Homélie du 14 mars 2021 (Jn 3, 14-21)

Abbé Laurent Ndambi – Église St-Nicolas de Myre, Hérémence, VS


L’évangile du dimanche dernier évoquait le fait que beaucoup de gens avaient cru en Jésus à cause des signes qu’il accomplissait mais que lui-même s’en était défié sachant en quoi s’en tenir en ce qui concerne l’homme. L’évangile que nous venons de proclamer en ce quatrième dimanche de carême, nous en donne une confirmation lorsqu’il y est déclaré que « quand la lumière est venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière parce que leurs œuvres étaient mauvaises ».

A cause de ces œuvres mauvaises, Dieu a élevé par Moïse un serpent de bronze dans le désert afin d’accorder le salut à son peuple. Ce salut est désormais accompli par Jésus, le Fils de l’Homme sur la croix avec son double sens de symbole, à la fois de la mort et de la vie. C’est à partir de là qu’on peut parler de la Croix glorieuse et que celle-ci, portant le crucifié, trouve sa justification sur nos autels où régulièrement son mystère est rendu présent et agissant dans le sacrifice de la messe.

En méditant sur l’élévation du serpent par Moïse comparé à celle de Jésus le Fils de l’Homme sur la croix, rappelons-nous du serpent de la Genèse qualifié comme étant le plus tentateur astucieux, celui qui a trompé Adam et Eve en leur ayant fait découvrir leur état de faiblesse. Ce serpent qui leur a menti en disant « vous ne mourrez pas », il leur a surtout mis à l’épreuve.

Dans un autre livre, celui des Nombres, le serpent est un animal qui n’éprouve plus, mais qui puni ; envoyé comme serpent venimeux il est aussi celui sauve comme serpent de bronze en devenant ainsi comme une force et un symbole de guérison représenté comme armoiries sur les façades des pharmacies. C’est dire que son symbole est bienfaisant. Placé dans le Temple de Jérusalem où il était adoré comme une idole, ce serpent de bronze élevé par Moïse fut détruit par le roi Ezéchias (2 R 18, 4) car le salut ne portait plus sur un objet regardé ou à regarder pour être sauvé, mais sur le retour à Dieu et à sa loi (Sg 16, 5-14).

Le regard et la foi

En s’inscrivant donc dans la ligne de l’Ecriture, l’Ancien Testament comme étant le « Christ préparé » et le Nouveau Testament comme le « Christ donné », saint Jean l’évangéliste sans abandonner et minimiser le symbolisme du serpent de bronze, nous adresse un message très fort au cœur de ce carême, et portant sur le fait que nous ne devons pas seulement nous contenter de regarder le Fils de l’Homme élevé, comme le serpent de Moïse, mais encore faut-il croire en lui. Le regard seul ne suffit pas, il faut la foi. Ce qui est décisif, c’est la foi, car Dieu a n’a pas envoyé son Fils pour juger le monde mais pour que par lui le monde soit sauvé, et non plus pour être à la merci des serpents venimeux qui peuvent tuer le corps dans l’épisode du livre des Nombres ou tuer l’âme dans le récit de la Genèse.

Ici, l’évangéliste interpelle la dureté du cœur de l’homme que seule la grâce peut ouvrir à la miséricorde divine venant de la croix par le moyen de la foi, foi vivante et agissante qui conduit ainsi aux bonnes œuvres, celles qui ne craignent pas la lumière, et qui mieux encore produisent elles-mêmes la lumière.

En route vers Pâques, sommes-nous disposés de prendre conscience que l’amour de Dieu est présent dans l’histoire des hommes, dans notre histoire humaine ? Alors que les chefs des prêtres et le peuple multipliaient les infidélités, sous le règne de Sédécias, dans la première lecture, en imitant toutes les pratiques sacrilèges des nations païennes et profanaient le temple de Jérusalem consacré au Seigneur, le Dieu de leurs pères, avons-nous entendu, sans attendre et sans se lasser, leur envoyait des messages, car il avait pitié de sa demeure et de son peuple.

Malgré la déportation et l’exil en Babylone que connaîtra le peuple à cause de ses mauvais agissements, Dieu inspira Cyrus roi de Perse, d’ordonner à tous ceux qui font partie du peuple de Dieu de s’assurer que ce Dieu est avec eux et qu’ils montent à Jérusalem pour y construire un temple. L’affirmation de cette reconstruction du temple a créé une atmosphère d’espérance et elle est une preuve que Dieu n’abandonne pas son peuple ; sa fidélité se manifeste dans sa miséricorde incarnée désormais par Jésus son Fils.

Ce Fils est celui qui est venu nous dire avec force que « Dieu est amour ». Il n’est pas seulement le créateur du monde, ni le plus grand ordinateur de l’univers qui le calcule et le fait fonctionner comme une brillante mécanique froide et impersonnelle, mais que « Dieu est amour ». Il a créé le monde par amour et il y est une présence infiniment aimante. Parlant à son peuple choisi par la bouche d’un de ses prophètes Jérémie, Dieu lui dit : « Je t’ai aimé d’un amour éternel ». Cette déclaration d’amour n’est pas réservée uniquement à son peuple choisi ; mais elle est transmise à tous les peuples et à chaque personne humaine et même à chaque parcelle de l’univers par le Christ, en qui le Père nous a prouvé son amour. « En nous donnant son Fils, il nous a tout donné » !

