Homélie du 11 décembre 2022 (Mt 11, 2-11)

Abbé Pascal Desthieux – Basilique Notre-Dame, Genève

Regardez et soyez patients

Frères et sœurs, vous toutes et tous qui célébrez avec nous par la radio, c’est aujourd’hui le dimanche de la joie. Mais, actuellement… ce n’est pas vraiment la joie…
Nous vivons des moments difficiles, nous sommes tristes de ce qu’endurent nos frères ukrainiens.
Vous avez peut-être vu ces images bouleversantes de notre Pape François qui n’a pu retenir ses larmes en priant pour le peuple martyrisé d’Ukraine devant la statue de l’Immaculée Conception ce jeudi. A cela peut s’ajouter des souffrances personnelles et des problèmes de santé. Voyons comment ces lectures peuvent venir nous rejoindre et nous conduire vers la joie.

1.    Jean-Baptiste

Pour Jean le Baptiste, ce n’est pas la grande joie non plus… Il est en prison. Et il envoie ses disciples avec cette question surprenante : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » Qu’est-ce qui lui arrive ?

  • Est-ce qu’il doute ? Ce serait étonnant de la part de celui qui a reçu la mission d’annoncer sa venue. Mais peut-être que Jean-Baptiste, comme les autres apôtres, en restait à une image d’un Messie fort et puissant qui nous libérerait de joug de l’occupant… Alors, il ne comprend pas comment il peut rester en prison alors que le Messie est là. Enfermé dans sa souffrance, il ne voit plus clair.
    • Autre hypothèse : comme il sent que ces disciples sont découragés, il les envoie directement vers Jésus pour qu’ils puissent bien se rendre compte par eux-mêmes de ce qu’il accomplit comme Messie.
    • Ou bien, tout simplement, de sa prison, il souhaite recevoir une parole de consolation.

2.    C’est notre question

Quoi qu’il en soit, nous nous sentons profondément rejoint par cette question, qui est peut-être notre cri, surtout quand nous souffrons : « Où es-tu ? Est-ce que tu es bien là Seigneur ?  Ne vois-tu pas que je souffre ? Pourquoi je ne sens plus rien, je ne ressens plus ta présence, je n’ai plus cette joie et cette paix que tu m’avais donnée ? »

Et devant les tragiques événements de notre terre, et particulièrement cette guerre interminable en Ukraine, et devant ces crises économiques et énergétiques, nous avons envie de crier : « Seigneur, tu ne vois pas que cela ne tourne pas rond ? Interviens, fais quelque chose, sors-nous de cette ‘prison’ ! »

La réponse de Jésus fuse, elle va nous éclairer tout spécialement dans notre temps de l’Avent. Je la résumerai en deux instructions : regardez et soyez patient.

3.    Regardez autour de vous !

Oui, ouvrez les yeux et regardez : « Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. » Autrement dit : regardez autour de vous les signes de la Bonne Nouvelle, regardez ce qui se fait de bon, regardez ce qu’il y a de bon en celles et ceux qui vous entourent, regardez aussi ce que vous êtes capable de construire, de faire grandir. Regardez comment la Bonne Nouvelle est annoncée :  comment elle agit en vous, dans cette communauté qui se rassemble, dans ce lieu où vous vivez, et dans notre société profondément marquée par des valeurs chrétiennes, et qui a évolué au fil des siècles pour plus de justice.

Au cours d’une formation que nous avons suivie en début de semaine, l’animateur nous invitait à nommer dix bienfaits, même très simples, pour les « célébrer ». Je le fais désormais chaque soir, et goûte combien cela est bon !

C’est bien le sens profond de ce dimanche de la joie, Gaudete !, « Soyez toujours dans la joie du Seigneur ; réjouissez-vous, le Seigneur est proche ».

Oui, regardez encore plus profondément : le Seigneur vient, il est là au cœur de votre vie. Comme l’a dit le prophète Isaïe dans la première lecture : « Prenez courage, ne craignez pas. Voici votre Dieu. Il vient lui-même vous sauver ».

4.    Soyez patient !

En même temps, nous sommes invités à la patience. C’est l’apôtre Jacques qui nous y invite : « Frères, en attendant la venue du Seigneur, ayez de la patience ». Comme le cultivateur qui attend avec patience les produits précieux de la terre. Cela ne sert évidemment à rien de tirer sur la tige pour que l’épi pousse plus vite…

Le royaume de Dieu a déjà commencé par la venue de Jésus, mais il n’est pas encore pleinement accompli. Patience.

Cela me parle, car je manque parfois de patience. Ou j’aimerais trouver tout de suite la solution. S’il y a bien une chose que j’ai apprise pendant ces six années où j’ai été vicaire épiscopal de Genève, c’est cette sagesse de ne pas décider trop vite : une bien meilleure solution va pouvoir éclore, en temps voulu. Patience.

