Homélie du 30 avril 2023 ( Jn 10, 1-10)
Abbé Joseph Demierre et Marie Colongo – Eglise Saint Joseph, Lausanne
Dimanche du Bon Pasteur et Journée Mondiale de Prière pour les Vocations
Journée Mondiale de prière pour les vocations : qu’est-ce à dire ? Le mot « vocation » n’a pas bonne presse dans le monde actuel, pour deux raisons :
- D’abord parce qu’il y a de moins en moins de vocations
- Ensuite à cause du contexte et des déviances que cela a pu ou peut engendrer dans l’Église, liées plus ou moins au célibat des prêtres.
Alors, comment se situer ? Pour qui ou pour quoi prier ? C’est peut-être l’occasion de redécouvrir ce qu’est une vocation.
Je dirais d’abord que nous avons tous et toutes une vocation. Nous sommes chacun et chacune une vocation. A la naissance, comme au baptême ou à la confirmation, comme au jour du mariage, comme à chaque étape de notre vie, et jusqu’à l’heure de notre mort, c’est Dieu qui dit à quelqu’un : « Je t’ai appelé par ton nom, tu es précieux/précieuse pour moi, et je t’aime. »
La vocation : une déclaration d’amour
La vocation, c’est donc d’abord une déclaration d’amour, comme deux fiancés qui se déclarent leur flamme pour la première fois. La vocation, c’est donc d’abord un don, un cadeau, une grâce, elle nous dit l’Amour premier de Dieu pour chacun-e.
A l’origine de toute vocation, il y a donc le Christ. Et le Christ-Ressuscité se présente à nous aujourd’hui comme le Bon Pasteur. Il n’est pas un berger mercenaire. Il n’est pas un gourou qui veut manipuler ses ouailles. Pour lui, les brebis sont tellement importantes qu’il va jusqu’à donner sa vie pour elles. Et dans l’Évangile d’aujourd’hui : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie et l’aient en abondance ! »
Accéder à la plénitude de soi-même
Ensuite « ses brebis écoutent sa voix. Il les appelle chacune par son nom, et les fais sortir ». Jésus est le nouveau Moïse qui vient libérer son peuple de l’esclavage pour le conduire vers la terre promise, ruisselante de lait et de miel. Il ne s’agit donc pas d’enrôler quelqu’un, mais de lui permettre d’accéder à la plénitude de lui-même. Voilà le deuxième fondement : chacun est unique, chacun/chacune a sa vocation propre. Et toutes les vocations sont importantes, que ce soit celle du malade sur son lit d’hôpital ou de la personne qui le soigne, ou celle du prisonnier en attente d’un verdict ou d’une libération, ou celle des jeunes étudiants de l’EFL ou de l’Université voisine d’ici, ou celle des parents et des grands parents, ou celle de la moniale dans son ermitage ou celle du missionnaire dans un bidonville du Brésil. Et demain, c’est le premier mai : la fête des travailleurs. Les travailleurs et travailleuses ont aussi leur vocation propre. Chacun/chacune a son rôle à jouer. Il y a donc autant de vocations que de personnes sur cette terre, dans la diversité et la multiplicité des appels et des charismes.
Diversité des vocations qui manifestent le mystère de Dieu
Enfin, le Bon Pasteur prend soin de ses brebis : il les rassemble, il les nourrit, il les soigne, il les guérit, par les sacrements, notamment dans l’Eucharistie, source et sommet de la vie chrétienne. A l’heure de l’épreuve, il nous guide et nous fortifie. Aux jours d’angoisse, il nous mène vers les eaux paisibles. Voilà comment je comprends aussi moi-même ma vocation de prêtre, depuis 44 ans. Et il y a diversité de vocations qui peuvent manifester ce mystère d’un Dieu qui aime ses enfants et qui prend soin d’eux.
