"Le jeûne n'est pas un châtiment. C'est un enrichissement", assure Priscille Hunziker (Photo: Pierre Pistoletti)
Suisse

Le jeûne de tablette électronique, à l'école de Nicolas de Flüe

Une semaine de jeûne et de prière œcuménique inspirée par Nicolas de Flüe s’achève ce dimanche. Environ 150 personnes à travers toute la Suisse romande ont choisi de renoncer librement à l’objet de leur choix. Parmi elles, Priscille Hunziker d’Echichens (VD) pour qui ascèse rime avec liberté.

L’objet du renoncement trône sur le canapé du salon. Une petite tablette grise munie d’un clavier détachable. Priscille Hunziker en détaille les bienfaits: «rapide, efficace, simple à utiliser et facile à transporter». Autant de qualités qui rendent cette petite merveille de technologie savoureuse.

Cette mère de trois jeunes filles multiplie les casquettes professionnelles: psychologue, esthéticienne et conseillère en style de mode. La tablette représente donc un outil de travail, principalement pour écrire des mails. C’est aussi une fenêtre ouverte sur l’actualité. Deux ou trois applications lui donnent quotidiennement des nouvelles du monde.

Potentiellement addictif

L’utilité couplée à la technologie rendent l’appareil potentiellement addictif. Priscille Hunziker avoue un sentiment de nausée face à la quantité sans fond de nouvelles qui s’accumulent dans le fil de certaines applications. Elle voit également d’un œil critique l’immédiateté avec laquelle tout est y accessible – immédiateté qui, à ses yeux, est l’antithèse du temps nécessaire à toute démarche spirituelle.

«Mes pensées sont moins dispersées, moins éclatées»

Durant toute la semaine, Priscille Hunziker n’a plus touché à sa tablette à partir de 14 heures. C’est son renoncement personnel dans le cadre de cette démarche particulière, qui se déroule du 10 au 17 septembre 2017. Initiée par la pasteure vaudoise Hetty Overeem, rejointe par un petit groupe de personnes pour la mise en œuvre, cette «Semaine de jeûne et de prière, à l’écoute du Saint-Esprit, portée par la prière de Nicolas de Flüe» rassemble 150 participants de toutes confessions chrétiennes. Le but: «s’arrêter et faire de la place pour Dieu».

Concrètement, il s’agit de choisir l’objet de son renoncement et prendre un temps de prière d’une quarantaine de minutes chez soi, chaque jour. Un recueillement structuré autour d’un texte biblique et de la prière de saint Nicolas de Flüe: «Mon Seigneur et mon Dieu, enlève-moi tout ce qui m’éloigne de toi. Mon Seigneur et mon Dieu, donne-moi tout ce qui me rapproche de toi. Mon Seigneur et mon Dieu, enlève-moi à moi-même, et donne-moi tout à toi.»

Un silence habité

Installée sur son canapé, Priscille Hunziker revient sur quelques réflexions qui ont jalonné sa semaine. «Dimanche soir passé, j’ai pris le temps de regarder les nuages. Je me suis couchée plus tôt». L’occasion de se rapprocher de Dieu? «D’abord de moi. Mes pensées sont moins dispersées, moins éclatées», explique-t-elle. Tout est paisible dans cette pièce baignée par une belle lumière d’automne. «C’est une occasion d’introspection et de questionnement sur mes habitudes». Mais l’enjeu est aussi spirituel. «Est-ce que Dieu, qui est moins accessible qu’une tablette – ce Dieu qui n’est pas le Dieu des réponses rapides – a la première place dans mon cœur? Est-ce que je prends le risque d’aller à sa rencontre?» Le risque? «Oui, le risque du silence et de la solitude. C’est là que Dieu se tient, dans un silence habité».

Durant cette semaine, Priscille Hunziker a décidé de ne rien demander à Dieu. «Il sait ce dont j’ai besoin». Chaque jour, elle s’installe dans une bulle durant 40 minutes. Suffisamment confortable pour tomber parfois dans les bras de Morphée. Un chouïa surmené, le corps se manifeste lui aussi dans cet espace qui lui est offert.

Une habitude à ancrer

Cadrer une pratique potentiellement addictive offre une nouvelle liberté, mais aussi une plus grande disponibilité spirituelle. Cette expérience concrète la rapproche de Nicolas de Flüe. «J’ai découvert le chemin intérieur qui précède sa prière radicale.» Discipline et restriction conditionnent la liberté.

Au terme de la démarche, Priscille Hunziker ne souhaite pas en rester là. Expérience faite, «il faut une quarantaine de jours pour ancrer une bonne habitude». La tablette, qui devait provisoirement fermer boutique à 14h, conservera ces horaires d’ouverture ces prochaines semaines. «Le jeûne n’est pas un châtiment. S’il est librement consenti, c’est un enrichissement. L’espace intérieur s’agrandit», assure sereinement Priscille Hunziker. (cath.ch/pp)

«Le jeûne n'est pas un châtiment. C'est un enrichissement», assure Priscille Hunziker
16 septembre 2017 | 11:33
par Pierre Pistoletti
Temps de lecture: env. 3 min.
Jeûne (32), Lausanne (222), Nicolas de Flue (54), Oecuménisme (371)
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