Homélie du 26 juin 2011

Prédicateur : Chanoine Guy Luisier
Date : 26 juin 2011
Lieu : Eglise de Salvan
Type : radio

« Qui veut garder sa vie pour soi la perdra, qui perdra sa vie à cause de moi la gardera. » Forte et décisive parole de Jésus. Et même tragique, quelque part. Cette parole pour la déchiffrer, je voudrais la mettre en perspective avec une histoire de chez nous.

En 1912, un jeune homme de notre village de Salvan s’embarque dans un bateau vers l’Amérique. Sans doute a-t-il quitté une région alors très pauvre de Suisse pour trouver ailleurs une situation économique meilleure. Mais au contraire de beaucoup de ses concitoyens qui allaient refaire leur vie en s’enracinant en Argentine ou en Californie, le jeune Alexis était cuisinier sur bateau, cuisinier au long cours. Il faisait partie de la nombreuse équipe de cuisine chargée de proposer aux classes privilégiées de ce paquebot des repas capables de changer en fête cette longue traversée vers New York.

Or, durant cette traversée de travail certainement dur et pénible, Alexis est mort. Le Titanic a coulé, vaincu par un iceberg dans le nord glacial de l’Atlantique. Le corps du jeune cuisinier est resté au fond comme celui de tant d’autres, riches ou pauvres, serveurs ou servis, grands ou petits.

Lorsque je contourne l’église paroissiale et que je vois adossée à elle la plaque rappelant le sort malheureux de ce compatriote, je ne peux m’empêcher de penser à la planète-vaisseau que nous habitons.

L’aventure du Titanic est-elle une parabole du chemin de notre monde ? Sans doute est-elle au moins une leçon, une leçon de modestie. L’homme ne maîtrise jamais tout. A voir trop grand, on finit petit.

Les destins humains sont divers. Des tragédies indicibles en marquent quelques-uns. Des joies et des aventures sont distribuées comme au hasard dans la vie. Mais de temps en temps comme en cette nuit glaciale de naufrage, les hommes se sentent soudain tellement égaux… ne serait-ce que dans le malheur.

Mais qu’est-ce qui relie tous les destins humains depuis les siècles que l’homme navigue sur le vaisseau terre ? Le dénominateur commun de toutes ces destinées n’est-ce pas le désir d’un plus ? Oui la faim, le désir affamé tapi au fond de chacun, la faim d’un plus. Que nous soyons cuisinier, serveur, que nous soyons snob, milliardaire, tous nous avançons dans la vie avec le désir d’avoir plus. Ce désir d’un plus prend des formes diverses : plus d’argent disent les uns, mais le désir ne s’éteint pas ; plus de sécurité disent d’autres, mais leur désir peine vers une plénitude; plus de jours, plus d’années, pense-t-on aux portes de la vieillesse; plus de calme, de tranquillité, cherchent d’autres encore mais en fait tout cela reste devant soi, en avant comme inatteignable.

L’homme désire. L’homme a faim. « L’homme est un être de désir et de faim », disent les penseurs et les sages. C’est une assez bonne définition que nous sommes prêts à accepter.

Mais qu’en pense Dieu ? Et bien, Dieu dit la même chose. L’homme est un être qui a besoin de plus, qui est fait pour plus, plus que ce qu’il a, plus que ce qu’il est. Dieu le sait très bien, parce que ce désir de plus, c’est lui-même (en tant que source créatrice de l’homme et de l’histoire) qui l’inscrit dans la nature de l’homme.

Vouloir plus est incrusté dans l’être humain. Mais la réponse et le chemin pour y arriver, pour arriver à ce plus sont divers et – il faut l’avouer – ils sont souvent faux, ils sont souvent faussés.

Malentendu : l’homme est fait pour plus ; non pas avoir plus, mais être plus, non pas attirer sur soi plus de richesse, plus de culture, plus de ceci ou plus de cela, mais pour être fondamentalement plus, c’est-à-dire être relié à celui qui est le plus fondamental : le Dieu de Jésus Christ.

Jésus, qui partage notre humanité et qui partage la divinité du Créateur, le sait bien ! Et c’est cela qu’il veut dire quand il proclame : « Qui veut garder sa vie pour soi la perdra, qui perdra sa vie à cause de moi la gardera. »

Il faut un apprentissage long, fait de conquêtes intérieures douloureuses. Lâcher prise sur l’avoir pour gagner de l’être. Les lectures de notre eucharistie d’aujourd’hui, comme d’ailleurs toutes les pages de la parole de Dieu nous parlent de cela.

Lorsque Jésus vient au nom de son Père mettre son doigt sur les désirs humains et en indiquer les forces et les pièges, il ne met pas des gants, il nous assène des vérités finales qu’il nous faut longuement accueillir en soi. Le mystère du pain partagé à la messe procède de cette même dynamique. Jésus dans le pain de sa présence réelle nous livre tout ce qu’il est. C’est dans le chemin du don de notre être qu’à notre tour, nous serons plus.

Jeudi dernier, dans nos cantons catholiques et aujourd’hui chez les catholiques d’autres cantons, se célèbre la Fête-Dieu. Nous nous rassemblons avec un regard émerveillé de question autour d’un morceau de pain dans lequel le regard de la foi catholique lit la présence réelle du Dieu vivant. Devant la scandaleuse petitesse matérielle de cette présence, n’a-t-on pas à lire une vérité :

Dieu nous rejoint dans le moins pour nous ouvrir à l’être plus. Nous avons faim d’un désir d’infini, Nous désirons être éternels et la nourriture que Dieu nous donne a la petitesse d’un pain à l’humble apparence, à l’humble goût.

Dieu ne s’y est pas trompé, le pain pour notre route et pour notre destin ne vient pas nourrir notre désir d’avoir plus, plus de possession, plus de jours, plus de culture, plus d’argent. Il s’enfonce fondamentalement dans notre vie et dans notre faim. Il vient nous ouvrir tout au fond de nous à l’être plus, à l’être éternel. Lorsque l’on se perd soi-même, on se trouve pour la vie éternelle.

Lectures bibliques : 2 Rois 4, 8-16; Romains 6, 3-11; Matthieu 10, 37-42

Homélie du 19 juin 2011

Prédicateur : Chanoine Guy Luisier
Date : 19 juin 2011
Lieu : Eglise de Salvan
Type : radio

La Trinité… Un vieux mot un peu usé, diront certains. Très théologique et trop catéchétique, donc éloigné de nos préoccupations ordinaires, diront d’autres, avec un brin de raison peut-être. Et un petit malin pourra même ajouter que cela le fait penser à une chanson de son enfance, celle de Malbrough qui reviendra de guerre à Pâques ou à la Trinité, comme on dirait à la Saint Glinglin. Pas très encourageant…

Pourtant, a priori méfions-nous des vieux mots, ils semblent endormis et voilà qu’ils peuvent se réveiller soudain et apporter un vent de fraicheur sur nos désespérantes banalités ordinaires. Car en fait de quoi est fait notre ordinaire, notre vie de tous les jours ? Essentiellement d’un vrai besoin d’exister et d’être reconnu en face des autres. Et de communiquer vraiment ce que l’on est.