De plus, il faut bien comprendre que c’est la communauté qui appelle. La vocation, l’appel vient bien de la communauté et passe par la communauté en tant que Peuple de Dieu. Et la communauté, c’est nous. Ce ne sont donc pas les vocations qui manquent, mais peut-être la vitalité de nos communautés. Dans des communautés vivantes, les vocations peuvent foisonner. C’est bien cela que nous découvrons et vivons dans un camp-vocations, comme il y en a chaque année en Suisse Romande, pour tous les âges. (Abbé Joseph Demierre)
Témoignage de Marie Colongo :
Je m’appelle Marie, j’ai 21 ans et je suis en 3ème année de Bachelor de médecine. Je vais vous parler des expériences que j’ai pu vivre lors des camps Vocations. Je participe à ces camps depuis quelques années, que ça soit en tant que participante dans différents camps ou animatrice dans le camp-voc’ musique.
Je vois les camps-voc’ comme notre microbiote, avec une grande quantité de bactéries qui sont essentielles à notre vie, qui permettent d’éviter des infections pathogènes, qui régulent notre digestion, nous apporte des vitamines. Toutes ces bactéries vivent en communauté et elles se régulent entre elles.
Les « camps-voc » : des lieux vivants et dynamiques
A l’image du microbiote, les « camps-voc » sont des lieux vivants et dynamiques qui rassemblent des enfants, des jeunes et des adultes. Dans notre société, on peut avoir l’impression d’être un peu seul comme croyant, et ces camps-voc permettent de se retrouver avec toutes ces personnes qui partagent la même foi et de vivre des moments forts pendant une semaine. Tout cela fortifie et renforce notre foi pour après se tourner vers l’extérieur le reste de l’année.
Dans un microbiote, il y a plusieurs bactéries différentes mais qui sont toutes complémentaires les unes aux autres. Au camp -voc, c’est pareil. Il y a des enfants, des jeunes, des animateurs, des familles, des mariés, des prêtres et religieux et religieuses. Ils ont tous-tes choisi un chemin de foi différent mais se complémentent toutes et tous.
Je n’ai pas une foi très « traditionnelle », je ne suis pas la plus assidue pour aller à la messe, mais j’aime penser que Dieu est présent partout, dans tout notre quotidien et notamment à travers la musique ou les personnes que je rencontre.
Je me retrouve bien justement dans l’image des Camps Voc : il y a quelques messes et temps de prière mais il y a aussi beaucoup de temps consacré au partage, au bricolage, à des jeux, aux moments de rires, et surtout, dans notre Camp-Voc , à la musique.
Le Camp-Voc : des provisions pour tout le reste de l’année
Au fil de la semaine, une petite communauté se crée, un lieu de confiance où l’échange est possible. Comme pour le bon pasteur, les brebis le suivent car elles ont confiance en lui. Je vois l’année un peu comme une très longue randonnée et ma foi comme un sac de rando plus ou moins rempli de provisions. De temps en temps, on recharge un peu les réserves, mais c’est aux camps-voc que l’on peut vraiment faire de grandes provisions pour tout le reste de l’année, on est chargé à bloc de tous ces moments de partage, que ça soit en parole, en rires ou en musique.
J’ai toujours aimé m’occuper d’enfants. Mais le fait de pouvoir parler de ma foi et la transmettre à d’autres donne une tout autre dimension à ma vie. Pouvoir vivre sa foi seul, c’est une chose mais pouvoir la partager, cela la rend d’autant plus importante, car ça la nourrit aussi. Je pense que finalement, on reçoit beaucoup plus que ce qu’on donne. J’espère que les jeunes en venant aux camps-voc’ qui sont en questionnement, puissent être guidés, ouvrir et passer la porte du Bon Pasteur.
4e dimanche du Temps pascal
Lectures bibliques : Actes 2, 14. 36-41 ; Psaume 22 ; 1 Pierre 2, 20-25 ; Jean 10, 1-10
Le festival à Genève « Il est une foi » mise sur les films à miracles
Dimanche des médias 2023
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Homélie du 23 avril 2023 (Lc 24, 13-35)
Frère Gilles Emery – Chapelle du couvent Saint-Hyacinthe, Fribourg
Nous avons entendu, comme première lecture, la partie centrale du discours de saint Pierre le jour de la Pentecôte, dans les Actes des Apôtres. C’est la première prédication chrétienne, importante pour nous car elle nous montre le cœur de la foi, le centre de la prédication des apôtres. Et ce centre, c’est Jésus ressuscité. Ce Jésus, insiste saint Pierre, ce Jésus le Nazaréen, cet homme Jésus qui a vécu au milieu de vous et qui a été crucifié. Voici le centre de la foi : « Ce Jésus, dit saint Pierre, Dieu l’a ressuscité, nous en sommes témoins ». Nous trouvons ici trois composantes essentielles du noyau de la foi chrétienne, trois composantes essentielles de ce qu’on appelle le “kérygme”, c’est-à-dire la proclamation du cœur de la foi.
