Homélie du 29 novembre 2020 (Mc 13, 33-37)

Abbé Marc Donzé – Collégiale Saint-Laurent, Estavayer-le-Lac

Veillez ! Restez éveillés ! Veillez en hommes et femmes debout ! Veillez en hommes et femmes qui agissent, quand c’est nécessaire. C’est le message de l’Evangile en ce premier dimanche de l’Avent.

En ce temps de pandémie, il y a largement de quoi trouver des motifs nouveaux et importants pour veiller. Dans les discours, tellement nombreux, que l’on nous donne à entendre, deux préoccupations prennent l’essentiel de la place.

La santé et l’économie

La santé d’abord. Il s’agit de veiller sur la santé de chaque personne de façon responsable et solidaire. Avec une attention particulière pour le personnel des hôpitaux et des EMS, le personnel de la vente, sans oublier les plus démunis. Nous pouvons y contribuer, chacun pour notre part.

Et puis l’économie. Le souci est grand de la voir fonctionner. C’est légitime, mais se pose-t-on suffisamment de questions sur le but et la manière de ce fonctionnement. Par exemple, on nous demande d’éviter les cohues dans les magasins et, en même temps, on a assisté à une incroyable promotion du Noir Vendredi, comme on dit en bon anglais. Ce n’est pas très logique, assurément !

Et puis, le but fondamental de l’économie devrait être de procurer à chaque personne sur cette planète les moyens de vivre de façon humanisée. Mais en va-t-il ainsi quand d’aucuns s’enrichissent immensément et que les grandes banques décident tranquillement de distribuer des dividendes à leurs actionnaires ? En va-t-il ainsi quand on épuise des terres et qu’on exploite des enfants ? N’a-t-on pas le droit, le devoir même, de poser des questions graves devant certaines pratiques, dont le respect n’est pas le premier mot ?

Mais il y a d’autres motifs de veille que la santé et l’économie. Et j’aimerais qu’un peu plus de place leur soit donnée. Je vais en évoquer trois.

La question de la mort et donc de la vie

D’abord, la pandémie nous met face à la question de la mort. Mais c’est souvent une question mal posée. La vraie question, c’est celle de la vie, du sens de la vie, de l’intensité de la vie, du maintenant de la vie. C’est aujourd’hui qu’il faut vivre avec du sens et de l’intensité, autant que l’on peut. C’est aujourd’hui qu’il faut vivre avec solidarité, fraternité, amour, autant que l’on peut. Alors, au cœur de cette vie, on commence à ressentir – et ce n’est pas une théorie – que la vie est plus que la vie, comme dirait Pascal, et que la mort est un passage vers une lumière plus grande. N’avons-nous pas une parole, un témoignage même, à exprimer sur cette question de la mort, et donc de la vie plus que la vie ?

Appel à une solidarité universelle

Deuxième motif de veille : la solidarité planétaire. La pandémie touche la planète entière, et c’est la première fois dans l’histoire qu’un fléau est réellement planétaire (même les guerres dites mondiales n’ont pas atteint toutes les régions du globe). Le coronavirus manifeste donc en creux l’interdépendance de tous sur cette terre. Ce lien universel devrait engendrer le respect pour tous et donc une solidarité planétaire où tous, riches et pauvres, devraient avoir accès au nécessaire pour la vie quotidienne et la santé. Mais cette solidarité est tout sauf évidente. Souvent, des hommes politiques disent : nous d’abord et les autres ensuite, et ceci même si des voix s’élèvent pour clamer que, dans tous les pays, les personnes ont droit au respect des droits les plus élémentaires. L’Eglise, répandue sur toute la planète, ne doit-elle pas dire et redire l’appel à cette solidarité universelle ?

Être inventifs pour communiquer

Encore un autre motif de veille. Comment vivre les relations ? Je pense en particulier aux grands-parents qui ne peuvent pas voir leurs petits-enfants, ou aux malades que l’on ne peut pas visiter, ou aux mourants que l’on ne peut pas accompagner.

