Homélie du 20 mars 2011

Prédicateur : Abbé Bernard de Chastonay
Date : 20 mars 2011
Lieu : Cathédrale Notre-Dame, Sion
Type : radio

Chers frères et sœurs dans le Christ, chers malades,

Après la solitude du désert, la beauté envoûtante des sommets. Gravir une montagne, atteindre son faîte, seuls les alpinistes savent ce que l’on peut y ressentir une fois l’effort accompli. La tension se relâche, la joie vous submerge, la fatigue aussi pointe le bout de son nez… Au sommet de la montagne, le temps est à l’émotion.

Et puis, chacun le devine : au sommet d’une montagne, l’on est plus proche de Dieu, surtout s’il s’agit, comme nous le précise l’évangile, d’une haute montagne ! De son sommet le regard embrasse l’horizon et l’homme touche quelque chose de la transcendance divine. Ce n’est pas pour rien que Dieu a choisi de souvent s’y manifester.

Quelques brefs rappels. Le sacrifice d’Abraham : sur une montagne ; la rencontre de Moïse avec ce Dieu dont il voulait tant connaître le Nom : sur une montagne ; la Transfiguration : sur une montagne. La croix ? Sur une colline, peut-être, mais le prophète Isaïe a désigné la colline de Jérusalem, pourtant peu élevée, comme le sommet des montagnes ; et c’est sur la montagne que souvent Jésus s’est retiré pour y rencontrer son Père dans la prière et la contemplation.

Nous voilà donc, en ce deuxième dimanche du carême, avec Pierre, Jacques et Jean sur la montagne. Trois apôtres – et leur chef de cordée, Jésus, quatre personnes reliées par les liens d’une amitié naissante et d’un amour déjà tout donné pour Jésus.

Et que de monde cette fois ! Dans le désert, seul le Christ et le malin dialoguaient. Duel de citations bibliques. Dont on connaît le vainqueur. Au jour de la Transfiguration, ils sont finalement six, tous habités d’Esprit-Saint, à des degrés divers bien sûr : Jésus, le maître et le guide, Pierre, Jacques et Jean, trois colonnes de l’Eglise à venir, et Moïse et Elie. La loi et les prophètes. Avec les apôtres ce sont les deux testaments qui se rassemblent, réunis par la grâce du Christ. Sur le mont de la Transfiguration, le peuple de la première Alliance contemple la réalisation des promesses faites autrefois à Abraham, Isaac et Jacob tandis que celui de la nouvelle Alliance a encore tout à apprendre. Dieu seul sait la profondeur des propos que Jésus, Moïse et Elie ont tenu dans leur entretien. Oui, sur le mont de la Transfiguration le peuple de la première alliance et celui de l’alliance nouvelle se rencontrent. Ensemble, grâce au Christ ! Que du bonheur, dont il serait bon que nous nous inspirions dans nos relations avec nos frères aînés dans la foi.

Que du bonheur ! Pierre s’en ressent et dans son enthousiasme habituel, il ne peut s’empêcher de l’exprimer : Seigneur, il est heureux que nous soyons ici. Le voilà déjà tout service : dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, une pour Elie. Bonheur que Pierre voudrait prolonger, spectacle étonnant qu’il désire « éterniser ». D’où l’évocation des tentes. Heureusement, Pierre, une fois n’est pas coutume, fait preuve de prudence ; il ajoute : si tu le veux.

Or ce que Jésus veut, nous l’avons relevé dimanche passé, c’est que la volonté du Père se fasse sur terre comme au ciel. Et le Père, son Père et notre Père, intervient, comme au jour de son baptême. Une voix à nouveau se fait entendre : celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour ; écoutez-le.

Moïse a connu le Nom divin : Je suis qui je suis ; Elie découvrira, lui, la présence de Dieu dans le souffle ténu d’une brise légère. Et les apôtres apprendront à contempler en Jésus la parfaite image du Père, le Père prodigue de la parabole, Celui dont l’amour infini se manifeste dans un pardon sans limite, Père aux bras toujours ouverts, main féminine de la tendresse, main masculine de la protection, deux bras et deux mains qui offrent à ceux qui le cherchent un havre de paix et d’accueil.

Mais il doit en aller de Pierre, Jacques et Jean comme du Christ lui-même. Dans le désert, il a appris à patienter ; il n’a rien exigé pour lui tout de suite, Il attend tout du Père et le laisse libre de choisir les temps et les moments. Il n’est pas encore temps que les trois sachent tout du Christ. Ne parlez donc de cette vision à personne. La transfiguration à laquelle ils ont assisté leur servira plus tard. Ils s’en souviendront comme de la préfiguration d’une transfiguration plus grande encore : celle de la mort vaincue, celle de la vie qui surgit du tombeau pour l’éternité.

Et comme Abram fut convié en son temps, fort lointain, à quitter son pays, pour lui et tous les siens, pour son bonheur et le leur, les trois compagnons, couchés face contre terre tellement ils sont maintenant terrifiés – quelle grande vision ils ont vue ! sont invités à se relever : n’ayez pas peur ! Comment le pourrait-on d’ailleurs puisque Dieu n’est pas dans l’ouragan. La main qui les touche pour les relever, c’est celle de la brise légère qui murmure déjà à leurs oreilles une musique nouvelle dont ils n’ont pas encore la clé d’interprétation : la grande et bonne nouvelle du Christ ressuscité, le Messie dans sa gloire.

Jésus a souffert la faim dans le désert ; il nous faut, nous, sentir la sensation de la soif ; soif de la Bonne Nouvelle – il est heureux que nous soyons ici. Soif de la vie à jamais. Ecoutez-le. Dans cette eucharistie, laissons le Christ lui-même, et son Esprit, creuser en nous la source d’eau vive. Et toute soif sera apaisée. Amen»

Bernard de Chastonay, genèse

Lectures bibliques : Genèse 12, 1-4; 2 Timothée 1, 8-10; Matthieu 17, 1-9

Homélie du 20 mars 2011

Prédicateur : Jean-Claude Huot, pasteur Jacques Bakulu, pasteur Luc Ramoni
Date : 20 mars 2011
Lieu : Eglise Saint-Maurice, Ursy
Type : tv

Messages prononcés au cours de la célébration

Jean-Claude Huot

Délégué pour la campagne œcuménique de Carême

L’Afrique est présente en Suisse. Les migrations et les voyages nous donnent la joie de rencontrer des frères et des sœurs d’Afrique. Nous savons aussi que les premiers hommes de notre espèce sont probablement venus d’Afrique il y a 100’000 ans. Nous savons encore que le Cervin fait partie de la plaque continentale africaine.

Mais savons-nous que l’Afrique est là aussi dans ce téléphone portable que nous avons tous dans nos poches et nos sacs ? Il y a dans ce petit appareil du coltan, un minerai qui vient en grande partie de l’Est de la République démocratique du Congo, au cœur du continent africain.

Et ce continent est riche de quantité de minerais que nous utilisons tous les jours : le cuivre, l’or ou le platine. Le pétrole aussi, sur les côtes. L’Afrique est présente, elle fait notre richesse. Pourtant sa population est pauvre. Elle souffre de la faim. Et c’est inacceptable.

C’est pourquoi les trois organisations qui animent depuis 41 ans la campagne œcuménique, Pain pour le Prochain, Action de Carême et Etre Partenaires ont intitulé la campagne du carême 2011 : « Extraction minière, un business indigeste ! » Il importe d’entendre la voix de nos sœurs et de nos frères d’Afrique qui nous disent : « ça suffit ! Aidez-nous à construire une économie et des sociétés où nous pouvons tous vivre dans ».