Notre foi repose sur celle des apôtres
La première composante, c’est l’identité personnelle de Jésus. La résurrection n’est pas un symbole de la vie qui réapparaît, elle n’est pas une figure ou un “chiffre” de la vie plus forte que la mort, mais la résurrection est un événement tout à fait concret et singulier qui est advenu à une personne elle aussi tout à fait concrète et singulière : « ce Jésus ». Saint Pierre et les apôtres l’affirment, non pas à la façon d’un raisonnement, mais comme un témoignage : ils ont connu Jésus vivant avant Pâques, et ils l’ont reconnu vivant lorsqu’il s’est manifesté à eux après sa résurrection. Cette continuité est essentielle pour nous, puisque notre foi repose sur celle des apôtres.
Jésus est l’accomplissement de tout ce qui est rapporté par l’Ancien Testament
La deuxième composante, c’est l’accomplissement des Écritures. Il s’agit, ici aussi, d’une réalité très importante. Jésus, spécialement en sa résurrection, est l’accomplissement de tout ce que Dieu a entrepris depuis la création du monde, de tout ce que Dieu a fait jusqu’alors et qui est rapporté par l’Ancien Testament. Saint Pierre cite ici le prophète Joël concernant le don de l’Esprit et l’annonce de la foi (« Je répandrai de mon Esprit sur toute chair, alors vos fils et vos filles prophétiseront »), il évoque le prophète Isaïe au sujet de ce qui arrivera dans les derniers jours, et saint Pierre rappelle le Psaume de David concernant la fidélité de Dieu qui fait vivre et qui redonne la vie (« ma chair reposera dans l’espérance : tu ne peux m’abandonner au séjour des morts ni laisser ton fidèle voir la corruption »). Ce Jésus ressuscité est le centre et le sommet de l’histoire du salut, il est l’accomplissement de l’espérance du peuple aimé de Dieu. Il est, comme nous l’avons dit en préparant le cierge pascal durant la vigile de Pâques, l’Alpha et l’Omega. Les hauts faits de Dieu, la loi du Sinaï, la liturgie de l’Ancien Testament, les paroles des prophètes, tout est advenu parce que cela était destiné à trouver son accomplissement dans la résurrection de ce Jésus. C’est là ce qui a rendu tout brûlant le cœur des disciples d’Emmaüs lorsque Jésus, en chemin, leur ouvrit le sens des Écritures.
Jésus, donateur de l’Esprit
Et voici la troisième composante : la résurrection est un événement qui, dans la première prédication des apôtres, engage trois acteurs : ce Jésus, dit saint Pierre, « élevé par la droite de Dieu, a reçu de son Père l’Esprit Saint qui était promis, et il l’a répandu sur nous ». Trois acteurs : (1) Dieu le Père, qui a ressuscité Jésus ; (2) Jésus, qui est ressuscité et exalté auprès de son Père ; et (3) l’Esprit Saint, dont Jésus exalté a été comblé en plénitude et qu’il répand maintenant sur ses disciples. C’est déjà la forme du credo et du baptême que nous découvrons ici : je crois au Père, et au Fils Jésus, et en l’Esprit Saint. Et l’événement central, autour duquel tout se déploie, c’est la résurrection de Jésus, qui a fait de lui le donateur du Saint-Esprit en abondance. Jésus ressuscité partage avec son Père cette prérogative exclusivement divine qui est de donner l’Esprit Saint. Saint Pierre l’exprime en rappelant le Psaume 110 : « le Seigneur a dit à mon Seigneur : siège à ma droite ». Jésus est assis à la droite du Père. Autrement dit, par son exaltation, Jésus en son humanité, Jésus homme glorifié, partage le trône divin de son Père, le trône divin d’où, précisément, l’Esprit Saint est répandu. C’est ainsi que la résurrection de Jésus fait de lui le donateur de l’Esprit, celui qui répand l’Esprit Saint vivifiant, l’Esprit qui donne la vie.
