survient pendant trois jours !

Deuxième fait (cf.1 S 4) : dans une période d’infidélité à Dieu, après une défaite militaire cuisante, le peuple d’Israël fait venir l’arche d’Alliance au milieu de ses troupes, espérant fermement échapper à la domination de leurs adversaires. L’armée ennemie prend peur. Maintenant que Dieu est là, Israël se sent en confiance. Le combat s’engage. Pourtant, la défaite est totale !

Ces deux faits nous apparaissent sibyllins. En quoi un recensement serait-il un péché ? Pourquoi, Dieu présent, n’aide-t-Il pas son peuple dans les conflits de la guerre?

En ordonnant le recensement, David affirmait avoir la maîtrise sur le peuple de Dieu. En quelque sorte, il disait vouloir faire l’économie de Dieu. Il n’en avait plus besoin ! Il maîtrisait tout ! Cette attitude est une fermeture de cœur à l’irruption de Dieu ! Elle refuse à Dieu la possibilité de nous surprendre ! Elle Lui refuse la possibilité d’intervenir dans nos vies ! C’est en cela qu’il s’agissait d’un grand péché ! Dieu n’a plus rien à faire avec nous ! Il est mis de côté !

En faisant venir l’arche d’Alliance au milieu d’eux, mais sans aucune intention d’accorder réellement leur vie à la volonté de Dieu, les fils d’Israël considéraient Dieu comme un truc : « J’appelle Dieu ! Il vient ! Ça marche ! Je suis délivré ! Je n’ai pas besoin de m’impliquer ! Je suis dispensé de me convertir ! Je fais de Dieu mon esclave ! Il est à mon service quand j’en ai besoin, comme j’en ai besoin ! Et si je n’en ai pas besoin, je Le mets de côté !» C’est une conception magique de ma relation à Dieu ! Dieu n’est plus Dieu !

Manifestement, ces deux conceptions très proches l’une de l’autre faussent l’image de Dieu en nous. Elles nous empêchent de découvrir Dieu en vérité. Elles nous empêchent de bénéficier de la force de son amour. Et somme toute, elles restent très actuelles. Notre monde avec ses progrès techniques considérables ne nous donnent-t-ils pas l’illusion de pouvoir bientôt tout maîtriser et par conséquent de pouvoir nous passer de Dieu ? Et lorsque nous faisons encore appel à Dieu, n’avons-nous pas aussi tendance à Le considérer comme un produit de consommation comme un autre ? Reconnaître que nous participons de cette mentalité et qu’elle peut polluer notre esprit, c’est déjà nous mettre sur la voie de la guérison en posant le bon diagnostique !

L’attitude de Jésus dans l’Evangile nous découvre quelque chose de tout différent. Elle nous fait comprendre celle de Dieu dans l’Ancien Testament. Impossible d’enfermer Jésus dans nos catégories humaines étriquées ! Jésus nous surprend toujours ! Il nous invite à rester ouvert à ses initiatives ! L’attitude du lépreux à l’égard de Jésus est en cela d’une justesse admirable ! Elle nous apprend à recevoir de Dieu ce que Lui veut nous donner. Et ce qu’Il veut nous donner est toujours mieux que ce que nous pouvons imaginer parce qu’Il nous aime à la folie !

Le malade atteint de la lèpre était déclaré immonde. Il devait lui-même manifester par des signes son exclusion de la société. Il devait éviter tous contacts avec ses semblables. La lèpre constituait par conséquent une sorte de mort religieuse et civile, et sa guérison une sorte de résurrection. En s’approchant de Jésus, le lépreux sait qu’il ne maîtrise rien, et surtout pas sa maladie. Il affirme sa foi en Jésus. Il est convaincu qu’il peut tout. Sa confiance est totale. Par sa prière, il s’ouvre à l’action de Jésus, et attend humblement sa réponse : « Si tu le veux, tu peux me purifier. » Son cœur est totalement impliqué et son corps l’exprime : « Il tombe à genoux et supplie Jésus. » Dans sa liberté souveraine, Jésus répond également en impliquant tout son cœur. Il pose aussi un geste corporel très sensible : « Pris de pitié devant cet homme, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux, sois purifié. » Et la guérison survient à l’instant même !

Nous devons encore aller plus loin pour découvrir toute la profondeur du geste affectueux de Jésus à l’égard du lépreux. Ce lépreux est figure du Christ en sa passion. Jésus voit en lui sa destinée. Il sera rejeté par le peuple et défiguré par les outrages. Mais c’est justement ses plaies conservées par la puissance de sa résurrection qui deviennent source de relèvement pour tous les hommes.

