Homélie du 7 février 2021 (Mc 1, 29-39)

Chanoine Roland Jaquenoud – Abbaye de Saint-Maurice, VS

« Simon et ceux qui étaient avec lui partirent à sa recherche. Il le trouve et lui disent : Tout le monde te cherche ».

            Il a bien de la chance, Jésus, en ces temps lointains. Tout le monde le cherche. Aujourd’hui, cela semble absurde de dire que tout le monde cherche Jésus. Et pourtant …

Pourtant le cri de l’être humain n’a pas changé depuis la nuit des temps. On entendait celui de Job à la première lecture : « Vraiment, la vie de l’homme sur la terre est une corvée, il fait des journées de manœuvre » « A peine couché, je me dis : quand pourrai-je me lever. Le soir n’en finit pas, je suis envahi de cauchemars jusqu’à l’aube. » La vie est dure. « La vie est une corvée » Combien de personnes, aujourd’hui, se retrouvent dans les mots de Job ? Il en était sans doute de même dans la Palestine du temps de Jésus. Jésus vient nous rejoindre dans nos détresses.

            Cela ne veut pas dire qu’on ait spécialement attendu Jésus, même à son époque. Il y avait bien un petit peuple qui attendait le Messie, mais personne n’avait bien compris que ce Messie, ce serait Jésus. Et puis la masse des autres peuples : qui attendaient-ils ? Certainement pas Jésus. Et peut-être n’attendaient-ils personne. Pour qu’on se mette à le chercher, il a bien fallu que Jésus vienne d’abord. Qu’il « sorte », si on en croit ses propres paroles dans l’Evangile : « Allons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame l’Evangile ; car c’est pour cela que je suis sorti. »

Si on ne cherche plus Jésus de nos jours, c’est peut-être parce qu’il ne sort plus. Et comment pourrait-il sortir, s’il est monté vers son Père ? Et bien saint Paul, quelque part, nous le dit : « Vous êtes le corps du Christ » (1Co 12, 27). Autrement dit : vous êtes ses membres, ses pieds, ses mains, sa voix, son cœur.

       . Si NOUS ne sortons pas, alors Jésus ne sortira pas non plus.

Si NOUS ne sortons pas, alors Jésus ne sortira pas non plus. Nous restons bien au chaud dans nos certitudes, dans nos églises, dans nos foyers chrétiens, dans nos communautés, alors que les gens souffrent, que leur vie est une corvée. L’Eglise en sortie : un des thèmes chers à notre Pape François…          

  A bon, nous y revoilà. Nous, les chrétiens, sommes habitués à toute sorte de slogans. « Baptisés, envoyés ». « L’Europe a besoin d’une nouvelle évangélisation » « Les laïcs doivent évangéliser dans leur milieux de vie », « Nous sommes tous des missionnaires ». On nous le répète à longueur d’année liturgique, à longueur d’homélies, à longueur de rassemblements divers, et cela depuis tant et tant d’années. Et le résultat ? …

Pourquoi Jésus est sorti

            Peut-être avons-nous parfois tendance à oublier pourquoi Jésus est sorti.

« Là aussi je dois proclamer l’Evangile ; car c’est pour cela que je suis sorti. «  Jésus est sorti proclamer l’Evangile. L’Evangile. La Bonne nouvelle. Une nouvelle bonne, pleine d’espoir. Libératrice. Ce n’est pas pour rien que l’Evangile de Jésus s’accompagne de toute sorte de guérison, de libération. L’Evangile : une nouvelle qui amène la joie, qui donne un sens à la vie.

            Or nous avons une fâcheuse tendance, nous les chrétiens – il nous faut bien l’admettre  – à transformer l’Evangile en idéologie. Quand l’évangile devient en une série de règles imposées de l’extérieur, quand, pire encore, il est assimilé à un ou des rituels sociaux, à des signaux d’appartenance à un groupe, quand il devient la tour d’ivoire à partir de laquelle nous jugeons tout le monde, même si ce que nous disons n’est pas faux, la proclamation de la bonne nouvelle, elle, est complètement détournée, elle devient une idéologie mortifère, capable de toutes les dérives, de tous les abus. Elle n’a plus rien d’une bonne nouvelle. Finalement, elle n’apporte rien à ceux pour qui « la vie est une corvée »

            Seigneur, « tout le monde te cherche », car tout le monde, en ces temps, comme en tout temps, a besoin d’une bonne nouvelle, d’un évangile. Lorsque Jésus prêche, les gens sont libérés, guéris. Lorsque nous, nous prêchons, lorsque nous « témoignons », nous transformons, bien trop souvent, la religion en en carcan aux chaines lourdes, une prison, dans laquelle nous sommes parfois nous-mêmes enfermés. C’est du moins ainsi que beaucoup de nos contemporains la voient.

            Bien sûr, leur jugement est souvent injuste. De tout temps l’évangile a eu des contradicteurs. Mais si, au lieu de nous rassurer par ce « de tout temps », nous acceptions de nous laisser interpeller.

