La place des femmes dans l'Église ? "Il faut y réfléchir beaucoup !" lance Camille Vianin | © Bernard Hallet
Dossier

Camille Vianin: «Je veux faire connaître les beautés de l’Eglise»

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Camille Vianin, à 28 ans, est solidement ancrée dans sa paroisse de Sainte-Croix, à Sierre (VS). Elle anime la messe dominicale avec un groupe. Une occasion pour elle d’inviter des jeunes pour venir chanter. Un bon moyen de partager sa foi, et «une porte ouverte sur l’Eglise» pour en faire connaître les beautés.

Par Bernard Hallet

De retour des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) de Cracovie, en 2016, Camille Vianin monte un groupe pour animer la messe dominicale, «et porter la joie lors des célébrations parfois un peu tristes», dans sa paroisse de Sainte-Croix, à Sierre. Elle rameute tous les musiciens qu’elle croise.

«Piano, violon, trombone, saxophone, flûte traversière et batterie,… je me demandais ce que ça allait donner.» Mais la sauce prend.  Le groupe, baptisé «Top louanges» se lance et anime la célébration une fois par mois. Sur cette base fixe, elle propose à tous les volontaires de venir chanter.

«La musique est une belle porte d’entrée dans l’Eglise… et qui ne fait pas peur!», s’enthousiasme la jeune femme. Le but n’était pas simplement de monter une chorale mais de vivre la messe en chantant. Et de partager sa foi avec les autres. Dernièrement, elle a repéré deux jeunes qu’elle ne souvenait pas avoir déjà vus à la messe. «J’ai filé les alpaguer à la sortie pour leur proposer de nous rejoindre».

A entendre la pétillante jeune femme raconter sa paroisse, sa foi, son parcours de vie déjà dense à 28 ans, on imagine qu’elle n’a pas eu beaucoup de mal à les convaincre de la suivre. «Cela dit, je ne force jamais la main». Ce groupe avec lequel elle anime la messe demeure un ancrage solide dans sa foi et un équilibre dans une vie tournée vers l’international. «Ici, c’est ma paroisse», affirme celle qui travaille actuellement comme assistante de recherche pour la mission permanente de Thaïlande à Genève.

Une famille croyante et engagée

Camille grandit à Sierre dans une famille où l’on est avant tout croyant et engagé. Sa maman seconde les prêtres de la paroisse en exerçant un ministère d’écoute. Ce qui explique la fibre sociale dont se double son engagement en Eglise. Elle suit volontiers son papa à la messe. «J’y allais d’autant plus volontiers que je n’y étais pas forcée». Contrairement à nombre de jeunes engagés en Eglise, la jeune Sierroise n’est pas servante de messe mais écrit ponctuellement dans le bulletin paroissial dont son papa est responsable.

Passée sa scolarité, elle prend le large et, de 19 à 22 ans, va étudier les sciences sociales et politiques à l’Université de Lausanne durant deux ans. Une troisième année «Erasmus» complète le cursus à Dublin, en Irlande. Son attrait pour la politique et le social ouvre une parenthèse de sept ans en politique: à 19 ans, elle a été l’une des plus jeunes élues au Conseil général de Sierre. A l’issue de son bachelor, Camille passe un mois en Inde avec l’association Points-Cœur à aider les plus pauvres.

«La religion a sa place partout dans ma vie, y compris dans mes études» ; Admise à 22 ans en master en affaires internationales à l’Institut de hautes études internationales et du développement de Genève, elle passe un semestre au Japon et en ramène un mémoire sur la place de la religion dans le domaine social et la sphère politique au Japon – avec l’étude d’une secte bouddhiste. Son premier job se situe dans la droite ligne de sa résolution: au service de la communication du Conseil œcuménique des Eglises (COE), à Genève, où elle a notamment l’occasion de préparer et d’organiser la rencontre avec le pape François. Travail et religion, là encore. En parallèle, elle représente Point-Cœur à l’ONU.

La jeune femme, qui ne fait pas ses 28 ans, se raconte, avec vivacité. Malgré la distance imposée par le covid, l’énergie qu’elle dégage est palpable et contraste avec son allure frêle qu’accentue un cardigan noir posé sur une tenue sombre. Tout juste parvient-elle à ralentir le rythme lorsqu’elle aborde un premier «déclic» dans sa vie de foi.