Le pasteur Jacques di Mapianda Bakulu est l’hôte de la campagne œcuménique. Il commence aujourd’hui à Ursy sa tournée en Suisse romande. Comme coordinateur du CEPECO – Centre pour la promotion et l’éducation des communautés de base -, une organisation soutenue par Action de Carême, il forme des animateurs et appuie des associations paysannes. Il nous dira la réalité d’une population qui fait face aux puits de pétrole près des côtes de Boma à l’Ouest du Congo. Il nous dira aussi, comme Job, la recherche de la sagesse qui anime les communautés chrétiennes qu’il accompagne.

Premier message du pasteur Jacques Bakulu

Après la lecture du livre de Job « La terre fut ravagée en ses entrailles » (28,5)

Le peuple congolais vit dans une misère sans précédent. A tel point qu’il préfère la période coloniale. Parce que je peux vous assurer qu’aujourd’hui le Congolais naît pauvre, grandit pauvre, vit pauvre, meurt pauvre, enterré pauvre dans un sous-sol riche…

Je vous parle maintenant de ma province du Bas-Congo à l’ouest de la RDC à l’embouchure du fleuve. C’est une province pétrolière. Elle est aussi la deuxième province minière du Congo après le Katanga. L’exploitation pétrolière a commencé en 1967 et elle dure jusqu’à ce jour. Plusieurs entreprises anglo-saxonnes, belges ou françaises sont passées au Bas Congo. Elles ont exploité le pétrole, mais elles n’ont pas aidé les congolais de cette province. Elles ont apporté la misère, la pollution, les maladies respiratoires et la sécheresse, bref une destruction totale de l’environnement . On a vu les poissons empoisonnés et des rivières entières sont devenues impropres à la consommation.

La cité côtière de Moanda est le siège de l’exploitation pétrolière au Congo. Mais c’est la ville côtière de l’Atlantique la plus sous-développée de tout l’Océan.

Les approches traditionnelles du développement, en Afrique comme ailleurs, ont insisté sur le rôle des ressources naturelles dans la promotion du bien-être économique et social de chaque

peuple. Mais dans les faits, dans mon pays, l’exploitation des ressources naturelles a encouragé un déficit démocratique, la corruption, et parfois des guerres civiles. Le résultat est que ma province fait partie des régions pétrolières les plus pauvres du monde. Dans le classement du Programme des Nations Unies pour le développement la RDC est classée avant dernière sur l’échelle du développement humain.

Notez bien que la gestion des revenus de ces ressources repose plus sur une logique de production que sur une logique de répartition. On produit, mais on ne répartit pas. La population est simplement oubliée. Ce qui crée des frustrations.

Pourtant les minerais sont là, mais ils sont le plus souvent exploités artisanalement par exemple l’or et les diamants.

C’est donc avec la main, et parfois même la main nue, qu’on extrait ces matières du sol, et cela en quantités très faibles.

La misère et le sous-développement des côtes entières est constaté. Elles sont polluées.

Dans d’autres pays du monde la pollution est compensée, par exemple dans le golfe du Mexique. Mais chez nous les entreprises ne réparent pas les dégâts. Elles dégradent l’eau qui était utilisée par la population. Et ensuite elles construisent quelques fontaines, mais cela ne compense pas.

Le résultat est que la vie est plus compliquée qu’avant.

Même sur le plan social, on remarque des problèmes.

Par exemple les ouvriers congolais qui travaillent dans le pétrole sont 5 fois moins payés que dans l’enclave voisine de Cabinda qui est une province angolaise.

Voilà en quelques minutes ce que je peux vous dire sur la réalité de mon pays en écho avec les ravages de la terre qu’évoque le livre de Job que nous venons de lire.

2e message du pasteur Bakulu

Livre de Job : « Dieu a dit à l’homme : le respect du Seigneur, voilà la sagesse. S’écarter du mal, c’est l’intelligence »

Toute la vie du Congolais, dépend de la grâce de Dieu. Le Congolais vit au jour le jour, sans provision, ni budget. Quand les Saintes Ecritures disent que chaque jour suffit sa peine et l’oiseau ne sème pas mais il mange, c’est vraiment ça la vie du Congolais

C’est pour cette raison que nos communautés locales s’organisent et se prennent en charge car elles sont responsables de leur propre sort.

Et, pour qu’elles arrivent à se prendre en charge, le CEPECO les aide à s’organiser en association. Il les aide à créer des petites caisses mutuelles pour s’aider les uns et les autres. Avec cet argent, les communautés arrivent même à créer des pharmacies locales, des petits dispensaires.

Nous les encourageons aussi à connaître leurs droits. Le CEPECO pousse également les entreprises à assumer leur responsabilité sociale. Elles doivent savoir qu’elles ne viennent pas seulement pour exploiter. Elles doivent comprendre qu’elles ont un rôle à jouer pour le développement des communautés locales et fournir du travail aux habitants.

Le CEPECO agit aussi au niveau de l’Etat. Il intervient auprès des assemblées provinciales ou nationale pour inciter les autorités publiques à rédiger des lois et des édits qui prennent en compte les besoins des communautés. Par exemple nous avons influencé l’élaboration de la loi sur les hydrocarbures. Cette loi fixe un partage équitable entre l’Etat et l’entreprise : moitié moitié. Nous avons aussi participé à l’élaboration de la loi sur les forêts communautaires. Elle permet aux communautés de demander des forêts à l’Etat.

Nous déployons un plaidoyer à tous les niveaux, même au niveau international. Nous encourageons les communautés à s’intéresser à la gouvernance locale, à prendre conscience qu’il est important d’élire des députés et de suivre leur travail.

L’Eglise a la même mission de veiller à la prise de conscience des communautés et de soutenir leur foi. Elle a la mission de les encourager à se prendre en charge et à vivre dans la confiance. Mais en même temps elle stimule le goût du travail car c’est en travaillant que les communautés peuvent se développer. C’est aussi à ce niveau que la mission de l’Eglise et le travail des ONG se rencontrent se renforcent mutuellement.

Nos communautés vivent par la foi, sans savoir ce qu’on mangera demain mais avec la prise en charge personnelle que nous prônons, la méthode non-assistentielle ainsi que la création des caisses communes, elles arrivent à survivre et subvenir à leurs besoins. Et tout ce travail que nous faisons depuis des décennies est rendu possible, entre autres, grâce à l’appui des chrétiens de Suisse que vous êtes.

Message du pasteur Luc Ramoni

En introduction à l’Evangile : « N’amassez pas de trésors sur la terre… » (Mt 6, 19-21)

Je suis impressionné par le témoignage du pasteur Bakulu, mais peut-être encore plus par l’évocation du soutien que les communautés chrétiennes locales apportent à ces populations … je suis impressionné par leur confiance en l’avenir, malgré le terrible manque de moyens dont ils disposent … je suis impressionné par leur confiance en Dieu !

Et nous ? Nous qui sommes dans un pays riche, nous qui profitons au moins en partie des richesses de ces pays à l’autre bout du monde, quelle foi avons-nous en l’avenir ? Quelle foi accordons-nous à Dieu ? La question n’est pas seulement de savoir à quel point nous sommes, nous en Suisse et en Europe, responsables de l’exploitation de ces populations d’Afrique ou d’Amérique … mais au-delà de ça, quelles actions nos communautés chrétiennes d’ici engagent-t-elles pour la défense de celles et ceux qui sont exploités chez nous ?

