Homélie du 5 mai 2019 (Jn 21, 1-19)

Chanoine Alexandre Ineichen – Abbaye de St-Maurice

Chaque fois que nous entendons ce passage de l’Evangile, chers frères et sœurs, demandons-nous pourquoi dans la narration de cette troisième manifestation de Jésus ressuscité d’entre les morts saint Jean l’Evangéliste répète-t-il par trois fois la question de Jésus à Pierre : «M’aimes-tu ?»

Pourquoi multiplie-t-il aussi les détails de cette pêche miraculeuse jusqu’à spécifier non seulement le nombre exact des poissons pris, cent cinquante-trois, mais aussi jusqu’à préciser qu’ils étaient gros et pourquoi explicite-t-il encore de manière imagée de quel genre de mort Simon-Pierre allait mourir en rapportant sa manière de serrer sa ceinture.

Une interprétation de la résurrection

Chaque fois que l’Eglise annonce le Christ ressuscité, son Seigneur et son Dieu, l’Eglise ne se contente pas seulement d’ajouter quelques circonstances aux faits mentionnés, comme par hasard, mais aussi d’en donner une interprétation à partir des Ecritures. Rappelez-vous la deuxième manifestation de Jésus ressuscité : «Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et qu’il nous faisait comprendre les Ecritures ?»

Chaque fois que je lis ce passage de l’Evangile, il est un élément qui m’intrigue. Pourquoi Simon-Pierre s’habille-t-il avant de se jeter à l’eau alors que le texte précise bien qu’il n’avait rien sur lui et que c’est ainsi que, lui, Simon-Pierre, passa la nuit sur le lac de Tibériade à essayer de prendre quelques poissons, comme il en avait l’habitude. Pourquoi saint Jean l’Evangéliste, le disciple que Jésus aimait, comme il aime à se mettre en scène dans le texte même, rapporte-t-il ce fait par trop curieux et difficile à comprendre ?

Une rencontre décisive

Par ailleurs, de nombreux disciples sont là. A côté de Simon-Pierre et du disciple que Jésus aimait, il y a aussi Thomas, celui qui mit huit jours à croire que le Seigneur est ressuscité, il y a aussi l’autre fils de Zébédée, fils de Zébédée plus connus pour avoir voulu des places privilégiés auprès du Seigneur, et enfin deux autres disciples. Bien du monde, certes utile pour une partie de pêche, mais peut-être légèrement de trop pendant cette rencontre entre Pierre et Jésus, rencontre décisive comme le texte nous le montre par la suite.

Mais alors, pourquoi s’arrêter sur ce détail, curieux et bizarre, alors que le cœur de évangile de ce dimanche est bien la mission pastorale que Jésus donne à Simon-Pierre, celui qui l’avait d’ailleurs renié, mais auquel Jésus avait confié de raffermir la foi de ses frères et auquel il avait remis les clés du Royaume.

Pourtant, avec cet épisode, Pierre nous rejoint.

Certes, il recevra une mission universelle et essentielle, mais surtout dans sa vie même il nous indique le chemin à suivre. Comme nous, et reprenant les mots du pauvre Job, Simon-Pierre peut dire : « Nu, je suis sorti du sein maternel, nu, j’y retournerai, le Seigneur a donné, le Seigneur a repris, que le nom du Seigneur soit béni. » En effet, après les événements de Jérusalem, comme nous, Pierre retourne à son travail, travail ingrat, et bien peu productif, si un miracle ne vient pas l’aider un peu. Cette humanité, toute nue, c’est la nôtre, celle que Dieu nous a donnée, celle qui nous fait souffrir, celle dont nous avons de la peine à en saisir le sens ultime.

Pierre : fort de sa foi

Alors, même si la pêche fut miraculeuse, ce qui l’est encore plus, c’est la manifestation de Jésus ressuscité, c’est la parole du disciple que Jésus aimait, cette parole qui retourne les cœurs, ce « C’est le Seigneur. » qui précipite l’action et transforme le monde. Aussi, fort de sa foi, Pierre peut passer un vêtement et s’élancer vers son Seigneur et son Dieu, vers notre Seigneur et notre Dieu, courir malgré l’eau, au travers de la mort vers son destin et la mission qu’il recevra.

