Homélie du 10 juin 2018 (Mc 3, 20-35)

Abbé Georges Bondo – Eglise Saints Germain et Randoald, Moutier

L’évangile de ce dixième dimanche du Temps ordinaire nous révèle Jésus aux prises avec les forces du mal qui aliènent, qui avilissent l’homme. C’est là, un aspect important de son ministère, exercé dans un contexte où la maladie physique ou psychologique était liée à la possession démoniaque.

A l’époque de Jésus, on croyait que l’homme était habité par un esprit qui pouvait être un souffle de vie, mais aussi, à certains moments, un esprit impur, un démon qui exerçait une emprise mortifère sur l’homme et le faisait souffrir.

Pour guérir la personne possédée, on faisait recours à des pratiques magiques accompagnées des paroles énigmatiques.

Dans l’évangile, Jésus est confronté, à plusieurs reprises, à des cas de possessions démoniaques. Dès le début de son ministère d’exorcisme et de guérison, Jésus faisait face à l’hostilité des scribes et des pharisiens.

La stratégie des pharisiens

Le jugement que les scribes portent sur l’action thérapeutique de Jésus est cinglant : « Il est possédé par Belzéboul ; c’est par le chef des démons qu’il expulse les démons ».

Le conflit portait précisément sur la stratégie à adopter dans le combat contre l’impureté.

Les pharisiens avaient une stratégie érigée en système qui consistait à éviter soigneusement tout contact avec ce qui est source de souillure.

Jésus affronte l’impureté

Jésus adopte une autre stratégie qui révèle sa puissance : Il va au contact des multiples sources d’impureté, incarnées par des figures connues, par exemple le lépreux (Mc 1, 40-45), la femme atteinte d’un flux de sang (Mc 5, 25-34), une légion de démons expulsés en terre païenne (5, 1-20).

La stratégie des pharisiens consistait à esquiver l’impureté. C’est qui est illusoire. Jésus, lui, affronte l’impureté dans son lieu propre pour la délester de sa force de nuisance, de destruction.

C’est le signe de sa puissance de libération de l’homme et donc du salut de celui-ci. En ce sens, Jésus est vainqueur du mal.

Le combat contre Satan

On trouve dans l’évangile de saint Luc (10, 18) une parole qui fait éclater le cri de la victoire sur les esprits du mal incarnés par la figure de Satan : « J’ai vu Satan tombé du ciel comme un éclair ».

Jésus expérimente, avant la Passion et la Résurrection, que le combat avec Satan, appelé aussi l’accusateur du genre humain est gagné.

Le jugement est désormais sans objet puisque Satan est vaincu. Il n’y a donc plus d’accusateur, et donc plus d’accusé.

Question : Mais comment entendre cette affirmation que le Christ a vaincu le mal alors que tout dans le monde nous rappelle que le mal y est bien présent ? Comment dire à des hommes et à des femmes en proie au mal radical que le Christ a définitivement vaincu le mal ?

Attendre dans l’espérance

Le « déjà-la » (la victoire sur le mal), le « déjà donné » (le salut) est suspendu à un « pas encore ».  Ce « pas encore », nous l’attendons dans l’espérance, comme le dit le regretté Adolphe Gesché.

Entre le « déjà-la » et le « pas encore », il y a le temps de l’histoire. L’homme inséré dans l’histoire est appelé à prendre sa part dans la lutte contre le mal.

Comment pouvons-nous être crédibles, dans notre annonce au monde, de l’espérance chrétienne si nous tournons le dos à ce combat contre le mal – le mal dont nous sommes à la fois victimes et acteurs ?

Se dispenser de cet impératif humain et spirituel de mener le combat contre les forces du mal qui qui détruisent l’humain et, ajouterai-je, la nature, serait une manière de tourner le dos à l’évangile.

Cela reviendrait à nier que les guérisons, opérées par Jésus, sont les signes annonciateurs de notre salut, c’est-à-dire de la vie éternelle.  Mais c’est quoi la vie éternelle que Dieu nous propose ?

 

Comme l’écrit Christelle Javary, dans son livre intitulé La Guérison : « Dieu nous propose mieux que la ‘vie perpétuelle’, cette vie qui n’en finirait pas de finir. Cela est une dérisoire cache misère de notre angoisse ». « La vie que Dieu nous offre et qu’il nous ouvre, c’est la vie éternelle ». C’est-à-dire la vie même de Dieu.

A toutes celles et à tous ceux qui souffrent dans leur chair et dans leur esprit et qui nous écoutent ce matin par les ondes, qu’ils soient sur un lit d’hôpital ou chez eux, j’aimerai pouvoir souffler à leur oreille, discrètement, respectueusement, cette parole – peut-être difficile à entendre : Oui, malgré les apparences, Jésus-Christ a vaincu le mal, définitivement.


10e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – Année B

Lectures bibliques : Genèse 3, 9-15; Psaume 129, 1-2, 3-4, 5-6ab, 7bc-8;  2 Corinthiens 4, 13 – 5, 1; Marc 3, 20-35


 

Homélie du 4 juin 2018 (Mc 2, 27 – 3,5)

Chanoine Alexandre Ineichen – Abbaye de Saint-Maurice, VS

Si l’Évangile était un programme politique, Jésus serait un leader, charismatique et écouté. En effet, les lectures que nous venons d’entendre le prouvent. « Sur la montage, Dieu donna ce commandement : » de respecter le sabbat, c’est-à-dire de travailler six jours, mais de se reposer le septième en ne faisant aucun ouvrage, « ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante et même, ni ton bœuf, ni ton âne » et aujourd’hui nous pourrions ajouter sans ta voiture, sans ton portable. C’est le sabbat, le repos du dernier jour de la semaine, le repos du samedi.