Dans la communauté Points-Coeur

Durant ses études à Genève, elle loge dans la communauté Points-Cœur. La ville, cosmopolite, lui apprend à dépasser les «catégories» dans lesquelles elle dit avoir eu tendance à classer les gens. «J’y ai croisé, des gens de toute condition ; des diplomates comme des personnes d’origine très modeste. J’ai découvert la simplicité et l’accueil». Et elle y noué de belles amitiés. Tous les mardis, lecture et discussion sur la Bible en alternance avec l’office des vêpres, renforcent sa foi dans la communauté. Et elle a l’occasion de rencontrer de nombreuses personnes grâce au picnic canadien qui suit. «Ca, c’est l’Eglise».

A l’instar des deux jeunes interpellés à la sortie de la messe, «j’invite souvent les jeunes et j’aime partager simplement. A la paroisse Sainte-Croix, le repas qui suit la messe est une excellente occasion de rencontrer les gens et de leur faire connaître toutes les beautés de l’Eglise. «C’est une autre porte d’entrée».

Rediscuter le rôle des femmes en Eglise

«C’est ce que je voulais aborder!», lance Camille en réponse à la question de la place des femmes en Eglise. «Il faut y réfléchir beaucoup. Demain l’Eglise ne se fera pas sans les femmes». Elle évoque d’emblée la nomination de Nathalie Becquart comme sous-secrétaire au synode. «Le pape François est prophétique! C’est un tout petit pas. Une femme peut voter lors d’un synode… un pouvoir relatif», certes, mais on est dans la bonne direction, estime la jeune femme. Il faut que l’on rediscute les taches et les rôles des femmes, aussi bien dans les grandes instances qu’en paroisse.

Sierre le 11 février 2021. Camille Vianin à la paroisse Sainte-Croix | © Bernard Hallet

«On ne leur permet pas de développer toutes leurs ressources pour l’Eglise. C’est dommage! J’ai vu des femmes lorsque j’ai étudié la théologie à Fribourg – en parallèle de son travail au COE. Comment peuvent-elles déployer cinq ans de théologie, ne serait-ce qu’en paroisse, puisque les opportunités sont si restreintes après la formation?» Elle reconnaît que les choses bougent, «mais si lentement!».

Mais la vision que l’Eglise catholique véhicule encore sur le rôle de la femme, plutôt au foyer à élever les enfants, freine le processus. Ce rôle est, selon elle, très valorisé par l’institution. «Ce n’est pas frontal mais je le ressens». Le regard de la société aussi est parfois pesant ; Avec une foi plus profonde que la moyenne, elle pense qu’elle peut vite passer du statut de croyante à celui de ‘grenouille de bénitier’. Alors qu’un garçon aussi pratiquant sera plutôt encensé: «Avec tout ce qu’il fait, il prend en plus le temps de venir à la messe, wahou!». Camille reste lucide: les femmes diacres, ce n’est même pas dans 20 ans.

La question de l’ordination des femmes la taraude, mais elle se réserve. «Je veux d’abord étudier la question. C’est sur ma liste!». Elle relève toutefois que le Christ, Dieu incarné sur terre, est un homme. «Bien sûr, cette incarnation est universelle, Jésus est venu pour toute l’humanité. Mais le prêtre est in persona christi». Peu de chances pour la femme donc?

Optimiste malgré tout

La question des scandales qui secouent l’Eglise la consternent. «Mais il faut faire avec l’institution, si imparfaite soit-elle. Je sépare clairement ma foi de l’institution. Si je n’ai pas l’institution, je ne peux pas pratiquer ma foi». Garder un regard critique est nécessaire pour améliorer l’Eglise. «Bon… elle est portée par les hommes, il y aura toujours à améliorer», lâche-t-elle, goguenarde.

Malgré tout, elle reste optimiste, ne serait-ce qu’à la perspective de l’ordination sacerdotale de deux frères dans le diocèse de Sion, en juin prochain. «A voir ces deux jeunes, ça me donne de la joie et de l’espérance». Elle compte bien continuer à aller chercher les gens pour leur faire connaître les beautés souvent occultées par les désastres de l’Eglise. «Ces beautés, il faut les mettre en avant!» (cath.ch/bh)

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