Le monde est aimé de Dieu

Il nous a tant aimés, et nous avons besoin de cette certitude car se sentir aimé par lui est le plus grand réconfort qui soit lorsqu’on souffre ou que l’on soit à sa recherche. Croire que le monde est aimé Dieu lui donne un sens alors qu’il est actuellement traversé par les soubresauts de ses contradictions, de ses violences, de ses injustices et par une crise sanitaire qui interroge notre conscience existentielle et la gestion collective de notre humanité. C’est dire que notre monde ne paraît pas aimable du tout par moments ! Pourtant il est aimé de Dieu et c’est ce qui le maintient dans l’espérance de sa survie, puisque Dieu ne peut pas renier ce qu’il a créé par amour. Croire que nous sommes aimés par Dieu donne un sens à notre vie marquée par la maladie, le péché et la mort, car nous savons que l’amour de Dieu ne nous abandonnera jamais aux forces du mal.

Le Christ en qui nous croyons n’a pas été délivré de la mort sur la croix. Innocent, il a été condamné et cloué sur le bois, dans le don total de lui-même au Père et aux hommes. Mais sa résurrection que nous célébrerons à Pâques est et reste sa victoire sur la mort humaine, pour lui et pour nous. « Celui qui croit en lui échappe au jugement » et « Celui qui ne veut pas croire en lui est déjà jugé parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu » (Jn 3, 18).

Si son jugement n’a rien d’un procès judiciaire à la manière humaine, et qu’il est un choix définitif de son amour sauveur, nous avons si souvent hélas, ce réflexe de juger les autres, sans connaitre le fond de leur histoire, de leur hérédité et de leurs luttes intérieures ; cela en toute bonne conscience et pour nous créer l’illusion d’être meilleurs ou supérieurs.

Dieu est riche en miséricorde » ; il nous a fait revivre avec le Christ », nous dit saint Paul dans la deuxième lecture. Pendant ce carême, avons-nous le souci de faire grandir notre foi en Jésus et par quel moyen ? Avons-nous le souci d’aimer et de sauver au lieu de condamner et d’exclure ; le souci d’aider et de partager ; le souci de la conversion et d’abandon du mal sous toutes ses formes ? Seigneur, merci de nous avoir tant aimés en Jésus ton Fils ; donne-nous la grâce d’être chaque jour, des hommes et des femmes ressuscités ! Amen.


4e DIMANCHE DE CARÊME, de Lætare
Lectures bibliques : 2 Chroniques 36, 14-16.19-23; Psaume 136 (137), 1-2, 3, 4-5, 6; Éphésiens 2, 4-10; Jean 3, 14-21

Homélie du 7 mars 2021 (Jn 2, 13-25)

Abbé Laurent Ndambi – Eglise St-Nicolas de Myre, Hérémence, VS

« Quel signe peux-tu nous donner pour justifier ce que tu fais là ? ». La réponse est immédiatement donnée : « détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai (…) et le Temple dont il parlait c’était son corps », selon l’interprétation de l’évangéliste saint Jean.

Le récit de la purification du Temple qui annonce en finale la destruction et le remplacement de ce Temple par un autre, les évangélistes situent dans des contextes différents.

En effet, si Marc et Luc placent l’acte posé par Jésus peu avant la passion, soit après l’entrée solennelle de Jésus à Jérusalem, lequel constitue pour eux un des motifs de sa condamnation à mort (cf. Mc 11, 18 ; Lc 19, 47-48), saint Jean par contre le met au début de la vie publique lors de la première montée de Jésus à Jérusalem pour célébrer la Pâque. Pour lui en effet, le motif dernier de la condamnation de Jésus se trouve dans le signe de la résurrection de Lazare précédée par d’autres signes considérés comme étant des provocations, notamment la guérison d’un aveugle né le jour du sabbat (cf. Jn 9, 1-40), ou encore celui de la multiplication des pains, suivie de la déclaration faite lors du discours dans la synagogue de Capharnaüm où le Christ s’est dit être le « pain de vie descendu du ciel » ; et ce pain, déclare-t-il avec force : c’est ma chair donnée pour la vie du monde (cf. Jn 6, 1-66). Ces quelques signes évoqués ont donc eu lieu lors de la célébration de la Pâque juive ou de sa proximité (cf. Jn 6,4 ; 11,55).

Ainsi, après avoir accompli le premier signe du changement de l’eau en vin aux noces de Cana, celui de la purification du Temple est immédiatement accompli lors de la montée à Jérusalem à l’approche de la Pâque juive comme saint Jean en évoque au début de l’évangile de ce troisième dimanche de carême. Il nous en précise ainsi le cadre et le lieu car cette montée du Christ à Jérusalem est la première.

