Homélie du 30 septembre 2018 (Mc 9, 38-48)

Abbé Wolfgang Birrer – Basilique Notre-Dame, Lausanne

« Celui qui n’est pas contre nous est pour nous » dit Jésus à ses disciples qui s’étonnaient que quelqu’un de l’extérieur de leur groupe puisse faire des merveilles en son nom.

Nous nous situons dans ce passage dans la montée vers Jérusalem. Dans cette montée, les disciples apprennent des choses de la part de Jésus : qui Il est, comment Il agit. Ils apprennent – et nous à leur suite – à croire en lui, à vivre de lui et comme lui. Être ses disciples, avec l’idée de participer à la manière d’être de Jésus.

Deux idées fortes

Et précisément, dans ce passage, il y a une belle harmonie qui nous est proposée dans notre participation à sa manière d’être, avec deux idées fortes qui se complètent harmonieusement :

  • Être conciliant dans la charité
  • Être intransigeant face à la complicité au mal fait aux autres ou à soi-même.

Être conciliant dans la charité : l’évangéliste et apôtre saint Jean s’étonne que quelqu’un qui ne fait pas partie du groupe des apôtres puisse d’une manière efficace faire du bien au nom de Jésus. Réponse de Jésus : « Ne l’en empêchez pas (…). Celui qui n’est pas contre nous est pour nous ».

La 1ère lecture contient une idée similaire : déjà dans le peuple hébreu, Moïse a envisagé positivement le fait que deux hommes ne faisant pas partie de ses proches collaborateurs soient, eux-aussi, remplis de l’esprit de Dieu.

L’Esprit Saint travaille dans le coeur de toute personne de bonne volonté

Autrement dit, l’Esprit souffle où il veut. Jésus pousse ses disciples à avoir cette humilité de reconnaître que d’autres gens – ou communautés – peuvent également faire du bien au nom de Jésus. Et que ces autres personnes – ou communautés – ne doivent en tout cas pas être envisagés ni comme des obstacles, ni comme un danger : « Celui qui n’est pas contre nous est pour nous ». L’Esprit Saint travaille dans le cœur de toute personne de bonne volonté.

Ce que dit le Seigneur Jésus dans cet évangile marque la réflexion de l’Eglise, par exemple quand l’abrégé du Catéchisme de l’Eglise catholique enseigne que « L’Eglise catholique reconnaît que ce qu’il y a de bon et de vrai dans les autres religions vient de Dieu. C’est un rayon de sa vérité » (Compedium CEC N° 170).

En un mot : Dieu, par son Esprit Saint, travaille le cœur de chaque personne de bonne volonté, chrétien ou non, membre de notre Eglise – ou communauté – ou non.

Des choix très nets

Par contre, dans notre évangile, le Christ est intransigeant quant à la complicité ou à l’adhésion au mal. Avec des expressions propres à sa culture et dans un langage symbolique, le Christ ne tergiverse pas avec le mal. Il s’indigne fortement et s’insurge que l’un des siens puisse entraîner une personne au mal – ou  lui faire du mal -, surtout s’il s’agit d’un innocent, de l’humble, de l’enfant. Le Christ met très sévèrement en garde contre cette possibilité-là, devenue trop souvent réalité.

Enfin, avec l’image symbolique de se séparer d’un membre du corps entraînant au mal, le Seigneur Jésus nous presse à nous séparer radicalement et à faire des choix très nets de séparation de ce qui peut nous pousser au mal.

En un mot : dans notre vie d’amis du Christ, il y a des choix radicaux à faire pour continuer à vivre en enfants de lumière.

Que le Christ, dans le don de la sainte Communion, nous donne à tous son Esprit de conseil et de discernement, afin d’être, à son exemple, tout à la fois conciliants dans la charité et intransigeant face au mal. Qu’Il nous donne de vivre toujours en enfants de lumière, en enfant du jour !

