Homélie du 30 octobre 2011

Prédicateur : Abbé Hugo Gehring et Stefan Arnold
Date : 30 octobre 2011
Lieu : Eglise Saints Pierre et Paul, Winterthur
Type : tv

Chers Frères et Sœurs,

Cela paraît être une loi de la nature : les forts dominent les faibles, l’étranger ou celui qui est différent n’est pas considéré, il est écarté, même discriminé et les puissants tirent avantage du pouvoir pour eux-mêmes – heureux celui qui connaît quelqu’un, dans une position de chef, qui n’agit pas de la sorte !

Il n’y a qu’un domaine où nous nous comportons autrement : quand il s’agit de notre propre descendance. Oui, dans la famille, d’autres règles sont appliquées. Les forts utilisent leur force pour protéger les plus faibles, et là, personne n’est perçu comme étranger ou différent, là, le pouvoir sert à accroître le potentiel de vie des sans-pouvoir. Dans ce cas, c’est vraiment l’autorité au sens originel du terme qui est exercée. En latin, le mot auctoritas vient du verbe AUGERE, qui signifie augmenter/ accroître. Autorité est alors véritablement un pouvoir exercé dans le sens d’un « devenir plus », de faire advenir.

Jésus vit à une époque et dans un contexte où la famille, c’est le clan qui représente un cercle de personnes relativement grand. Une situation que l’on observe encore souvent aujourd’hui en Orient et dans de nombreux pays du Sud. Le maître de Nazareth encourage à dépasser le système clanique, qui, à plusieurs égards, peut être enfermant. Jésus élargit cette organisation familiale traditionnelle. Pour lui, la famille se comprend comme la communauté de tous les êtres humains. Ainsi il accorde une place en tant que mère, frère ou sœur à toutes celles et tous ceux qui font la volonté de Dieu.

Il décrit explicitement cette conception de la famille dans la parabole du Samaritain. Cet homme issu du pays de Samarie aide de manière totalement désintéressée un membre d’un peuple ennemi, en l’occurrence du peuple israélite.

Que l’on se permette d’aider à l’intérieur de sa famille ou dans son propre cercle, cela se comprend, que quelqu’un envisage comme prochain un étranger, voire un ennemi et agit en conséquence, c’est une provocation pour les gens d’autrefois qui écoutaient Jésus – et je crois dans le fond que c’est encore une provocation pour nous aujourd’hui.

Dans le passage de l’Evangile d’aujourd’hui Jésus nous le dit explicitement : « Vous êtes tous frères – et j’ajoute – sœurs. Le signe de reconnaissance de l’attitude chrétienne devrait être justement la fraternité, la conception familiale : ça veut dire : les forts font de leur mieux au profit du faible, ils découvrent la particularité, la richesse de ce qui apparaît comme étranger, ils utilisent leur pouvoir au profit et au besoin des sans-pouvoir.

Paul résume cet être ensemble illimité avec une image magnifique : celle du corps et de ses membres qui sont très différents et qui forment pourtant une unité admirable. C’est pourtant une représentation contraire de la conception de l’être ensemble à l’état primitif qui induit la guerre, les antagonismes, la concurrence et la rivalité. Il y dans tout cela une réalité que l’on ne peut nier.

Mais pourtant, plus profondément, aux origines, dans ce qu’il y a de plus central et essentiel pour nous, êtres humains, c’est d’avoir été créés pour former une société qui se veut orienter sur le modèle familial, grandir ensemble comme la grande famille de l’humanité.

La dernière phrase de la lecture de Paul sur le corps et les membres est une formule qui est au cœur du message chrétien. Elle dit : « les membres du corps qui paraissent les plus faibles sont indispensables.»

Au milieu d’un monde du darwinisme social, dans lequel seul compte la survie du plus fort et considère comme naturelle, la disparition du plus faible, le message chrétien tout au contraire envisage les membres du corps qui paraissent les plus faibles comme indispensables. C’est fort !

Que nous manquerait-il si par exemple il n’y avait personne qui demande des soins, sur qui veiller, personne à l’âme sensible, personne qui soit lente ou moins capable de s’organiser ?

Que se passerait-il si nous n’étions tous que des vainqueurs, des gagnants, des personnes pleines de succès ?

Ne s’agirait-il pas d’une mutilation de la vie ?

Stefan Arnold est comme moi théologien, il dirige la pastorale des personnes avec handicap dans le canton de Zurich. Il rencontre et a rencontré par son travail mais aussi au travers de son parcours personnel des hommes et des femmes avec handicap. Il nous raconte concrètement, ce qui nous manquerait si nous nous fermions à ces hommes et ces femmes et même le gain irremplaçable qu’ils représentent pour nous.

STEFAN ARNOLD :

Nous avons tendance à nier, à refouler les questions inconfortables. Mais la vie nous pose des questions inconfortables. Je l’ai vécu quand j’ai habité sous le même toit pendant un an avec des personnes avec un handicap intellectuel. Les questions inconfortables, c’était du style : Quel est le sens de ma vie ?

Aucun théologien, aucun psychologue, aucun philosophe ne pouvait me donner une réponse. Mais un jour, j’ai vu Joseph, un homme avec un handicap intellectuel qui justement paraissait être quelqu’un de plus faible. Au repas, pour aller au lit, pour se lever, il avait besoin d’aide. Joseph se réjouissait beaucoup de la visite de ses parents, parce qu’ils ne venaient presque jamais. Joseph, ce n’est pas avec des mots qu’il a répondu à mes questions sur le sens de la vie.

La réponse c’est : Etre en relation, aimer les gens, jusqu’à mourir s’il le faut, ça c’est le sens de ma vie. Ou alors comment qualifieriez-vous le fait que les jambes de Joseph se dérobaient sous lui à l’idée de revoir ses parents, tellement il était empli de joie et d’excitation ?

J’étais en visite dans une classe d’enfants avec un handicap intellectuel, pour un cours de religion. Les élèves avaient comme consigne de retirer un cœur dans du papier prédécoupé et de le décorer. Ils devaient ensuite présenter leur œuvre à leurs camarades. Dans ce groupe, il y avait un jeune qui souffrait d’autisme. Il était plongé dans ses pensées, complètement dans son monde et jouait avec ses doigts. J’ai été impressionné de voir comment ces enfants qui donnent l’impression, tout comme Joseph, d’être plus faibles, savaient s’y prendre pour que ce garçon autiste regarde leur cœur décoré et qu’il réagisse à leur bricolage.

Je me disais mais pourquoi d’autres enfants, des enfants sans handicap, ne pourraient vivre cela et apprendre ?

Dans mon travail de pastorale, je collabore avec une femme sourde. Dans le monde des bien-entendants, elle serait souvent considérée comme une personne paraissant faible. Pourtant la surdité ne rend en rien notre collaboration impossible. Au contraire : le handicap ouvre une nouvelle façon de communiquer. Ma collègue déclare : « la langue parlée est pour moi une langue morte ». C’est pourquoi je me donne la peine d’apprendre quelques gestes et de les utiliser. Ainsi mon langage avec ma collègue est plus vivant et plus compréhensible. Elle ne doit pas seulement lire sur mes lèvres. Mon corps entier parle pour elle. Par le regard et avec une bonne lumière, je parviens même à lui parler dans un grand espace très bruyant, au-delà des gens, sans utiliser ma voix. Je trouve cela fascinant.

Les hommes et les femmes avec un handicap ne sont pas des créatures imparfaites. Ils ne sont pas différents de nous autant que nous nous différencions entre gens sans handicap. Elles sont nos sœurs, ils sont nos frères. En eux, vit comme dans chaque être humain, l’Esprit de Dieu. Dieu qui souhaite agir au travers d’eux dans notre monde et notre Eglise. Là où nous excluons de l’Eglise les personnes avec handicap, nous repoussons l’Esprit saint et nous ne sommes plus Eglise.

HUGO GEHRING :

A la fin de ce témoignage, j’aimerais vous lire un texte d’une femme qui souffre de troubles cérébraux que je connais. Je l’ai connu lors d’une rencontre de personnes qui n’ont pas de handicap visible.