Or justement, derrière le mot Trinité se trouve un trésor que notre société d’aujourd’hui cherche désespérément à l’horizon de ses avancées techniques et technologiques : communiquer plus et mieux. On ne peut qu’être impressionné par les avancées formidables et fondamentales de la communication, dans ses aspects techniques.

Nous vivons dans un réseau technologique dense de moyens qui nous permettent de communiquer avec les autres. Que de progrès, techniques à tout le moins, en quelques dizaines d’années.

Ici dans notre village de Salvan, nous le savons particulièrement bien. En effet à la fin du 19e siècle, en 1895, au temps de la poste à cheval et des diligences, a eu lieu un événement qui en apparence pour les gens de la région était assez anecdotique. Un touriste excentrique essayait de communiquer avec un garçon du village en lui envoyant à quelques dizaines de mètres, des signaux électriques, sans fil. Bizarre, Bizarre. Gugliemo Marconi, oui le Marconi, se livrait à des expériences techniques farfelues avec des perches et tout un attirail de choses… C’était les tout débuts de la télégraphie sans fil. Les années suivantes ont fait de Marconi un prix Nobel ; et dans son génial sillage, on voit de loin en loin la radio, le téléphone, les satellites, l’internet, et cette toile impressionnante des réseaux sociaux qui lui sont liés.

Cette histoire est technique. Elle est merveilleuse bien sûr mais elle est purement technique car – nous le savons bien – il y a un besoin de communiquer à l’intérieur de l’homme. Et les réponses techniques extérieures sont belles mais insuffisantes. En fait on communique bien, non pas à coup de technologies sophistiquées, mais au moyen d’un cœur qui se donne, qui s’ouvre et qui se dit.

Lorsque ce cœur se laisse baigner de saine intelligence, lorsqu’il est travaillé de vraie sagesse, alors un espace s’ouvre, un espace de vraie communication, de vraie communion. Et heureusement, même ceux qui n’utilisent pas de téléphone portable et ne connaissent même pas la signification du mot numérique peuvent communiquer vraiment. On ne communique vraiment que quand on donne, quand on se donne, se livre… quand on dit ce que l’on est et non pas ce que l’on a.

Ici se posent alors deux questions fondamentales : Pourquoi un tel désir de communiquer inscrit au cœur de l’homme, et pourquoi ce désir n’est-il jamais assouvi, pourquoi « toujours plus » ? C’est ici qu’intervient la Trinité.

La Source de notre vie, (cette Source indicible en laquelle les croyants de multiples et belles traditions trouvent leur Dieu), cette Source est une mais elle n’est pas uniforme, disent les chrétiens, elle est communicante par nature, à l’intérieur d’elle-même et vers nous. Dieu est communion. Dieu communique en soi. Il se donne tout entier. Le Père n’est père parce qu’il communique son être à son Fils dans un élan de joie qu’on appelle Esprit !

« Oui, mais qu’est-ce que cela peut nous faire ? » diront les esprits les plus chagrins. Et bien justement, dit la Bonne Nouvelle : « Cela te fait ! ». Tu ne serais pas ce que tu es, si Dieu n’était ce qu’il est. Tu n’aurais pas ce désir de communiquer, de communier à l’autre, et cela toujours plus et toujours mieux, si le Dieu communion ne l’avait pas inscrit dans ton cœur. Parce que cela fait partie de ce qu’il a de plus beau à donner.

La création nait et continue cet éternel courant de communication et de communion qui lui vient de son Créateur qui est Trinité. Peut-être avez-vous l’impression que je plane en disant cela. Alors évitons les mots savants et rejoignons notre quotidien. Chaque fois que je sors de chez moi, que je sors de moi par désir d’aller vers l’autre, de le découvrir, je parle par ma vie d’un Dieu qui éternellement sort de soi, pour venir vers nous.

Chaque fois que je veux communiquer plus et mieux, connaître plus et mieux, je parle de Dieu qui nous attire dans son plus et mieux divin. Ce que je vis banalement tous les jours dit banalement quelque chose de Dieu. Tout simplement.

Mes frères, mes sœurs,

Au début de mon homélie, j’ai évoqué les débuts de la téléphonie mobile ici à Salvan, à quelques mètres derrière notre église paroissiale, et je l’ai présentée comme le début du formidable effort de l’homme dans le domaine de la communication. En fait il me faut maintenant me corriger. Les vrais débuts de l’essor de la communication se trouvent bien avant la technique et même bien avant l’homme. Dès son éternité, Dieu communique et est communion. Il y a une source communicante au début éternel de tout. Il y a un éternel océan de communication à la fin éternelle de tout.

Dans cet océan de joie, le Père et le Fils et l’Esprit de Dieu, reçoivent en eux notre fondamental désir de communiquer ce que nous sommes en vérité.

Alors ? La Trinité, un vieux mot un peu usé et dépassé ? Peut-être que non, la belle réalité qu’il cache nous dit l’avenir positif de notre constant besoin d’être en réseau, d’être avec, de nous dire et de nous faire comprendre. La parole de Paul prend alors un relief fantastique : « Encouragez-vous, soyez d’accord entre vous, vivez en paix et le Dieu d’amour et de paix sera avec vous ».

Notre but c’est d’être vraiment en réseau dans la communion de Dieu, Père qui nous aime, Fils qui nous sauve et Esprit qui nous vivifie.»

Lectures bibliques : Exode 34, 4-9; 2 Corinthiens 13, 11-13; Jean 3, 16-18

Homélie du 12 juin 2011

Prédicateur : Abbé Alain Chardonnens
Date : 12 juin 2011
Lieu : Eglise St-Nicolas de Myre, Cheyres
Type : radio

Chers frères et sœurs, chers auditeurs,

En cette fête de la Pentecôte, l’évangile nous présente les disciples, enfermés dans le lieu où ils se trouvent, ils ont peur, ils se referment sur eux-mêmes. Les voilà entravés dans leur liberté de mouvement, ils ne sont plus libres de se déplacer. Leur esprit aussi est enchaîné par la peur. Il faudra la rencontre avec le Christ et cette parole « la paix soit avec vous » pour que de nouveaux horizons leur soient ouverts.

Il faudra que Jésus ressuscité répande sur eux son souffle. Alors, ils pourront retrouver leur liberté. Liberté d’être porteurs de la Bonne Nouvelle à toutes les nations ; liberté d’être les artisans de la mission que le Christ leur confiera ; liberté retrouvée de l’esprit qui, affranchit de la peur, sera rempli de la joie qui leur permettra de se donner tout à tous et d’être les pierres vivantes de l’Eglise naissante !