La résurrection de Jésus : un événement concret et singulier qui est advenu à une personne concrète et singulière ; un événement trinitaire, qui accomplit les promesses et qui constitue le centre de l’histoire des hommes ; un événement qui est la source de notre espérance et de notre salut.
La première prédication chrétienne de saint Pierre insiste sur la nouveauté que la résurrection a apportée à Jésus et à nous. À Jésus d’abord : la résurrection établit Jésus dans le plein exercice de ses prérogatives de Seigneur et de Christ, c’est-à-dire de donateur de l’Esprit Saint. C’est ce que nous allons célébrer à la Pentecôte. Et voici la nouveauté qui nous est donnée, à nous : quiconque invoquera le nom du Seigneur Jésus sera sauvé. L’Esprit Saint, désormais, est répandu en abondance sur tous ceux qui croient en Jésus et reçoivent le baptême au nom de Jésus — et même, d’ailleurs, sur tous les hommes qui accueillent l’action de la Providence de Dieu et qui sont, d’une manière que Dieu connaît, associés à la Pâque de Jésus – ce Jésus que Dieu a ressuscité pour nous et pour notre salut — ce Jésus que nous allons reconnaître et recevoir dans la fraction du pain.
3e dimanche du Temps pascal
Lectures bibliques : Actes 2, 14.22-33 ; Psaume 15 ; 1 Pierre 1, 17-21 ; Luc 24, 13-35
Homélie du 16 avril 2023 (Jn 20, 19-31)
Abbé Marc Donzé – Monastère du Carmel du Pâquier, FR
« Le nom de Dieu est miséricorde », écrit le pape François. Pour que l’homme se relève de toute misère, pour qu’il grandisse dans la lumière et dans l’amour, pour qu’il soit en communion d’alliance avec Lui, Dieu est Cœur, Dieu est Amour, Dieu est Don. Comme le dit saint Thomas d’Aquin, « la miséricorde est le propre de Dieu, dont la toute-puissance consiste justement à faire miséricorde ».
Avec enthousiasme, le pape François a institué en 2016 une année jubilaire de la miséricorde et c’est l’une des plus belles initiatives qu’il ait prises.
Enfin, la miséricorde divine est pleinement à l’avant-scène de la pastorale de l’Église. Et avec elle, l’accueil, le non-jugement, le dialogue, la fraternité. Et surtout une vision de Dieu qui réjouit le cœur de l’homme, car rien n’est plus précieux que le Bel Amour.
Enfin… car ce ne fut pas toujours ainsi. Pendant longtemps, l’Église a voulu régner sur la société ; elle a voulu moraliser, enrégimenter, contrôler les consciences ; elle a culpabilisé, elle a engendré la peur en menaçant à tout va des peines de l’enfer.
Il suffit de penser aux noires perspectives développées par le jansénisme au XVIIe siècle, dont les séquelles culpabilisantes se font sentir encore aujourd’hui.
« La pastorale de la peur »
Ou à la crise moderniste au début du XXe siècle, avec ses condamnations si nombreuses des pensées innovantes, même parmi les théologiens.
C’était une tactique pastorale. Comme disait un curé, dans une campagne française : « Surtout, ne prêchez pas votre Dieu d’Amour, parce qu’ils n’y comprendront rien. Il faudra leur cuisiner un enfer, qui leur donne une trouille du diable pendant huit jours, et quand ils auront bien tremblé, alors la mission réussira. Si vous leur parlez d’amour, ils n’y comprendront rien. Le Bon Dieu, c’est autre chose ! Le Bon Dieu, il faut le craindre et c’est dans cette crainte qu’est le commencement de la sagesse ! » Tout cela a engendré ce que le grand historien Jean Delumeau a nommé « la pastorale de la peur ».
