Virginie et Vincent ont attendu plusieurs années pour avoir leur petite Margot. | DR
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Margot, fruit de la NaproTechnologie et de la Madone

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Aux premiers signes d’infertilité, on a proposé la fécondation in vitro à Virginie et Vincent. Ils ont préféré une approche plus douce qui répare la nature plutôt que de la remplacer, la NaproTechnologie. Mais c’est quand la Madone s’en est mêlée que Margot est arrivée…

Christine Mo Costabella

Cela fait deux ans que Virginie et Vincent sont mariés quand ils se disent que, quand même, c’est bizarre qu’un bébé n’ait toujours pas pointé le bout de son nez. Elle a 34 ans, lui 31. «On n’était pas particulièrement anxieux, mais on souhaitait avoir des enfants, raconte Virginie, assise à côté de son mari dans leur salon à Savièse. C’est surtout Vincent qui se réjouissait de ressortir les Lego», dit-elle avec un sourire en direction de l’intéressé.

Sans se mettre trop de pression, les deux époux prennent rendez-vous à l’unité de fertilité de l’Hôpital du Valais à Sion. Histoire de s’assurer que tout va bien. Les médecins ne trouvent rien d’anormal, ni chez lui ni chez elle. «Mais comme depuis deux ans, je n’étais pas tombée enceinte, ils nous ont proposé directement une insémination artificielle, voire une fécondation in vitro».

Tuer une mouche au bazooka

Pour Virginie, qui s’attendait à une simple consultation pour avoir quelques pistes, c’est un choc. «Quand ils ont posé devant nous le catalogue de la FIV, je me suis mise à pleurer. La gynécologue m’a alors tendu la carte d’une psychologue. Elle devait se dire: ‘La pauvre, ça doit vraiment être une grosse souffrance!’ En fait, je n’avais pas de problème à ne pas avoir d’enfant. Mais j’ai été sidérée que la première réponse qu’on nous donne, ce soit la FIV. Vincent a été très chevaleresque: il m’a fait sortir et m’a assuré qu’on ne remettrait jamais les pieds dans ce service.»

Qu’est-ce qui était si choquant pour eux? «La disproportion entre le problème et la réponse, affirme Vincent. Ils ont sorti l’artillerie lourde pour tuer une mouche. C’est comme si j’avais une jambe cassée et qu’on me disait: ‘Pas de problème, on va vous mettre un exosquelette’. Ça marche! Mais ce n’est pas proportionné.» Pour lui, qui est charpentier, c’est le symptôme d’une société de consommation et du tout technologique. «Vous n’arrivez pas à tomber enceinte? Aucun souci, nous pouvons le faire à votre place.»

L’intraveineuse au dessert

L’opposition de l’Église à la procréation médicalement assistée a-t-elle également joué, pour eux qui sont catholiques pratiquants? «Je crois que naïvement, pour moi, ce n’était tout simplement pas comme ça que l’on faisait les enfants, répond Virginie. Bien sûr, j’avais entendu la position de l’Église. Mais je n’ai pas pleuré parce que je voulais faire une FIV et que l’Église me l’aurait interdit; j’ai pleuré, parce que pour moi – sans jugement pour ceux qui pensent autrement –, faire un enfant sans faire l’amour, c’était comme être invité à un repas où l’on vous nourrit par intraveineuse.»

Le couple entend alors parler de la NaproTechnologie par des amis français. La méthode, dont le nom signifie «Natural Procreative Technology», ou technologie de procréation naturelle, est aussi «médicalement assistée». «Mais l’idée est de comprendre pourquoi un couple en âge de procréer n’y parvient pas et d’y remédier, explique Vincent. On répare la nature, on ne fait pas à sa place.»

Le cycle féminin sous la loupe

Concrètement, une fois que l’on s’est assuré que tout allait bien chez l’homme, il faut observer le cycle de la femme. «L’état des glaires, de l’humeur, la longueur des cycles… C’était impressionnant, parce qu’en un seul mois d’observation, la monitrice napro – qui n’était même pas médecin – a repéré trois causes possibles d’infertilité», souligne Virginie.

Après trois cycles sous la loupe, le couple se rend à Lugano consulter une des rares gynécologues spécialisées en NaproTechnologie en Suisse, Dr Raffaella Pingitore. Les trois diagnostics pressentis par la monitrice sont confirmés: manque de progestérone, inflammation de l’utérus et ovaires polykystiques. La doctoresse relève encore des trompes voilées et une multiple adhérence. «Des choses assez basiques que n’avaient repéré ni la gynécologue qui me suivait, ni l’institut de fertilité de l’hôpital», relève Virginie.

«Quand ça devenait difficile pour Virginie, je lui rappelais qu’on était en train de traverser l’océan.»

Commence alors un traitement assez lourd: absorption d’hormones très dosées, prises de sang plusieurs fois par mois, régime alimentaire sans gluten ni produits laitiers afin d’endiguer l’inflammation provenant de l’intestin, sans compter toute une panoplie de médicaments choisis pour leurs effets secondaires intéressants. «Il fallait prendre un quart de pastille, un jour sur deux, entre tel et tel jour du cycle, se remémore Vincent. C’était contraignant, mais on appréciait cette manière de voir le corps humain comme une machine à réglage fin.»