Face à cette situation, comment ne pas penser à vous, chers auditeurs. A l’image des disciples, vous êtes peut-être vous aussi forcés de rester chez vous, alors que vous auriez envie de rejoindre la communauté paroissiale à laquelle vous appartenez. Peut-être que vous aussi, à cause de l’âge ou de la maladie, vous êtes remplis de doutes ou d’incertitudes face à telle situation, telle échéance, face à ce que l’avenir sera pour vous.

Mais à y réfléchir d’un peu plus près, cette même situation peut nous arriver à tous. Chacun, chacune nous courrons le risque de nous laisser enfermer, de perdre quelque chose de la liberté à laquelle nous appelle notre baptême : la liberté des enfants de Dieu. Comme les disciples, quel que soit notre état, il peut nous arriver à nous aussi d’être paralysés par la peur ou l’incertitude.

En cette fête de la Pentecôte, tournons-nous alors vers le Seigneur le cœur plein de confiance. Demandons-Lui de venir nous visiter, comme il l’a fait pour ses disciples. Pour nous aussi, aujourd’hui, il aura cette parole rassurante et encourageante « La paix soit avec vous » ; sur nous aussi, il viendra répandre le souffle de son Esprit. Alors remplis de cette force et de cette paix, nous pourrons à notre tour assumer avec joie la mission que le Seigneur voudra bien nous confier, là où nous sommes, selon nos forces, nos charismes et nos possibilités !

Voyez l’enseignement de saint Paul dans la deuxième lecture : « Les dons de la grâce sont variés, mais c’est toujours le même Esprit. Les fonctions dans l’Eglise sont variées, mais c’est toujours le même Seigneur. Les activités sont variées, mais c’est toujours le même Dieu qui agit en tous. » Nous sommes là au cœur du mystère et de la vie de l’Eglise.

En entendant ces paroles de saint Paul, je pense à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, « la petite Thérèse ». Elle aurait tant voulu réaliser la diversité de tous les charismes et assumer toutes les fonctions de l’Eglise, mais elle était là dans son carmel, clouée sur son lit. Et c’est pourtant de là, de ce qui peut ressembler à un enfermement, que le Seigneur l’appelait à remplir sa mission pour le bien de toute l’Eglise.

Lors de visites, nombreuses sont les personnes qui nous disent leur regret de ne plus pouvoir se joindre à leur communauté paroissiale pour la messe du dimanche parce qu’elles sont trop fatiguées ou trop atteintes dans leur santé, parce qu’elles n’ont plus la possibilité de se déplacer comme elles le voudraient. Alors, elles s’unissent à la prière de l’Eglise en suivant la messe à la radio ou à la télévision. Je voudrais remercier ceux qui s’investissent pour que cela soit possible. Merci à vous, les gens des médias qui permettez à tant de personnes de vivre leur foi, non pas seules chez elles, pour elles, mais en communion avec d’autres chrétiens, en lien avec toute l’Eglise par le biais des ondes. C’est un beau moyen de réaliser l’unité qui nous est donnée dans l’Esprit-Saint.

Et puisque l’Esprit nous donne des dons variés, puisque Dieu nous appelle à des activités variées selon la lettre aux Corinthiens, nous avons, chacun, chacune à discerner à quoi nous sommes appelés. Quel charisme le Seigneur m’a-t-il donné ? Qu’est-ce qu’il attend de moi pour le service et le bien de tous ? Une fois cette mission découverte, mettons tout notre cœur à la réaliser de notre mieux. Que ceux qui sont appelés à s’engager dans le monde le fassent avec zèle. Que ceux que le Seigneur a choisis pour annoncer la Bonne Nouvelle de sa Résurrection se dépensent sans cesse à cette tâche. Et si vous pensez ne plus pouvoir assumer de telles activités parce que l’âge ou la maladie vous en empêchent, détrompez-vous ! Portez tout cela dans votre prière. Demandez l’Esprit Saint pour qu’il vienne, aujourd’hui encore, vivifier l’Eglise dans chacun de ses membres.

Vous êtes peut-être contraints de demeurer chez vous, mais vous êtes notre souffle. Votre prière est notre respiration spirituelle, alors que nous sommes bien souvent « essoufflés » par le rythme et le nombre de nos activités. Pour reprendre l’image du corps que saint Paul proposait, si nous sommes les bras ou les jambes de l’Eglise dans son activité apostolique et missionnaire, vous êtes, chers auditeurs, les poumons qui nous permettez de recevoir l’oxygène nécessaire à notre apostolat.

Vous voyez, c’est tous ensemble que nous formons le corps du Christ qu’est l’Eglise, c’est ainsi que nous sommes unis par le même Esprit. Personne ne reste sur le carreau. Le Seigneur a besoin de tous, selon nos possibilités et nos charismes propres. C’est notre mission d’aller dans le monde, c’est la mission de ceux qui doivent demeurer là où ils sont que de nous porter dans la prière.

Nous avons besoin les uns des autres : vous qui êtes chez vous, aux quatre coins de la Romandie et nous qui sommes réunis dans cette église de Cheyres. Voilà la grâce de la Pentecôte. Voilà ce que signifie « recevoir le don de manifester l’Esprit en vue du bien de tous. »

Aujourd’hui, Seigneur, par le mystère de la Pentecôte, répands les dons du Saint Esprit sur l’immensité du monde, et continue dans les cœurs des croyants l’œuvre d’amour que tu as entreprise au début de la prédication évangélique. Que la diversité des charismes inspirée par l’Esprit contribue à faire rayonner l’unité de toute l’Eglise. Amen.»

Lectures bibliques : Actes 2, 1-11; 1 Corinthiens 12, 3-13; Jean 20, 19-23

Homélie du 12 juin 2011

Prédicateur : Père Albert Buter
Date : 12 juin 2011
Lieu : Eglise St-Boniface, Leeuwarden, Pays-Bas
Type : tv

Qui ne rêve pas d’un jour ne plus avoir peur de faire les choses qu’il a depuis longtemps eu l’envie de faire, mais pour lesquelles il a manqué de courage? Qui est pris dans l’ornière de la vie de chaque jour et aimerait avoir plus d’enthousiasme pour apporter davantage de joie dans ses activités quotidiennes ? Qui ne souhaiterait être plus inspiré et ouvert à ce que Dieu attend de lui ?

Aujourd’hui c’est le jour de l’Esprit Saint, le jour où cela pourrait débuter. Les lectures de ce jour nous y engage pleinement.

Aussi bien dans les Actes des Apôtres que dans l’Évangile selon Saint Jean, on dit que l’Esprit de Dieu descend sur les disciples.