Bien sûr, nous ne souffrons pas de la faim d’une manière aussi aiguë que nos frères africains … bien sûr nous ne manquons ni d’eau, ni d’électricité, comme bien des habitants des pays en voie de développement, mais aussi ces temps comme un grand nombre de japonais que nous gardons dans nos prières, bien sûr nous avons mis en place des systèmes sociaux grâce auxquels nous pouvons subvenir aux besoins de celles et ceux qui, chez nous, n’ont plus de travail, tombent malade ou perdent leur maison … mais ensuite ? Que faisons-nous ? Que faisons-nous ici lorsque des producteurs finissent par devoir vendre à perte le fruit de leur travail ? Que faisons-nous lorsque des entreprises qui dégagent des bénéfices continuent de licencier du personnel, heureuses qu’elles sont de voir qu’avec moins de monde on abat toujours autant de travail … ? Que faisons-nous lorsque même nos paroisses voient leurs frontières s’élargir et leur personnel diminuer ?

N’avons-nous pas, encore plus, la tentation de préserver ce que nous considérons comme notre patrimoine ? N’avons-nous pas la tentation de nous replier sur des valeurs sûres: sur nos avoirs? Pouvons-nous vraiment faire confiance à demain et nous en remettre à Dieu, qui a déjà pourvu, qui pourvoit et qui pourvoira ?

Oui, le repli sur ses propres forces est une tentation. Je pense même que c’est une tentation bien naturelle et je ne jetterai évidemment pas la pierre … mais si nous regardons un peu le monde, nous savons que vouloir s’assurer contre l’incertitude de l’avenir en accumulant des biens n’est pas une assurance infaillible ; nous savons que les technologies les plus évoluées ne peuvent pas résister aux forces de la nature !

Dès lors il est bien compréhensible que certains préfèrent restreindre leur train de vie et recentrer leurs activités sur des domaines qui leur sont plus précieux : sur la famille, sur une certaine qualité de vie … certains préfèrent laisser en circulation des biens qui ne leur sont pas absolument indispensables, parce que les posséder pour eux seuls risquerait d’en priver quelqu’un qui en a plus besoin que soi … peut-être que ce sont finalement ces gens-là qui ont compris l’évangile, ou en tout cas un certain idéal du partage ?»

Lectures bibliques : Job 28, 5; Matthieu 6, 19-21

Homélie du 13 mars 2011

Prédicateur : Abbé Bernard de Chastonay
Date : 13 mars 2011
Lieu : Cathédrale Notre-Dame, Sion
Type : radio

Chers malades, chers frères et sœurs dans le Christ.

Quel contraste !

Il sillonnait il y a peu les berges du Jourdain. Une eau abondante et cristalline coulait dans le lit du fleuve. Des bosquets d’arbres offraient un peu de fraicheur bienvenue aux voyageurs. L’herbe grasse colorait d’espérance le paysage et les fleurs chantaient leurs parfums.

L’eau, c’est la vie. Le baptême aussi. Creuse en toi la source.

Une colombe ce jour-là l’avait survolé – l’Esprit-Saint, tandis qu’une voix se faisait entendre : Celui-ci est mon fils bien-aimé ; il a toute ma faveur.

Saisissant contraste !

Le voilà aujourd’hui, conduit par ce même Esprit, dans le désert. Nudité du paysage, couleurs ternes de la pierre et du sable, quelques arbustes épineux et rabougris, l’eau ne chante plus sa musique, ni les fleurs leurs odeurs. Seul le bruit du vent vous rappelle à la vie.

Il est donc là, dans le désert, depuis quarante jours, jeûnant tout ce temps. Et Jésus, soudain, a faim. Rien que de très normal. Mais la faim, c’est un désir à assouvir, et le désir le creuset de la tentation. Le malin l’a bien compris qui se présente à ce moment précis.

Creuse en toi la source, mais la source d’eau vive. Nous sommes nous aussi invités à rejoindre Jésus au désert du carême, temps de conversion, de pénitence, de renoncement, pour que nous ayons faim des Paroles de la Vie… donc temps de recentrement et de silence pour entendre cette voix qui vient du ciel : toi aussi, tu es mon fils, toi aussi tu es ma fille, vous aussi, vous avez toute ma faveur.

Creuse en toi la source. Puissent les Paroles de vie que nous proclamons dans l’Evangile creuser aussi en nous le désir de rejoindre par le partage et une pratique plus grande de la justice ceux qui creusent les mines pour en faire surgir les métaux rares et précieux dont sont fabriqués tous nos modernes appareils de communication : ordinateurs, téléphones portables et autres I Phone, I Pad ou I Pod !… Mais revenons au désert.

A sa sécheresse et à son silence ; le désert : quel lieu admirable pour entendre cet extraordinaire dialogue entre le Christ et l’adversaire. Au jardin d’Eden, les arbres présentaient au couple primordial la luxuriance de leurs fruits abondants. Et c’est par la suggestion et le mensonge que l’adversaire, déjà, construisait son œuvre de destruction. Vous serez comme des dieux.

Aujourd’hui, plus de jardin, d’arbres ni de fruits, seulement la faim. Mais la méthode du malin ne change pas. Change-t-on d’ailleurs une méthode qui gagne ? Toujours la suggestion… Si tu es le Fils de Dieu… Et le voilà qui présente à Jésus la somme des illusions humaines, sable mouvant sur lequel il lui propose de bâtir sa vie : mirages de la puissance, de la richesse, du pouvoir.

Si tu es le Fils de Dieu… Quelle ruse ! Le malin par deux fois instille un doute négatif – l’es-tu vraiment fils de Dieu ? comme pour mieux amener celui dont il veut faire sa plus belle victime à la capitulation suprême : prosterne-toi devant moi, et tout cela, tu l’auras.

Mais voilà, si Jésus a faim, faim corporelle, physique, biologique, il est tenaillé, heureusement pour nous ! par une faim plus profonde, plus fondamentale, une faim vitale : il a faim de la volonté de son Père, volonté d’amour et de salut pour l’humanité tout entière. Plus tard, il dira, dans les larmes et le sang, dans des larmes de sang : Père, s’il t’est possible, éloigne de moi cette coupe. Cependant, non pas ma volonté, mais LA TIENNE. Oui, creuse en toi la source et trouve, comme le Christ, l’eau de la Vie : que Ta volonté se fasse sur la terre comme aux cieux.

Ne devrions-nous donc pas prendre conscience des drames qui se jouent au fond des mines d’où sont extraites tant de richesses minérales ? Les concessions pour leur extraction sont attribuées à de puissantes entreprises européennes, américaines ou chinoises qui se dépêchent de rapatrier le plus gros de leurs bénéfices dans leurs sièges principaux, et ceci grâce aux interdépendances des circuits financiers internationaux et à des cadres législatifs manifestement insuffisants pour protéger les droits des travailleurs et des populations autochtones. Il n’y a pas que le malin qui manque de transparence !

Fort heureusement tout ce que l’adversaire a promis à Jésus, tout ce que Jésus rejette, citations des Ecritures contre citations, citations détournées du malin contre citations recadrées du Fils du Père, tout ce que le malin a fait miroiter aux yeux de Jésus, Jésus l’obtiendra de son Père : il multipliera de par ses mains les pains, nourrissant ainsi cinq mille personnes, sans compter les femmes et les enfants, il surgira à la vie le troisième jour, au matin de Pâques et au jour de son Ascension il obtiendra tout pouvoir au ciel et sur la terre.