Vincent s’implique à sa manière: c’est lui qui coupe les pilules en quatre – «le couteau à sushis convient très bien» –, aide Virginie à suivre les consignes et surtout, l’encourage. «La Napro insiste sur le fait que c’est le couple qui est infertile. L’implication de l’homme est très importante. Quand ça devenait difficile pour Virginie, je lui rappelais que nous étions en train de traverser l’océan. C’était normal qu’à un certain stade, nous ne voyions plus le rivage, et pas encore le port d’arrivée.»

Des milliers de bavettes

Après une année à ce régime, Virginie se plaint à la gynécologue de ne toujours pas être enceinte. La méthode ne marcherait-elle pas? «Bien sûr que ça marche, rétorque la praticienne. Regardez les magnifiques cycles que vous avez retrouvés!» «Elle, c’est tout ce qui l’intéressait! Le bébé, c’était à nous de le faire. Son boulot à elle, c’était de rétablir de beaux cycles menstruels.»

En allant la consulter à Lugano en février 2019, Vincent et Virginie font halte dans l’immense sanctuaire de Notre-Dame de Re, dans la partie italienne des Centovalli. En entrant dans l’église, qu’ils ne connaissaient pas, ils sont saisis par les milliers de bavettes suspendues partout sur les murs. «Un vieux prêtre s’est approché de nous et nous a demandé si nous étions des touristes, raconte Virginie. Nous avons dit que non, que nous étions sur la route pour voir notre gynécologue, car nous n’arrivions pas à avoir d’enfant.»

Un ex-voto en forme de bavette brodée. | DR

Le prêtre leur dit sans détour: «Eh bien, je vais prier pour vous, et vous reviendrez ici pour rendre grâce». Virginie pense alors qu’il est bien gentil, mais qu’il y a déjà beaucoup de monde qui prie pour eux. Le vieux curé insiste: «Alors, quand est-ce que vous revenez pour remercier?» Surpris par son insistance, Virginie et Vincent regardent leur agenda: le prochain rendez-vous avec la gynécologue est fixé au 29 avril. «Parfait, répond le prêtre, c’est justement le jour de la fête de Notre-Dame de Re!»

Une coïncidence? Le couple décide en tout cas de prendre des petites images de la Madone et de les distribuer à leurs proches pour qu’ils prient Notre-Dame de Re.

«Ils nous ont tendu un marteau en disant: ‘Allez le mettre où vous voulez’.»

Un mois plus tard, Virginie tombe enceinte. «Quand nous sommes revenus en avril, il y avait une grande foule, nous n’avons pas pu voir le prêtre, poursuit la jeune femme. Mais on a remercié Marie! Puis quand Margot est née, je me suis mise au point de croix et j’ai brodé une bavette. On s’est présentés au bureau du sanctuaire avec Margot dans les bras et on a dit tout fiers: ‘On vient enregistrer notre miracle et mettre un ex-voto!’ Ils nous ont tendu un marteau en disant: ‘Allez le mettre où vous voulez.’ Ils n’ont même pas pris notre nom. Apparemment, c’était la chose la plus banale du monde!»

La joie immense de recevoir une petite vie dans leur foyer éclipse le souvenir des heures d’attente et d’incertitude. «Notre curé nous disait souvent que la plus grande souffrance qu’il rencontrait dans son ministère, c’étaient les couples infertiles ou confrontés à des fausses-couches, raconte Virginie. Je ne comprenais pas très bien, parce que nous, nous n’avions pas trop mal vécu la période durant laquelle nous n’avions pas d’enfants. Mais cette année, nous avons perdu deux bébés par fausse-couche… Devant cette douleur, on s’est dit qu’il fallait absolument faire quelque chose.»

C’est ainsi qu’en septembre 2021, Virginie a relancé avec quelques personnes le pèlerinage aux Trois Marie, qui relie l’ermitage de Longeborgne, près de Bramois, à Notre-Dame de Valère à Sion pour finir à la chapelle des Corbelins, sur la commune de Savièse. «Un pèlerinage pour tous nos enfants du Ciel: ceux qui y sont retournés et ceux qui sont encore dans le cœur de Dieu.» (cath.ch/cmc)

Cath.ch vous racontera l’histoire de ce pèlerinage dans le prochain épisode de cette série sur l’infertilité.

Vous pouvez retrouver les témoignages de cette série dimanche 28 novembre à la radio :
« PMA : la foi mise à l’épreuve » dans Babel, dimanche à 11h sur Espace 2
« Procréation spirituellement assistée » dans Hautes Fréquences, dimanche à 19h sur La Première

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Virginie et Vincent ont attendu plusieurs années pour avoir leur petite Margot. | DR
3 novembre 2021 | 17:00
par Christine Mo Costabella

Des couples face à l'infertilité

La discussion sur le mariage pour tous a ravivé le débat autour de la parentalité et notamment la question de la procréation médicalement assisté (PMA). L'infertilité des couples reste souvent un sujet tabou. Cath.ch est allé à la rencontre de quelques familles concernées.

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