D’une certaine manière, les disciples sont prisonniers d’eux-mêmes. Dans l’Évangile de Jean, ils ont peur de la méchanceté du monde extérieur, et n’osent pas s’y montrer. Dans les Actes, ils viennent de choisir un douzième apôtre, Matthieu, qui doit suivre Judas.

Disons qu’il s’agit là de ce que nous appellerions les « affaires internes » de l’église.

Là intervient l’Esprit Saint. Jésus apparaît à ses disciples, sans être gêné par les épaisses portes. Il se trouve au milieu d’eux. Le doux souffle de Dieu se répand sur les disciples. Et subitement l’Esprit se manifeste dans un vacarme, comme si un vent très fort soufflait, avec des langues de feu.

C’est le signe pour les disciples de changer d’attitude. Ils doivent se surmonter et sortir. D’un coup, ils peuvent aller de par le monde. Le monde entier entendra ce qu’ils ont à raconter.

L’Esprit Saint nous sort de notre zone de confort : là où tout est confortable, sûr et connu…

L’importance de la Pentecôte est que l’Esprit Saint nous permet de témoigner, de proclamer, de pardonner et d’apporter la paix, pour en somme poursuivre la mission de Jésus dans nos vies. Comme Paul l’écrit, « La révélation de l’Esprit nous est communiquée en vue du bien-être de tous ».

Au baptême de Jésus dans le Jourdain, l’Esprit Saint est descendu sur Lui. A partir de ce jour là, Il rassembla des disciples autour de Lui, Il parla de droit et de justice, et annonça l’arrivée du Royaume de Dieu. Son discours était novateur. Il atteignait les gens littéralement et au figuré. Et à la fin de sa vie, Il rendit l’Esprit.

Et quoique, parfois, nous tenions portes et fenêtres fermées, par crainte de…de quoi, en fait ? l’Esprit ne nous laissera pas impassible. Nous pouvons chanter « Venez Esprit Saint », mais osons-nous laisser entrer l’Esprit ? Osons-nous admettre que depuis le début Dieu est le Créateur du ciel et de la terre ? Car la création n’est pas terminée. Chaque jour, Dieu trace de nouvelles routes. Il reste en lien avec sa création et c’est la raison pour laquelle nous pouvons chanter, avec les mots du psaume 104 :  » Envoyez votre Esprit afin que renaisse la vie et que votre création se renouvelle. »

Ainsi nous aussi devenons des hommes nouveaux, atteint par l’Esprit avec lequel nous ne formons qu’un seul corps. L’Esprit Saint nous ouvrira de nouveaux horizons, nous donnera de nouvelles chances et possibilités. L’Esprit nous consolera et nous aidera lorsque nous rencontrerons des difficultés. A nous tous, je souhaite que cela nous donne le courage de poursuivre le chemin qui nous est indiqué par Jésus.

« Esprit créateur, Esprit de consolation, Esprit de libération, viens et réjouis notre cœur », pour le bien-être de tous. Amen

Lectures bibliques : Actes 2, 1-11; 1 Corinthiens 12, 3-13; Jean 20, 19-23

Homélie du 05 juin 2011

Prédicateur : Chanoine Jean-Paul Amoos
Date : 05 juin 2011
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio

Mes sœurs, mes frères, chers auditeurs,

Vous connaissez peut-être cette merveilleuse histoire d’une prière en famille : une fillette avec papa et maman.

La journée s’achève, il est temps d’aller au lit. Près de l’espace de prière la petite commence :

Bonsoir Marie, bonsoir Jésus…

Je t’aime Marie, je t’aime Jésus…

puis se tournant vers le papa… et toi papa, tu ne dis rien ?

Si, dit le papa et il commence : bénissez la famille, bénissez nos amis…

Non, pas comme ça dit la fillette…

Alors qu’est-ce que je dis ?

Tu dis d’abord bonsoir… Merci ma petite.

Bonsoir Marie, bénissez la famille…

Non ! c’est pas ça… tu leur dis d’abord que maintenant tu les aimes…

Bonsoir Marie, bonsoir Jésus, je vous aime… (craignant encore une erreur, le papa s’arrête là).

Mais sa petite fille continue, maintenant papa, tu peux leur dire tout ce que tu veux…

La prière est un état, un temps de relation, de conversation avec le Seigneur, une conversation qui se prépare.

L’histoire de la prière en famille que nous venons d’évoquer peut nous aider à entrer dans la merveilleuse prière extraite du chapitre 17 de l’Evangile de saint Jean. Celle-ci n’est pas seulement une effusion du Coeur de Jésus devant son Père, elle est aussi la plus intime durant laquelle le Fils offre à ses apôtres d’assister à sa conversation toute filiale et confiante avec son Père. Là ils apprendront combien ils lui sont chers. Au cœur de cette prière sacerdotale, Jésus prêtre prépare le don de sa vie pour la gloire du Père et le salut du monde.

On peut retenir trois aspects fondamentaux de cette prière :

premièrement, qu’elle est décentrée, toute tournée vers le Père,

deuxièmement, qu’elle est engagée, au service d’une mission,

troisièmement, que c’est une prière aimante pour tous ceux qui lui sont confiés.

Comme la fillette qui disait bonsoir à Jésus et à Marie, Jésus, débute sa prière, les yeux tournés vers le Père. Il est frappant de découvrir dans l’Évangile cette attitude constante de Jésus qui se tourne vers le Père, ce Père qu’il appelle d’ailleurs « Abba »; « Papa » ce Père dont il parle avec tendresse.

Le chrétien qui prie est invité lui aussi à se tourner vers le Père, car le chrétien a un Code de nationalité bien précis, il est Fils de Dieu. Dans sa prière, il est invité à activer cette relation : père – fils. Conscient de cet amour échangé, le chrétien ne peut reléguer Dieu au rayon de l’accessoire, au casier du superflu… La prière est le fruit d’une relation. Prier, c’est se décentrer. La prière doit se décentrer jusqu’à murmurer : « Père, je te rends grâce, parce que tu es Dieu ».

Si la prière de Jésus est une prière décentrée, elle est aussi une prière engagée.

« Père glorifie ton Fils, afin que ton Fils Te glorifie ».

A première vue, on pourrait croire, que la prière du Christ est intéressée… Non, Jésus ne demande aucun vedettariat…

« Glorifie-moi », veut dire : « donne-moi de réaliser ma mission de Sauveur… donne-moi le courage de monter sur cette Croix, où je serai de fait glorifié, exalté, à la face du monde, mais à quel prix ! Donne-moi de réaliser ton plan de salut pour l’humanité. La réussite de ma mission sera Ta glorification, cette gloire que le monde ignore, mais que moi je connais.