Le sabbat est fait pour l’homme

Cette obligation donnée par Dieu à Moïse au Sinaï doit donc être suivie dans toute sa rigueur et imposée par une législation sévère afin que tous se rappellent que Dieu libéra son peuple, esclave en Égypte. Ainsi les Pharisiens, ceux qui veulent honorer Dieu « de tout leur cœur, de toute leur âme et toute leur force » ne pouvaient qu’être scandalisés de l’attitude de Jésus. Mais, lui,« navré de l’endurcissement de leur cœur », promène sur eux un regard de colère et leur rappelle que « le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat. »

Le dimanche : temps de repos et de prière

Et nous chrétiens à sa suite, nous ne pratiquons plus ces préceptes et lorsque nous honorons notre Dieu, c’est lorsque nous célébrons l’eucharistie le premier jour de la semaine, c’est-à-dire, le dimanche, c’est lorsque nous proclamons le mystère de notre foi : mort et résurrection de Jésus et attente de sa venue. Jésus a donc réussi à transformer le sabbat du Sinaï en un autre temps de repos et de prière : le dimanche.

Aussi aujourd’hui, notre temps, celui de notre travail, de nos loisirs comme de notre vie spirituelle s’écoule, toujours et encore, rythmé par le repos dominical. Jetés dans le temps, nous ne pouvons pas ne pas inscrire toutes nos activités dans le temps et nous nous devons donc de donner, à intervalle régulier, un temps pour Dieu. C’est ce que nous faisons chaque dimanche.

Pourtant, à y regarder de plus près, nous constatons que Jésus n’a pas pu ou voulu imposer un temps spécifiquement chrétien. D’ailleurs, voyez les noms des jours de la semaine dont l’origine est, pour la plupart, un dieu païen : mercredi, Mercure, le dieu du commerce, vendredi, Venus, la déesse de l’amour. De même, pour la désignation des mois : janvier, Janus, le dieu du changement, mars, Mars, le dieu de la guerre. Ou alors, cette désignation n’est qu’un rappel, sans aucune connotation religieuse, de l’ordre imposé : septembre, octobre, novembre et décembre, sept, huit, neuf et dix. Nous pourrions alors croire que, par convention interchangeable, nous pouvons décider de marquer le temps comme nous le voulons. Il suffirait alors de vouloir un changement pour que celui-ci se fasse sans faute. Ainsi Jésus permit à ses disciples, chemin faisant, d’arracher des épis, activités interdites pendant le sabbat, comme le roi David l’avait fait au temps de sa fuite. Il est alors vrai que le rythme que nous donnons à notre temps dépend de notre volonté. C’est pourquoi nous continuons et continuerons à nommer les jours de la semaine et les mois de l’année comme nous le faisons.

Nous devons faire le bien

D’autre part, la seconde partie de l’Evangile, nous montre que Jésus va plus loin et plus profond. Là, il n’est pas question de conventions, de coutumes interchangeables, mais «de faire le bien ou de faire le mal, de sauver une vie, ou de tuer». Là, il n’est pas question de laisser à notre bon vouloir de prendre telle ou telle décision selon certaines conventions ou coutumes. Là, nous devons faire le bien. Le temps nous presse et nous y oblige. Ainsi Jésus guérit l’homme à la main paralysée. Chrétiens, nous devons célébrer notre foi et inscrire dans notre temps un temps pour Dieu. Le dimanche serait ainsi ce moyen de marquer chrétiennement notre vie, de nous rappeler que nous devons faire le bien, que le sabbat est fait pour l’homme et non pas l’homme pour le sabbat.

Un amour qui se déploie dans le temps

Ainsi, le Christ, dans l’Évangile que nous venons d’entendre, ne veut pas supprimer la loi de Moïse pour en imposer une autre – toute aussi arbitraire. C’est pourquoi il nous laisse le choix de nous organiser comme nous le voulons. Par contre, il rappelle à chacun d’entre nous que le but du sabbat, le but de la sanctification du dimanche, n’est pas de remplir un certain nombre de préceptes aussi bons soient-ils, mais de faire le bien, de répondre à notre vocation de chrétien, qui n’est que d’aimer de tout notre cœur, de toute notre âme et toute notre force Dieu et notre prochain. Cet amour n’est pas hors du temps. Cet amour ne peut, à cause de notre condition humaine que se déployer dans le temps. Voilà ce que l’Evangile de ce dimanche nous rappelle, à nous qui sommes toujours tentés comme les Pharisiens de réduire notre participation à la vie même de Dieu à une série d’obligations à remplir. Le Christ nous l’a non seulement enseigné, mais encore il l’a vécu en acte et en vérité. Son amour n’est pas feint, il rayonne l’amour de Dieu pour toute l’humanité.

En conclusion, laissez-moi reprendre les propos du tout début de mon intervention. Si le Christ n’est pas un leader, dans le sens de vouloir s’imposer par son éloquence, sa force ou sa naissance, si le Christ a montré par sa vie et sa mort le vrai visage de Dieu, alors l’Évangile n’est pas un programme politique, il est une parole de vie, de vie éternelle proposée à chacun d’entre nous, si nous le voulons bien. Alors, s’accompliront les paroles de saint Paul que nous avons entendues : «Nous, le vivants, nous sommes continuellement livrés à la mort à cause de Jésus afin que la vie de Jésus, elle aussi soit manifestée dans notre existence mortelle.»


9e dimanche du temps ordinaire – Année B