Creuse en toi la source ! Mais prends ton temps ; tu as la vie devant toi. Ne creuse pas dans l’agitation fébrile et le désir de boire à la source avant même d’avoir commencé à creuser. Jésus te sert d’exemple : il a faim, mais ne change pas les pierres en pain. Jésus refuse d’obtenir tout et tout de suite, par la force d’une puissance mal dirigée… Il patiente, dans une sereine confiance, sachant qu’à la source d’eau vive, il y le Père, et que le Père lui donnera tout, même si pour cela il lui faudra suivre la voie douloureuse, commencée au jeûne prolongé dans le désert, poursuivie au chemin de la croix, qui le conduira à la mort sur le bois avant de vivre à jamais la vie du Messie ressuscité et glorieux.

Creuse en toi la source ! Même s’il te faut pour un temps creuser au désert de ta vie. Le Père lui-même transformera ton désert en prairie luxuriante. Et surtout n’oublie pas, toi, mineur d’un genre nouveau, mineur en plein carême à la recherche de l’eau vive : avant même de songer à partager – ce qui est bien ! travaille dans ton propre pays pour que partout s’établisse plus de justice dans l’utilisation des richesses naturelles et la répartition des biens.

Alors seulement fleurira un nouvel Eden, la source d’eau vive qui coule pour tous changera les déserts en jardins, et la parfaite justice accomplie en Jésus-Christ transformera l’humanité tout entière.

Et voici que des anges s’approchèrent de lui et ils le servaient.»

Lectures bibliques : Genèse 2, 7-9; 3- 1-7; Romains 5, 12-19; Matthieu 4, 1-11

Homélie du 06 mars 2011

Prédicateur : Chanoine Michel de Kergariou
Date : 06 mars 2011
Lieu : Eglise N.-D. de l’Immaculée Conception, Leysin
Type : radio

Journée des malades

Notre église de Leysin, dont nous célébrons cette année le 100e anniversaire, est dédiée à la Vierge Marie Immaculée Conception, toute pure dès sa naissance, accueillante à l’appel du Père, transparente à l’Amour de son Fils. C’est sous ce vocable qu’elle s’est révélée à l’enfant de Massabielle, Bernadette Soubirous, à Lourdes.

Ainsi donc, aujourd’hui, je suis vraiment heureux et quelque peu ému de m’adresser à vous, chers malades, depuis cette église de Leysin. Marie, l’Immaculée Conception, Lourdes, tout nous oriente vers vous depuis ce lieu centenaire. Ses murs, s’ils pouvaient parler, exprimeraient tant de prières, de supplications, de révolte légitime aussi, mêlées de sentiments d’espérance et d’abandon spirituel dans la souffrance de la maladie : « Seigneur, si tu le veux tu peux me guérir » ; « Seigneur, que ta volonté soit faite et non la mienne »

Dans l’évangile de ce dimanche, Jésus dit en effet : « il ne suffit pas de me dire Seigneur, Seigneur ! » pour entrer dans le royaume des cieux ; mais il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux». Ces paroles de Jésus ne sont pas si facilement acceptables… Serait-ce « la volonté du Père ma maladie ? » Oh ! Que NON !

Par ses paroles, ses attentions, ses miracles, les malades n’ont-ils pas été les privilégiés de Jésus ? Et lui-même ne juge-t-il pas ses disciples sur ce constat : « J’étais malade et vous m’avez visité » ou au contraire « vous n’êtes pas venus me voir ».

Dans sa lettre pour la journée des malades publiée au nom de la conférence épiscopale, Mgr Roduit, Abbé de l’Abbaye de St-Maurice, rappelle cet élément du jugement dernier au chapitre 25 de Matthieu. « Jésus s’identifie au malade, comme il l’a fait pour le pauvre affamé ou assoiffé, le prisonnier ou l’étranger. » écrit-il. Oui, Jésus est venu dans le monde en s’identifiant depuis la crèche, à tous les déshérités du monde, pour partager leurs souffrances, les soulager par sa présence et son amour, donner les signes de restauration de la Vie par sa Résurrection.

La maladie n’est pas seulement physique. Elle est reconnue souvent psychique et spirituelle.

« Corps, cœur et esprit » nous rappelle Mgr Roduit, « c’est tout l’être qui a besoin de santé ». On parle ainsi facilement de maladie psychosomatique quand la souffrance psychologique et les peines de cœur se répercutent sur la santé du corps. Et de reconnaître que pour soigner un membre ou une partie du corps, on se rend attentif aujourd’hui de plus en plus à la réalité affective, voire spirituelle, du patient. Aussi, malgré la surcharge actuelle de travail, nous remercions et encourageons les soignants, quel que soit leur niveau de soins, à porter leur attention à tout l’humain, et consacrer un minimum de temps avec le patient, délicatement, sans s’immiscer dans sa vie privée au-delà de ce que lui permet son désir, souvent très fort, de communiquer.

Allons plus loin : L’humain est aussi social.

Combien de souffrance et de maladie dont le déséquilibre économique, politique et social est responsable ! Combien de malades de la faim, de la sous-alimentation ou de la malnutrition à cause de l’exploitation économique. Combien d’artistes, littéraires, penseurs et même chercheurs réprimés par des dictatures idéologiques, politiques ou religieuses.

Ces souffrants manquent cruellement de médecins qui ne sauraient être que ceux qui détiennent les responsabilités de la gouvernance des nations. Il semble au contraire qu’à ce niveau les patients ne doivent compter que sur eux-mêmes, se soigner eux-mêmes. Ecoutons le cri qui s’élève de tant de pays aujourd’hui de la part de ceux qui souffrent et sont malades de manque de reconnaissance et de respect de leur dignité d’hommes et de femmes. Dignité bafouée qui n’est pas seulement le fait de tyrans sans conscience, mais aussi, et davantage encore, le produit d’un libéralisme sans contrôle, d’un appât du gain, qui profite de ces mêmes gouvernements pour puiser dans les richesses de leurs pays.

A combien de peuples, aujourd’hui, ne sommes-nous pas portés à penser en cette « journée des malades ». Et aucun peuple n’est épargné, ne serait-ce qu’en une partie de sa population.

Depuis les premières pages de la Bible, c’est la même présence de Dieu exprimée à Moïse : « J’ai vu la misère de mon peuple, … je l’ai entendu crier … oui, je connais ses souffrances … je suis descendu pour le libérer».

Et c’est Jésus qui nous le démontre et nous dit « Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde ».

Depuis la découverte de la pénicilline, la cité de Leysin et son Eglise ne sont plus affectées par la santé physique comme au temps de la tuberculose.

Les écoles internationales ont transformé en s’y installant les sanatoriums d’autrefois. A surgi alors à Leysin une nouvelle action de guérison : dans le domaine de la vie ensemble, de la relation à l’autre, de l’écoute et du respect, voire de l’enrichissement mutuel : en un mot LA PAIX.

Sur un mur de la nef de l’église centenaire va être fixée une grande toile faite de multiples tissus et objets provenant des 5 continents, grâce aux étudiants. Au centre un point lumineux irradie, tel un esprit nouveau, sur ces pièces éparses et diverses pour les unir entre elles par un fil invisible et constituer une unité harmonieuse et paisible.

Un appel vibrant, une annonce confiante dans une représentation prophétique d’un monde nouveau animé d’un esprit et d’un cœur nouveaux comme le dit le prophète Ezéchiel.