Dans son texte, elle se voit d’abord au milieu d’environ 150 participants, elle observe que nous nous exprimons de manière très semblable. Ensuite, elle jette un regard sur elle-même et se décrit comme très différente. Cependant, elle conclut avec une pensée très profonde sur l’égalité entre les hommes et les femmes – une réflexion que nous voudrions vous laisser comme notre credo pour aujourd’hui. Je vous lis son poème :

« Un visage parmi beaucoup d’autres.
Oui ce visage semblable aux autres appartient à chaque être humain.
Oui ce visage qui a un nez, une bouche, deux yeux et deux oreilles.
Et malgré tout chaque visage est différent en apparence.

Un visage pas comme les autres.
Oui, mon regard se fait remarquer des gens.
Oui, mon visage est tellement différent.
Mes difficultés d’expression, de vision et d’écoute et les gestes involontaires de ma tête.
Et pourtant mon visage brille de joie
Et avec la volonté, l’impossible devient possible et tout cela malgré mon handicap.

Pour toi, Seigneur Jésus Christ, le seul vrai handicap est de ne pas pouvoir aimer. Nous sommes tous handicapés quant à l’amitié. Apprends-nous à aimer comme toi, pour nous aider tous à chercher ton visage. »

(Traduction : Evelyne Oberson)»

Lectures bibliques : Malachie 1, 14 – 2, 2-10; 1Thessaloniciens 2, 7-13; Matthieu 23, 1-12

Homélie du 23 octobre 2011

Prédicateur : Abbé Marc-Louis Passera
Date : 23 octobre 2011
Lieu : Eglise de Chêne-Bourg, GE
Type : radio

30e dimanche du temps ordinaire – Mission universelle

« Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? » (Mt 22,36). Qu’est-ce qui est premier, qu’est-ce qui rend heureux ? La réponse de Jésus, nous l’avons entendue, elle nous est familière : tout se joue dans la relation à Dieu et aux autres. Aimer Dieu, aimer son prochain. Un amour entier dans lequel on s’implique de tout son être. « Tout ce qu’il y a dans l’Ecriture » mais aussi tout ce à quoi aspire notre cœur « dépend de ces deux commandements » (Mt 22,40). Et l’invitation de Jésus s’adresse à nous aujourd’hui : toi aussi, fais ainsi, donne à ta vie ce style-là, cette couleur-là !

  1. C’est aujourd’hui le dimanche de la mission universelle. Spontanément, je me suis dit qu’il eût été préférable de faire appel à quelqu’un qui a vécu la réalité de la mission au loin. Et ils sont nombreux : prêtres, religieux, religieuses, mais aussi tous ces volontaires qui ont consacré une partie de leur vie à la mission. Je suis émerveillé d’apprendre que chaque année des étudiants venant de terminer leurs études ou des couples plus ou moins jeunes consacrent une ou plusieurs années au service des jeunes églises. Leurs témoignages sont souvent enthousiasmants, parfois même héroïques. Dans nos communautés, combien de fidèles très actifs ont été marqués à vie par leur séjour missionnaire en Afrique, en Amérique latine ou en Asie ou ailleurs.

Alors, j’ai laissé retentir en moi le slogan: « l’Eglise est par nature missionnaire » (Ecclesia peregrinans natura sua missionaria est – ad gentes 2). Et je me suis souvenu du titre provocateur d’un petit livre publié en 1943 « France, pays de mission ? » ; une analyse tellement lucide qu’on a souvent oublié que le titre se terminait pas un point d’interrogation. Une lecture tellement efficace qu’elle a éveillé en beaucoup un nouveau type de conscience missionnaire.

Dans la rencontre avec mes contemporains je dois souvent prendre acte que « en occident, le christianisme a un goût de déjà vu et nombre de personnes pensent qu’il n’a rien à offrir de nouveau » (Mgr Kurt Koch , A dire vrai, Saint Maurice, 2001, p. 154). Autour de moi j’entends souvent retentir la tristesse de ceux qui ont l’impression de n’être plus que quelques-uns à vouloir suivre encore le Christ. Ils ont raison les évêques de France quand ils disent: « Ce qu’il suffisait naguère d’entretenir doit être aujourd’hui voulu et soutenu (…) proposés comme l’objet d’un choix » (Les évêques de France Proposer la foi dans la société actuelle, Paris, 1996, p. 38). Alors je saisis mieux que le dimanche de la mission universelle me concerne, moi, qui ai été envoyé dans une paroisse genevoise, qu’il nous concerne, nous qui écoutons la Parole et qui voulons en vivre.

  1. En effet qu’est-ce que la mission à laquelle nous sommes tous appelés ? Les paroles de Jésus que nous venons d’entendre retentissent comme une réponse, parce qu’elles nous mènent au cœur de la foi.

Etre envoyés aujourd’hui, ce n’est pas avant tout chercher à faire passer des idées, même si cela est précieux. Ce n’est pas non plus défendre à tout prix une culture ou une civilisation, même si sa richesse mérite d’être partagée.

Répondre à l’appel du Christ qui nous appelle et qui nous envoie aujourd’hui dans notre monde, tel qu’il est et qui nous fait confiance, c’est d’abord accueillir son invitation à vivre de tout notre être de ce qui est premier, à vivre dès maintenant de la vie éternelle. Et cela devient un style de vie : aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme et de tout notre esprit et aimer notre prochain comme nous-mêmes.

Il me semble que l’élan missionnaire est exprimé tout entier dans le témoignage que nous livre Jean dans sa première lettre : « Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est lui qui nous a aimé » (I Jn 4,10) et dans la conclusion qu’il en tire : « Si Dieu nous a aimés ainsi, nous devons nous aimer les uns les autres » (I Jn 4,11). Et nous comprenons bien que ce « nous devons » n’est pas une obligation qui nous serait extérieure, c’est une manière d’être tout entier habités d’un amour reçu gratuitement et qui ne peut que se traduire en un amour qui se donne.

Paraphrasant saint Paul, on pourrait dire de la mission de l’église : « J’aurais beau avoir les arguments les plus convainquant, disposer des moyens de communication les plus efficaces, être reconnu par le monde de la culture et apprécié dans l’air du temps ; si je n’ai par l’amour, ça risque de n’obtenir qu’un succès illusoire, ça risque de sonner creux».

  1. Mais attention, le verbe aimer est facile à prononcer, mais il aura la consistance qu’on lui donnera. C’est encore saint Jean qui écrit : « aimons-nous, mais dans le faits et en vérité » (I Jn 3,18).

Qui sont les femmes et les hommes qui nous ont marqués, qui nous ont aidés à devenir ce que nous sommes ? Je vous suggère de prendre un peu de temps pour regarder leurs visages, pour les nommer. Nous y retrouverons très probablement une réalité d’amour qui a pris corps tout près de nous et qui s’est manifestée dans les grandes décisions de nos vies comme dans les petites choses de tous les instants (Mais y a-t-il vraiment de petites choses dans le mystère de l’amour ?…). Nous y retrouverons une manière d’être dans laquelle s’est montré à nous ce qui est premier, ce qui vaut d’être vécu ce qui rend heureux. Nous y retrouverons des femmes et des hommes qui, chacun à sa manière nous ont montré quelque chose du visage de Dieu.

Le dimanche de la mission universelle nous offre d’élargir encore le cercle. Cette année, parmi tant de sœurs et de frères en Christ, Missio nous invite à faire connaissance avec des croyants courageux au Nicaragua.

Ivana et son enthousiasme : dans une région qui connaît bien des difficultés elle porte le souci des plus petits, elle les accompagne, elle les aide à se former. Elle œuvre avec d’autres qui lui font confiance et elle s’émerveille : « J’ai pu développer des capacités que je ne savais même pas que j’avais ». Alors, quand elle parle de l’église, elle aime dire que c’est un « réseau d’espérance ».

Son évêque qui nous écrit : « J’espère que le lien fraternel de nos deux églises (…)va nous enrichir mutuellement. Laissez-vous enrichir par nous dans votre église Suisse où l’Evangile est parvenu vers le IIIème siècle, et nous par vous, dans notre église encore jeune et pauvre, mais rayonnante d’espérance ».

Elle a raison, Ivana de parler de l’église comme d’un réseau d’espérance. Et dans ce réseau chacun de nous a sa place, chacun est attendu. Chacun de nous est envoyé, aussi.

Je voudrais le dire tout particulièrement à vous, qui nous suivez à la radio parce que vous ne pouvez pas faire autrement à cause de vos conditions de santé ou de votre âge ou d’autres raisons.

