Evangile du dimanche: Une sacrée différence

Il y a bien des manières de classer les humains. Attention ! J’ai dit classer, et non pas juger, encore moins condamner.

L’évangile de ce dimanche met aux prises deux catégories de juifs, les contemporains de Jésus. Il y a les sadducéens, qui ne croient pas à la résurrection des morts, et les scribes pharisiens, qui y croient.

Et Jésus prend position: Dieu étant le Dieu des vivants (v. 38), celui qui donne la vie sans regretter son cadeau, les humains sont promis à la résurrection. Mieux encore: parce qu’ils sont enfants de ce Dieu-là, ils peuvent se considérer vraiment «fils et filles de la résurrection» (v. 36).

On pourrait en rester là, à savoir brasser sans fin cette querelle théologique fort théorique autour de l’après-mort. Et spéculer sur la condition des ressuscités dans le Royaume de Dieu. Pourront-ils se marier (v. 33) ? Seront-ils de vrais humains ou plutôt des anges (v. 36) ? On peut allonger la liste des questions de curiosité. Certains ne vont-ils pas jusqu’à se demander si l’on retrouvera là-haut Milou ou Minet ?

L’évènement décisif qui donne la réponse définitive a surgi le matin de Pâques. Là, tout s’est éclairé, du moins pour ceux qui veulent bien croire à cette bonne nouvelle. C’est plus qu’un message, mieux qu’une vague promesse de résurrection. C’est un ressuscité, en chair et en os, même s’il entre évidemment dans une condition nouvelle, propre au Royaume des cieux.

Je mesure l’étonnement qu’une telle présence –un mort qui est ressuscité- peut susciter, même parmi des humains plutôt religieux. Je peux comprendre que certains ne puissent pas faire le pas de la foi devant un fait aussi inimaginable. N’empêche que, si cela  est vrai, le buzz de la résurrection de Jésus provoque une sacrée différence entre les gens. Même si nous avons tous, peu ou prou, quelques velléités d’immortalité, croire que la mort a été vraiment vaincue et que nous sommes promis ferme à la résurrection: voilà qui change la donne de la destinée humaine. Pour l’après-mort, mais aussi pour cette vie.

Heureusement –grâce à Dieu !-, on peut mener une existence profondément humaine en n’ayant pour seule perspective que ce bas monde, si l’on ose parler ainsi. Mais quelle différence de vision, sur la vie et sur la mort, si l’on croit que nous sommes placés dès le départ sur orbite d’éternité ! La résurrection fait éclater notre temps limité à ces deux dates fatidiques, la naissance et la mort. Elle nous assure que nous sommes attendus par la Vie, et même par le Vivant, après la mort. Elle confère une dimension infinie aux péripéties de notre maigre aventure terrestre. Elle assure ceux et celles qui donnent la vie à des enfants, qu’ils ne multiplient pas des condamnés à mort, mais allument des étoiles dans le ciel, qui ne s’éteindront jamais.

Par nous-mêmes, nous ne pouvons pas donner chair à toutes nos espérances humaines, mais nous pouvons accueillir la promesse pascale en nous laissant aimer jusque là par l’Amour même: être des enfants de la résurrection, les compagnons du Ressuscité, qui vivront par lui.

Claude Ducarroz


Lc 20, 27-38

27 Quelques sadducéens – ceux qui soutiennent qu’il n’y a pas de résurrection – s’approchèrent de Jésus
28 et l’interrogèrent : « Maître, Moïse nous a prescrit : Si un homme a un frère qui meurt en laissant une épouse mais pas d’enfant, il doit épouser la veuve pour susciter une descendance à son frère.
29 Or, il y avait sept frères : le premier se maria et mourut sans enfant ;
30 de même le deuxième,
31 puis le troisième épousèrent la veuve, et ainsi tous les sept : ils moururent sans laisser d’enfants.
32 Finalement la femme mourut aussi.
33 Eh bien, à la résurrection, cette femme-là, duquel d’entre eux sera-t-elle l’épouse, puisque les sept l’ont eue pour épouse ? »
34 Jésus leur répondit : « Les enfants de ce monde prennent femme et mari.
35 Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari,
36 car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection.
37 Que les morts ressuscitent, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob.
38 Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Tous, en effet, vivent pour lui. »

Cours 5: Le bon Samaritain (Lc 10, 25-37) [en cours de développement]

Cours 5, vidéo, 18 mn.