Pour esquisser une réponse à cette veille, je vais vous raconter une brève histoire. Une histoire exceptionnelle, mais tout à fait vraie. Il s’agit de Khalil Gibran, sage et poète libanais, auteur d’un livre très célèbre : Le Prophète. Gibran, à cause des aléas de l’histoire, était exilé aux Etats-Unis. Il avait une correspondance amoureuse, tendre et passionnée avec une poétesse, qui habitait Le Caire et qui s’appelait May Ziadah. C’était un grand amour, mais ils ne se sont jamais vus. Jamais ! Un grand amour qui leur donnait de la joie, de l’énergie, de l’inspiration. Un si grand amour qu’ils sont restés fidèles l’un à l’autre, dans la distance. Inouï, mais vrai. Cette histoire montre que l’amour peut communiquer son énergie et sa beauté même à travers les océans, même dans l’invisible.

Nous pouvons nous aussi en faire l’expérience. Le dessin d’un enfant, envoyé avec un soleil et un cœur à ses grands-parents, c’est une transmission d’affection, bien réelle. Le signe fait à un malade, même depuis très loin, s’il est rempli de compassion, devient une source d’espérance…

Bref, dans la relation, ce qui est invisible est encore plus essentiel que le visible. Bon, je sais que nous sommes des êtres de chair et de sang et que nous avons besoin de contacts ; je le sens moi aussi. Mais néanmoins, l’essentiel est invisible, disait déjà le Petit Prince.

Alors, si les obstacles qui sont mis aux relations sont difficiles à vivre, qu’ils ne nous empêchent pas d’être inventifs pour communiquer à travers l’espace avec toute l’énergie d’amour que nous avons ; et d’inventer des signes qui en témoignent.

La prière : une vraie communication

Surprise : cette situation nous apprend quelque chose sur la prière. Si je prie pour quelqu’un, l’énergie de ma prière va aller par le cœur de Dieu jusque vers cette personne pour qui je prie. Mais à condition bien sûr que ma prière ne soit pas seulement des mots rituels, mais que j’y mette l’élan, la lumière, la tendresse qui me porte. C’est une vraie communication, invisible certes, mais que Dieu purifie, amplifie, colorie selon la sagesse de son Amour ; une communication qui va doucement frapper au cœur de l’autre qui l’accueille selon sa liberté. La prière : relation invisible, mais réelle. Comme me le disait l’autre jour une dame : j’ai une amie, au bord de la mer Baltique, qui prie pour moi, et je sens tellement fort que cela m’aide. Crédule, cette dame ? Pas du tout, c’est une expérience réelle.

Alors prions avec énergie. Et veillons, en particulier aux valeurs les plus universelles et les plus profondes. Pendant l’Avent… et aussi le reste de l’année. Amen

Premier dimanche de l’Avent – année B
Lectures bibliques : Isaïe 63, 16b-17.19b ; 64, 2b-7; Psaume 79 (80), 2ac.3bc, 15-16a, 18-19; 1 Corinthiens 1, 3-9; Marc 13, 33-37

Homélie du 22 novembre 2020 (Mt 25, 31-46)

Chanoine Jean-Jacques Martin – Eglise Sts-Pierre-et-Paul, Marly, FR

Nous venons d’entendre un passage de l’évangile absolument extraordinaire ! Nous assistons à une scène grandiose. Le Seigneur viendra dans sa gloire avec une escorte impressionnante d’anges.
Je m’attendais à entendre proclamer solennellement : « le premier prix d’excellence est accordé au pape François, à l’abbé Pierre, à sainte Marguerite Bays ».
Ou bien, au contraire : « seront jetés dans les cachots éternels les poseurs de bombes, les vendeurs de cocaïne ou le voisin de palier qui fait hurler sa télévision tous les soirs ! » Mais il n’est pas question de cela.

La lutte pour la vie

Qu’est-ce qui est en question ce jour-là ?