Le chrétien est invité à la prière pour réussir sa vie selon le rêve de Dieu… pour réaliser pleinement sa vocation de père, de mère, d’époux, de malade…

Comme nous aimerions que Dieu soit fier de nous… fier de ses enfants adoptifs, comme il le fut de son Fils, le Christ…

La prière du Christ est une prière décentrée, une prière engagée, une prière aimante pour tous ceux qui lui sont confiés.

« Je prie pour eux; ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés ».

Avant de mourir, le Christ prie avec une infinie tendresse pour ses apôtres qui ont répondu à son appel. Père, tu me les as confiés, je m’en sens responsable, ne permets pas qu’ils se perdent. Je prie pour qu’ils ne soient pas du monde, mais qu’ils soient au coeur du monde, pour y faire germer Ton amour.

Le Christ prie pour nous aussi… qui, a notre humble place, continuons l’oeuvre des apôtres et transmettons le message évangélique. Prière bouleversante si nous la relisons lentement, en pensant que nous étions et que nous sommes dans sa prière.

Prions comme lui pour tous ceux qui nous sont confiés.

Saint Jean Chrysostome disait : « Prier pour soi-même, est un instinct de nature; prier pour les autres est un instinct de grâce ».

Demandons cet instinct de grâce en cette semaine qui nous prépare à la Pentecôte, retirons-nous dans notre cénacle intérieur. En relisant cet Évangile du 7ème dimanche, regardons prier Jésus et disons comme le curé d’Ars : « Lorsque je prie, je me représente Jésus priant son Père « .»

Lectures bibliques : Actes 1, 12-14; 1 Pierre 4, 13-16; Jean 17, 1-11

Homélie du 02 juin 2011

Prédicateur : Abbé Yves Cornu
Date : 02 juin 2011
Lieu : Eglise St-Nicolas de Myre, Cheyres
Type : radio

Je voudrais vous emmener pour un petit voyage ascensionnel dans les hauts de notre village de Cheyres : il s’y trouve dans la forêt et la pente de molasse, un charmant oratoire nommé Bonnefontaine. Comme son nom l’indique, il y coule une eau bonne… Nos ancêtres y sont allés depuis longtemps en pèlerinage et encore maintenant, il est rare qu’il n’y ait pas un lumignon allumé : signe d’une présence, d’un passage, d’une prière.

Ce lieu attire par son aspect bucolique. Mais c’est davantage que cela. C’est l’un des rares lieux en Suisse romande dont la tradition véhicule une apparition de Marie. Marie y serait apparue avec un bouleau blanc derrière elle et des roses et des œillets à ses pieds. Nous sommes alors en 1636 : les réfugiés affluent de la Franche-Comté en pleine guerre qui fera en 10 ans 200’000 morts selon les estimations les plus basses. De surcroît, la famine et la peste s’en mêlent. Le village de Cheyres, plein de réfugiés, va quadrupler voire quintupler sa population. Un commentateur de l’époque dit que dans les villages alentour, c’est la même affluence.

Dans ce contexte de peste et de détresse, des miracles se produisent… c’est Lourdes avant la lettre : l’eau miraculeuse de Bonnefontaine fait connaître assez loin sa bonne vertu.

Nous avons oublié ce drame humanitaire mais l’actualité contemporaine en ex-Yougoslavie avec Medjugorje, ou le génocide au Rwanda en 1994, avec les apparitions de Marie à Kibeho, peuvent être des points de comparaison. Malheureux points de comparaison mais où la grâce de Dieu s’est faite prévenante dans la folie des hommes. Ici à Bonnefontaine beaucoup ignorent le drame qui s’est produit et c’est bien… mais curieusement, Marie continue à dispenser ses bienfaits, au goutte à goutte…

Je pense à ce malade atteint mortellement dans la vitalité de ses poumons, qui montait régulièrement depuis le village de Cheyres pour y faire sa prière. L’effort de la marche à la montée, le souffle court… Respirer à Bonnefontaine, c’était déjà s’habituer à l’air de l’éternité. Le christianisme, c’est cela : s’habituer à Dieu.

J’aime saint Irénée de Lyon chez qui fréquemment il y a cette idée que Dieu s’habitue à l’homme et que l’homme doit s’habituer à Dieu. L’Ascension du Christ nous propose un Christ qui s’absente montant à la droite du Père. Dans cette absence exaltée, il nous promet ici bas un autre lui-même : l’Esprit Saint. Dieu continue à descendre chez les hommes d’une manière plus partagée, plus universelle…

Nous sommes bien dans une période de l’histoire et de l’histoire de l’Eglise où cette universalité est un défi. La planète village nous rapporte son actualité tonitruante à laquelle nous assistons avec impuissance et en proie à un appétit démesuré de nécessaire salut. Un salut qui s’exprime différemment dans nos religions ce qui tend encore à nous opposer…

Les murs qui nous séparent ne montent pas jusqu’à Dieu. Serait-il possible de les faire tomber en creusant sous leur fondation… Je m’explique : à Bonnefontaine, il y a une nature merveilleuse, de l’eau, de la roche qui s’effrite en grottes, ce sont les Crottes de Cheyres, lieu de passage entre Cheyres et Font le village voisin. C’est un passage difficile, nous avons dû l’apprivoiser…

Plus haut encore on y a retrouvé quelques sépultures de la préhistoire. Les villages lacustres des manuels d’histoire de notre enfance ne sont pas loin non plus. L’eau et la terre se mélangent ici plus qu’ailleurs. Creuser les soubassements, c’est retrouver la mentalité de l’homme dit « primitif » qui ensevelissait ses morts en positon fœtale dans le sol : la terre – mère qui a donné la faune et la flore saura bien redonner vie à cette personne chère qu’on lui confie.

C’est cela Bonnefontaine : des symboles anciens qui parlent toujours au cœur de l’homme. La Sainte Vierge a-t-elle pris ici le relais d’un culte d’une divinité liée à la source, à la terre ? Nous ne savons, mais il y a une permanence des symboles qui parle à l’âme.

Je crois que Dieu descend dans ces repères-là. Ils sont cette lumière qui sécurise l’enfant dans le noir.

L’universel est l’enjeu de la nouvelle évangélisation. Cela peut faire peur.

Nos églises se vident, nos contrées se déchristianisent : les jeunes cherchent au-delà de nos références chrétiennes.

Sauront-ils redescendre plutôt que de monter dans la nuée interdite par les anges ? Il y a toutes sortes d’ascensions qui se situent entre les plaisirs mondains et l’échelle sociale qui fait grimper les plus forts. A ce jeu beaucoup perdent l’équilibre et quand ils ne sombrent pas.

A Bonnefontaine, à lire son Evangile d’eau et de verdure, nous nous reposons : la fraîcheur de l’endroit me fait penser à ces jeunes foyers qui me disent leur non pratique religieuse lorsqu’ils présentent leurs enfants au baptême.