Avec Simon-Pierre, nous pouvons alors revêtir l’homme nouveau créé saint et juste dans la vérité, à l’image de Dieu. L’habit pour se jeter à l’eau, ce n’est pas une erreur de copiste ou une coutume bizarre des pêcheurs de Palestine. Passer un habit avant de se jeter à l’eau, c’est justement revêtir le Christ, habit de lumière, habit reçu à notre baptême, qui signifie que nous sommes associé à la mort et à la résurrection du Christ, que nous y participons.

De plus, avec cet habit de lumière, nous comprenons mieux le sens des deux lectures qui précèdent l’Evangile de ce dimanche. Dans la première, c’est parce que je suis un homme nouveau, recréé à l’image de Dieu que je ne peux obéir qu’à Dieu plutôt qu’aux hommes. Oui, Pierre, et à sa suite, la multitude des martyrs, de hier et d’aujourd’hui, d’ici et d’ailleurs, ne peuvent qu’annoncer le Christ ressuscité malgré toutes les vicissitudes de la vie. A notre tour, n’hésitons pas à nous jeter à l’eau, à proclamer à temps et à contretemps le miracle de Pâques, mieux ne manquons pas de le vivre en profondeur au-delà de l’abîme, au-delà de la mort.

Conviés aux noces éternelles

Mais, cet acte de foi, cet habit recouvrant notre nudité n’est pas un saut dans l’inconnu, une illusion, mais une participation à la vie même de Dieu. Et c’est là que nous pouvons comprendre la seconde lecture, celle de l’Apocalypse. En revêtant notre habit blanc, nous proclamons, certes, la mort et la résurrection du Christ, mais surtout nous sommes conviés aux noces éternelles, nous participons alors à la vie même de Dieu. « Moi, Jean, dans ma vision (…), j’entendis l’acclamation de toutes les créatures au ciel, sur terre, sous terre et sur mer. »

Avec les martyrs et les saints décrits dans l’Apocalypse, nous avons blanchi nos robes dans le sang de l’Agneau. Revêtus de la robe des noces, celle que le Père gardait précieusement pour le Fils prodigue, parti dilapidé l’héritage, habillés pour une liturgie céleste, grandiose et divine, nous sommes conviés aux noces éternelles. Revenons et recevons cet habit de lumière pour participer au banquet qui nous est préparé, ici et maintenant.


3e DIMANCHE DE PÂQUES

Lectures bibliques :

Actes 5, 27b-32.40b-41 / Psaume 29 (30), 3-4, 5-6ab, 6cd.12, 13 /Apocalypse 5, 11-14 / Jean 21, 1-19


 

Homélie du 28 avril 2019 (Jn 20, 19-31)

Abbé François Dupraz – Basilique Notre-Dame, Lausanne

Nous vivons donc le Dimanche de la divine Miséricorde. La divine Miséricorde… C’est une fête qui tire son origine des apparitions du Christ à Sr Faustine Kowalska, religieuse polonaise du XXe s. canonisée par Jean-Paul II le 30 avril 2000 en la fête de la divine miséricorde.

« Ma fille, dis que je suis l’Amour et la Miséricorde en personne », demanda Jésus à sainte Faustine qui bénéficia de nombreuses apparitions du Ressuscité. Dès lors, Faustine se fit chantre de la dévotion à la divine miséricorde. Dévotion intérieure de prime abord – c’est une affaire de cœur bien sûr… – mais, comme nous sommes corps et esprit, nous avons aussi besoin de moyens extérieurs pour favoriser telle dévotion.