5.    Heureux d’être disciples du Christ

En attendant, heureux sommes-nous d’être des disciples du Christ. Jésus, après avoir vanté Jean-Baptiste comme étant le plus grand des prophètes, nous fait une formidable promesse : « cependant, le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui ». Il nous est donné d’être plus grand encore que Jean-Baptiste, non parce que nous serions mieux que lui, ni par nos mérites, mais parce que nous avons été baptisés dans le Christ et que nous sommes sauvés par lui. Le Christ est en fait lui-même celui qui s’est fait le plus petit ; il nous entraîne à sa suite. A nous de nous faire petit et pauvre pour accueillir vraiment les paroles et le salut du Christ comme une Bonne Nouvelle !

Merci Seigneur pour ta parole qui nous fait vivre aujourd’hui encore. Merci pour ce dimanche de la joie.
Merci de nous inviter à regarder les signes du royaume, même si tout n’est pas encore parfait, même s’il n’est pas encore pleinement réalisé.
Merci de nous inviter à la patience.
Et merci de compter sur nous, pour que nous puissions nous aussi soulager des personnes qui souffrent, ouvrir des prisons, et surtout annoncer ta bonne nouvelle. Ce sera notre joie !

Que la Vierge Marie, que nous aimons invoquer en cette basilique Notre-Dame de Genève, nous aide à nous réjouir humblement des merveilles que le Seigneur fait pour nous. Il se penche vers nous, nous aime, nous délivre et nous relève.

Dimanche de Gaudete
Lectures bibliques : Isaïe 35, 1-10; Psaume 145; Jacques 5, 7-10; Matthieu 11, 2-11

Homélie du 4 décembre 2022 (Mt 3, 1-12)

Abbé Côme Traoré – Basilique Notre-Dame, Genève

Frères et sœurs en Jésus,

Au cœur de l’Evangile du Ier Dimanche de l’Avent résonnait un pressant appel à veiller puisque nous ignorons le moment de la venue du Fils de l’homme. Nous avons été invités à vivre dans la foi, dans l’espérance et dans l’amour et à cultiver une attente active. L’Evangile de ce IIème Dimanche, nous place devant la figure de Jean le Baptiste (une figure à la fois inquiétante et solennelle). Et l’évangéliste Matthieu semble accordé plus d’importance non pas à son activité de Baptiste mais à sa prédication. En effet, dans son annonce prophétique nous trouvons l’appel à la conversion. N’est-ce pas là une manière de dire que pour le baptisé une foi sans conversion risque d’être une sorte de mascarade ; une espérance sans conversion risque d’être un cookie vide, et une charité sans conversion mène à des actions égoïstes. Voilà pourquoi la conversion devient le moyen spirituel le mieux adapté pour préparer la venue du Seigneur ! « Convertissez-vous, car le royaume des cieux est proche » : disait Jean Baptiste à ses contemporains et il nous dit la même chose aujourd’hui !

Un profond désir de conversion

Et le fait d’exiger la conversion est profondément lié à l’irruption du Royaume des cieux dans l’histoire des hommes. Pour reconnaitre la présence de ce Royaume, il faut être armé d’un profond désir de conversion. Une foi arrangeante, une espérance enfantine et une charité désordonnée ne suffisent vraiment pas pour accueillir le Seigneur qui vient. Oui, il faut l’avouer : Pour reconnaitre le Dieu-Tout Puissance en l’Enfant de Nazareth, il faut avoir fait une profonde conversion.

Dès aujourd’hui, nous sommes donc invités à nous préparer à célébrer Noel en cherchant de convertir notre regard sur Dieu et sur son plan de salut pour l’humanité en acceptant qu’il nous surprenne et en acceptant qu’il se fasse trouver là où l’on s’attendrait moins à sa présence.

Enfin de compte qu’est-ce que la conversion ? Quand faut-il se convertir ? Et comment savons-nous que nous avons obtenu la grâce de la conversion ?

Qu’est-ce que la conversion ?

La conversion est un don de l’amour divin et jamais un pur et simple résultat des efforts humain : l’initiative vient de Dieu ; elle est avant tout une ouverture à la puissance divine qui transforme et renouvelle : Dieu ne nous enchaine pas pour nous mener à la conversion. C’est un changement profond qui intéresse toutes les sphères de l’êtres humains : elle concerne tout l’homme (corps, âme, sentiments, projets, etc.) ; C’est un processus d’humanisation qui porte à être plus vrai et plus authentiques : elle n’est pas une fuga mundi. 

Quand faut-il se convertir ?

Pour le chrétien, la conversion n’est point une démarche réservée à des périodes présélectionnées de l’année liturgique ou d’une période précise de la vie de l’homme. Elle est une exigence permanente qui prend sa source en Dieu et débouche sur lui. 

Comment savons-nous que nous sommes vraiment convertis ?