Un vœu de guérison pour le monde.

Que notre cœur aujourd’hui se fasse sensible à toutes ces souffrances et ces luttes pour en soutenir les acteurs.

Pour vous les malades, quelle que soit votre souffrance, physique, psychique, spirituelle ou sociale, confiance et persévérance dans l’épreuve. Le Christ est à vos côtés pour la Vie. AMEN

Lectures bibliques : Deutéronome 11, 18-28; Romains 3, 21-28; Matthieu 7, 21-27

Homélie du 27 février 2011

Prédicateur : Chanoine Michel-Ambroise Rey
Date : 27 février 2011
Lieu : Eglise N.-D. de l’Immaculée Conception, Leysin
Type : radio

Dear God, bless our two daughters studying in Swiss Hotel Management School ! Mary and Thomas from Malaysia

traduction : Mon Dieu, bénis nos deux filles qui étudient à l’école hôtelière de Leysin

I am not a religious, but I pray for my gandma who is very sick. Ly from Honk Kong

traduction : Je ne suis pas religieuse, mais je prie pour ma grand-mère qui est très malade.

Cara Madonina, Aiútami a trovarmi bene nella nuova scuola, Eleonora da Italia

traduction : Bienheureuse Vierge Marie, aide-moi à me sentir bien dans cette nouvelle école. Eleonora d’Italie

Una linda experiencia de participacion y presencia de todos los pueblos ! Manuel de Perú

Traduction : une belle expérience de participation et de présence de tous les peuples ! Manuel du Pérou

Jésus tu es mon berger, je m’abandonne à toi ! Sophie de Leysin

Wunderbare Kirche ! Vielen Dank : Helen und Leo aus Zürich-Affoltern

Heureux de visiter l’église dans laquelle j’étais tous les dimanches en 1955 et 1956 pour me soigner. Jean-Marc de Belgique

Ces quelques phrases, chers malades, chers frères et sœurs, chers auditeurs, sont tirées du livre d’or de notre église de Leysin qui fête cette année ses cent ans d’existence.

Comme vous pourriez le voir dans ce magnifique livre qui a été porté en procession au début de cette eucharistie, il y a une quantité de témoignages, de remerciements, de demandes, de supplications, de reconnaissances à l’égard de Notre Seigneur et de sa sainte Mère. Ils sont écrits dans des langues connues et inconnues et reflètent la vie internationale de notre communauté paroissiale et de notre cité dans laquelle 112 nationalités se côtoient.

Une église en pierres naturelles comme celle-ci est et restera toujours ce lieu béni dans lequel nous venons chercher la paix, la consolation, la force, le courage et le pardon; un lieu où nous entendons les paroles de l’évangile d’aujourd’hui : « ne vous faites pas tant de souci pour votre vie au sujet de la nourriture, ni pour votre corps au sujet des vêtements ! Dieu sait ce dont vous en avez besoin ».

Une chapelle de glace comme celle dont vous avez probablement entendu parler par les journaux et vu à la télévision, est par contre éphémère; elle disparaîtra avec l’arrivée du printemps comme je souhaite que fondront les problèmes et les peines que chacun de nous avons confié au Seigneur dans ce lieu de prières au milieu des activités ludiques du Leysin touristique.

Dans cette demeure centenaire retentit constamment la Parole du Seigneur transmise par le prophète Isaïe dans la première lecture : « Jérusalem disait : le Seigneur m’a abandonnée, le Seigneur m’a oubliée ».

Jérusalem, c’est vous, c’est moi, c’est nous tous lorsque nous sommes dépités par les aléas de la vie, les contretemps, les déceptions et la voix du Seigneur Tout-Puissant est celle de Notre Père céleste qui prend soin des oiseaux du ciel et qui fait pousser les lis des champs, c’est Notre Père Céleste qui nous aime bien plus que cette herbe des champs qui est là aujourd’hui et qui demain sera jetée au feu, qui nous répète inlassablement : « ne vous faites pas tant de souci pour votre vie »

L’Eglise est ce lieu de communion entre les hommes et le Seigneur notre Dieu où nous pouvons nous requinquer, nous qui sommes des hommes de peu de foi, où le peuple de Dieu a besoin de trouver de multiples secours pour sa traversée d’ici-bas.

C’est la raison pour laquelle, il y a cent ans dans ce hameau minuscule qu’était alors Feydey, des hommes de foi ont désiré mettre à disposition des malades touchés dans leur santé, qui avaient dû quitter leurs foyers, leurs familles, leurs patries, cette grande et splendide église comprenant ainsi le message de l’évangile de ce jour : chercher d’abord le Royaume des cieux et sa justice et tout le reste vous sera donné par-dessus le marché.

Ce qu’ils ont fait à cette époque, sans aucun moyen financier, avec une foi à transporter les montagnes, est tout à fait remarquable et admirable : ici tout homme et toute femme, quelle que fut la situation morale, sociale, politique ou économique dans laquelle ils se débattaient, trouveraient un refuge, un espoir, un réconfort et la guérison du cœur et du corps !

Les caisses-maladie feraient bien de s’en souvenir, elles qui n’ont, hélas, souvent plus qu’une perspective terre-à-terre du patient. Elles oublient cette dimension spirituelle tout à fait primordiale. Ces caisses-maladie qui multiplient leurs efforts pour recruter de nouveaux membres feraient bien de regarder vers Leysin et apprendre de l’histoire du Leysin médical combien l’apport et la présence des églises chrétiennes ont été vitaux pour faciliter la guérison de milliers de malades atteints de tuberculose.

Car, que nous le voulions ou non, tout dépend d’abord du spirituel, d’une confiance inébranlable en notre Père céleste qui prend soin des oiseaux du ciel et qui fait pousser les lis des champs. Notre Père céleste qui s’occupe encore bien davantage de chacun d’entre nous !

Lectures bibliques : Isaïe 49, 14-15; 1 Corinthiens 4, 1-5; Matthieu 6, 24-34

Homélie du 20 février 2011

Prédicateur : Père Jean-Marie Lussi
Date : 20 février 2011
Lieu : Abbaye d’Hauterive, Posieux
Type : radio

N’est-il pas naturel de se défendre quand on est attaqué ? N’est-il pas naturel de détester ceux qui nous font du mal ? Mais Jésus vient révéler une morale nouvelle, qui surpasse nos manières habituelles d’agir. Les hommes, dit Jésus, peuvent vivre entre eux la solidarité, qui n’est pas mauvaise mais qui est insuffisante quand elle ne dépasse pas les affinités naturelles.

Dans la suite du Sermon sur la montagne, Jésus oppose à nouveau des affirmations anciennes à ses propres paroles : « Vous avez appris qu’il a été dit… eh bien moi je vous dis… ». Ses interlocuteurs ne sont plus confrontés seulement à une trace écrite. Les voici en face de la parole vive, celle qui ne reste pas sans effet. Deux versets sont très éclairants : « … afin d’être vraiment les fils de votre père qui est dans les cieux » et « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » Ces deux mentions de « votre » Père nous disent clairement la visée de l’œuvre que Jésus est en train d’accomplir et donc celle de sa parole : engendrer des fils, images, comme lui, du Père invisible. Le propos du Sermon sur la montagne n’est pas d’améliorer les hommes. Jésus tente de révéler à ceux qui l’écoutent leur condition filiale. Il met en chemin un être nouveau qui leur est encore inconnu : la condition de fils et de fils ensemble : « vous ». Fils et donc frères. Consentir à cette condition ne va pas sans consentement à une mort : nous sommes en transformation constante pour accéder avec Jésus et par lui à un autre état : celui de membre du corps unique du Christ. A cause de cela, ce que Jésus énonce semble loin de ce qui est généralement admis et peut paraître absurde à certains. Comment entendre ce discours qui prépare ses auditeurs à un avenir inconnu ?