Parmi ceux-ci l’image du Christ Miséricordieux peint sur les indications de sainte Faustine d’après la vision et la demande pressante qu’elle avait reçue du Christ. « Je présente – Lui dit-il – aux hommes un moyen avec lequel ils doivent venir puiser la grâce à la source de la Miséricorde. Ce moyen c’est cette image, avec l’inscription : « Jésus, j’ai confiance en Toi ! ». Je désire qu’on honore cette image dans le monde entier. »
Sur l’image, deux rayons émanent du cœur : l’un de couleur rouge, l’autre de couleur pâle ; le sang et l’eau. « Ces deux rayons – dira Jésus à la sainte – jaillirent des entrailles de ma miséricorde, alors que mon Coeur, agonisant sur la Croix, fut ouvert par la lance. (…) Heureux celui qui vivra dans leur ombre » (PJ 299).

Un autre moyen demandé par le Christ à la sainte pour susciter un plus large et profond mouvement des âmes vers la divine Miséricorde est l’instauration au niveau universel de la fête de la divine Miséricorde en date du 1er Dimanche après Pâques. « Je désire – dira Jésus à Faustine – que le premier dimanche après Pâques soit la fête de la Miséricorde. Je désire que la fête de la Miséricorde soit le recours et le refuge pour toutes les âmes, et surtout pour les pauvres pécheurs. En ce jour les entrailles de ma Miséricorde sont ouvertes, je déverse tout un océan de grâces sur les âmes qui s’approcheront de la source de ma Miséricorde; toute âme qui se confessera et communiera recevra le pardon complet de ses fautes et la remise de leur punition; en ce jour sont ouvertes toutes les sources divines par lesquelles s’écoulent les grâces ».

En 1935 Sr Faustine eût une vision durant laquelle elle reçut les paroles du chapelet de la divine Miséricorde.
« Père éternel – disent les priants sur les grains intercalés entre les dizaines – je t’offre le corps, le sang, l’âme et la divinité de Ton Fils bien aimé notre Seigneur Jésus-Christ, en réparation de nos péchés et de ceux du monde entier ». Ensuite sur les 10 plus petits : « Par sa douloureuse Passion, sois miséricordieux pour nous et pour le monde entier ».
« Par ce chapelet – dira Jésus à Faustine – tu obtiendras tout, si ce que tu demandes est conforme à ma Volonté. J’accorderai de très grandes grâces aux âmes qui diront ce chapelet… ». (PJ 1731)
Qui le prie se rend bien vite compte – de fait et sur un plan spirituel – du trésor que recèle si humble prière… C’est une mine d’or… cachée comme toujours aux sages et aux savants de ce monde mais révélée aux tout-petits et à ceux qui veulent bien le devenir… » (Mt 11, 25).

Un autre moyen pour conduire les âmes vers la Divine Miséricorde c’est l’heure de la Divine Miséricorde – la 3e de l’après-midi – celle où le Christ est mort sur la croix. « A trois heures – demande Jésus à Faustine – implore ma Miséricorde, tout particulièrement pour les pécheurs, et ne fût-ce que pour un bref instant, plonge-toi dans ma Passion, en particulier dans mon abandon au moment de mon agonie. C’est là une heure de grande miséricorde pour le monde. En cette heure Je ne saurais rien refuser à l’âme qui me prie par ma Passion » (P. J. 1320).
Il ne s’agit pas tant de prier une heure entière, que d’honorer le moment même de l’agonie du Christ sur la croix.
Nous vivons l’heure de la Divine Miséricorde ici même à la Basilique Notre-Dame, Lausanne, les vendredis à 15h00.

Dévotion à la divine Miséricorde… donc, dévotion à la Divine Miséricorde. Vous et moi savons bien – pour peu que nous soyons assez lucides et objectifs envers nous-mêmes – que nous n’avons d’avenir qu’en la Miséricorde du Seigneur. Que s’accroisse en nous dès lors la confiance en la Divine Miséricorde – confiance des enfants de Dieu – et que cette Miséricorde imprègne toutes nos relations humaines. La Miséricorde étant l’un des signes majeurs de notre appartenance au Royaume de Dieu.

« Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux ! »(Lc 6,36)

Amen.


2e DIMANCHE DE PÂQUES ou DE LA MISÉRICORDE

Lectures bibliques : Actes 5, 12-16; Psaume 117; Apocalypse 1, 9-11a.12-13.17-19; Jean 20, 19-31