Peut-être souffrez-vous avec l’impression de ne pas pouvoir prendre part à la mission de l’église. Détrompez-vous et laissez-moi vous le dire en toute simplicité : il y a une extraordinaire fécondité dans la souffrance. C’est le témoignage de Paul quand il dit: « c’est quand je suis faible que je suis fort » (II Cor 12,10). C’est aussi le témoignage de nos sœurs et de nos frères du Nicaragua. Il nous est infiniment précieux de nous porter les uns les autres. Et j’aime dire que quand nous nous portons les uns les autres on finit par ne plus savoir qui porte qui parce qu’on est heureux d’avancer ensemble…

  1. Le dimanche de la mission redit à chacun de nous que nous sommes appelés, envoyés, attendus. Mais il nous fait surtout entrer dans un grand mystère. Il nous permet de saisir que dans notre amour des autres c’est notre être profond qui se révèle. Nous sommes appelés à vivre de la vie même de Dieu, du Dieu unique Père, Fils et Esprit, du Dieu relation en qui tout n’est qu’amour.

Puissions-nous nous en émerveiller toujours et que notre émerveillement soit contagieux !»

Lectures bibliques : Exode 22, 20-26; 1 Thessaloniciens 1, 5-10; Matthieu 22, 34-40

Homélie du 16 octobre 2011

Prédicateur : Chanoine Guy Luisier
Date : 16 octobre 2011
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio

Mes frères mes sœurs,

Au moment où notre pays va entrer un processus électoral pour se donner de nouvelles autorités politiques, entendre Jésus nous dire : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » prend bien sûr une coloration toute particulière, sachant que César ici désigne le pouvoir politique.

M’est revenue à l’esprit, de façon tout à fait insidieuse, cette phrase féroce de Coluche à propos de la politique :

Ce n’est pas dur la politique comme métier, tu fais 5 années de droit puis tout le reste de travers.

Remarque terrible et sans doute très amère et injuste. Mais en même temps, elle place le débat et la problématique de la vie en commun sur le terrain de la rectitude et de la droiture. Et c’est là sans doute que Jésus veut nous mener lorsqu’il nous laisse ce conseil comme frappé de bon sens, de pertinence et d’insoupçonnable profondeur : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. »

Posons quelques principes de base à notre réflexion :

Comme Jésus, les prêtres de l’Eglise n’ont pas à faire de politique active. Tout en étant dans le monde, leur action se situe à un autre niveau. Les prêtres n’ont pas à faire de politique, ils ont pourtant à montrer les enjeux et les défis d’une saine relation entre la vie politique et la foi, entre le bien commun de la terre et une orientation de la vie au-delà d’elle-même en Dieu.

Ainsi l’Eglise, comme communauté de baptisés, doit faire de la politique car elle est constituée de laïcs qui doivent orienter le monde concret, réel, vers le bien commun et vers le bien final qui est en Dieu.

Et c’est en fait cela le grand enjeu d’aujourd’hui : est-ce que les hommes et les femmes de maintenant savent encore qu’ils sont orientés. Oui, notre vie est orientée, elle va droit sur Dieu (nous devons aller rendre à Dieu ce qui lui revient)… et notre vie est orientée sur nos frères et sœurs (ainsi nous devons accepter que notre vie en commun soit prise en charge par une autorité). Dans la rectitude et la droiture.

Et c’est ici tout le problème, auquel la foi se coltine et que Jésus lui-même voit bien. Entre politique et foi religieuse, les relations sont souvent difficiles ou ambiguës. Il n’est pas simple de trouver le bon équilibre entre les prétentions du pouvoir public sur les gens et les prétentions de Dieu sur ce monde qu’il a fait et qu’il mène à son achèvement.

Jésus vivait dans un contexte non démocratique, c’est le moins que l’on puisse dire. Il voyait lucidement les faiblesses, les errances orgueilleuses et les erreurs sanglantes de l’autorité politique de son temps, qui était celle de César, l’envahisseur romain qui avait la prétention de civiliser le monde entier.

Jésus vivait dans un contexte politique où l’injustice était plus criante que la justice et la paix. Il en paiera le prix fort, celui de sa vie même sur la croix.

Et pourtant, face à cela, son chemin de droiture est un chemin qui voit plus loin et de plus haut la situation et la vocation de l’homme. Cela peut se résumer ainsi : l’homme, tout homme va vers Dieu à travers les solidarités humaines.

Sans doute vivons-nous – du moins ici en Europe – dans une situation plus sereine que celle de Jésus en son temps. D’autres pans de l’humanité, d’autres chrétiens sont moins bien lotis que nous face à leur César. Comment entendre avec sagesse et sérénité ce que dit et fait Jésus ?

En acceptant positivement et activement qu’il y a toujours, en nous autour de nous et plus loin, à lutter pour aller droit et pas de travers.

Nous devons rendre à César, au politique tout ce qui contribue à de droites solidarités humaines mais en sachant que nous devons nous rendre à Dieu, par un chemin de droiture et de rectitudes.

Lorsque l’on parle aujourd’hui de droiture et de rectitude, on pense assez communément à la raideur. Or Jésus justement échappe à cette raideur de ses ennemis pharisiens et, dans la douceur, montre un chemin de droiture. Ses adversaires euxmêmes pouvaient le lui témoigner, eux qui lui ont dit : « Tu es toujours vrai, tu enseignes le vrai chemin vers Dieu. »

La droiture qui anime Jésus dans sa vision politique, sociale, communautaire et solidaire, il la tire de son orientation absolue vers Dieu son Père.

Qu’est-ce que nous pouvons tirer de cela, nous qui vivons dans un monde démocratique oui, mais à qui il manque peut-être quelques repères d’absolu de justice et de solidarité ? Que pouvons-nous faire pour que la vie publique soit plus conforme au chemin de Jésus ? Une chose, me semble-t-il. Savoir où nous nous rendons ! Ne pas perdre de vue que notre chemin de vie et de foi nous rend vers Dieu, nous rend à Dieu.

Dans la vie ordinaire, cela a des implications toutes simples. Si je dois me rendre à Dieu, j’ai à me respecter dans mes actes même les plus petits, dans mes paroles mêmes les plus simples, je dois me respecter comme appartenant à Dieu.

Dieu m’a mis au monde, dans ce monde comme il est, avec ses Césars orgueilleux, ses Césars ambitieux, ses Césars sanguinaires ou incompétents ou qui font tout de travers. Il m’a mis dans ce monde-là pour que je me rende à lui. Si possible, à l’image de Jésus, c’est à dire plus vrai, plus lumineux, plus solidaire, plus pacifique !

Notre vocation est magnifique.

Rendons à Dieu ce qui est à Dieu, c’est-à-dire nous-mêmes.

Amen

Lectures bibliques : Isaïe 45, 1-6; 1 Thessaloniciens 1, 1-5; Matthieu 22, 15-21

Homélie du 09 octobre 2011

Prédicateur : Abbé Joël Pralong
Date : 09 octobre 2011
Lieu : Eglise St-François de Sales, Salins, VS
Type : radio

Vous vous souvenez du « mariage du siècle » entre William et Kate ? 1900 invités : et du haut standing ! Parmi les convives, une brochette de célébrités, d’aristocrates, de chefs d’Etat, de monarques, tous mis sur leur trente et un. Un look d’enfer ! On ne renonce pas à venir à la noce d’un fils de roi ! Et même ceux qui n’y étaient pas invités ont voulu être là, avoir eux aussi droit à une petite part du gâteau, massés devant l’abbaye de Westminster ou sur un bout de trottoir, nous rapporte la presse people. Et sans oublier les 2 millions de téléspectateurs scotchés à leur petit écran… Comme s’ils y étaient !

Et si tout le monde avait tourné le dos à ce mariage de fils de roi ? Non, non, je plaisante… Mais alors comment avaler le refus des invités à la noce de ce fils de roi dont il est question dans notre parabole ? Et qui plus est : le Fils de Dieu. Là, on touche le sommet de l’absurdité ! Moi, si j’avais été ce roi, je ne me serais pas gêné d’aller tordre le cou à ces gens-là, et avec toute une armée, c’est sûr ! Mais rassurez-vous, Dieu ne réagit pas comme moi ; dans la réalité, il n’a pas mis ses menaces à exécution. Dans l’escarcelle de sa miséricorde, il a trouvé d’autres paraboles : le retour du fils prodigue, par exemple, le berger qui cherche inlassablement sa brebis égarée, blessée, repliée sur elle-même. Pouvait-il faire plus pour nous attendrir ?