C’est aussi en contemplant le crucifié que nous pouvons comprendre pourquoi, tout au long de l’histoire, Jésus ne guérit pas tous les malades et ne nous libère pas de toutes nos épreuves, alors qu’il en a le pouvoir. Certains malades, il les guérit pour donner un signe visible qu’il est le Sauveur. Certains autres qui n’obtiennent pas la guérison alors qu’ils l’ont imploré avec confiance, il les associe à ses souffrances. Le don, tout en étant plus mystérieux, n’est pas moindre. L’action de Jésus dans le secret du cœur prépare à celui qui vit l’épreuve dans l’amour, un poids extraordinaire de gloire pour l’éternité. Pour l’instant, la victoire n’est pas visible, mais elle sera encore plus éclatante au-delà de la mort !

Dans l’histoire de l’Eglise est demeuré célèbre l’épisode de la rencontre entre saint François d’Assise et le lépreux. Il est proche de notre évangile. Il illustre bien l’intervention de Dieu qui bouleverse notre mentalité. François était jeune. Il venait de donner son cœur à Jésus. Alors que, parmi toutes les horreurs de la misère humaine, il éprouvait instinctivement une répugnance particulière pour les lépreux. Voilà qu’il en rencontre un au cours d’une randonnée à cheval. Il a un frisson, mais pour ne pas trahir sa décision de devenir « chevalier du Christ », il saute de selle, et au lépreux qui lui tend la main, il remet de l’argent et l’embrasse. A ce moment l’Esprit du Christ fait irruption dans le cœur de François. Il lui donne de poser ce geste de tendre compassion avec une telle intensité qu’il devient pour le lépreux et pour lui expérience de la tendresse inconditionnelle de Dieu. Ce lépreux ne semble pas avoir été guéri ! Pourtant, par ce geste, il a reçu plus que la guérison physique. Il a reçu la certitude d’être aimé de Dieu. C’est l’amour qui sauve ! C’est l’amour qui guérit ! Du reste, une guérison physique sans amour n’apporterait pas la joie à notre âme !

Si saint François a eu un tel rayonnement, c’est parce qu’il allait boire à la source en se laissant surprendre par la logique de Dieu dont la puissance nous rejoint par des gestes tout simples, tout humbles, par des gestes matériels qui correspondent au mystère de l’Incarnation. Il allait en pauvre, le cœur tout ouvert s’abreuver à la richesse du Coeur du Christ dont la vie jaillit par les sacrements.

Aujourd’hui encore, par les sacrements, Jésus fait irruption dans nos vies. Dans l’Eucharistie, il se rend réellement présent et nous offre sa communion. Il nous invite à le rejoindre à la messe, ou si nous ne pouvons plus nous déplacer en lui demandant de venir à nous dans notre maison par le ministère d’un prêtre ou d’un auxiliaire de la communion. Par le sacrement du pardon, il agit pour notre guérison spirituelle. Par l’onction des malades, il donne à celui qui est sérieusement atteint dans sa santé la force de vivre son épreuve en union avec sa passion ; et même s’il ne lui apporte pas toujours la guérison physique, il se penche vers lui avec amour pour le soutenir intérieurement en lui manifestant la bonté de Dieu. Dans tous les autres sacrements, Jésus intervient pour notre relèvement. Mais pour que la Vie qu’il veut nous donner en plénitude parce qu’il nous aime, se répande dans notre cœur pour notre joie, il est nécessaire que notre cœur lui appartienne. L’efficacité des sacrements n’est pas magique. Elle n’est pas automatique. Elle porte ses fruits dans la mesure où notre cœur est ouvert à la grâce de Dieu, où notre liberté accueille la surprise de Dieu. Jésus veut que nous venions le toucher avec tout notre être. Il veut que nous venions le toucher avec une foi vive qui s’exprime par tous les gestes de notre vie quotidienne, même les plus humbles de notre corps.

L’initiative de Dieu et les dispositions de notre cœur, nous les avons demandées dans la prière d’ouverture : « Dieu qui veut habiter les cœurs droits et sincères, donne-nous de vivre selon ta grâce, alors tu pourras venir en nous pour y faire ta demeure. Par Jésus le Christ. Amen.

Lectures bibliques : Lévites 13, 1-2, 45-46; 1 Corinthiens 10, 31 – 11,1; Marc 1, 40-45