Chacune des affirmations suivantes met en tension le commandement ancien et la parole nouvelle et actuelle de Jésus. « Œil pour œil dent pour dent » : dire cela, c’est vouloir laver un affront en rendant une punition équivalente. C’est appliquer un principe d’équité parfaite, nécessaire dans la loi et aussi psychiquement pour chacun d’entre nous : il importe, en effet, que personne ne soit déprécié en étant livré au caprice de l’autre. Aucun ne vaut plus que l’autre. Il n’en est pas un qu’on puisse blesser, outrager, tuer impunément.

Mais Jésus fait appel à une autre mesure. L’amour est toujours en jeu dans la relation à l’ennemi. Jésus ne nous ordonne pas de ne pas avoir d’ennemi. Aimer ses ennemis n’est moralement pas exigible. Jésus nous appelle à accéder à un autre état que nous ne connaissons pas encore : «fils de votre Père ». Il s’agit d’être fils à la façon dont Jésus en parle et d’agir comme le Père.

Il ne nous est pas demandé d’aimer sentimentalement. Il s’agit d’un amour tel que Jésus l’a pratiqué, accueillant la vie. Et pour ce qui concerne plus particulièrement les ennemis, nous sommes un peu éclairés : « Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes ». Le soleil et la pluie, la chaleur et l’eau, la lumière, c’est la vie. La vie est donnée aux hommes indépendamment de toute attitude morale de leur part. Même ennemi, l’autre est frère dans la nouveauté du royaume de Dieu et du corps à venir. Voici la direction à prendre.

Il s’agit d’une ultime limite : si le Père donne autant pour les bons que pour les méchants, c’est que nos limites, celles que l’on apprend des lois et du monde ne s’imposent pas à lui. Les paroles de Jésus ne constituent pas une nouvelle norme, elles engendrent à une nouvelle vie.

« Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait… ». Il faut probablement entrer dans la logique de l’Esprit Saint pour espérer comprendre quelque chose d’une pareille invitation !

Que vienne ce souffle de l’Esprit Saint, que vienne ce souffle nouveau sur notre monde et dans notre coeur.

Lectures bibliques : Lévitique 19, 1-2, 17-18; 1 Corinthiens 3, 16-23; Matthieu 5, 38-48

Homélie du 13 février 2011

Prédicateur : Abbé Michel Pillonel
Date : 13 février 2011
Lieu : Eglise St-Jean, Vevey
Type : radio

Chers frères et soeurs,

Connaissez-vous, le dernier film de Thierry Bizot qui vient de sortir ? Il est intitulé : « Qui a envie d’être aimé ? » Thierry Bizot vous est certainement un inconnu, c’est un nouveau converti. Il raconte d’ailleurs les circonstances de sa conversion au christianisme, grâce à une réunion de parents de catéchèse pour son fils.

Il disait entre autre que, depuis cette découverte, il se sentait aimé par Jésus. Il ajoute même : ça règle pas mal de problèmes. Thierry Bizot dit encore : quand nous nous savons aimés par le Christ, nous ne sommes plus des orphelins. Les confidences de ce cinéaste ne rejoignent-elles pas les propos de Jésus de ce matin, quand il nous parle de sagesse, d’intégrité et de sincérité envers soi-même.

Jésus nous invite donc à nous distancer de ceux qu’on appelle dans les Evangiles, les scribes et les pharisiens. Il nous presse de les surpasser, en évitant d’agir comme eux, c’est-à-dire, d’écouter les Ecritures, sans les vivre.

Nous avons sans cesse cette tentation de pratiquer notre religion un peu comme les pharisiens, avec un certain légalisme qui risque de nous faite tomber dans l’hypocrisie, en voulant surtout sauver les apparences. Quand on lit attentivement certains passages de l’évangile de saint Matthieu, on s’aperçoit très vite que le Christ n’est pas tendre avec eux. Il emploie même des termes qui peuvent nous choquer, quand il dit par exemple, qu’ils sont des « fils d’assassins ».

Ce matin, nous sommes donc appelés à vivre notre foi dans un esprit renouvelé, un peu comme les disciples du Christ qui étaient de fidèles observateurs de la loi mais qui l’appliquaient dans un esprit totalement neuf. Ce qui est dénoncé par Jésus, c’est quand on pratique une religion de façade, alors que ce qui est prioritaire c’est la conversion du cœur.

Thierry Bizot, notre cinéaste, l’a bien saisie cette exigence de sincérité et de vérité, lui qui regardait jusqu’alors les croyants avec suffisance et un peu de mépris. Et ce n’est que progressivement qu’il prend conscience, de sa faiblesse et de sa petitesse et il a fallu plusieurs rencontres d’Eglise avant cela. Il s’est senti associé à une énorme force paradoxale :  » être celui qui doute et être à la fois un enfant de Dieu, comme un petit bout de Dieu », pour reprendre sa belle expression. Cet homme disait encore, et c’est très important de l’entendre dire aujourd’hui : «la foi permet de bien vivre, d’être heureux, c’est comme quand on tombe amoureux ». Cela rejoint encore Jésus dans l’évangile, quand il nous invite à faire le choix de l’essentiel pour garder le bonheur et le partager aux autres. Que de fois nous les prêtres nous avons entendu cette réflexion : « Vous savez, moi, je ne suis pas un pilier d’église, je ne fais de mal à personne, je ne tue personne, je m’occupe seulement de mes affaires. » Oui, mais attention, il y a mille manières de tuer quelqu’un, en paroles ou par des attitudes.

Bien sûr, c’est très bien de ne pas pécher, de ne pas faire de mauvaises actions, mais le Seigneur nous demande d’aller plus loin, beaucoup plus loin, à la manière d’un saint Vincent de Paul. Il faut oser donner un bon coup de balai dans son cœur, en se laissant conduire par les audaces de l’Esprit Saint, qui souffle là où il veut, là où on ne l’attend pas forcément.

Dans son film, Thierry Bizot encore l’exprime bien : « Tout témoignage est une histoire dans laquelle le fil est renoué avec Dieu. Personne ajoute-t-il, comprend que Dieu veut nous sauver. C’est vrai qu’un Dieu qui s’est fait homme, qui a été crucifié comme un « voleur de poules », c’est étrange. Et pourtant, l’amour de Dieu est là. »

Quand on sait cela, quand on a pu l’expérimenter dans sa vie, il n’est plus possible de se « cacher » derrière des règlements, à la manière des pharisiens, à condition bien sûr, de devenir des amoureux du Christ vivant.

Amen.

Lectures bibliques : Sirac 15, 15-20; 1 Corinthiens 2, 6-10; Matthieu 5, 17-37

Homélie du 06 février 2011

Prédicateur : Abbé Nicodème Mekongo
Date : 06 février 2011
Lieu : Eglise St-Jean, Vevey
Type : radio

C’est un cri irrésistible qui retentit dans l’évangile de ce jour. Cette exhortation pressante envoyée par Jésus à ses disciples, nous rattrape aussi dans le quotidien de notre vie. Ces paroles du Christ viennent après sa prédication sur la montagne (Mt 5, 1-12). Ce sont donc des paroles de vie qui nous ouvrent au bonheur de la possession de la vie éternelle. D’une certaine manière, elles sont une invitation à choisir la vie, à ajuster notre vie au bon vouloir de Dieu.