Mais c’est un mauvais chemin, car il ne change pas les cœurs. Il engendre le pharisaïsme, c’est-à-dire des pratiques extérieures pour faire bonne figure, lesquelles n’empêchent pas de subtils arrangements avec la liberté de commerce ou le respect des personnes. Et les grands chantres de la moralisation, des ecclésiastiques le plus souvent, n’ont pas échappé au pharisaïsme. Ils ont dit et n’ont pas fait, comme le montrent hélas les si nombreux scandales qui sont mis au jour en ce moment dans l’Église.
Des voix, surtout féminines, s’élevèrent pour dire l’Amour de Dieu
Heureusement, dans ces sombres perspectives où Dieu n’est vraiment pas présenté comme ami de l’homme, quelques voix s’élevèrent pour dire l’Amour de Dieu. Et ce sont surtout des voix féminines. On peut penser à sainte Marguerite-Marie Alacoque. En plein jansénisme, elle eut la mission – qui lui coûta mille épreuves – de promouvoir le culte du Sacré-Cœur de Jésus ; autrement dit de présenter Jésus-Christ qui, avec un amour infini, donne sa vie pour que l’homme soit sauvé, pardonné, élevé vers la lumière.
On peut penser aussi à sainte Faustine Kowalska, qui, en pleine crise moderniste, reçut la mission de mettre en exergue la Divine Miséricorde. Et je ne saurais oublier, ici dans ce Carmel, la petite Thérèse, qui, avec un esprit d’enfance si frais a voulu se loger au cœur de l’Église, au cœur même de Dieu et devenir une chantre de l’Amour.
Oui, avec elles, il faut dire que « Jésus-Christ est le visage de la miséricorde du Père ». Pour le montrer, nous pouvons regarder les attitudes du Ressuscité.
Jésus-Christ, visage de la miséricorde du Père
Rencontrant Pierre, qui l’a renié, il ne lui fait pas de reproches. Une seule question, trois fois répétées : Pierre, m’aimes-tu ?. La relation entre Pierre et Jésus s’était fissurée. Jésus simplement l’invite à aimer à nouveau, à aimer plus, à aimer jusqu’au bout. Et Pierre, devant une si belle ouverture, consent.
Quand il apparaît aux apôtres, qui tous, peu ou prou, ont été lâches, Jésus ne leur fait pas de reproches. Il leur souhaite la paix ; mieux encore, il leur insuffle des énergies nouvelles, l’Esprit d’Amour qui leur permettra d’annoncer l’Évangile jusqu’au bout.
A Thomas, l’incrédule, Jésus ne fait pas de reproches non plus. Il va à la rencontre de son incrédulité et lui montre les traces glorieuses de sa passion. Et Thomas, se sentant rejoint jusqu’à la racine de l’être, émet alors l’un des plus beaux actes de foi qui soient : « mon Seigneur et mon Dieu ».
Une avance de générosité
L’attitude de Jésus, c’est donc de renouer une relation de paix et d’amour, alors qu’elle avait été mise à mal. C’est d’offrir le pardon et la réconciliation, en faisant le premier pas d’amitié, de paix, de compréhension. En faisant avance de générosité, selon cette expression que j’aime tellement. Avance de générosité.
Jésus ne moralise pas. Il n’a qu’un seul commandement : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ». Et encore, est-ce un commandement, puisqu’il s’agit d’amour. C’est plutôt une invitation, si puissante qu’il l’a payée au prix de sa vie : « comme je vous ai aimés jusque sur la Croix ».
Les Béatitudes : des directions de vie
En revanche, il indique des chemins pour accomplir le métier d’homme de la façon la plus lumineuse, la plus noble, la plus généreuse, la plus fraternelle. Ces chemins, nous les trouvons dans les Béatitudes, qui sont des directions de vie, pour monter toujours plus haut et pour aller toujours plus profond.
La vie, dès lors, n’est pas faite du respect d’innombrables règles qui vont engendrer le pharisaïsme. Elle devient une dynamique vers la lumière et vers l’amour, qui demande la conversion du cœur, et tout au fond une relation d’alliance avec le Dieu d’Amour, que cette relation soit explicite ou implicite.