Il faut dire que ce roi se réjouissait tellement de partager son bonheur avec ses invités. Mais tous refusent : ils ont d’autres choses bien plus importantes à faire. Ils ne se rendent pas compte que le bonheur auquel leur cœur aspire, se trouve en Dieu. Ce sont certainement des gens importants, qui ont des choses importantes à faire, avec des gens encore plus importants, mais qui n’entendent plus l’appel de leur cœur. Savent-ils encore s’ils en ont un ? Ah ! Les gens importants et indispensables, les cimetières en sont pleins !

Un jeune me disait : « aujourd’hui on ne s’intéresse qu’aux gens performants, on embauche les meilleurs, on regarde les qualifications, et nous, nous crevons sur place de ne pas être aimés et considérés… » Cela n’est pas productif pour l’économie. En attendant, ce sont bien des « Mozart » que l’on assassine sur l’autel du rendement et du profit. Un monde sans musique, sans poésie et sans spiritualité, c’est un monde sans âme. Sait-on encore pourquoi et pour qui on vit ? « Les gens ont assez de moyens pour vivre, mais souvent, ils n’ont aucune raison de vivre », disait un psychiatre. Les moyens épuisés, l’homme sombre dans le vide de l’âme et le non-sens de l’existence.

« Alors, allez donc chercher tous ceux que vous rencontrerez à la croisée des chemins… » Allusion à tous ces déçus de la vie, à ces pauvres, à ces fragilisés de la vie, à ces mendiants de bonheur, à ces gens qui ont du cœur à revendre, qui présentent un avantage certain sur les autres : dégagés du paraître, leur cœur est mis à nu ; ils entendent l’appel de l’Amour, l’invitation du Roi. Puissions-nous être de ceux-là ! Je me souviens de cet enfant handicapé qui disait : « Maman, je n’ai plus de jambes ni de bras, c’est vrai, mais j’ai encore un cœur pour t’aimer ! » Et ce cœur battait tous les records de tendresse…

En visitant la salle des noces comble, je m’aperçois qu’il n’y a pas que des bons mais aussi…des mauvais ! Tiens, le portier aurait-il laissé entrer quelques racailles dans ce petit paradis ? Entre nous soit dit, ça me rassure car, cette fois-ci, je suis persuadé que moi aussi j’aurai une place ! En terre chrétienne, voyez-vous, le péché ce n’est pas grave quand on est pardonné. L’évangile inverse la vapeur : Dieu nous aime jusque dans notre péché ; il faut juste lui dire : « OK, j’accepte d’être aimé jusque dans les parties de ma vie les plus sombres ! » Ce n’est pas si simple que cela, ça demande beaucoup d’humilité. Ce qui est grave, c’est de refuser la main que Dieu nous tend, en s’enfermant dans son orgueil. C’est certainement cela qui arrive à l’homme dépouillé du vêtement de noce. Dans ce vêtement de noce, je vois l’habit de lumière tissé des fils de la miséricorde du Père. Un vêtement que l’on reçoit, dont on est revêtu par le Père, à la manière du fils prodigue de retour à la maison dans la parabole de Luc. Il faut croire que « l’ami » en question a refusé jusqu’au bout de se laisser revêtir le cœur d’amour et de miséricorde. Sans l’habit de lumière, il appartient déjà aux ténèbres. Les évangiles ne biffent jamais le choix libre de l’homme entre la lumière et les ténèbres, et la possibilité de se perdre éternellement.

Peut-être n’avez-vous pas remarqué un détail de taille dans ces noces : mais où se trouve Kate ? Tiens, on ne parle nullement de la fiancée !

Et si, dans la réalité, la fiancée, c’était nous, cette part d’humanité que nous représentons ce matin, appelée à entrer dans l’intimité même de Dieu à travers une union nuptiale ? N’est-ce pas cela que nous sommes en train de célébrer ? Ces paroles disent tout: « Prenez et mangez ceci est mon corps, ceci est mon sang versé pour vous… » Il n’y a que l’amour pour tout donner… A chaque Eucharistie, le fils du roi se livre à nous corps et âme afin que dans nos veines coule la vie de Dieu, du sang royal ! Il épouse nos vies, il se lie à nous pour toujours, ce qui faisait dire à saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ! » D’ailleurs, pas pour rien que la messe commence par un baiser (liturgique) et se termine par un baiser déposé par le prêtre sur l’autel… ce qui veut dire qu’entre deux baisers, il n’y a que de l’amour.

Et les autres alors, cette multitude de ceux qui ne savent pas ?

Le Fils de Dieu ne les oublie pas lorsqu’il dit : «… le sang versé pour vous (qui êtes ici) et pour la multitude… » Cette multitude des gens qui ne sont pas là et qui ne savent pas. Le soleil eucharistique dépasse les murs de nos églises, ses rayons rejoignent le monde entier. Et nous, les invités à avoir répondu « présent » nous sommes les miroirs paraboliques qui reflétons la lumière sur tous ceux et celles que nous portons dans notre cœur en ce moment. Par l’offrande de nous-mêmes, les rayons de l’Amour se diffusent jusqu’aux quatre coins du monde, dans ses parties les plus sombres. D’où l’importance de notre présence ce matin et de l’offrande de tous ceux qui prient avec nous en ce moment afin que toute l’humanité se découvre aimée, tel un lever de soleil !

 

Bibliographie de Joël Pralong :

– Combattre ses pensées négatives, Editions Béatitudes, 2011

– Angoisse dépression culpabilité, Editions Béatitudes, 2011

– Dieu dans mes bagages, Edtions à la carte, 2010

– Le pouvoir des mains vides, Jérémie, le curé d’Ars, le prêtre, Edtions St-Augustin, 2009

– Apprivoiser son caractère, Editions Béatitudes, 2009

– De la faiblesse à la force, Editions Béatitudes, 2008

 

Lectures bibliques : Isaïe 25, 6-9; Philippiens 4, 12-20; Matthieu 22, 1-14

Homélie du 02 octobre 2011

Prédicateur : Abbé Joël Pralong
Date : 02 octobre 2011
Lieu : Eglise St-François de Sales, Salins, VS
Type : radio

Comment comprendre toutes ces violences dans l’évangile de ce dimanche ?

On se croirait dans un film où tout commence bien, puis au milieu, ça dérape et c’est la bagarre, et à la fin, c’est le plus faible qui devient le sauveur de tous, notre super héros, notre point d’appui… Lui, la pierre angulaire, le Christ !

Plutôt que rester scotchés aux images, centrons-nous sur la musique du film, en arrière-fond, fredonnée par Isaïe, du début à la fin : « Je chanterai pour mon ami le chant du bien-aimé pour sa vigne ! » Ce chant raconte l’histoire d’un Amour à la fois passionné et blessé, celle d’un Père au cœur immense qui voudrait tellement que tous ses enfants soient heureux. C’est le ton de tout le récit.

Saint Jean dans son évangile confirme cette intuition : « Le vigneron, le propriétaire de la vigne, c’est mon Père, Jésus la vigne et nous, les sarments ! » (Jn 15) Un Père qui entoure ses enfants de tellement d’amour comme le vigneron prend soin de sa vigne.

Tout au long de notre histoire sainte, celle d’hier et d’aujourd’hui, le Père envoie des messagers, des serviteurs, des prophètes, des saints pour consoler, encourager, et aussi mettre en garde son peuple afin que ses enfants bien-aimés demeurent toujours en alliance de cœur avec lui.

Mais les vignerons à qui est confiée la vigne ne l’entendent pas de cette oreille. Pour eux, le propriétaire n’est qu’un maître cruel, un patron sans cœur qui profite d’eux, qui vient les épier et leur demander des compte. Ils se méfient de lui, ils le soupçonnent, ils en ont peur… Ah ! Cette vieille peur d’Adam, sournoisement à l’affût, guettant la moindre faiblesse, pour nous paralyser : « Adam, où es-tu ?…J’ai eu peur et je me suis caché… » (Gn 3) A l’inverse, la peur attaque : on juge, on accuse, on agresse, on fonce dans le tas. Lorsqu’on se sent jugé par qui que ce soit, à commencer par sa propre conscience (c’est le juge le plus cruel), par son collègue de travail, son conjoint, ses enfants, son chef, enfin Dieu…, un climat de méfiance, de jugement, de jalousie, d’esprit de comparaison, de concurrence, s’installe autour de nous, et ça devient invivable.