« C’est vrai, Monsieur l’Abbé, nous n’allons pas à la messe, mais lorsque nous nous arrêtons dans nos promenades dominicales en famille, nous avons le sentiment que Dieu habite la création en contemplant autour de nous ».

Le Dieu Père et créateur qui accueille Jésus le jour de l’Ascension. Cela pourrait-il nous parler d’une Eglise qui accueille la foi de ces jeunes foyers plutôt que la leur inculquer. Nous pensions fixer notre regard sur ce Jésus – Eglise qui monte vers les nuées par un passage unique. Dieu nous le redonne en Esprit Saint partout où il nous devance.

C’est frappant, la nouvelle évangélisation : le nouveau et l’ancien qui se rencontrent. Nous continuons à proposer Jésus à ce monde qui semble peu en vouloir. Le monde continue à nous dire sa foi dans les réalités simples de la vie.

Voyez ce Jésus de l’Evangile dire à ce lépreux qui revient vers lui : « Va ta foi t’a sauvé ». Jésus aurait pu affirmer sa toute puissance de Fils de Dieu qui change les cœurs… Non, c’est la foi de ce malade, sa foi à lui, qui l’a sauvé. Quelle révolution « copernicienne » : ce n’est plus à nous de dire notre foi, c’est le monde qui la contient et la révèle. Jésus tu étais là et je ne le savais pas… à Auschwitz dans ce camp de concentration, à Srebrenica parmi ces victimes musulmanes, à Bonnefontaine dans cette eau qui chante l’humanité humblement croyante au goutte à goutte.»

Lectures bibliques : Actes 1, 1-11; Ephésiens 1, 17-23; Matthieu 28, 16-20

Homélie du 02 June 2011

Prédicateur : Mgr Bernard Barsi, archevêque
Date : 02 June 2011
Lieu : Cathédrale de Monaco
Type : tv

L’évènement de l’Ascension que nous célébrons aujourd’hui a été annoncé, dès le matin de Pâques par Jésus lui-même. Marie-Madeleine pleure devant le tombeau vide, elle est persuadée que quelqu’un a enlevé le corps de son Maître et Seigneur. Jésus ressuscité se manifeste à elle, l’appelle et lui confie la mission d’aller trouver les disciples pour leur dire qu’il monte vers son Père et notre Père, vers son Dieu et notre Dieu (cf. Jean 20,17).

Pendant quarante jours après sa résurrection, Jésus s’est montré vivant à des témoins que Dieu avait choisis. Les apôtres et les disciples ont mangé et bu avec le Ressuscité, faisant ainsi l’expérience de sa nouvelle présence. En montant vers son Père et son Dieu, Jésus réalise le grand mystère du salut de l’humanité : Lui, le Fils de Dieu, s’est abaissé en prenant la condition de serviteur, obéissant jusqu’à la mort de la croix, mais Dieu l’a élevé au-dessus de tout. Dieu par sa puissance d’amour a fait de lui le Chef, le Sauveur, la tête de l’Eglise.

Avec les apôtres, ces hommes de Galilée qui restent là à regarder vers le ciel, prenons un instant pour contempler la gloire du Christ Ressuscité que la préface de cette messe nous invite à chanter : Jésus, Fils unique de Dieu, vainqueur du péché et de la mort offre sa vie pour nous. Jésus Rédempteur a tout pouvoir au ciel et sur la terre.

Jésus notre médiateur auprès du Père : « en dehors de lui, il n’y a pas de salut. Et son Nom, donné aux hommes, est le seul qui puisse nous sauver » (Actes 4,12). Jésus nous dispense son esprit de force, le Saint-Esprit. Jésus est avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde. Il est l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin (cf. Apocalypse 22,13). Jésus, le Juge du monde reviendra à la fin des temps comme Roi de lumière, de paix et d’amour.

Contempler le Christ Ressuscité entré dans la gloire du ciel, c’est croire qu’un jour, à notre tour nous le rejoindrons auprès du Père, auprès de notre Dieu. Ainsi, la fête de l’Ascension nous révèle la vocation surnaturelle, la destinée de l’homme qui est appelé à une plénitude de vie qui va bien au-delà de son existence sur terre, puisqu’elle est participation à la vie divine. Le Christ élevé dans la gloire entraîne l’humanité dans sa communion avec Dieu.

L’Ascension du Seigneur met en nos cœurs l’espérance d’être pour toujours avec Dieu, elle nous dévoile la grandeur et le prix de toute vie humaine.

Contempler la gloire du Christ Ressuscité serait-ce s’évader de notre condition humaine ? Bien au contraire, Jésus nous renvoie toujours vers les autres. « Tu vois ton frère, tu vois ton Dieu ! » disait Clément d’Alexandrie aux premiers siècles du christianisme. Si au jour de l’Ascension, les disciples ont été tentés de rester les yeux fixés vers la nuée du ciel pour y discerner la présence du Seigneur, des messagers de Dieu sont venus leur rappeler l’ordre de Jésus : « allez donc ! ». Les apôtres ne fuient pas de ce monde où Dieu les a placés, ils partent jusqu’aux extrémités de la terre pour annoncer à toutes les nations la Parole de Dieu, les baptiser et bâtir l’Eglise du Christ. Leur tâche est immense mais ils ne sont pas seuls, Jésus ne les abandonne pas, il est avec eux, il les comble de son Esprit Saint. A notre tour, nous sommes engagés, au milieu du monde, dans la mission de l’Eglise. Avec la force de l’Esprit et en union avec nos frères et sœurs chrétiens, animés par l’espérance de rejoindre le Christ, nous annonçons et vivons l’Evangile. Nous cherchons à aimer et à servir notre prochain, nous souvenant des paroles de Jésus : « ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Matthieu 25,40). Ensemble, nous désirons construire la civilisation de l’amour à laquelle le Bienheureux Pape Jean-Paul II était si attaché.

Ce jour de l’Ascension du Seigneur est un jour de joie. Avec le Christ Jésus exalté dans la gloire de Dieu son Père nous distinguons le but ultime de notre existence humaine : être pour toujours dans la communion d’amour du Dieu Trinité, Père, Fils et Saint Esprit. A la suite des Apôtres, nous sommes envoyés vers nos frères comme témoins de la Bonne Nouvelle du Christ. Que l’eucharistie partagée en Eglise, soit le pain et le vin de notre route, notre force et notre fidélité, la réalisation de l’espérance d’être pour toujours unis à Dieu.»

Lectures bibliques : Actes 1, 1-11; Ephésiens 1, 17-23; Matthieu 28, 16-20

Homélie du 29 mai 2011

Prédicateur : Abbé Canisius Oberson
Date : 29 mai 2011
Lieu : Eglise du Bon Pasteur, les Geneveys-sur-Coffrane
Type : radio

« En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous ». Ce jour-là, c’est aujourd’hui, pour tous les chrétiens qui accueillent le Christ en eux. Les disciples du Christ vivent en effet en communion avec lui, en communion avec le Père, et en communion entre eux. Et ils sont appelés à rayonner l’amour de Dieu à la terre entière, selon son commandement.