            Au chapitre 9 de sa 1ère lettre aux Corinthiens, que nous lisions tout à l’heure, saint Paul proclamait la nécessité absolue de proclamer l’Evangile : « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile ». Il ne peut pas faire autrement. C’est une mission qu’il a reçue. Il l’accomplit, nous dit-il, « sans rechercher aucun avantage matériel ». Il y aurait déjà là quelque chose à laquelle réfléchir, en notre pays où les ministres du culte sont souvent fonctionnarisés. Et il, ajoute-t-il « sans faire valoir mes droits de prédicateur de l’Evangile ». En d’autres termes sans rien revendiquer pour lui-même. L’Evangile n’est pas sa chose. Les prédicateurs devraient en prendre de la graine…

Nous avons quelque chose de beau à partager

            A cela il ajoute : « Oui, libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous afin d’en gagner le plus grand nombre possible. Avec les faibles j’ai été faible, pour gagner les faibles ». On est loin du missionnaire au casque colonial qui va évangéliser des gens qu’il considère inférieurs. Aujourd’hui, il n’y a plus de casque colonial, mais combien d’évangélisateurs, portés aux nues par leur entourage, se voient – ou sont vu – comme des gens supérieurs, extraordinaires. Saint Paul s’est fait esclave, faible parmi les faibles, ainsi l’évangile – la Bonne Nouvelle – n’est plus un enseignement donné du haut de la chair, mais une rencontre, un partage. Nous ne sommes pas plus forts que les autres – arrêtons de juger. Nous avons reçu quelque chose d’infiniment beau à vivre et à partager. Alors partageons-le, comme quelque chose d’infiniment beau, d’infiniment libérant. Et nous découvrions que l’autre aussi à quelque chose à nous partager. Alors Jésus sortira avec nous. Alors il se laissera rencontrer, par les autres peut-être, mais aussi par nous, car nous aussi avons tellement besoin de cette rencontre. Amen !

5e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques : Job 7, 1-4.6-7; Psaume 146 (147a), 1.3, 4-5, 6-7); 1 Corinthiens 9, 16-19.22-23; Marc 1, 29-39

Homélie du 31 janvier 2021 ( Mc 1, 21-28)

Abbé Boniface Bucyana – Eglise St-Joseph, Lausanne

Ne fermez pas votre cœur

Ce refrain du psaume traverse toutes les lectures de ce dimanche pour nous interpeller à choisir de ne pas fermer notre cœur à la voix de Dieu et à la voix de nos frères et sœurs. Mais c’est aussi à fermer ce cœur aux esprits impurs qui veulent squatter nos cœurs. Notre cœur est le seul endroit où nous pouvons régner en maître et seigneur. Nous pouvons également nous y enfermer comme dans un donjon d’égoïsme. Mais si nous voulons y régner, nous sommes invités à y réserver une place de choix au Christ, Roi de tous les cœurs avec comme sceptre de l’amour et comme couronne, la couronne de la compassion. C’est lui, le prêtre, le roi et le prophète. Il nous est rappelé qu’en ouvrant notre cœur à lui, nous participons à son règne d’amour comme roi ou reine, comme prophète. Et le vrai prophète, le porte-parole de Dieu, parle plus au cœur qu’à l’esprit. Il écoute et médite la parole de Dieu, où la Sagesse n’est pas une attitude, mais une cohérence de la réponse de l’homme à l’amour de Dieu.

Si nous fermons nos cœurs, ils sont fermés et habités non pas par l’Esprit Saint, mais par des esprits impurs qui les ont pris en otage. Et nous sommes tourmentés par eux, nous sommes leurs prisonniers. Ces esprits impurs existent malheureusement et font encore des ravages. Si nous écoutons la voix libératrice du Christ, alors il peut nous aider à ouvrir notre cœur. Il nous supplie humblement de lui ouvrir, il nous tend la main, il ne nous juge pas, il veut nous pardonner, nous libérer des griffes des esprits impurs, des esprits orgueilleux, des esprits injustes, des esprits égoïstes, des esprits de divisions, des esprits maléfiques, de violences, etc. Tous ces esprits nous menacent, nous traversent, nous torturent, nous pourchassent. Il est temps de cesser de leur prêter une oreille attentive et complaisante. Au lieu d’écouter leurs sirènes mortifères, écoutons la voix salvifique du Seigneur aujourd’hui parce qu’il y a urgence.

Écouter avec les oreilles du cœur

Écoutons pour ne pas fermer nos cœurs et ne fermons pas nos cœurs pour écouter le Seigneur. Écouter va avec comprendre, ce qui signifie écouter avec les oreilles du cœur. Cela permet d’écouter la parole silencieuse, mais éloquente de Dieu, et de s’attacher entièrement à lui et rester disponible sans dispersion.

Cette parole est pour notre aujourd’hui, et non pour demain. Parfois on est absent de notre cœur. On vagabonde dans multiples égarements. On ne retrouve pas notre cœur : nous nous sommes égarés et le cœur est égaré. Retrouvons la clé pour ouvrir, pour être présent à nous-mêmes, pour accueillir l’autre et aller vers lui. Amen.

4e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques : Deutéronome 18, 15-20; Psaume 94 (95), 1-2, 6-7abc, 7d-9; 1 Corinthiens 7, 32-35; Marc 1, 21-28