Dans ce climat de méfiance, les envoyés sont éliminés un à un, ils sont de trop ! La logique quasi maladive du soupçon ! Alors, le Père se dit : « Je vais envoyer ce que j’ai de plus cher au monde : mon Fils ! » Et, avec une naïveté désarmante : « Ils respecteront mon Fils ! » Oui, Dieu est naïf, car l’Amour est naïf et tellement innocent. Il ne veut pas voir le mal, il ne pense qu’à arranger les choses… Ce n’est que folie d’envoyer ainsi son fils au milieu de ces meurtriers. Il voulait tellement nous donner un grand frère, ce premier-né d’une multitude de fils (Héb 2,11), pour nous aider à bâtir une vraie famille d’Eglise.

L’héritier à son tour est tué, lui, le Fils bien-aimé, notre grand frère. Lui qui, pourtant, ne venait pas réclamer l’héritage, mais nous le donner ! Et cet héritage, c’est lui-même, lui que nous célébrons en ce moment ! Et lorsque nous le recevons, il change notre cœur, il transforme nos relations avec les autres, il nous fait passer d’une religion de la peur et de la méfiance, à une vraie relation de confiance avec le Père. Parce que sans lui, sans ce grand frère, on ne s’en sort pas.Un héritage qui nous guérit de nos peurs : « Vous n’avez pas reçu un esprit qui vous enchaîne à vos peurs, mais un esprit qui fait de vous des fils adoptifs par lequel nous crions : Abba, Père ! » (Rm 8). Cri de confiance qui nous délivre de nos suspicions, de nos culpabilités, de nos peurs de Dieu et par contre coup, de nos soupçons jetés sur les autres comme du poison. En recevant Dieu comme Notre Père, nous accueillons les autres comme nos frères et nos sœurs, et nos relations se teintent de délicatesse, de compassion, de miséricorde, d’amour fraternel. Voilà ce qu’est l’Eglise : une famille qui bâtit ce climat de confiance et de délicatesse où tout le monde y met du sien. L’Eglise ce n’est pas seulement des débats théologiques ou des règles morales à suivre, bien sûr que non ! C’est une ambiance de charité où tout le monde peut trouver sa place. Car « si je n’ai pas l’amour, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien ! » (1 Co 13). Et la source, c’est le Père ! Et nous, nous sommes ses enfants bien-aimés. Accueillir Dieu comme Père, c’est guérir de bien des blessures relationnelles.

Les chefs des prêtres et les pharisiens (à qui s’adresse la parabole) restent bloqués sur le film, ils n’entendent pas la musique en arrière-fond. Leur logique de la peur de Dieu et de la méfiance des autres, les pousse à l’attaque, à la violence : « ces misérables, il les fera périr misérablement ! » Alors Jésus tente de les rattraper, d’augmenter le volume de la musique, l’Amour se fait de plus en plus insistant : « Mais vous n’avez pas lu dans l’Ecriture que l’exclu veut être le sauveur de vos cœurs malades ? « La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle » sur laquelle vous pouvez vous reconstruire, bâtir une personnalité toute nouvelle, libérée de ces peurs qui pourrissent vos relations, d’où peut naître la tendresse ». L’Amour insiste. On a beau le rejeter, il revient toujours comme un boumerang… Il faut avoir complètement perdu la tête pour le rejeter, folie qui faisait dire à Thérèse de Lisieux : « On ne peut tomber plus bas que dans les bras de Dieu ! » Il faut être fou pour viser à côté… Auront-ils compris ? Avons-nous compris ?

Une maman, tout à fait à l’image du Dieu qui se dégage de la parabole, me raconta que son fils de 18 ans, stable et bon élève, changea brutalement d’attitude… Reniant ses études, il se mit à sortir tous les soirs pour faire la fête et « s’éclater ». Petit à petit, elle le vit sombrer dans l’alcool. Elle et son mari tentèrent de stopper la dégringolade par tous les moyens : discussions, crispations, menaces, pleurs… Mais rien n’y fit. Un jour, à bout de forces, la maman se mit à prier de tout son cœur et eut une idée lumineuse. Elle gribouilla un court message qu’elle déposait chaque soir sur le lit de son fils : « mon fils, bonne nuit, on t’aime ! » Au bout d’une quarantaine de billets, elle l’entendit pleurer dans sa chambre, à trois heures du matin. L’amour insistant avait vaincu. Une nouvelle vie pouvait recommencer…

 

Bibliographie de Joël Pralong :

– Combattre ses pensées négatives, Editions Béatitudes, 2011

– Angoisse dépression culpabilité, Editions Béatitudes, 2011

– Dieu dans mes bagages, Edtions à la carte, 2010

– Le pouvoir des mains vides, Jérémie, le curé d’Ars, le prêtre, Edtions St-Augustin, 2009

– Apprivoiser son caractère, Editions Béatitudes, 2009

– De la faiblesse à la force, Editions Béatitudes, 2008»

matthieu, Joel Pralong

Lectures bibliques : Isaïe 5, 1-7 ; Philippiens 4, 6-9 ; Matthieu 21, 33-43

Homélie du 02 octobre 2011

Prédicateur : Chanoine Claude Ducarroz
Date : 02 octobre 2011
Lieu : Eglise Saint-Maurice, Ursy
Type : tv

« Le Vieux Chalet  » – parabole pascale

Temps variable. Alternances d’éclaircies et d’averses. Orages probables, puis retour du soleil.

C’est un peu la météo des textes bibliques que vous venez d’entendre, avec cette sorte d’oscillation entre les bonnes et les mauvaises nouvelles, notamment autour de cette vigne, terrain de toutes les espérances, lieu de tous les drames, jusqu’au sang versé. Ce serait un mauvais feuilleton s’il n’y avait, à la fin de l’évangile, «une œuvre du Seigneur, merveille sous nos yeux». Autrement dit la résurrection de Jésus après les allusions évidentes à sa passion et à sa mort. Entre les lignes de ces paraboles, vous aurez sûrement reconnu l’histoire mouvementée du peuple de Dieu, l’entrée des païens dans l’Eglise, l’écho des premières communautés chrétiennes en train de vivre un véritable accouchement : recueillir le lien avec Israël, mais aussi assumer une certaine rupture par fidélité à l’Evangile destiné à tous les peuples.

Membres de l’Eglise, plus ou moins pratiquants, nous pourrions nous estimer à l’abri de tout malheur du moment que nous sommes le nouveau peuple de Dieu, issu de Pâques et de la Pentecôte.

Nous savons bien par expérience qu’il n’en est rien.

C’est vrai: tout a été acquis, pour nous et pour toute l’humanité, dans le geste d’amour de Jésus sur la croix, là où il nous a sauvés en offrant sa vie pour nous, pour tous. Et nous sommes à la fois les enfants et les frères et sœurs de sa résurrection.

Merci, Seigneur!

Mais en même temps l’histoire de la communauté humaine, comme le cheminement de l’Eglise – et même nos existences personnelles – avancent au rythme de Jésus. Il y a ces passages inévitables par la passion, les malades, les éprouvés de toutes sortes qui nous regardent maintenant le savent mieux que les autres. Il y aura pour chacun de nous ce rendez-vous de la mort qui suscite interrogation ou angoisse. Et il y aura, nous en avons la promesse et déjà les signes avant-coureurs, l’arrivée dans le monde de la vie éternelle auprès de Dieu avec Jésus dans la communion des saints.

L’Eglise est toujours en semaine sainte, comme Jésus, avec Jésus.

Elle partage l’eucharistie, Parole et Pain pour la route. Elle imite Jésus dans le lavement des pieds à travers les innombrables initiatives d’entraide, de visites, d’engagements pour soulager ceux qui souffrent et améliorer la société.

L’Eglise est toujours avec Marie et Jean au pied de toutes les croix, grâce à tant de bénévoles. Non seulement, ils recueillent le sang et l’eau qui coulent du côté du Christ à travers les sacrements et la liturgie, mais ils vont aussi irriguer le champ de l’humanité par leurs multiples dévouements au service des autres, proches ou lointains.