Dans sa miséricorde, Jésus a donné sa vie pour la réconciliation et la paix ; dans les Béatitudes, il a ouvert les chemins vers la vraie grandeur de l’homme.
Et encore, il nous promet la miséricorde suprême, qui est la résurrection. Comme dit saint Pierre, « dans sa grande miséricorde, le Père nous a fait renaître pour une vivante espérance grâce à la résurrection de Jésus Christ d’entre les morts, pour un héritage qui ne connaîtra ni corruption, ni souillure, ni flétrissure ».
N’est-ce pas une bonne nouvelle ? La vie est plus que la vie. Dieu nous relève chaque fois que nous tombons, et c’est déjà résurrection ; il nous élève vers les chemins de la générosité, et c’est encore résurrection. En nous, la résurrection est déjà commencée, si nous le voulons bien, et rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu, comme dit saint Paul.
Dès lors, la miséricorde de Dieu permet de trouver un peu de lumière et de paix, même dans les chemins les plus noirs. Amen
Deuxième dimanche de Pâques ou de la Divine Miséricorde
Lectures bibliques : Actes 2, 42-47 ; Psaume 117 ; 1 Pierre 1, 3-9 ; Jean 20, 19-31
L’intelligence artificielle entre à l’Eglise
En Irlande du Nord, élèves catholiques et protestants ont chacun leurs écoles
Homélie TV du 9 avril 2023 (Jn 20, 1-9)
Mgr Charles Morerod – Eglise St-Pierre, Fribourg
Nous célébrons la résurrection du Christ, notre Sauveur. Des spectateurs qui arrivent sur cette messe à la télévision se demandent peut-être en quoi cela peut les concerner, ou ce que ça change à la vie du monde (en d’autres termes : pourquoi un Sauveur ?). Récemment, un adolescent préparant sa confirmation à Genève m’a posé cette question : « Pour aller au Ciel, il faut aimer Dieu, ou il suffit d’avoir envie d’aller au Ciel? »
Il y a plusieurs manières d’aborder cette question. L’une d’entre elles est notre désir de vie, et d’une vie dont l’aboutissement ultime ne soit pas la mort. Ce désir de vie inclut un désir de bonheur, lié à notre désir jamais assouvi d’amour et de connaissance. Il n’y a pas besoin d’être chrétien pour avoir ce désir, parce qu’il est inscrit dans nos cœurs. J’en prends comme témoin Aristote, qui a vécu avant le Christ. Dans son éthique, il montre que nos actions ne devraient pas être dispersées, parce qu’alors on s’épuiserait en avançant dans la vie. Il dit que ce qui unifie nos actions, c’est le désir d’un Bien ultime qui nous rendrait heureux. Il voit toutefois le problème : si on ne prend pas ce désir au sérieux on n’est pas suffisamment humain, mais il semble que l’atteindre soit plutôt divin qu’humain. Notre désir humain est infini, mais nous sommes limités, et mortels. Aristote peut poser un bon diagnostic, mais il n’a pas un remède suffisant.
Le désir du bonheur est un désir de Dieu
Le désir de bonheur qu’Aristote pointe du doigt dans la vie humaine trouve sa réponse dans une personne. C’est un désir de Dieu, auquel Dieu seul peut répondre. Dieu nous a créés avec ce désir en nous : il nous a faits pour que nous puissions être avec lui. Et comme Dieu n’agit pas en vain, il nous donne aussi le moyen d’assouvir ce désir infini. Dieu le Fils vient parmi nous, il se fait vraiment homme, jusqu’à la mort, et il ressuscite. C’est bien sûr ce que nous fêtons aujourd’hui.
La réponse divine est une personne, en l’occurrence une personne divine qui est aussi un homme. On ne comprend vraiment une personne qu’en étant en relation avec elle. Que nous suggérait le Vendredi Saint ? Si on aime Jésus c’est un événement horrible. Voir torturer une personne que l’on aime est abominable. Et ensuite on est en deuil. Ce défunt nous manque. Si on se réjouit de la résurrection, c’est d’abord à cause de Jésus, parce qu’on avait souffert de son absence. C’est ce lien avec Jésus que nous montrent les lectures de cette messe.
