Le pape et les évêques canadiens lors des vêpres, le 28 juillet dernier à la basilique-cathédrale Notre-Dame de Québec | © Vatican Media
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Peuples autochtones: les évêques canadiens au pied du mur

Pour Ghislain Picard, le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec-Labrador, la visite du pape François au Canada marque une «étape importante sur le chemin de la réconciliation», mais ce n’est «certainement pas son aboutissement».

«Nous souhaitons que l’Église catholique profite des prochains mois pour poser des gestes concrets en ce sens», a ajouté le chef Picard dans une déclaration remise à la presse après le départ du pape de l’aéroport de Québec, mais avant son arrivée à Iqaluit, au Nunavut, l’étape finale de son voyage au Canada, a rapporté le site d’information religieuse Présence Information religieuse le 29 juillet.

C’est dorénavant à la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC) de «faire preuve de leadership, d’ouverture et de transparence pour donner suite à cette visite papale», estime-t-il.

Le chef Picard mentionne «plusieurs demandes de longue date qui demeurent toujours en suspens», dont la restitution des archives qui vont permettre de faire toute «la lumière» sur l’histoire des pensionnats autochtones au Canada.

Doctrine de la découverte

Il souhaite aussi que la CECC œuvre à ce que le Vatican révoque la doctrine de la découverte, une revendication mentionnée à quelques reprises cette semaine devant le pape lui-même. À Maskwacis, en Alberta, une personne d’une voix très forte a crié au pape de «révoquer la doctrine», tandis qu’au sanctuaire de Sainte-Anne-de-Beaupré, au Québec, durant la messe, une bannière a été déroulée. On pouvait y lire: «Rescind the doctrine» (»Annulez la doctrime»).

En mars 2016, moins de trois mois après la publication du rapport de la Commission de vérité et réconciliation, la CECC, conjointement avec d’autres organisations catholiques nationales, avait affirmé «sans réserve que rien dans l’Écriture, la tradition ou la théologie de l’Église ne justifie la spoliation par des Européens de terres déjà habitées par des peuples autochtones».

«Nous rejetons l’idée qu’on puisse appliquer aux terres déjà habitées par des peuples autochtones le principe du premier bénéficiaire ou découvreur, souvent invoqué aujourd’hui par les expressions «doctrine de la découverte» et «terra nullius».

La doctrine de la découverte fait référence à trois bulles (des décrets) promulguées par les papes Nicolas V et Alexandre VI au 15e siècle.

Attentes élevées

«Si nous reconnaissons les efforts du pape, les attentes sont maintenant très élevées quant à la suite des événements», a déclaré la grande cheffe du gouvernement de la Nation Crie, Mandy Gull-Masty, qui a accompagné le pape François tout au long de son séjour au Canada et qui était présente à Rome, ce printemps, lorsque le chef de l’Église catholique a présenté des excuses aux délégations des Premières Nations, des Inuits et des Métis.

«Les excuses doivent être suivies d’actions concrètes pour ouvrir les dossiers de l’Église et révoquer la doctrine de la découverte, car c’est la vérité qui guidera notre voyage de guérison», ajoute la grande cheffe des Cris du Québec.

Les artefacts autochtones

De leur côté, a indiqué le site Vatican News le 30 juillet, les évêques du Canada se sont engagés à étudier «un plan d’action actualisé lors de notre assemblée plénière nationale cet automne». Ils espèrent que «les relations forgées au cours de ce processus de planification, en particulier avec les partenaires autochtones aux niveaux national et local, se développeront bien au-delà de cette visite», et serviront de fondation au travail à venir.

Outre les revendications des peuples autochtones sur la «doctrine de la découverte», la restitution des archives, la transparence, le plan d’action comprend aussi des demandes de soutien pour aborder la question des artefacts autochtones déposés au musée du Vatican. Le musée ethnologique Anima Mundi du Vatican, explique le site Actualité Canada, abrite en effet des dizaines de milliers d’artefacts et d’œuvres d’art réalisés par des peuples autochtones du monde entier, dont une grande partie a été envoyée à Rome par des missionnaires catholiques pour une exposition de 1925, qui s’est déroulée dans les jardins du Vatican.

Mais des groupes autochtones du Canada, à qui on a montré quelques objets de la collection, lorsqu’ils se sont rendus au Vatican le printemps dernier pour rencontrer François, se demandent comment certaines des œuvres ont été réellement acquises. «Ces pièces qui nous appartiennent devraient revenir à la maison», a déclaré Cassidy Caron, présidente du Ralliement national des Métis, qui dirigeait la délégation métisse qui a demandé à Francis de rendre les articles.

Au cours de leur assemblée plénière en 2021, ajoute Vatican news, les évêques canadiens s’étaient engagés à promouvoir l’accès aux archives, à sensibiliser le clergé aux cultures et à la spiritualité autochtones. Il était question aussi de poursuivre le dialogue avec les communautés autochtones et l’engagement avec le Vatican au sujet des artefacts et à consacrer 30 millions de dollars pour ce qui est devenu un Fonds de réconciliation avec les autochtones. (cath.ch/pir/fg/vatnews/ac/bh)

Le pape et les évêques canadiens lors des vêpres, le 28 juillet dernier à la basilique-cathédrale Notre-Dame de Québec | © Vatican Media
31 juillet 2022 | 11:32
par Bernard Hallet
Temps de lecture: env. 3 min.
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