C’est bien de notre identité de chrétiens dont il est question à travers ces paroles du Christ : « Vous êtes le sel de la terre… Vous êtes la lumière du monde ». Il est à remarquer que Jésus précise que nous ne sommes pas simplement « sel » et « lumière » mais « le » sel de « la terre » et « la » lumière « du monde ». L’emploi des articles définis nous révèle que la responsabilité de « saler » et d’« illuminer » le monde nous est propre et que personne ne l’accomplira à notre place. « Saler et illuminer le monde » nous invitent donc à porter de manière responsable notre identité personnelle de chrétien.

Le sel est souvent utilisé pour conserver et maintenir saine la nourriture. En tant que baptisé, notre nourriture est la présence du Christ dans ses sacrements, sa Parole et dans l’action aimante et miséricordieuse de son Esprit. C’est donc à nous qu’il revient de garder vive la conscience de la présence du Christ-Sauveur au milieu des hommes, particulièrement dans la célébration de l’Eucharistie, mémorial de sa mort et de sa résurrection glorieuse et dans l’annonce de la puissance de salut qui réside dans son Evangile.

Le sel est aussi ce qui relève le goût et la saveur des aliments. Ainsi, le chrétien est appelé à améliorer la « saveur » de l’histoire des hommes, en vivant des trois vertus théologales qu’il a reçu le jour de son baptême : la Foi, l’Espérance et la Charité. Ce qui nous vient de Dieu nous rend toujours plus humain, car toujours plus à son image et à sa ressemblance. Par la foi, l’espérance et la charité, nous sommes donc invités à illuminer et humaniser un monde qui vit dans la nuit de la peur, du découragement et de l’insensibilité. La première lecture nous le rappelait : « Si tu fais disparaître de ton pays le joug, le geste de menace, la parole malfaisante, si tu donnes de bon cœur à celui qui a faim, et si tu combles les désirs du malheureux, ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera comme la lumière de midi. »

Le lien est ainsi fait entre le « sel » et la « lumière ». L’invitation que le Christ nous adresse à faire resplendir la « lumière » aux yeux de tous signifie que toute notre vie devrait être le reflet de la flamme de l’Esprit Saint dont nous avons reçu la marque au baptême et qui désormais habite en nos cœurs (cf. 2 Co 1, 22). Cette flamme, lorsqu’elle est vivante, se manifeste à travers les actions de charité, mais aussi à travers la proclamation de l’Evangile, de la Bonne Nouvelle du salut offert à tous en Jésus-Christ mort et ressuscité. Ce service de l’annonce de l’Evangile sera productif, il sera vraiment « service de charité », s’il ne repose pas sur nos propres forces mais si « c’est l’Esprit et sa puissance » qui se manifestent à travers lui (cf. 2ème lecture).

« Seigneur Jésus, apprends-moi comment dire ma foi, faire don de mon amour et transmettre mon espérance. Que je fasse partie du peuple des Béatitudes pour que je sois le sel de cette terre et la lumière de ce monde qui a tant besoin de ta grâce qui sauve et introduit dans la vie éternelle. »»

Lectures bibliques : Isaïe 58, 7-10; 1 Corinthiens 2, 1-5; Matthieu 5, 13-16

Homélie du 06 février 2011

Prédicateur : Abbé Jean-Robert Allaz
Date : 06 février 2011
Lieu : Eglise Saint-Maurice, Ursy
Type : tv

Une fois de plus, Jésus fait confiance à ses disciples en leur donnant d’être «sel de la terre». Surprenant pour nous, logique pour Lui ! C’est logique dans son plan de Salut, où rien n’est fait sans l’apport et la participation de l’homme.

(2 personnes s’approchent de la vasque de sel

et remplissent des sachets.)

Et ce privilège revient à nous ce matin, cadeau précieux et exigeant à la fois.

Du sel, on est en train d’en verser dans des petits sachets, ils vous seront remis à la sortie de l’église, pour emporter avec vous le signe du meilleur que Dieu vous donne.

Dieu n’a-t-Il pas confié sa création à l’homme pour la faire grandir, la travailler, l’embellir, ajouter son empreinte ?

Jésus désire que nous soyons sel de la terre, mais pas n’importe lequel, celui dont la propriété est de donner du goût à la vie et aux êtres. S’il se dénature, il est vite jeté et piétiné. «Que votre oui soit oui, votre non soit non, les tièdes Je les vomirais.» Pas de place pour la médiocrité ! Mais quel est donc ce sel miracle dont nous parle Jésus ?

C’est dans la nature humaine, créée à l’image et à la ressemblance de Dieu, que cette présence divine est ancrée et veut jaillir d’Amour. Donner du goût à notre monde, de plus en plus désabusé – voire découragé – n’est-ce pas merveilleux ? Mais périlleux aussi, car notre dosage de compréhension et d’action ne se calcule pas au même barème que celui de Dieu. Le sel, je le compare aussi à l’Espérance, qui rend tout possible jusqu’au bout.

(Quelqu’un apporte un sachet de sel au prédicateur.)

Afin que votre existence sente le goût du Seigneur, que cela transparaisse sur votre visage, que le sel de l’Evangile stimule votre vocation de chrétien et marque chacune de vos actions.

L’apostolat des laïcs, c’est la mission confiée à tout baptisé d’annoncer l’Evangile et de donner envie d’en vivre. Le Concile Vatican II l’a fortement rappelé, soulignant la coresponsabilité de tous – prêtres et laïcs –. La vocation baptismale appelle au témoignage et à l’action. Il ne s’agit pas d’une branche à option, la confiance faite par Dieu est sans limite, l’attente du résultat aussi.

Et comme si le sel ne suffisait pas, Jésus prend encore un autre exemple, celui de la lumière. Elle jaillira de ton cœur, à partir de l’accueil au partage du pain et de la vie, des joies et des peines, elle reflètera ta propre vie. Jésus en parle avec son ‘’bon sens’’ habituel. Eclairer, montrer le chemin à l’humanité, celui de l’Espérance, du possible, du réalisable, de la justice.

« Cherchez d’abord les signes du Royaume… et le reste vous sera donné par surcroît » ! L’intensité de la lumière n’est pas mise en doute, même si à cette époque elle venait d’une flamme fragile de lampe à huile !

Nous avons besoin de cette lumière, pour comprendre, – comme le dit l’apôtre Paul aux Corinthiens – que si c’est dans la faiblesse, craintif et tout tremblant qu’il arrive pour proclamer l’Evangile, c’est seul l’Esprit Saint, et non la sagesse des hommes, qui nous permet d’accomplir notre mission.

Deux mille ans après, l’Esprit du Seigneur – celui de la Confirmation, entre autres – nous est toujours indispensable pour mener à bien notre vocation de baptisés et de chrétiens, en commençant dans cette Unité pastorale Saint-Pierre-Les-Roches, avec la richesse de ses diversités. Apôtres du XXIème siècle, ce matin à Ursy, quelle gageure !

Difficile ? Exigeant ? Voire impossible ? Tout seuls certainement, mais rien n’est impossible à Dieu. Elle est belle cette mission, réalisable si nous comprenons qu’elle est fondée sur la foi et l’amour du prochain.

