Une délégation de Hong Kong venue en Mongolie, le 2 septembre 2023 | © Camille Dalmas - I.MEDIA
Dossier

À Oulan-Bator, une Église-mosaïque à la rencontre de son pape

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Catholiques mongols et pèlerins venus de Chine, de Thaïlande ou du Kazakhstan, religieuses philippines ou coréennes et prêtres missionnaires originaires du Congo RDC, d’Italie ou de Colombie sont venus à Oulan-Bator, le 2 septembre 2023, second jour du pape François en Mongolie. Rencontre et reportage.

Par Camille Dalmas, I.Media, à Oulan-Bator

Le pape François est encore loin d’être arrivé sur la place Sükhbaatar, au centre de la capitale, que plusieurs groupes sont déjà venus s’aligner derrière les barrières de sécurité dressées par la police pour l’apercevoir.

Au-dessus de certains d’entre eux s’agite un drapeau rouge arborant la fleur blanche du Bauhinia, emblème de Hong Kong. Cette quarantaine de membres de la paroisse de Gold Coast ne font pas partis des quelques visiteurs venus exprès avec leur évêque, le cardinal désigné Stephen Chow, pour venir voir le pape. Leur avion à eux a été repoussé à cause d’un typhon qui frappe leur archipel.

Une solidarité intra-asiatique

Mais leur présence n’a pas pour autant tout à voir avec le hasard: ces dernières semaines, ils sont venus rendre visite aux communautés catholiques de Mongolie qu’ils soutiennent financièrement depuis l’arrivée d’un charismatique missionnaire salésien hongkongais dans ce pays. Ce «pèlerinage» – visite de ruines archéologiques chrétiennes de Mongolie, rencontre avec des communautés locales et visites de centres d’aides – est une des nombreuses preuves de la solidarité intra-asiatique qui s’est renforcée ces dernières années au sein de l’Église du plus grand continent du monde, notamment en provenance de Corée du Sud.

«La Mongolie est un portail vers Dieu», témoigne Suzan-Mary, encore émerveillée par les rencontres qu’elle vient de faire. «Ce n’est pas nous qui les aidons, ce sont eux qui nous aident», insiste-t-elle.

Une discrète délégation venue de Chine continentale

Un peu plus loin, quelques Philippines donnent de la voix, suivis d’un groupe d’une vingtaine de Chinois catholiques qui tente pour leur part de se faire beaucoup plus discrets. Leurs visages sont couverts par des masques sanitaires, voire par des lunettes de soleil ou des couvre-chefs, et seul leur gilet coloré qui arbore une croix latine indique qu’ils sont catholiques.

Leur présence intrigue, alors que le gouvernement chinois a formellement interdit aux évêques de venir voir le pape à Oulan-Bator. Assaillis par les journalistes, ils esquivent les questions, reconnaissent à demi-mots qu’ils sont bien venus de Chine pour voir le pape, quand certains font comprendre, visiblement effrayés, qu’ils craignent les conséquences de ces échanges pourtant très limités. Lorsque surgit le pape, ils ne font pas partie de ceux qui acclament en criant le pontife, mais, malgré les masques, leurs regards laissent transparaître une certaine émotion.

Des attentes de facilitations pour les catholiques

Quelques heures plus tard, un missionnaire africain qui est à la tête d’une école de près de 150 enfants en Mongolie patiente sur un banc dans le fond de la nef en forme de yourte de la cathédrale Saints Pierre et Paul d’Oulan-Bator. Pour lui, la visite du pape pourrait être une aubaine pour la communauté catholique mongole, en particulier pour résoudre certains «problèmes», en particulier la question des visas, qui empoisonne leur vie quotidienne.

Depuis 2010, les religieux n’appartenant pas aux religions traditionnelles mongoles sont particulièrement contrôlés, principalement en raison de tensions générées par certains groupes d’orientation évangéliste pratiquant un prosélytisme agressif. «Ma principale attente avec la venue du pape, c’est que cette question soit réglée», insiste le prêtre.

Au second rang, trois religieuses venues très tôt pour avoir leur place trépignent en attendant le pape. Leur communauté est d’origine européenne, mais elles sont indienne, camerounaise et chinoise – originaire de Mongolie intérieure.

Le pape arrive enfin dans la cathédrale sous les acclamations prononcées de l’assemblée, puis écoute le témoignage de trois membres de cette communauté: une Indienne appartenant aux Missionnaires de la Charité, arrivée en Mongolie en 1998, regarde avec espérance les graines plantées dans le «sol rocheux» de ce pays qui ne «porte pas facilement du fruit» mais qui ne lui inspire ni «peur» ni «hésitation».

«Tous les Chinois vous aiment!»

Puis, est venu le tour d’un des deux seuls prêtres mongols du diocèse de prendre la parole: «Dieu m’a donné de nombreuses occasions de grandir en tant que Mongol en terre mongole, et Il m’a également choisi pour contribuer au salut de mon peuple, il m’a également choisi pour contribuer au salut de mon peuple». Lui et une animatrice pastorale mongole ont dit leur grande joie de voir le pape rendre visite à leur «jeune et petite Église».

Ces personnalités du monde entier croisées pendant la journée se sont pour beaucoup d’entre elles retrouvées en nombre sur le parvis de la cathédrale afin d’acclamer le pape lors de son départ. «Tous les Chinois vous aiment!», se sont alors même écriées, un drapeau de la République populaire à la main, un groupe de Chinoises sans masque ni lunettes que personne n’avait remarqué jusque alors. (cath.ch/imedia/cd/gr)

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