La parabole du Bon Samaritain esquisse une réponse à la question essentielle du salut, posée par un Légiste: « Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle? » Jésus propose moins une recette qu’une invitation à la progression. Elle prend la forme d’un amour réel et concret pour le prochain.


Le texte: Lc 10, 25-37

25 Et voici qu’un légiste se leva et dit à Jésus pour le mettre à l’épreuve: «Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle?»
26 Celui-ci lui dit: «dans la Loi qu’a-t-il été écrit? comment lis-tu?»
27 Il lui répondit: «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée et ton prochain comme toi-même.»
28 Jésus lui dit alors:«tu as correctement répondu. Fais cela et tu vivras.»
29 Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus: « Et qui est mon prochain?»
30 Jésus reprit: «un homme (humain) descendait de Jérusalem à Jéricho, il tomba sur des bandits qui, l’ayant dépouillé et roué de coups, s’en allèrent, le laissant à moitié mort.
31 Fortuitement il se trouva qu’un prêtre descendait par ce chemin; l’ayant vu il passa outre.
32 De même aussi un lévite, arrivant à cet endroit, ayant vu il passa outre.
33 Mais un Samaritain qui était en route arriva près de lui, ayant vu il fut pris aux entrailles
34 et s’étant approché il pansa ses plaies en y versant de l’huile et du vin, l’ayant placé sur sa propre monture, le conduisit à une auberge et prit soin de lui.
35 Le lendemain, tirant deux deniers il les donna à l’aubergiste et lui dit: «prends soin de lui et ce que tu pourrais dépenser en plus moi, sur le chemin du retour, je te le rembourserai.»
36 Lequel de ces trois, à ton avis, est devenu le prochain de celui qui était tombé sur les bandits?»
37 Il répondit: «C’est celui qui a fait la miséricorde à son égard.» Jésus lui dit: «Va et, toi aussi, fais de même.»


Annexes:

– Marthe et Marie (Lc 10, 38-42)
– Bibliographie à propos des paraboles
Illustrations et légendes du cours 5


Vous pouvez poster ici vos réactions ou vos questions concernant le cours. La rédaction de cath.ch en publiera quelques-unes auxquelles Marie-Christine Varone donnera suite.

Homélie TV du 30 octobre 2016 (Mt 7, 12-14)

Église Saint-Léger, Schönenwerd (SO) – Adrian Suter, curé

 

Chers paroissiennes et paroissiens, chers téléspectatrices et téléspectateurs,

La vie pourrait être tellement simple !

« Ne projette pas de faire du mal à ton ami alors qu’il vit près de toi avec confiance ».

Ou : « Chaque fois que tu en as la possibilité, n’hésite pas à faire du bien à ceux qui en ont besoin. ». Le sage semble avoir formulé des évidences. Ces proverbes emportent immédiatement l’adhésion : pas besoin de maîtres, de prophètes ni même de la Bible pour nous les révéler, puisque nous savons intuitivement qu’ils disent vrai. « Ne te querelle pas sans motif avec quelqu’un qui ne t’a rien fait » : nul besoin de considérer la Bible comme l’Écriture Sainte ou de croire en Dieu pour souscrire à une telle affirmation. Tout simplement parce que nous ne sommes pas des monstres, des non-humains : nous sommes des humains, des êtres doués d’humanité.

Et pourtant, il y a loin entre dire que ces paroles de sagesse sont faciles à comprendre et parvenir à les mettre en pratique ! Nous ne refusons que trop souvent de faire du bien à celui ou à celle qui en a besoin. Il est bien plus facile de ne penser qu’à soi-même, de refuser de prêter assistance à notre prochain, de l’exploiter, alors qu’il ne demande qu’à vivre près de nous avec confiance. Et pour évoquer cette voie facile, cette manière de n’avoir aucun égard pour les autres, les formules doucereuses ne manquent pas : « En tout cas, ce n’est pas moi qui aurais été épargné », « J’ai bien assez à faire avec mes propres problèmes pour encore aller m’occuper de ceux des autres ».

Une porte qui mène à la perte de soi

Chers frères et sœurs, ces phrases-là sont gravées sur la porte large. Et cette porte-là, dans le langage imagé de l’Évangile, c’est la porte qui mène à la perte de soi. Une société où l’intérêt personnel constitue le but ultime est une société vouée à l’implosion.