La faim de l’autre, sa soif et sa nudité.
L’autre en prison, à l’hôpital ou étranger.
Bref, tout ce qui est question de vie ou de mort.
Enjeux de première nécessité, besoins urgents avec lesquels on ne peut pas tricher sans, du même coup, condamner l’homme à la mort.

La faim, la soif, la nudité, la prison, l’étranger, l’hôpital : ce ne sont pas des produits de consommation, ce sont des points limites, des points de ruptures.
C’est le combat et c’est la lutte pour la vie.

Du côté du front, il y a l’homme et sa dignité, de l’autre, si on franchit certaines frontières, c’est le mépris, l’esclavage, la honte, l’homme humilié.

Vous aurez remarqué au passage comme tous les témoins interrogés n’ont rien vu, ils ne savaient pas : « Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu ? »
Ils ne savaient même pas qu’ils étaient brebis ou chèvres, ils viennent de le découvrir.

Jugés sur les actes

Et nous ?

Nous ne savons pas toujours non plus que Jésus était en question en chaque homme, dans chaque relation. Nous ne l’avons pas toujours reconnu !

Et pourtant, ce n’est pas là-dessus que nous serons jugés. On n’est pas jugés sur ses idées, sur ses connaissances, sur son savoir, sur son image de marque ou sur son look.
Ce jugement n’est pas un procès d’intention, ce n’est pas un tribunal idéologique ou théologique !

On n’est pas jugé sur ce que l’on pense, mais sur ses actes.
Saint Jean a écrit dans sa première lettre : « mes enfants, nous devons aimer, non pas avec des paroles et des discours, mais par des actes et en vérité ».
Les bonnes intentions ne suffisent plus du tout.

Oui, nous serons jugés sur nos actes ! La seule condition posée pour être reconnus parmi les brebis du Seigneur, ce n’est justement pas de dire « Seigneur, Seigneur », mais de témoigner d’une charité active là où nous vivons. N’oublions jamais que le Christ s’attache tellement à chacune et chacun d’entre nous qu’il est le premier touché quand une vie humaine est aimée ou abimée. Le pape François dans son exhortation apostolique « la joie de l’évangile » nous demande d’ « ôter nos sandales devant la terre sacrée de l’autre ». C’est pourquoi Jésus nous invite instamment à accueillir notre prochain comme s’il s’agissait de lui-même !

Les mains, les yeux, le cœur….

Et la liste pour accueillir notre prochain que donne aujourd’hui Jésus n’est pas limitative, n’est de loin pas exhaustive :

  • mon enfant pleurait la nuit et je me suis levé pour le consoler : c’était Jésus !
  • mon copain de classe s’est fait tabasser, je l’ai aidé à se relever sous le regard méprisant des autres : c’était Jésus
  • un jeune a eu un accident de voiture dû à l’alcool, j’ai été le saluer à l’hôpital : c’était Jésus !
  • des personnes âgées sont affaiblies par le coronavirus : je leur ai rendu le service qu’ils souhaitaient : c’était Jésus

A vous, chers amis, de continuer, par votre manière d’agir et d’être, là où vous vivez, cette liste !
Oui, en tant que baptisés, notre responsabilité à l’égard des exclus n’est pas une option. Elle fait partie de notre identité.
Nous sommes les mains, les yeux, le cœur, l’intelligence avec lesquels Jésus ressuscité lutte pour la justice et touche le cœur de tous ces petits qui sont mes frères.
Alors je ne peux plus faire du sur-place. Essayons de mettre Dieu dans notre vie et que nous ne soyons plus jamais tranquilles parce qu’il y a tant à faire pour les plus petits, pour Jésus.

C’est vraiment merveilleux ce chemin de vie qui nous est rappelé aujourd’hui.
AMEN !

Fête du Christ Roi de l’Univers
Lectures bibliques : Ézéchiel 34, 11-12.15-17; Psaume 22, 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6; 1 Corinthiens 15, 20-26.28; Matthieu 25, 31-46