Oui, merci à tous ces bénévoles, dans et autour de nos communautés chrétiennes, ces abeilles de l’Evangile, ces fourmis de la charité, actives mais aussi priantes, et surtout généreuses et désintéressées.

Ils sont cette Eglise qui avance au pas de Jésus, de sa croix et de sa Pâque.

Un homme, un prêtre, un musicien a su décrire cela dans un chant très connu, mais dont il faut mesurer la profondeur. C’est l’abbé Joseph Bovet. Dans le contexte culturel de nos Alpes, il a traduit en poème et en musique le mystère d’une résurrection qui surgit de la mort, en nous faisant passer de la tristesse d’une perte à la beauté d’une joie nouvelle. Le Vieux Chalet a été composé il y a exactement 100 ans, en 1911. Je trouve qu’il peut avoir sa place dans cette célébration eucharistique, si nous lui donnons toute sa signification pascale.

Chez vous, peut-être à l’hôpital ou dans un home, je suis sûr que vous serez nombreux à chanter avec nous le chalet de nos vies en route vers la nouveauté de Pâques.

Beau temps dans nos cœurs!

Lectures bibliques : Isaïe 5, 1-7 ; Philippiens 4, 6-9 ; Matthieu 21, 33-43

Homélie du 25 septembre 2011

Prédicateur : Abbé Joël Pralong
Date : 25 septembre 2011
Lieu : Eglise St-François de Sales, Salins, VS
Type : radio

« Tout quitter… tout lâcher… »

Voilà une parole qui fait peur, qui donne le vertige.

Ils sont pourtant nombreux parmi nous à avoir dû, volontairement ou involontairement, tout quitter : un travail, une activité plaisante, leur santé, un corps agile, leurs rêves d’enfant, des projets, des idéaux…

Certains ont dû lâcher brutalement un frère, une sœur, un époux, une épouse, une mère, un père, un enfant, une partie d’eux-mêmes si chère à leur cœur, emporté par la mort.

D’autres enfin ont volontairement tout quitté pour répondre à une vocation spécifique de religieux, missionnaire, d’engagement dans le Tiers-Monde, etc.

Plus subtilement encore, la Parole nous invite à quitter, à rompre toutes entraves qui nous empêchent d’être libres afin de répondre pleinement à notre vocation d’homme et de femme… Je fais allusion à toutes formes de relations qui dominent et étouffent l’autre, ces relations de fusion, de dépendance, de jalousie et de servitude entre en époux et une épouse, entre frères et sœurs, entre amis et collègues de travail… Ce sont ces relations fausses qu’il faut quitter pour rendre libre et être libre… Et cela exige toujours un renoncement à son ego, bien souvent douloureux… Mais avec la force que le Christ nous communique !

Quitter, rompre, nous conduit toujours vers un mieux, vers un « plus ».

A chaque lâcher-prise, à chaque rupture se rattache une bonne nouvelle… Un plus de vie… Même si cela n’est pas perceptible tout de suite…

Jésus nous le dit : tout homme qui aura quitté « à cause de mon nom », non pas en pure perte, mais dans la puissance de son nom, en se rattachant à lui comme à une locomotive, alors… il recevra « beaucoup plus » et c’est maintenant déjà. Au départ, cet homme-là ne sait pas où il va, mais il y va avec Jésus, et avec Jésus, c’est toujours pour une folle aventure !

Toute rupture, volontaire ou involontaire, toute blessure du coeur, peut être l’occasion de choisir le Christ, de s’attacher à lui, de trouver en lui paix, réconfort, guérison peut-être, mais surtout la force d’offrir pour ne pas subir, offrir ce qui nous écrase, ce qui nous fait parfois tant souffrir… Alors, même la souffrance, la fragilité deviennent mission…, ce qui faisait dire à saint Paul : « Je peux tout en Celui qui me rend fort… », qui fait écho à la parole : « à cause du Christ… » Sinon on se laisse écraser… Lors d’une visite à l’hôpital cette semaine, c’est ce que me déclarait une personne atteinte d’un grave traumatisme physique : « Offrir…offrir…Dans le Christ… Ce n’est pas peu dire… Car il n’y que l’offrande qui me fait avancer, même si ce n’est pas juste, même si je ne comprends pas ce qui m’arrive… »

C’est dans cet esprit que s’inscrit la vocation de St Nicolas de Flüe même si cet appel ô combien singulier adressé à un père de famille, nous déroute… Laissons Dieu être Dieu… Lui seul connaît les tenants et les aboutissements de toutes choses…

Si nous restons fixés sur le « tout quitter » du père de famille, nous ne percevons pas le « beaucoup plus » reçu.

Sa réponse généreuse portera des fruits au niveau national, elle s’inscrit dans notre histoire suisse, dépassant largement l’ermite Nicolas. Qui l’aurait cru au départ ?

Continuellement déchiré entre l’appel à la solitude et ses nombreux devoirs de citoyen, de magistrat, d’époux et de père de famille, c’est librement qu’il dit oui à l’appel de Dieu. A la suite d’un long temps de réflexion, avec l’accord de sa femme Dorothée, il décide de tout quitter afin de se consacrer à la prière pour son pays. Tous deux répondent généreusement à l’appel même si la séparation, on s’en doute, est douloureuse… à la manière d’un champ qui doit être déchiré pour être ensemencé. Et la semence a germé, le sillon a tracé une mission au moment où les Cantons ville et campagne sont sur le point de se déchirer sur des questions de richesses, de butin accumulé lors des guerres de Bourgogne, de pouvoir, de privilèges… Nous sommes en 1481, la guerre civile menace. Nicolas, pénétré de sagesse toute divine, trouve les paroles qui apaisent et réconcilient. La grâce divine passe par ses paroles. Son discours touche les Confédérés en plein cœur. Nicolas pointe le doigt sur la vraie cause des divisions : l’attachement aux richesses et au pouvoir. Il faut savoir s’en libérer, quitter ce qui à la longue, pourrit les relations. Le détachement conduit finalement à la paix et l’unité.

Nous ne connaissons pas les termes exacts du message qui réconcilia les Confédérés, mais nous pouvons en saisir l’esprit par d’autres conseils qu’il donnait aux magistrats venant le consulter: « Confédérés, gardez-vous de la désunion ; bannissez tout esprit de parti; c’est la perte d’un Etat. Méfiez-vous de la cupidité, et ne vous laissez pas aveugler par l’or étranger. » Mais comment quitter l’esprit de domination et d’attachement aux choses si ce n’est en s’enfonçant profondément dans le Nom du Christ, en se fixant solidement à son Nom comme l’alpiniste se visse dans la paroi rocheuse d’un haut sommet…   Même notre Constitution fédérale en porte la trace puisque ses premiers mots commencent par: « AU NOM DU DIEU TOUT-PUISSANT, AMEN… », Parole forte qui nous attache aux valeurs humaines et spirituelles et nous détache de l’or étranger… Notre pays, hier comme aujourd’hui, a rudement besoin des conseils de Nicolas et de la grâce divine qui les accompagne… en cette période d’élections.

 

Bibliographie de Joël Pralong :

– Combattre ses pensées négatives, Editions Béatitudes, 2011

– Angoisse dépression culpabilité, Editions Béatitudes, 2011

– Dieu dans mes bagages, Edtions à la carte, 2010

– Le pouvoir des mains vides, Jérémie, le curé d’Ars, le prêtre, Edtions St-Augustin, 2009

– Apprivoiser son caractère, Editions Béatitudes, 2009

– De la faiblesse à la force, Editions Béatitudes, 2008»

Nicolas de Flue, matthieu, Joel Pralong

 

Lectures bibliques : Sagesse 7, 27 – 8, 9; Romains 14, 17-19; Matthieu 19, 27-29

Homélie du 18 septembre 2011

Prédicateur : Abbé Nino Franza
Date : 18 septembre 2011
Lieu : Eglise de Montfaucon
Type : radio

Le refrain du psaume que nous avons entendu, tiré du psaume du jour et la première lecture, nous invitent à méditer sur la proximité de Dieu : « Proche est le Seigneur de ceux qui l’invoquent ». Invoquer Dieu, appeler Dieu, chercher Dieu avec des mots ou dans le silence de son cœur, voilà ce qui est important si nous voulons vivre avec Dieu.