Appelés à passer par la porte étroite

Jésus-Christ nous appelle à passer par la porte étroite. Une porte sur laquelle sont gravés les mots « humanité », « serviabilité », « solidarité », « honnêteté ». Des qualités dont il ne suffit pas de penser qu’elles sont bonnes, mais qu’il faut mettre en pratique jour après jour. Ne succombons pas à la tentation de la voie de la facilité qui consiste à ne penser qu’à soi et rien qu’à soi-même ! Choisissons plutôt la voie de la difficulté qui consiste à agir humainement à l’égard des autres.

Les paroles de Jésus au sujet de la porte large et de la porte étroite ont bien souvent été utilisées à mauvais escient. Soit pour faire peur : malheur à toi si tu passes par la porte large, elle ouvre la voie de la perdition. Soit pour s’auto-congratuler, se lancer des fleurs : nous sommes quand même un peu au-dessus du lot, nous qui empruntons le chemin étroit et qui ne sommes pas passés par la porte large comme le gros du troupeau ! Des propos qui débouchent sur la conclusion la plus arrogante qui soit : c’est nous que Dieu sauvera, tous les autres courent à leur perte.

Un message qui nous engage

Dans les paroles de Jésus, il n’y a trace ni d’arrogance ni de menace. Ce sont des paroles messagères de joie et non pas d’intimidation ; des paroles valables universellement et non pas réservées à une élite, à un petit groupe de super-croyants. Mais alors, qu’a voulu dire Jésus en parlant de porte étroite et de porte large ? Simplement que Sa parole n’a rien d’anodin. Que Son message nous sort de notre zone de confort et nous engage. Une « bonne nouvelle », ce n’est pas « anodin », ce n’est pas « doucereux ».

Avec son message, Jésus nous envoie sur le chemin difficile, celui qui passe par la porte étroite. Loin de chercher à nous décourager, Il veut nous donner toute la force nécessaire pour marcher sur le chemin de l’humanisation de nos relations. Et Il nous promet son aide : Prends le chemin qui passe par la porte étroite car tu en es capable ! C’est cela, la Bonne Nouvelle !


Lectures bibliques : Proverbes 3, 27-32; Matthieu 7, 12-14


 

Homélie du 30 octobre 2016 (Lc 19, 1-10)

Abbé Marc Donzé – Basilique Notre-Dame, Lausanne

Dans les tranchées, pendant la guerre, la nourriture était pour le moins sommaire. Et elle était servie brutalement, sans égards. Il arrivait que des soldats protestent. Un officier, personnage des « Mains sales » de Jean-Paul Sartre, dit à l’un de ces soldats : « Tu voulais ta bouffe et un petit quelque chose de plus ». Le petit quelque chose de plus, c’était le respect : respect de la dignité du soldat qui n’est pas une chair à canon, mais une personne humaine ; et aussi respect de la nourriture, qui n’est pas de la boue, mais du pain, fruit du travail des hommes.

Aimer, dans un grand respect

Le respect, qui est un aspect basique et premier de l’amour, devrait être essentiel en toute chose. Et quand il est présent, il se sent. Si vous pensez à un cuisinier, une cuisinière qui aiment leur tâche, ils vont respecter les produits. Ils vont les agencer avec subtilité, avec feu, avec goût. L’assiette sera belle. Et ils vont aussi respecter leurs hôtes au travers de la qualité du service. Tout cela va se sentir et contribuera à la qualité du repas et à sa joie.

Aimer son travail, aimer les choses de la terre, aimer les personnes dans un grand respect, voilà une belle attitude humaine.

Et Dieu ferait-il moins bien ? Mais il ne peut pas être moins bon que ce qu’il y a de meilleur en l’homme. Alors…

« Seigneur, tu aimes tout ce qui existe »

Alors écoutons à nouveau ce que dit le Livre de la Sagesse, dans des lignes que je trouve merveilleuses : « Seigneur, tu aimes tout ce qui existe, tu n’as de répulsion envers aucune de tes œuvres ; si tu avais haï quoi que ce soit, tu ne l’aurais pas créé. Comment aurait-il subsisté, si tu ne l’avais pas voulu ? Comment serait-il resté vivant, si tu ne l’avais pas appelé ? En fait, tu épargnes tous les êtres, parce qu’ils sont à toi, Maître qui aime les vivants, toi dont le souffle impérissable les aime tous. »

Autrement dit, le Seigneur a du respect pour tout ce qu’il a créé, les choses comme les personnes. Et non seulement du respect, mais de l’amour (le mot revient deux fois). Normal, me direz-vous, puisque Dieu est Amour.