La purification du temple : un geste prophétique

La mise en parallèle de fêtes juives avec les faits marquants de Jésus laisse entendre qu’en sa personne les fêtes prennent une autre signification. Protecteur des droits de Dieu, Jésus considère que l’installation des marchands de bœufs, brebis et colombes au Temple et le commerce qui y est organisé souillent le Temple lui-même, et le profanent. Devant une telle profanation, il proteste dans la ligne de ce qu’avaient fait avant lui des prophètes comme Jérémie (7,14) ou Malachie (3,1) ou encore Isaïe (56,7). Il donne le signe que la purification du Temple prévue pour les derniers temps est déjà en marche. Son intervention s’apparente ainsi aux gestes prophétiques que les prophètes eux-mêmes utilisés pour faire passer leur message. Elle faite d’une action et d’une double parole interprétative.

Cette parole a une forme double, celle où le Christ demande d’abord de mettre un terme à une pratique indigne de Dieu. « Ne faites de la maison de mon Père, déclare-t-il, une maison de trafic ». A ce propos, il lève un voile sur la relation unique avec son Père.

Ensuite, il répond à la demande de signe par une parole mystérieuse sur le Temple en tant que sanctuaire proprement dit et dont la destruction a mis un terme aux offrandes et sacrifices des animaux.

Son zèle pour la maison de Dieu le conduit à une mort annoncée comme un « passage », c’est-à-dire comme une nouvelle « Pâques » manifestée par le corps ressuscité de Jésus devenu un Temple nouveau dans sa personne offerte en sacrifice pour le salut du monde. En effet, lorsque ce corps du Christ fut mis en croix, un sacrifice parfait fut offert pour le pardon des péchés, et Dieu révéla alors combien il aime le monde.

Ressuscité, le Christ est le nouveau Temple


Ressuscité, le Christ est donc désormais ce nouveau Temple du culte et de l’esprit vers lequel se dirigeront tous les peuples appelés et invités eux aussi à la suite des disciples, à « croire aux prophéties de l’Ecriture et à la parole que le Christ lui-même avait dite » et qu’il continue encore à nous dire dans les sacrements donnés et célébrés en l’Eglise en tant que corps dont nous sommes membres quel que soit notre âge, et ce que nous sommes.

A notre tour, nous sommes un Temple où Dieu est présent

Chaque fois que nous nous rassemblons le jour consacré au Seigneur, avons-nous conscience que nous devenons à notre tour un corps et un Temple où le Christ renouvelle son sacrifice et où Dieu est présent ? Notre témoignage de vie est-il un signe de la manifestation de sa présence en nous et de la qualité de notre relation avec lui ?

En route vers Pâques, avons-nous conscience que croire, c’est à la fois comprendre et accepter le signe, fut-ce à travers des signes, c’est-à-dire la personne même de Jésus révélée par l’Ecriture et par ses paroles, à la lumière de la résurrection.

En vivant dans un corps, un corps qui parle, qui vit, un corps qui bouge, un corps qui marche, un corps qui souffre, comment prenons-nous en-t-il soin ?
Réunis en ce dimanche comme des pierres du nouveau Temple de Dieu, dimanche consacré aux malades, offrons au Christ nos maladies et nos souffrances qui ont toujours figuré dans notre existence comme étant parmi les problèmes les plus graves qui se posent dans le cours de notre vie. La maladie qui nous affecte corporellement et spirituellement jusqu’au plus intime de notre être, celle qui nous fait prendre conscience de notre impuissance et de nos limites, celle qui conduit à l’abattement, à l’inquiétude, à l’angoisse, au désespoir, au repli sur nous-mêmes.

Jésus vainqueur de la maladie

A travers toutes ces facettes que la maladie représente pour l’homme, la Sainte Ecriture voit un signe du fait que nous vivons dans un monde qui a été perturbé par le péché et qui n’est pas encore pleinement soumis au Règne de Dieu. Cependant, l’évangile refuse de voir directement dans la maladie d’un individu le châtiment d’une faute personnelle. Il nous dit bien plutôt que Dieu veut la vie. Il nous montre en Jésus le grand adversaire et le grand vainqueur de la maladie (cf. Mt 4, 24 ; Ac 10, 38), et il voit dans les guérisons opérées par lui un signe que le Règne de Dieu a commencé et que sa venue signifie le salut de l’homme dans sa totalité, à la fois corporelle et spirituelle.

En donnant à ses disciples l’ordre de guérir les malades (cf. Mt 10, 8), le Christ leur a communiqués son souci pour les malades. Nous lui confions tous ceux et celles qui sont atteints dans leur santé. Qu’il les réconforte et les relève par notre prière. Rassemblés en ton nom Seigneur, écoute notre prière. Regarde avec bonté tes enfants avec qui nous te prions aujourd’hui, accorde leur la force dans l’épreuve ; donne à tous ceux qui souffrent le soutien dont ils ont besoin. Toi qui vis et règnes pour les siècles des siècles. Amen.

3e DIMANCHE DU CARÊME
Lectures bibliques : Exode 20, 1-17 ; Psaume : 18B (19), 8, 9, 10, 11; 1 Corinthiens 1, 22-25; Jean 2, 13-25