C’est là notre vocation, nous sommes faits pour vivre avec Dieu. C’est dans cette belle disposition intérieure que nous pouvons être prêts à répondre à son appel, quand il nous appellera à le suivre.

Dans la parabole de l’Evangile de ce jour, Jésus nous révèle le projet de son Père. Il nous laisse entendre que le Père appelle des ouvriers pour qu’ils se mettent au travail, à son service. Il les appelle à travailler sa vigne.

Jésus nous révèle que son Père veut donner un salaire, une pièce d’argent, à tous ceux qui se mettront à son service. Peut importe le nombre d’heures passées au travail. Il veut donner le même salaire à tous ceux qui répondent positivement à son appel.

Ce salaire, cette pièce d’argent, c’est la vie éternelle, qu’il veut donner à ceux qui rejoignent son projet, qui veulent accomplir sa volonté, qui veulent travailler à sa vigne. Ce cadeau c’est l’Eucharistie, cette toute petite hostie grande comme une pièce, certes, mais qui est le même salaire pour tous ceux qui l’accueillent avec foi. Ce cadeau, c’est son Fils bien aimé, Jésus le Christ, notre Seigneur. Le Père place tout son amour en son Fils. En nous offrant son Fils, le Père nous donne la vie éternelle. Jésus ne dit-il pas dans l’Evangile selon Saint Jean: « Je suis la Vie » et dans ce même Evangile, ne dit-il pas : « Je suis le Pain de Vie ». En accueillant le Fils unique et en lui, tout l’amour que le Père place dans son Fils, nous accueillons véritablement la plénitude de la vie éternelle. Nous n’avons pas à espérer d’autres récompenses, nous qui nous mettons au service du Père en travaillant sa vigne qui est l’Eglise, cette Eglise qui est au service des hommes et des femmes de notre temps. D’ailleurs cet amour du Père que nous portons en nous par son Fils, ne porte t’il pas ce nom : l’Esprit Saint… C’est dans l’Esprit Saint que nous pouvons nous aimer les uns les autres, sans nous lasser, en fuyant le mal. Nous avons beaucoup de travail, certes, mais notre récompense est là, proche de nous. Proche est le Seigneur de ceux qui l’invoquent.»

Lectures bibliques : Isaïe 55, 6-9; Philippiens 1, 20-27; Matthieu 20, 1-16

Homélie du 04 septembre 2011

Prédicateur : Yvan Bourquin – Pierre Girardin – Theo Gerber
Date : 04 septembre 2011
Lieu : Eglise Saint-Pierre, Porrentruy
Type : radio

Homélie 1ère partie – Matthieu 5, 3, Yvan Bourquin :

Nous vous proposons ce matin 3 notes qui feront écho au Sermon sur la montagne où Jésus, nouveau Moïse, offre au monde un salut inattendu. 3 notes à la tonalité particulière qui donneront un accord aux surprenantes harmoniques. Première note : « heureux ». Ce bonheur consiste à posséder la seule chose nécessaire, un cœur simple, pur, pacifique, miséricordieux, capable de révolte contre l’injustice, incapable de peur en face du martyre. Qu’on ne s’y trompe pas ! Comme le constate un ancien interprète : « Ainsi les béatitudes commencent par les larmes et sont scellées dans le sang. » Ce n’est pas l’ouverture d’une idylle, c’est le prélude d’un drame ou d’un combat aussi dès le début, les ondes musicales des Béatitudes vibrent dans l’atmosphère spirituelle de l’humanité en recourant à une large palette sonore : des tonalités les plus austères au cristal le plus pur.

Nous avons tout intérêt, pour la clarté même de nos propos, de définir les mots que nous utilisons. Le bonheur fait partie de ces concepts qui connaissent un regain d’intérêt, d’ailleurs le bonheur, presque par définition, intéresse tous les hommes. Mais toute la sagesse du monde se réduit à quelques mots d’ordre d’une affligeante banalité : chacun doit chercher ce pour quoi il se sent fait – tout être est amené à tendre vers son propre bien -, la vie nous offre des possibilités, à nous de les gérer, voire de les créer. En conséquence, le sage ne désire plus que le réel dont il fait partie et ce désir est toujours satisfait parce que le réel ne fait jamais défaut.

Heureux celui qui ne désire que ce qu’il sait, que ce qu’il peut, ou que ce dont il jouit. Pour paraphraser Nietzsche, c’est faire d’une chèvre attachée à un piquet l’idéal de la sagesse et du bonheur. C’est réduire la condition humaine à ses proportions inférieures, à une sorte de bonheur passif.

Les Béatitudes révèlent une réalité habituellement inconnue ou inattendue, exigeant une décision. Se mettre à la suite du Christ, c’est se mettre dans les seules conditions efficaces pour réaliser sa vocation véritable.

Quels sont ceux qui ont les dispositions nécessaires pour entrer dans cette réalité que Jésus a inaugurée et instaurée, sinon ceux qui ont appris à se détacher de ce qui est pour aspirer à ce qui doit être ?

Adolphe Monod, le grand prédicateur, m’offre une conclusion : « Ce n’est pas par son côté le plus glorieux, c’est pas ses côtés les plus sombres que je veux vous faire désirer la vie chrétienne. Je veux vous faire voir que les traits même qui vous répugnent le plus dans cette vie renferment sous des apparences qui vous trompent des charmes secrets, afin que vous connaissiez que comme « la folie de Dieu est plus sage que la sagesse des hommes, et la faiblesse de Dieu plus forte que la force des hommes », l’amertume de la vie qu’il communique à ses enfants est aussi plus douce que toutes les douceurs de la vie du monde. »

***

2ème partie, Pierre Girardin :

Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés !

Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, ils seront rassasiés

Sur la route des vacances, avec un beau ciel bleu et en bonne compagnie, il nous vient spontanément de l’esprit aux lèvres des chansons de joie, des airs entraînants et cette musique extraordinaire qui exprime l’allégresse. Mais sur le chemin du cimetière ? ou en sortant d’une salle d’audience du tribunal ? ou en entrant à l’hôpital ? ou encore en regardant les images insoutenables du massacre de Norvège, et celles des enfants de Somalie qui meurent de faim… ?

Nous savons bien que les plus belles œuvres des plus grands musiciens sont des «Requiem», des «de profundis» ou des «Stabat Mater». Dans l’expression musicale, ils ont trouvés leurs maîtres, ceux qui pleurent – et ils sont nombreux, quelquefois nous sommes des leurs ! ils se sont sentis rejoints ceux qui sont assoiffés de justice, lorsque la révolte bout dans leur cœur. «Heureux ceux qui pleurent; heureux ceux qui ont faim et soif de justice».

Le Dieu auquel nous croyons, Jésus-Christ, Dieu fait homme, est venu rejoindre ces cœurs brisés et assoiffés de justice. Dans son existence d’homme, Jésus a pleuré, et il a souffert. Il nous annonce que les pleurs et les souffrances font partie intégrante de notre nature humaine. Bien sûr qu’il importe de chercher à rendre la vie belle et douce et gaie… mais Jésus nous apprend surtout à assumer la souffrance et les pleurs de la vie, les assumer parce qu’ils sont incontournables sur notre chemin d’être humain. Ils font le chemin difficile, mais, après coup, nous nous rendons compte qu’ils sont le passage qui conduit à la vraie vie. C’est pourquoi heureux sont-ils ! Heureux sommes-nous de pouvoir assumer cette souffrance humaine, et à travers elle, cheminer vers la vie ! Pour nous accompagner sur ce chemin, nous avons la chance de pouvoir accueillir la musique des artistes : ils ont vécu eux-mêmes un chemin de pleurs. Ils ont ainsi pu trouver l’enchaînement des notes qui les expriment. Pour cela, aujourd’hui, ils nous soutiennent sur notre chemin de vie.

****

3ème partie, Theo Gerber :

La 3e note de l’accord que nous souhaitons faire vibrer en vous ce matin est une note pleine de sérénité et d’harmonie.

Heureux les artisans de paix, dit Jésus : ils seront appelés fils de Dieu. (Mt 5. 9, Bible de la lit.)

Dans notre « village global » où l’information nous révèle à l’instant les moindres soubresauts de la planète, dans notre monde qui s’entredéchire, ils sont nombreux, ceux qui souhaitent la paix.