En chaque chose il y a une trace de l’esprit

Est-ce que ça se sent, comme dans la cuisine d’un bon cuisinier, si vous me passez la comparaison ? Ici, j’ai pensé à ce qu’a écrit le Père Teilhard de Chardin, ce grand savant et philosophe jésuite. En chaque chose, au-delà au-dedans de la matière, il y a une trace déjà de l’esprit. Et plus les êtres sont complexes, plus la capacité d’esprit augmente. Plus subtil est le corbeau que la mouche. Et infiniment plus subtil encore l’homme.

Je pense, dans la même veine, qu’en chaque chose, au-delà au-dedans de la matière et de l’esprit, il y a une trace déjà de l’amour. Et plus les êtres sont évolués, plus la capacité de porter trace de l’amour augmente. Et chez l’homme enfin, l’amour peut s’épanouir, avec son corollaire : la liberté.

L’univers parle de l’amour de Dieu

Ce n’est pas forcément facile à sentir. Mais, pour un philosophe comme Maurice Zundel, le but même de la connaissance de l’univers, dans sa subtilité très ordonnée, c’est de découvrir la confidence d’un amour. Qu’est-ce que cet univers, créé par l’amour de Dieu, a à me dire ? Avec splendeur comme dans les aurores boréales ; avec humour comme chez l’ornithorynque ou le babouin. Et parfois, hélas avec tragédie, parce que l’homme n’a pas respecté le rythme des choses, est allé s’installer dans des endroits où il ne fallait pas ou a saccagé la terre en la surexploitant.

Mais il se peut que l’univers, en filigrane, parle à l’homme de l’amour de Dieu.

Au sein de cet univers, l’homme est créé par amour. C’est notre foi. Quand on prend le temps de contempler l’incroyable subtilité du corps de l’homme, et plus encore les aptitudes inouïes de son esprit, et plus encore sa capacité d’aimer, de créer des liens, de faire vibrer la joie, on ne peut qu’être émerveillé. Et redire : « Seigneur, tu aimes tous les vivants, toi dont le souffle impérissable les anime tous ».

Magnifique. Mais voilà, il arrive que l’homme, si capable d’amour, tombe dans l’irrespect des choses et des personnes. Et provoque des catastrophes. Que fait Dieu alors ?

Dieu veut nous relever

Je reprends les paroles du Livre de la Sagesse : « Ceux qui tombent, tu les reprends peu à peu, tu les avertis. » Et un peu plus haut : « Seigneur, tu as miséricorde pour tous les hommes, parce que tu peux tout. » Mine de rien, quelle phrase géniale : la toute-puissance de Dieu, ce n’est pas seulement la création ; c’est plus encore la miséricorde : remettre debout celui qui est tombé, s’il veut bien. Nous avons affaire à un Dieu qui veut nous relever, dans quelque abîme que nous soyons tombé. C’est le cœur de ma foi ; de la vôtre aussi, je l’espère. En tout cas, c‘est le cœur de la foi du pape François qui met la miséricorde au centre de la vie de l’Eglise. Et pas seulement pour cette année, mais pour toujours, je l’espère.

Sur qui portons-nous un regard d’amour ?

Travaux pratiques, car il faut vivre cette foi. Jésus montre le chemin. Il porte sur Zachée un regard d’amour, même si ce dernier s’est enrichi comme collecteur d’impôts. Plus encore, il lui rend visite. Car, dit l’Evangile, « le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu ». Ce que Dieu est : créateur par amour et tout-puissant par miséricorde, Jésus le fait. Zachée s’en trouve relevé, transformé ; il devient honnête, généreux, aimant.

Eh bien, nous aussi, si nous avons vraiment foi en ce Dieu qui est amour et miséricorde, nous pouvons nous demander sur qui nous portons un regard d’amour (en particulier sur quelle personne qui n’est pas forcément aimable au premier abord), et qui nous allons visiter, et à qui nous tendons la main, pour qu’il puisse se relever. Et j’espère que la réponse à la demande n’est pas une case vide, ou, si elle l’est, qu’elle ne le restera pas longtemps.

Car il dépend aussi de nous que le respect envers les personnes et les choses en ce monde soit en croissance. Au nom de l’amour créateur et de la miséricorde toute-puissante.


31e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

Lectures bibliques : Sagesse 11, 23 – 12, 2 ; Psaume 144 : 2 Thessaloniciens 1, 11 – 2, 2 ; Luc 19, 1-10