Amen.


26ème Dimanche du Temps ordinaire – Année B

Lectures bibliques : Nombres 11, 25 – 29 ; Psaume 18 (19) ; Jacques 5, 1 – 6 ; Marc 9, 38 … 48


 

Homélie du 23 septembre 2018 (Mc 9, 30-37)

Mgr Jean Scarcella – Abbaye de Saint-Maurice

Mes sœurs, mes frères,

Jésus, ce matin, met au milieu de nous un enfant. Et s’il le fait, comme il l’a fait de son vivant avec ses apôtres, c’est qu’il a quelque chose à nous dire, à nous transmettre. Dans toute la tradition biblique, l’enfant est considéré comme un don de Dieu. Ainsi la stérilité devient-elle une privation insupportable, alors que la postérité est signe de bénédiction divine. Un courant continu de tendresse court donc tout au long de la Bible envers les enfants. Ainsi l’enfant attire toute attention et fait l’objet d’une éducation soignée. Si celle-ci apparaît sévère dans l’Ancien Testament, le Nouveau, lui, s’applique à demander à l’enfant d’obéir à ses parents, en référence au 4e commandement de Dieu : « Honore ton père et ta mère » (Ex 20, 12).

L’enfant signifie l’humilité

L’enfant, cadeau de Dieu, porte en lui l’entier de Dieu en devenir pour son humanité ; et pourtant il reste fragile tant il a besoin de l’adulte pour croître et s’épanouir dans le juste chemin. C’est pourquoi Jésus place un enfant au milieu de ses disciples et l’embrasse. Un auteur explique « l’homme adulte, s’il veut accéder à la vraie grandeur, celle que Dieu mesure, doit atteindre dans son cœur et dans sa vie la petitesse, disons l’humilité, dont l’enfant, parce qu’il est petit physiquement, est l’image la plus accomplie » (Simon Légasse – L’enfant dans la Bible).

L’enfant n’est donc pas d’abord celui qui ne sait pas et qui a tout à apprendre, celui qui n’est pas accompli et qui doit croître et se développer ; ce que l’enfant signifie, aux yeux de Jésus, c’est l’humilité. Et l’humilité, contrairement à ce que l’on pourrait faussement croire n’est pas un abaissement, mais au contraire une exaltation de la personne. L’humilité ainsi imagée par l’enfant, prépare le croyant à comprendre que l’accès libre des enfants à Jésus manifeste le fait que le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemble.

Le plus grand : celui qui refuse toute forme d’orgueil

Et c’est dans ce contexte-là que Jésus fait une annonce de sa passion à ses disciples. Jésus, l’Enfant de Dieu, né humblement dans une pauvre étable, s’apprête à donner sa vie pour le monde dans un geste d’humilité extrême, et voici que les disciples – ne comprenant pas ses paroles – préfèrent s’interroger avec orgueil pour savoir qui était le plus grand d’entre eux ! C’était oublier que le plus grand est précisément le petit, celui qui est humble et qui refuse toute forme d’orgueil. Là est tout le sens des mots que Jésus a dits ailleurs dans l’Évangile : « Amen, je vous le dis : si vous ne changez pas pour devenir comme des enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. Mais celui qui se fera petit comme cet enfant, celui-là est le plus grand dans le royaume des cieux ». Ce sont les mots de Jésus que nous rapporte saint Matthieu (18, 3-4), avant qu’il ne dise, comme ce que nous avons entendu de Marc à l’instant , « Et celui qui accueille un enfant comme celui-ci en mon nom, il m’accueille, moi » (Mt 18, 5). Cette phrase est justement celle que Marc écrit en commentaire au geste de Jésus plaçant un enfant au milieu des disciples : « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé » (Mc 9, 37). Et dans ce même passage cité par Luc, l’évangéliste rajoute : « En effet, le plus petit d’entre vous tous, c’est celui-là qui est grand » (Lc 9, 48).