Pourtant, entre parler de paix et être véritablement artisan de paix, un long chemin reste à parcourir. Souvent, et en raison des intérêts en jeu, les actes concrets visant à désamorcer des conflits nous apparaissent bien timides.

Quelle paix sommes-nous prêts à accueillir? Pour quelle paix sommes-nous prêts à nous engager?

La paix synonyme de silence que nous imposons aux autres en leur lançant “Laisse-moi tranquille, fiche-moi la paix!”?

Ou peut-être la paix en tant qu’absence de remords ou de culpabilité, celle que nous autoproclamons en affirmant “J’ai la conscience en paix!” ?

A moins que nous ne recherchions cette paix qui prend le visage de l’amour mal compris : « Surtout pas de conflits, pensons-nous. Balayons nos désaccords sous le tapis de l’oubli. »

Les événements récents nous démontrent que la “paix à tout prix” débouche bien souvent sur une stabilité précaire, laissant derrière elle le sentiment d’une justice pour le moins superficielle.

On le voit : le mot « paix » peut être perçu de diverses manières. Cependant, la paix à laquelle nous sommes appelés n’est ni la paix « confort », ni paix du type « Je m’en lave les mains », ni celle qui veut faire l’économie du dialogue.

Dans cette béatitude, Jésus souhaite nous motiver pour une paix qui dépasse la satisfaction de notre égoïsme. Il nous invite à tout mettre en oeuvre pour rétablir l’entente avec notre prochain.

L’absence de guerre, de conflit n’est pas encore la paix. La paix n’est véritablement paix que si elle s’établit sur la justice. (Es. 9.6 / 32. 17)

Nous savons combien fragile est l’équilibre entre paix et conflit et combien nous risquons à tout moment d’être aspirés par la spirale de la violence. La paix est toujours passagère, toujours précaire. Il faut donc y travailler sans relâche, la construire par l’écoute patiente, le dialogue ouvert et notre engagement fidèle à la suite du Christ afin de retrouver l’harmonie de ce qui, tout près de nous déjà, est divisé et déchiré.

Une version de la Bible (Chouraqui) utilise l’expression « En marche » pour traduire « Bienheureux ». En marche les faiseurs de paix! En marche ! chers amis pour une paix juste, digne des « enfants de Dieu ».

Que nos paroles, nos regards et nos actes traduisent toujours davantage cette volonté de bâtir et d’entretenir avec notre prochain des relations justes, équitables, en harmonie, « en accord » avec Celui qui est notre paix. (Eph. 2. 14)

Homélie du 28 août 2011

Prédicateur : Hervé Farine, assistant pastoral
Date : 28 août 2011
Lieu : Eglise Saint-Pierre, Porrentruy
Type : radio

Eh bien frères et sœurs, quelle page d’Evangile ! Ce n’est pas vraiment fréquent d’entendre Jésus faire des remontrances à Pierre, le premier des Apôtres. Le pauvre, il avait pourtant vu juste : il venait de comprendre l’essentiel, de confesser la foi ; il commençait à voir en l’homme qu’il avait devant lui, bien plus qu’un homme, celui que tout le monde attendait, et depuis toujours, le Messie. Jésus était celui qui allait enfin donner la victoire à son peuple. Alors, c’est sûr, comme il l’avait enfin trouvé, il n’allait pas le lâcher. Pierre est aux petits soins, il craint pour son ami, car il ne veut pas qu’il lui arrive quelque chose. Il faut qu’il réussisse, il faut qu’il soit notre sauveur, notre roi. Il veut le protéger de tout malheur, de toute souffrance, et même de la mort.

Nous savons bien que nous réagissons toutes et tous comme Pierre : quand on aime quelqu’un, on se soucie de lui, de sa santé, de ce qu’il devient, ses projets, ses difficultés, toute sa vie. Nous avons envie qu’il soit heureux, nous voulons tout faire pour son bonheur. Nous prions pour lui, pour sa famille, ses proches, pour que tout aille bien. Et nos prières ne sont pas vaines. Elles nous permettent de nous rapprocher de Dieu, de nous rassembler dans une même foi devant celui qui nous donne la vie, une vie qui n’a pas de prix.

Pierre a non seulement trouvé en Jésus un ami, un compagnon, mais il a trouvé aussi un sens à sa vie. C’est beaucoup plus fort qu’une amitié, c’est un abandon total à la volonté de cet homme-Dieu, c’est la foi. Car il l’a compris, Jésus ne peut pas le décevoir. Pierre croit en lui, il est complètement tourné vers lui, il veut être et vivre désormais par lui, avec lui et en lui. C’est ce que nous essayons de vivre, nous aussi, dans la foi : l’abandon à Dieu dans son amour infini, dans le bonheur immense d’avoir trouvé un sens à sa vie. Nous savons qu’avec lui, avec Jésus, il ne peut rien nous arriver, c’est un happy-end programmé.

Et là, c’est le drame : Jésus annonce sa Passion. Il demande à ses amis de se préparer à le voir souffrir et mourir. Horreur, le rêve se brise, il est totalement anéanti par cette mort annoncée. Alors, Pierre ose cette parole que nous disons nous aussi, bien souvent : « Dieu t’en garde, Seigneur ! Cela ne t’arrivera pas. » Nous avons entendu la réponse de Jésus : « Passe derrière moi, Satan, tu es un obstacle sur ma route ; tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » Les bonnes intentions de Pierre, et nos bonnes intentions par la même occasion, ne sont pas celles de Dieu. Et nous savons, selon le proverbe, quel endroit en est pavé, de ces bonnes intentions…

Oui, la volonté de Dieu est parfois difficile à comprendre. Et particulièrement quand elle semble aller à l’encontre d’une logique de bonheur et de vie. Renoncer à soi, prendre sa croix, souffrir la passion du Christ : est-ce que nous sommes chrétiens pour cela ? Est-ce que c’est vraiment ce que les parents d’un petit enfant souhaitent pour lui lorsqu’ils le présentent au baptême ? Est-ce que c’est ce que nous souhaitons pour nos frères et sœurs, pour nous-mêmes ? Oui, le chemin que Jésus nous demande de prendre avec lui n’est pas facile. Mais quelle vie l’est ? Qui dans notre monde, chrétien ou pas, peut se vanter de n’avoir jamais été au moins une fois malheureux, atteint dans sa santé, victime de la haine ou du mépris, licencié ou rejeté ? Avez-vous entendu le prophète Jérémie s’en plaindre dans la première lecture ?

Par sa croix, Jésus vient nous montrer que tout cela fait partie de la vie. Et que ce n’est pas parce qu’il est Dieu qu’il est préservé de ces malheurs. Il sait que nous voulons être heureux, alors il se fait solidaire de nos souffrances, de ces croix que nous portons, et il les porte avec nous parce qu’il nous aime. Et c’est dans cet amour qu’il nous donne et qu’il nous invite à partager que le vrai bonheur peut se déployer.

Alors, peut-être pensez-vous : « Il y en a quand même parmi nous qui en portent plus que d’autres. » Et c’est vrai : nous ne sommes pas égaux face à la vie, mais nous l’avons toutes et tous reçue telle qu’elle est. Même si nous avons parfois l’impression d’être désavantagé par rapport à d’autres, de partir avec des handicaps, plus ou moins sévères, plus ou moins évidents, que dire de ce cadeau, à part « Merci ! » Et surtout, quelle que soit notre vie, elle est unique, et nous avons en nous les capacités d’en faire quelque chose de beau, de grand, capable de plaire à Dieu, comme le disait Saint Paul dans sa lettre aux chrétiens de Rome.

Etre chrétien, c’est mettre sa foi en Dieu, mettre ses pas dans les pas de Jésus, dans les moments de fête comme dans les moments de tristesse et de souffrance. Etre chrétien, ce n’est pas éviter de mourir, car notre corps sera confronté tôt ou tard à la mort. Etre chrétien, c’est choisir de ne pas mourir avant la mort, c’est refuser d’être un mort vivant, refuser de se laisser aller au découragement et au désespoir, malgré les difficultés de la vie.

« Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive » dit Jésus. Seigneur, nous voulons te redire aujourd’hui : Oui, et avec joie !»

Lectures bibliques : Jérémie 20, 7-9; Romains 12, 1-2; Matthieu 16, 21-27