Tout cela est bien beau, me direz-vous, mais qu’est-ce que cela veut dire concrètement dans nos vies ?

Être dans le Christ, en Dieu, cela ne veut souvent plus dire grand-chose à nos contemporains, occupés à cent activités toutes plus brillantes et intéressantes les unes que les autres. Il suffit de penser à la place des nouvelles technologies et du monde virtuel qui s’ouvre quasi à l’infini quand on tapote sur un clavier d’ordinateur ou de téléphone portable. Et puis parfois par la faute des chrétiens eux-mêmes, le langage de la foi s’est codifié dans les mots compliqués des philosophes et des théologiens, au point de devenir obscur. Le résultat, c’est qu’on ne sait plus très bien ce que veut dire être chrétien, et l’on croit qu’il suffit de croire que Dieu existe pour l’être. C’est Louis de Funès qui, à ma connaissance, a dit de la plus belle manière ce que veut dire être dans le Christ et en Dieu, quand il disait du Christ qu’il était pour lui le compagnon radieux de ses jours. Être en Dieu, être dans le Christ, c’est laisser du temps à Dieu dans notre vie, c’est y laisser du temps pour l’évangile, pour la prière, pour qu’ils transforment peu à peu notre manière d’être et de penser.

Cette nouvelle manière d’être, c’est celle qui consiste à être fidèle à ses commandements, comme dit Jésus, les commandements qui se résument à l’amour de Dieu et du prochain. Il s’agit d’un commandement, parce que l’amour ne va pas de soi. Il ne se résume pas au sentiment amoureux, comme on aurait parfois tendance à le croire. Il est la mesure de tout, il place les autres à pied d’égalité et de dignité, il rend le témoin du Christ doux et respectueux, comme dit l’apôtre Paul.

Le champ d’activité de notre amour est en réalité gigantesque. Il commence bien sûr chez nos proches, que nous n’aurons jamais fini d’apprendre à aimer comme le Christ les aime. Mais il y a aussi un esprit d’amour à insuffler partout dans nos relations sociales et dans la manière dont s’organise notre société. Il me semble que les « indignés » de la Plaza del Sol de Madrid et d’ailleurs en Espagne et en Grèce, adressent au monde un message important : la vie sociale ne peut pas s’organiser, simplement en mettant en concurrence les individus, les entreprises, les assurances sociales et la fiscalité entre les pays du monde. Si le pays le plus merveilleux devient celui où il y a le moins de protection sociale et le moins d’impôt, alors les pauvres et les plus faibles paient la note du déficit d’humanité. Personne ne peut être heureux tout seul. Nous avons besoin les uns des autres, besoin que les autres soient heureux, pour que nous puissions l’être nous-mêmes. Pour humaniser le monde, la concurrence doit s’effacer devant la collaboration et la solidarité. Nos visions du monde doivent passer par la lorgnette de l’amour des autres, cette lorgnette qui se règle sur l’évangile du Christ.

« Vous êtes un doux rêveur », me direz-vous ! Mais n’est-ce pas justement le rêve qui manque aujourd’hui à tant de personnes, et l’évangile n’est-il pas à même d’ouvrir à notre monde un autre horizon que celui d’une croissance destructrice du don que Dieu nous fait de sa création ?

Le Défenseur, l’Esprit de vérité, il nous revient en premier à nous, chrétiens, de le demander, de l’accueillir, tout particulièrement à l’approche de la Pentecôte, pour que se réalise notre vocation à être les ardents défenseurs de la dignité des humains. Simplement parce que tous sont aimés de Dieu, parce Dieu est en eux, et que nous sommes appelés à former avec eux tous la grande famille des enfants de Dieu, dans laquelle personne n’est orphelin. – Amen.»

Lectures bibliques : Actes 8, 5-8. 14-17; 1 Pierre 3, 15-18; Jean 14, 15-21

Homélie du 22 mai 2011

Prédicateur : Abbé Canisius Oberson
Date : 22 mai 2011
Lieu : Eglise du Bon Pasteur, les Geneveys-sur-Coffrane
Type : radio

Chers amis rassemblés dans cette église, et vous qui nous écoutez à la radio, nous aimerions sans doute bien rencontrer un jour Jésus et lui dire : « Montre-nous le Père », c’est-à-dire montre-nous Dieu. Pour essayer de trouver Dieu, des gens passent leur vie à réfléchir. D’autres partent à l’autre bout du monde, ils vont parler avec des sages de l’Inde ou d’ailleurs, en espérant que la petite lampe s’allume enfin en eux et qu’ils puissent dire : Euréka, j’ai trouvé Dieu ! J’ai connu un vieil homme qui est venu me trouver et qui pleurait en me disant : comme j’aimerais croire en Dieu, comme je vous envie d’être croyant, mais je ne le peux pas !

À Philippe qui était un peu bouché, Jésus dit : « Celui qui me voit, voit le Père ». Pour voir Dieu, il faut donc voir Jésus, le fréquenter, en faire un compagnon de route, un guide, un ami. Et Jésus qui nous dit Dieu, c’est un gaillard étonnant. Il vivait dans une liberté extraordinaire. Sa boussole, c’était l’amour qu’il avait pour son Père, et l’amour qu’il avait pour tous. Quand des gens étaient rejetés, mis de côté, lui faisait exprès d’aller vers eux, parce qu’il savait que Dieu son Père les aimait. C’est pour ça qu’il allait vers les lépreux, qu’il mangeait avec les gens peu recommandables, au grand scandale des bien-pensants. Il pardonnait aux pécheurs, et pour lui les gens étaient plus importants que les lois. En agissant ainsi, Jésus voulait dire : voilà mon Dieu, voilà votre Dieu, c’est ainsi qu’il vous regarde, vous pardonne, vous aime ! Pour aller vers ce Dieu-là, « je suis le chemin, la vérité et la vie ». Alors, inutile de faire de grandes théories sur Dieu, « regardez-moi, écoutez-moi et suivez-moi », veut dire Jésus. C’est ce que nous faisons lorsque nous ouvrons un évangile, seuls ou avec d’autres, au catéchisme ou en famille.

Mais il faut encore ajouter ceci : Jésus n’est pas une pièce de musée qu’on va visiter dans l’évangile ou à l’église. Il est ressuscité, vivant, Pâques nous le rappelle. Son ciel, ce ne sont pas les nuages et le vide intersidéral ; non, son ciel, c’est nous, c’est les humains qui peuplent le monde entier. Nous sommes des « pierres vivantes » du nouveau temple où Jésus habite. Ce qui veut dire que Jésus et Dieu son Père, nous en trouvons l’image vivante sur nos visages d’humanité ; sur vos visages réjouis d’enfants, sur le visage de vos parents, de vos frères et de vos sœurs, mais aussi sur le visage des malades, des vieillards, des personnes handicapées, des étrangers, des foules de pauvres et d’affamés de notre planète.