Oui, frères et sœurs, le plus grand est précisément le petit, et nous sommes là comme en plein paradoxe, qui, étrangement, peut paraître bien éclairant. L’enfant, disions-nous, porte en lui l’entier de Dieu, ce qui est nécessaire pour entrer dans le royaume des cieux, c’est-à-dire pour entrer en Dieu. Jésus, l’enfant de la crèche et Fils de Dieu, développe l’humilité jusqu’à l’extrême en donnant sa vie pour aller vers son Père et, ce faisant, nous ouvrir le chemin du ciel.

Le rêve idolâtre de l’homme

Les apôtres, cherchant à savoir qui est le plus grand, font le mouvement inverse ; au lieu de s’élever, ils s’enfoncent dans la boue de leur orgueil. On ne peut reconnaître Dieu comme le plus grand, frères et sœurs, si nous prenons sa place, ou si nous mettons quelque chose à sa place, ce qui s’appelle alors une idole ; ce serait alors quitter le mouvement de vie qui, de l’humble petitesse attire vers le haut, vers la promesse du salut, pour rejoindre l’immobilité de l’illusion, dans le rêve idolâtre qui enfonce l’homme dans la boue de son orgueil, et le prive du salut.
L’orgueil c’est de vouloir faire seul, guider sa vie comme si nous en étions les auteurs et qu’elle serait notre chose ; l’humilité c’est suivre le Christ, lui qui est notre vie, et la recevoir comme un don qui l’exalte. Nous l’avons chanté dans l’antienne d’ouverture de cette messe : « Je suis le Sauveur de mon peuple, dit le Seigneur, s’il crie vers moi dans les épreuves, je l’exauce ; je suis son Dieu pour toujours ».

Dieu ne fait rien sans nous

Oui, frères et sœurs, en Jésus, Dieu nous a sauvé et paradoxalement, continue de nous sauver, en nous donnant sa parole, nous guidant sur nos chemins, nous offrant son amour. Il nous donne sa Parole pour que nous l’utilisions, il nous guide pour que nous empruntions les bons chemins, il nous apprend à nous aimer les uns les autres.
Dieu ne fait rien en thaumaturge, et le salut ne répond pas à un coup de baguette magique ; en un mot Dieu ne fait rien sans nous, et c’est nous qui faisons avec lui. Et c’est pourquoi nous devons être humbles, tels que l’image de l’enfant définit l’humilité.
Pour y parvenir l’Écriture sainte aujourd’hui nous montre un certain nombre d’exemples en cohérence avec ce que nous venons de méditer. Le Livre de la Sagesse nous met en garde contre l’infidélité et la désobéissance à la loi de Dieu, qui sont une parfaite illustration de l’orgueil, à quoi l’auteur propose le remède qui assure dans l’humilité, à savoir la douceur et la patience.

De son côté, saint Jacques dans son épître, oppose la guerre, qui naît du désordre, d’actions malfaisantes, de convoitises, à la paix qui permet la justice, sous le regard de « la sagesse qui vient d’en haut », pure, pacifique, bienveillante, conciliante, pleine de miséricorde et « féconde en bons fruits, sans parti pris, sans hypocrisie ». Voilà de quoi avoir un antidote farouche pour préserver notre humilité. Cependant nous savons bien que notre péché est souvent plus fort que notre cœur, alors il faut demander. Et saint Jacques ne se prive pas de nous le rappeler : « Vous n’obtenez rien parce que vous ne demandez pas », à quoi fait écho ce que le Seigneur dit dans l’antienne d’ouverture de cette messe : « Je suis le Sauveur de mon peuple, s’il crie vers moi dans les épreuves, je l’exauce ».
Ainsi soit-il !


25e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE, année B

Lectures bibliques: Sagesse 2, 12,17-20; Psaume 53;  Jacques 3, 16-4,3;  Marc 9, 30-37