La joie de la résurrection d’une personne aimée
Pourquoi est-ce que Marie Madeleine va au tombeau : parce qu’elle souffre de la mort de Jésus, parce qu’elle l’aime. C’est aussi pour cette raison qu’après l’annonce par Marie Madeleine, Pierre et le disciple que Jésus aimait y courent aussi. Ils vont au tombeau parce qu’ils veulent trouver Jésus, et ils en repartent dans la joie de la résurrection d’une personne aimée.
Dans la deuxième lecture, saint Paul nous dit pourquoi nous tourner vers la vie éternelle : « Recherchez les réalités d’en haut » (Colossiens 3,1). S’agit-il d’un désir général de hauteur ou de bonheur ? Il précise tout de suite la cause : « C’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu » (Colossiens 3,1). Depuis sa rencontre avec le Christ, il veut être avec lui : « Je poursuis ma course pour tâcher de saisir, puisque j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus » (Philippiens 3,12). C’est le programme de sa vie : « Pour moi, vivre c’est le Christ, et mourir est un avantage » (Philippiens 1,21).
Etre avec Jésus
Je reviens à la question du confirmand genevois : « Pour aller au Ciel, il faut aimer Dieu, ou il suffit d’avoir envie d’aller au Ciel? » Eh bien, être au Ciel, c’est être avec Dieu, et c’est ce qui nous rend heureux. Et on sait ce que cela veut dire, quand on connaît Jésus et qu’on est heureux d’être avec lui.
Être avec Jésus, dès maintenant, ça change la donne, et ça contribue à changer le monde. Si nous sommes ses disciples, nous l’imiterons. Le Fils de Dieu fait homme, lui sans qui rien de ce qui s’est fait ne s’est fait (cf. Jean 1,3), aurait eu tous les droits de se présenter comme le centre du monde. Eh bien il a tout rassemblé, mais en se donnant. Il ne nous prend pas, il se donne à nous. C’est une dynamique qui inverse la violence et l’injustice. Si chacun se met au centre, la violence est inévitable. Si, comme Jésus, on se tourne vers l’autre pour qu’il puisse vivre, la paix et la justice sont possibles. Être ses disciples est notre meilleur cadeau à un monde en recherche d’espérance.
La résurrection de Jésus a bouleversé les disciples parce qu’ils aimaient Jésus. Cette rencontre a changé leur vie, et la résurrection explique leur comportement. Je prends ici à témoin l’enquête de Pinchas Lapide, théologien juif allemand du XXe siècle. En tant que Juif, il se demande ce qui explique le changement de comportement d’autres Juifs, à savoir les disciples de Jésus. Il se pose la question parce que le comportement des disciples était dangereux pour eux, et que ce danger apparaissait bien dans la mort de Jésus : « Comment se fait-il que ses disciples, qui ne brillaient ni par leur intelligence, ni par leur éloquence, ni par leur force de foi, n’aient pu entamer leur marche victorieuse de conversion qu’après le fiasco fracassant du Golgotha – une marche qui a complètement occulté tous leurs succès d’avant Pâques ? (…) La réponse des apôtres a été brève et sans ambiguïté : la résurrection de Jésus d’entre les morts. »*
Le Christ ressuscité est celui qui a été crucifié : il prend au sérieux nos souffrances et nos inquiétudes, et nous ouvre les portes du bonheur que cherche tout être humain. Quelle joie d’être avec lui !
“How was it possible that his disciples, who by no means excelled in intelligence, eloquence, or strength of faith, were able to begin their victorious march of conversion only after the shattering fiasco on Golgotha — a march which put all their successes before Easter completely into the shadow? (…) [70] The answer of the apostles was brief and unambiguous: The resurrection of Jesus from the dead.”
Pinchas Lapide, The Resurrection of Jesus, A Jewish Perspective, Wipf and Stock Publishers, Eugene, OR, 2002, 69-70
Résurrection du Seigneur
Lectures bibliques : Actes 10, 34-43; Psaume 117; Colossiens 3, 1-4; Jean 20, 1-9
