Le pape François et l'archevêque Hiéronymus II à Athènes le 4 décembre 2021 | © Keystone
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Le pape François demande pardon aux orthodoxes au nom des catholiques

En arrivant en Grèce, le pape a exprimé la «honte» de l’Église catholique et a demandé «pardon» à ses frères orthodoxes pour les «erreurs» commises envers eux par le passé, le 4 décembre 2021. Lors d’une rencontre avec l’archevêque d’Athènes Hiéronymus II, il a invité les chrétiens à s’appuyer sur leurs racines communes, à oublier les «préjugés du passé» et à poser un regard «neuf» sur leurs relations mutuelles.

Quelques heures à peine après son atterrissage en provenance de Chypre, le pape a été reçu par le primat de toute la Grèce à l’archevêché d’Athènes. Durant cette rencontre, la deuxième entre les deux hommes après celle de 2016 à Lesbos, l’évêque de Rome a suivi les pas de son prédécesseur Jean Paul II dans une démarche de repentance envers les orthodoxes.

«À notre honte – je le reconnais au nom de l’Église catholique – des actions et des choix qui ont peu ou pas de rapport avec Jésus et l’Évangile, mais plutôt avec une soif de profit et de pouvoir, ont flétri la communion », s’est-il repenti.

«L’histoire a du poids, a ajouté le pape, et je ressens aujourd’hui le besoin de renouveler ma demande de pardon à Dieu et à mes frères pour les erreurs commises par beaucoup de catholiques.»

Quelques minutes avant, Hiéronymus II avait demandé, sans vouloir mettre «dans l’embarras» le pape François, que ce dernier ait le courage et l’honnêteté de considérer les signes manquants et les omissions de ses prédécesseurs.

Le patriarche orthodoxe venait alors de faire allusion à la guerre d’indépendance grecque. Selon un spécialiste du monde orthodoxe joint par I.MEDIA, en 1821, les puissances occidentales et le Vatican n’avaient pas soutenu le mouvement de résistance civile et civique des Grecs alors sous emprise ottomane.

Un incident à l’arrivée du pape François

Côté orthodoxe, quelques voix de protestation s’étaient fait entendre avant la venue du pape en Grèce. À son arrivée à l’archevêché orthodoxe, un prêtre orthodoxe âgé a accueilli François en hurlant en grec : «Pape, tu es un hérétique». Il a par la suite été maîtrisé par la police.

Dans son discours, le pape n’est évidemment pas revenu sur ce petit incident, préférant souligner les racines communes aux chrétiens, qu’il a comparées à celles des oliviers du pourtour méditerranéen: «Elles sont souterraines, cachées, souvent négligées, mais elles sont bien là et c’est sur elles que tout repose», ce sont les «racines apostoliques», a affirmé le pontife.

Loin des «poisons du monde», le pape a exhorté à ne pas fonder la communion «sur des calculs, des stratégies et des convenances, mais sur le seul modèle à contempler: la Sainte Trinité». Il a souhaité en ce sens une «purification de la mémoire historique». «Comment pouvons-nous proclamer l’amour du Christ, qui rassemble les gens, si nous ne sommes pas unis entre nous ?» a-t-il demandé.

L’aide des orthodoxes sur la question de la synodalité

Le successeur de Pierre a aussi rendu hommage à la solidité de la formation théologique au sein de l’Église orthodoxe hellénique. Remerciant cette dernière pour sa participation à la Commission mixte internationale pour le dialogue théologique, il a appelé de ses vœux une collaboration pour «panser les plaies de l’humanité» et à porter la cause des plus pauvres.

Pour ce programme, le pape François a exhorté à «ne pas être paralysés par la négativité et les préjugés du passé, mais à regarder la réalité avec un regard neuf».

Comme il l’avait fait à Chypre devant le Saint-Synode, le pontife a demandé aux orthodoxes grecs leur aide pour le synode sur le thème de la «synodalité», entamé par l’Église catholique pour deux ans: «Nous avons le sentiment d’avoir beaucoup à apprendre de vous.»

Les migrants encore au cœur des échanges

Le pape François et Hieronymus II, respectivement de 84 et 83 ans, s’étaient déjà rencontrés en 2016, lors du passage de l’évêque de Rome sur l’île de Lesbos, qu’il visitera une seconde fois le 5 décembre. La crise migratoire, a d’ailleurs estimé le pape devant l’archevêque, est «l’un des plus grands drames de notre temps, celui de tant de frères et de sœurs migrants, qui ne peuvent être abandonnés dans l’indifférence et considérés uniquement comme un fardeau à gérer ou, pire encore, à déléguer à d’autres».

Avant que le pape ne prenne la parole, Hiéronymus II avait lui aussi évoqué le thème des migrants, arguant que les «belles paroles ne suffisent plus» et déplorant l’attitude de certains pays, comme la Turquie, qui exploitent ces personnes en souffrance.

Insistant sur la complexité du phénomène migratoire, le responsable orthodoxe s’est voulu clair: «Il est de notre devoir d’arrêter le flux de migrants […] maintenant!»

En Grèce, le pontife argentin a été reçu dignement, mais avec une certaine réserve. Pas de délégation de fidèles à l’aéroport, ni de signes de son arrivée hormis les routes d’Athènes bloquées sur le passage de sa Fiat 500 bleue. (cath.ch/i.media/ak/cmc)

Une précédente demande de pardon en 2001
Lors de son voyage en Grèce en 2001, dans un contexte plus hostile, le pape Jean Paul II – premier pape à se rendre sur le sol grec depuis le Grand Schisme de 1054 – avait demandé pardon aux orthodoxes du pays pour les crimes de catholiques, notamment le sac de Constantinople par les Croisés en 1204.
«Pour toutes les occasions passées et présentes où les fils et les filles de l’Église catholique ont péché par action et par omission contre leurs frères et sœurs orthodoxes, puisse le Seigneur nous accorder le pardon que nous lui demandons!» avait alors lancé le pape polonais.

Le pape François et l'archevêque Hiéronymus II à Athènes le 4 décembre 2021 | © Keystone
5 décembre 2021 | 11:50
par I.MEDIA
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