La conversion atteste que dans la vie de l’homme le péché n’a pas le dernier. Elle atteste que le péché n’est pas invincible ; n’est pas une puissance qui écrase l’homme de manière définitive.

2e dimanche de l’Avent
Lectures bibliques : Isaïe 11, 1-10; Psaume 71; Romains 15, 4-9; Matthieu 3, 1-12

Homélie du 27 novembre 2022, Avent 1 – (Mt 24, 37-44)

Abbé Côme Traoré – Basilique Notre-Dame, Genève

Chers amis,

L’Eglise universelle entame, en ce dimanche, le temps de l’Avent ; autrement dit, le temps de préparation de la venue dans la gloire de Jésus le Seigneur de l’histoire et des temps ; lui qui revient pour instaurer le règne de justice et de paix qu’il n’a cessé d’annoncer par sa vie, ses enseignements, ses œuvres, sa mort et sa résurrection.  Oui chers amis, « Jésus le Christ reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts ».

Appel à abandonner la routine

Le texte de l’Evangile qui vient d’être proclamé, et qui n’est certes pas un des ceux qu’on choisit délibérément afin d’y trouver un réconfort moral, nous invite pourtant à abandonner la routine, la marche régulière et monotone des occupations habituelles, les habitudes, les coutumes, qui nous éloignent du chemin de Dieu ; il nous invite à nous convertir et à repartir sur le chemin de la sequela Christi. Tout en accueillant la bonne et joyeuse nouvelle de l’Evangile qui annonce la venue rétentrice du Fils de l’homme, nous sommes invités à ne jamais oublier l’éventualité du Jugement. N’est-ce pas cela la faute récurrente des disciples de Jésus ! Voilà pourquoi d’ailleurs cette page d’Evangile se conclut par un pressant appelle à la vigilance !

En effet, c’est Jésus lui-même qui met en garde ses propres disciples sur la manière de se préparer à sa venue même si de prime abord, il semble déclarer l’incertitude qui couvre un tel jour : « Mais ce jour et cette heure, nul ne les connait, ni les anges des cieux, ni le Fils, personne sinon le Père, et lui seul », disait-il à ses disciples.  Alors, nous avons comme envie de lui demander : « Comment veux-tu que l’on se prépare au jour de ta venue si tu nous laisses planer dans l’ignorance la plus complète ? » Et c’est alors que Jésus commence à lever le voile de l’ignorance en instituant un parallèle entre un événement bien connu de ses contemporains (il s’agit du déluge vécu par Noé et sa génération) et la venue du Fils de l’homme. Que s’est-il donc passé pendant les jours qui précédèrent le déluge ? Eh bien, les hommes passaient leur vie à manger, à boire, à se marier, à faire des enfants, à travailler, à faire la fête… En toute vérité, ce style de vie, n’a rien de mauvais en soi ; par contre, il devient dangereux pour l’homme lorsque toute son existence se transforme uniquement en une recherche frénétique et maladive de la satisfaction de ses besoins matériels.

Vigilance et persévérance

Un tel désir incontrôlé, nous le savons, conduit souvent à l’injustice, à l’immoralité et à la violence. De fait, les contemporains de Noé furent surpris par le déluge qui les engloutit.

Qu’est-ce qu’on reproche à la génération de Noé et qui peut également faire objet de reproche aux hommes et aux femmes de notre temps ? Eh bien leur faute consiste :

En un manque de conscience, de discernement, de prudence, d’esprit d’attente et de vigilance ; en d’autres termes c’est l’indifférence, la distraction et le refus de se mettre dans une posture de découverte du plan de Dieu sur les hommes. Et cette posture du disciple n’est autre que celle de la sentinelle, celle de savoir « veiller » : « Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient », dit Jésus. La vigilance évangélique exige une grande persévérance dans la prière et la charité ; une lutte intérieure contre toutes formes de conformismes qui nous portent loin de Dieu et de ses commandements ; elle ne nous impose en aucun cas des privations qui nous empêcheraient de vivre une vie digne en homme et femme épanouis mais elle nous impose un style de vie digne de nos engagements baptismaux, digne de notre-être disciples du Christ et filles et fils de Dieu.

Oui chers amis, Jésus est bien celui qui doit venir (il est ho erchomenos) et son jour est le Jom Adonai (« le jour du Seigneur »). En chaque Avent nous célébrons liturgiquement mais réellement et de manière anticipée cette ultime et définitive manifestation du Seigneur en priant : Maranatha, « le Seigneur vient » ! Oui, le Seigneur vient ; puisque c’est lui « l’Emmanuel », « Dieu-avec-nous »,  aujourd’hui et pour les siècles des siècles. Amen !

1er Dimanche de l’Avent
Lectures bibliques :
Isaïe 2, 1-5; Psaume 121; Romains 13, 11-14a; Matthieu 24, 37-44