Quand on a une fois réalisé que nous sommes la demeure de Dieu, alors on sait aussi qu’on ne peut plus se contenter de prier et de lire l’évangile pour être une pierre vivante, même si c’est très important. Alors, quoi faire ? Avant toute chose, j’ai envie de dire : nous laisser toucher, nous laisser aimer par les autres, nos voisins comme les réfugiés qui nous appellent à nos frontières, les pauvres et ceux qui ne comptent pas, ces handicapés à qui on voudrait encore diminuer leur rente parce que les plus riches ne veulent pas partager. Les regarder, ces pauvres, comme on contemple Jésus donnant sa vie pour nous sur la croix, pour accueillir le cœur d’humanité qui bat en chacun d’eux. Voilà la première étape, qui nous permettra de rayonner l’amour de Jésus pour la seconde étape, celle de l’amour donné, précisément, qui passe par le respect de la dignité de chacun, par la compassion et le partage dans la justice.

Vous l’avez ainsi compris : on ne peut pas voir Jésus et Dieu sans voir les autres. Et si l’on regarde bien au fond du cœur des humains, on ne peut pas les voir sans voir Dieu. C’est ainsi que, chrétiens, nous cheminons vers Dieu avec Jésus, en donnant la main aux foules de ce monde que Dieu aime. – Amen.»

Lectures bibliques : Actes 6, 1-7; 1 Pierre 2, 4-9; Jean 14, 1-12

Homélie du 15 mai 2011

Prédicateur : Chanoine Alexandre Ineichen
Date : 15 mai 2011
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio

Journée mondiale de prière pour les vocations religieuses et sacerdotales

De ce passage de l’Evangile de saint Jean, chers frères et sœurs, j’aimerais vous proposer trois éléments qui en sont issus : la porte, les brebis et le pasteur. Ils seront un moyen sûr pour essayer d’approfondir le mystère de l’Eglise et pour mieux comprendre l’articulation entre le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel, thème essentiel en cette journée mondiale de prière pour les vocations religieuses et sacerdotales.

Commençons donc avec la porte, objet usuel s’il en est, qui sert d’ouverture à un endroit clos, mais aussi qui le protège d’une intrusion. La porte est ce qui empêche le voleur ou le bandit d’entrer là où il n’a pas à être. D’ailleurs, Jésus dit bien que trouvant la porte close, le voleur, le mercenaire escalade par un autre endroit. En effet, la porte est réservée à qui de droit : ici le pasteur des brebis. La porte est donc le seul itinéraire possible pour sortir ou entrer. Sans elle, les brebis ne seraient pas à l’abri. Sans elle, elles resteraient enfermées sans pouvoir sortir. Et dans ces conditions, comment évangéliser ? Comment trouver le repos promis ? Le Christ l’a bien compris puisqu’il se qualifie lui-même de porte. « Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé : il pourra aller et venir, et il trouvera un pâturage. » La porte est donc bien ce lieu de passage vers la Jérusalem céleste. Saint Jean le rapporte dans l’Apocalypse car il aperçut, dit-il « une porte ouverte dans le ciel ». Mais cette porte, nous le savons, c’est aussi celle de notre cœur où se tient Jésus. Il y frappe. Si quelqu’un entend sa voix et ouvre la porte, il entrera chez lui et prendra son repas avec lui. Il aura la vie, et la vie en abondance. Ceux qui reçoivent un tel don, ceux qui reconnaissent cette voix, ce sont les brebis qui écoutent le pasteur.

Voilà donc notre deuxième élément : les brebis. Parfois, cet élément est bien bucolique, à la limite même du kitsch. Serait-ce un esprit moutonnier auquel le Christ nous convie ? Ne serait-ce pas trop beau pour être vrai ? Evidemment, cette image devenue par trop idéaliste est loin de l’intention de Jésus. Les brebis sont certes une comparaison pour le peuple de Dieu dans l’Ancien Testament déjà, mais ils sont aussi une allusion directe au sacrifice pascal. Celui qui est l’Agneau de Dieu, c’est celui-là même qui sauve les brebis. Par ce symbole, Jésus ne retient pas seulement l’aspect grégaire de l’animal, mais aussi sa proximité avec le pasteur et la vie pastorale. Nous sommes les brebis, et nous le savons, parce que nous écoutons la voix de notre Dieu et que nous nous laissons conduire là où il nous veut c’est-à-dire dans son royaume.

Nous en arrivons donc au troisième élément : le pasteur, celui qui emmène ces brebis. Il les conduit à travers la porte vers la bergerie ou vers le pâturage. L’Eglise doit être conduite, hier, aujourd’hui comme demain. C’est l’unique pasteur qui accomplit ce mystère, et c’est le Christ. Mais pour poursuivre son œuvre il appelle, hier, aujourd’hui comme demain, des brebis qui écoutent sa voix. Elles acceptent d’être dans l’Eglise des modèles de l’unique pasteur. Elles dirigent, elles prient et sanctifient le troupeau pour le mener sous la houlette de Jésus-Christ, notre Seigneur et notre Dieu. Les prêtres ne sont rien d’autres que les continuateurs de l’œuvre de l’unique pasteur. Et pour reprendre saint Augustin, je peux dire que je suis une des brebis du troupeau, qui se doit d’écouter celui qui se tient à la porte, mais par ma volonté d’être en conformité avec le Christ, l’unique pasteur, je suis aussi prêtre pour amener tout le troupeau au paturage et à la bergerie. Aussi, prêtres, écoutez donc ce que dit votre pasteur : « Soyez les bergers du troupeau de Dieu qui vous est confié ; veillez sur lui (…), non pas en commandant en maîtres à ceux dont vous avez reçu la charge, mais en devenant les modèle du troupeau. »

Ainsi, en priant pour les vocations, c’est à ces trois éléments que nous faisons référence : la porte, qui ouvre sur le ciel et dont le religieux en vivant les trois vœux ici et maintenant est une préfiguration du royaume de Dieu, les brebis qui se doivent d’écouter l’unique pasteur et se laisser conduire, au dehors, comme au dedans, et accomplir le sacerdoce commun qui nous a été donné lors de notre baptême, enfin le pasteur, c’est-à-dire Jésus-Christ dont le ministère sacerdotal se poursuit par nos mains et nos mots, car nous faisons ceci en mémoire de lui pour que tous nous puissions communier et participer à la vie même de Dieu.»

Lectures bibliques : Actes 2, 14a. 36-41; 1 Pierre 2, 20-25; Jean 10, 1-10