« Ne te dérobe pas à ton semblable… » nous avertit le prophète Isaïe… Pourquoi aller chercher à l’autre bout du monde ce qui nous appelle ici ? La tentation est grande de penser que l’herbe est meilleure dans le pré du voisin.

En Suisse Romande, vous êtes très nombreux, les laïcs, à vivre votre vocation de baptisés, à être à l’écoute de l’Evangile, du Concile Vatican II et des orientations pastorales décidées et données par les divers diocèses. La Communauté Romande de l’Apostolat des Laïcs, rassemble, écoute et partage le vécu d’innombrables mouvements et groupements, présents dans la spiritualité, l’annonce et l’éducation de la foi et la grande diversité de communautés et groupes d’action catholique. Recenser les participants doit être à l’image de compter les étoiles : n’est-ce pas merveilleux ? C’est un maillon indispensable dans la vie de l’Eglise en Suisse Romande. Alors le sel de la terre : nous comprenons mieux à quoi il sert !

Beaucoup de sel, beaucoup de lumière… quand ça vient du Seigneur, alors chacun de nous peut vivre sa vocation d’apôtre, dans la diversité des mouvements, groupements, rencontres au quotidien de nos vies ! Amen

Lectures bibliques : Isaïe 58, 7-10; 1 Corinthiens 2, 1-5; Matthieu 5, 13-16

Homélie du 30 janvier 2011

Prédicateur : Abbé Paul Frochaux
Date : 30 janvier 2011
Lieu : Eglise St-Jean, Vevey
Type : radio

A quelques kilomètres de notre église St-Jean se trouve un village très charmant qui fait d’ailleurs partie de notre paroisse et qui porte le nom de St-Saphorin (St-Saphorin en Lavaux). Ce village est très connu pour son charme, son aspect pittoresque et pour ses vins. Il est aussi connu pour l’un de ses habitants célèbre qui fut un grand poète et un grand chansonnier, vous l’aurez compris, je veux parler Gilles. Et, parmi les chansons de Gilles se trouve le fameux chant « le Bonheur » où celui-ci dit du bonheur qu’il est chose légère… La légèreté peut être une qualité, un sentiment de bien être agréable, tant de choses sont lourdes et difficiles à porter. D’ailleurs, pour voler, il faut que l’oiseau soit léger… Le bonheur, dit Gilles, est chose légère que toujours notre cœur poursuit, mais en vain comme la chimère. On croit le saisir, il s’enfuit…

En parlant ainsi du bonheur, Gilles a bien décrit nos bonheurs humains. Et ces bonheurs humains, Dieu merci, nous en avons dans notre existence et ils font toujours du bien. Bonheur d’accueillir un enfant, bonheur de réussir un examen, d’avoir trouvé un emploi, peut-être d’avoir gagné à la loterie etc… Mais aussi importants qu’ils soient ces bonheurs ne nous comblent qu’un moment. Qu’on le veuille ou non, les soucis arrivent, que ce soit pour un enfant, pour la suite après un examen réussi, pour un nouvel emploi. Nos bonheurs humains existent mais ils sont chose légère dans le sens que qu’ils s’effacent assez rapidement devant de nouveaux problèmes, ils ne nous comblent jamais parfaitement et en tout cas pas durablement.

Toutes les fois que j’entends le texte d’évangile des Béatitudes je ne peux m’empêcher de fredonner ce beau chant de Gilles.

Le bonheur que le Christ nous propose aujourd’hui est-il aussi chose légère ? Poser la question c’est y répondre : – Non – Et s’il n’est pas chose légère, est-il au contraire lourd et pesant ? Ces mots sont piégés parce qu’ils ont une connotation négative. Pourtant, je vous dirai : oui le bonheur proposé par le Christ a du poids, il est lourd, lourd de conséquences et de conséquences magnifiques puisqu’elles ne sont rien d’autres que la vie éternelle auprès de Dieu. Le bonheur promis par Dieu vaut son pesant d’or…

Mais, une question se pose : ce bonheur divin n’est-il qu’une promesse pour l’au-delà ? Est-il une promesse qui rend les fous joyeux et qui permet d’avancer dans cette vie avec une espèce de consolation dont on n’est pas sûr de la réalisation dans l’autre monde ? A Lourdes, la Vierge Marie a dit à Bernadette : « Je ne vous promets pas d’être heureuse dans ce monde mais dans l’autre. » Alors, peut-on tout de même goûter de ce bonheur ici bas ?

La réponse cette fois-ci est : Oui. Le bonheur des Béatitudes est déjà donné en cette vie, ici-bas. Mais comme les bonheurs humains que nous connaissons, il est lié à un effort, parfois à des souffrances. Il faut faire un effort pour réussir un examen, la recherche pour trouver un appartement (sur la Riviera par exemple) est épuisante et presque désespérante, lorsqu’elle accouche, une femme souffre. Mais quand tout s’est finalement bien passé, on est heureux…pour un moment du moins. Le bonheur que Dieu donne passe aussi par l’effort, par l’épreuve, peut-être la souffrance. Ainsi, la pauvreté de cœur, parente de la prière, invite à l’humilité, à la simplicité, ce qui n’est pas toujours facile quand on a une certaine estime de soi. La douceur – qui n’est pas faiblesse – invite à la bienveillance et à la mansuétude quand on aurait envie de réagir peut-être plus violemment. La consolation après l’épreuve ne supprime pas le deuil ni la souffrance, mais nous permet de tirer de ces épreuves des valeurs qui les dépassent. La faim et la soif de la justice qui veut que nous avancions selon le cœur de Dieu nous invite au partage dont on n’a pas toujours envie. La miséricorde invite davantage à la tendresse qu’au jugement. La pureté du cœur qui va au-delà de la pureté rituelle nous invite à la lutte en nous-mêmes contre tant de tentations séduisantes. La paix qui se situe dans le sillage de l’amour nous invite parfois à faire un premier pas avec un parent, un voisin, premier pas si difficile à faire. Et même la persécution à cause de la justice et du Christ, persécution qui n’a pas manqué au cours des âges et se poursuit aujourd’hui, peut être source de bonheur. Accepter la persécution, c’est tenir bon, c’est être fort, quoi qu’il en soit, à la suite du Christ.

On l’aura donc compris, le chemin du bonheur passe par un dépassement et un dépassement n’est jamais évident. Il nous sort de nos habitudes, de manières de faire et de penser, il peut même nous déstabiliser quelque peu. Dans l’Evangile, Jésus ne nous propose pas la voie large et facile, mais la voie étroite, sinueuse. Dans nos randonnées en montagne, l’arrivée au sommet ne se fait pas sur une voie d’autoroute mais bien sur un chemin difficile, escarpé. Le bonheur de parvenir au sommet n’en est que plus grand. Bonheur de l’effort accompli, bonheur de contempler un paysage magnifique, bonheur d’avoir simplement réussi.

Ainsi, le bonheur des Béatitudes existe déjà ici bas, nous pouvons l’expérimenter, le goûter, mais au prix d’un effort, d’un dépassement. En même temps nous devons nous rappeler qu’il n’est qu’un reflet du bonheur qui nous attend au Ciel. Ici-bas déjà, notre cœur peut le poursuivre et le saisir, il ne s’enfuira pas. Ce bonheur-là n’est pas chose légère, il a un poids de gloire et d’éternité. Amen

Lectures bibliques : Sophonie 2,3; 3, 12-13; 1 Corinthiens 1, 26-31; Matthieu 5, 1-12